• 316. Question bête (surtout de la part d’un médecin)Dans quelques jours nous atteindrons le mois de confinement. La période d’incubation du covid-19 serait au maximum de 14 jours, et si l’on estime qu’il faut environ 8 jours pour que les signes de la maladie se développent une fois son apparition, le temps de confinement acquis dépasse le temps d'incubation + l’installation de la maladie. Donc la question bête à laquelle les infectiologues et épidémiologistes ont peut-être déjà répondu, réponse qui m’a échappé : pourquoi le flux des hospitalisés (nous ne connaissons pas le nombre de contaminés, mais celui des hospitalisés en est probablement le reflet) continue à croître (même si cette croissance ne s’accélère pas) ? Une enquête a-t-elle pu être faite pour savoir comment ces nouveaux cas se sont contaminés ?

    On peut émettre quelques hypothèses :

    - confinement et distanciation sociale non respectés, ce qui ferait beaucoup de rebelles

    - contamination par des personnes contaminées mais non hospitalisées et renvoyées à leur domicile.

    - contamination liée au confinement lui-même en créant un contact intime entre des contaminés asymptomatiques (notamment les enfants) et ceux sensibles à la maladie.

    - contamination touchant les personnes ayant continué à travailler notamment pour nous soigner et assurer nos besoins.

    - mode de contamination X : air ou surfaces inertes (courrier par ex.)

    Je suppose que cette question a été soulevée, mais à ma connaissance, il est simplement constaté que la contamination s’accroit malgré plus de trois semaines de confinement, que ce fameux pic ou plateau n’est toujours pas là, mais je n’ai vu personne s’en étonner.

    J’ignore si une enquête a été faite pour déterminer le profil sociologique des hospitalisés contaminés pendant le confinement passé la période d’incubation. Une enquête qui aurait peut-être permis de mettre en évidence, à côté des avantages, les faiblesses de la stratégie de confinement et permettre éventuellement leur correction.

    A Wuyan, le foyer initial de la maladie, le confinement (sûrement respecté, compte tenu du régime) a duré 10 semaines, 5 fois la période d’incubation de la maladie. Pourquoi ?

    Je suis sûr que je vais avoir honte d’avoir posé cette question et que les épidémiologistes en rigoleraient.

    ADDENDUM Finalement, ils ne rigolent pas si j'en crois les déclarations faites le 11 avril par William Dab, épidémiologiste et ancien directeur général de la santé, parmi lesquelles on peut trouver les questions et les hypothèses formulées dans ce billet édité le 9 avril. Donc pas de honte par ignorance, mais autant de perplexité : notre prévention parait rudimentaire.


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  • 315. Extension du domaine de la chloroquine« Selon un sondage publié ce lundi 6 avril dans Le Parisien, 59% des Français estiment que le protocole à base de chloroquine est efficace contre le coronavirus. 21% ne se prononce pas. ».

    Trop forts les Français. Ils ont peut-être raison, moi je ne sais pas, j’attends les résultats de l’étude européenne en cours, et j’espère bien qu’elle démontrera un rapport bénéfice / risque favorable.

    Depuis la médiatisation par Raoult de ses convictions, le monde se partage entre partisans d’une prescription plus large, allant jusqu’à la pétition où quelques noms connus du milieu médical ont apposé leur signature, et ceux pour lesquels il est encore prudent de réserver ce médicament aux cas graves. Ce qui, à mon humble avis, est inopérant car même si le médicament est efficace, il ne le sera sûrement plus dans les cas sévères où le virus a déjà fait des dégâts pas toujours réversibles, et  parfois provoqué un « orage cytokinique » ou choc inflammatoire, véritable affolement sécrétoire des cellules de défense qui peut être létale.

    Raoult préconise de prescrire l’hydroxychloroquine au début de la maladie pour diminuer la charge virale (effet démontré et antérieurement connu sur d’autres virus), donc sur des malades qui vont spontanément guérir pour la grande majorité d’entre eux. C’est cette évolution largement favorable qui nécessite pour affirmer l’efficacité de l’hydroxychloroquine un groupe contrôle et un nombre de patients conséquent. Mais je  suis de ceux qui pensent que quand on n'a pas de traitement sûrement efficace, il est licite d'en tenter un dont on peut espérer qu'il l'est, à condition que cette prescription soit bien encadré. Je ne connais pas de médicament efficace qui soit anodin.

    Comme je l’ai dit ailleurs, on est manifestement sorti du champ de la médecine pour entrer dans un débat public où se mêlent : des politiques, des footballeurs et des médecins. Et c’est dommage car si Raoult n’avait pas créé la polémique en sortant du champ médical, il est possible que ce médicament aurait été prescrit par ses confrères, faute de mieux et sans piller les stocks de Plaquenil.

    Pour étendre la polémique, l’hydroxychloroquine a fait son entrée attendue en justice. l’Union générale des travailleurs de Guadeloupe a déposé le 25 mars une requête auprès du Tribunal administratif de la Guadeloupe demandant à « l’Agence Régionale de Santé de Guadeloupe, ainsi qu’au CHU de passer commande de 200.000 tests de dépistages du Covid-19, ainsi que des doses nécessaires d’hydroxychloroquine et d’azithromycinecomme défini par l’IHU Méditerranée infection » et ce pour 20 000 patients. Ce qui fut accepté par le Tribunal en raison du « principe de précaution », ce foutu principe que Chirac a fait entrer dans la Constitution. Le Tribunal a estimé que les publications ainsi que « les déclarations du professeur Raoult » démontraient que « la combinaison de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine pouvait donner des résultats encourageants ». Ainsi des déclarations sont devenues des preuves juridiques.

    Deux recours formulés par un syndicat de médecins et des particuliers devant le Conseil d’Etat ont demandé à modifier le droit actuel concernant l’administration de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine et à être « autorisé à prescrire et administrer aux patients des traitements à base d’hydroxychloroquine ».

    Le Conseil d’Etat n’a pas hésité à critiquer le protocole pour rejeter la demande formulée : « il résulte de l’instruction que les études à ce jour disponibles souffrent d’insuffisances méthodologiques ». Une perspicacité médicale étonnante de la part de juristes.

    Raoult a peut-être raison mais pourquoi nous avoir mis dans cette galère qui finit par nous donner le mal de mer.

    Source (pour la partie juridique) : un article de Charles Haroche paru dans le Journal International de Médecine


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  • 314. AutocritiqueDans mes précédents billets, je n’ai pas été avare de mes critiques sur la gestion gouvernementale de l’épidémie actuelle lors de son apparition : un certain retard, un manque d’anticipation notamment pour le matériel, des prises de décisions initiales timorées et contradictoires, alors que nous avions des modèles aussi bien lointains que proches de chez nous.

    Mais pour être honnête, je me dis qu’il est bien facile de critiquer lorsque l’on a aucune responsabilité, aucune décision à prendre et sans connaître tous les paramètres et tous les impératifs. Le pouvoir de critiquer fait partie de la démocratie libérale, et les partis extrémistes ne se privent pas à présent de le faire, j’ignore ce qu’ils auraient fait s’ils avaient été au pouvoir, mais il n’est pas certain qu’ils auraient fait mieux et peut-être auraient-ils fait pire. Quant à la blogosphère, la critique fait l’essentiel de sa substance, et elle serait en grande partie vide en son absence, mais c’est souvent une critique que la subjectivité et l’opinion préexistante rendent peu objective pour ne pas dire injuste.

    Il me semble, qu’aujourd’hui, il y a peu de choses à reprocher aux autorités dans la gestion de cette crise. Les hôpitaux et les soignants font le nécessaire et souvent dans des conditions difficiles et non sans pénurie de matériel que le gouvernement tente de réparer sans être maître de tous les paramètres, beaucoup de choses ne dépendant pas de lui. Le système de santé permet de soigner tous les patients gratuitement et à égalité, nous assistons à des transports de malades à travers la France et à l’étranger qui semblent bien organisés. En matière sanitaire, il y a mieux, mais nous ne sommes pas si mauvais.


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  • De quoi se faire de la bile pour les ours

    Henri Le Fauconnier : "Montagnards attaqués par des ours"

    « La Chine a donné son feu vert à un médicament à base de bile d'ours afin de traiter des patients victimes du Covid-19, relançant la controverse sur le traitement des plantigrades élevés à cette fin. Des associations écologistes dénoncent de longue date le sort fait en Chine à des milliers d'ours (20000 selon une association), immobilisés dans d'étroites cages où leur abdomen est perforé par un cathéter relié à leur vésicule afin d'en prélever la bile » (AFP).

    La bile d’ours, dont le commerce est florissant dans toute l’Asie, est une thérapeutique préconisée par la médecine traditionnelle chinoise, notamment pour réguler le taux de cholestérol ou pour dissoudre la lithiase, non sans raison puisqu’elle contient de l'acide ursodésoxycholique que l’on utilise également en Occident mais que l’on produit chimiquement (nom commercial : Delursan, Ursolvan...).

    On ne voit pas très bien ce que pourrait bien faire la bile d’ours contre le covid-19. Néanmoins « Le ministère chinois de la Santé a recommandé le mois dernier une injection du nom de "Tan Re Qing" composée de bile d'ours, mais aussi de poudre de corne de chèvre et d'extraits de plantes, pour les patients gravement atteints. ». Ce mélange exotique serait indiqué dans le traitement des maladies respiratoires, notamment la pneumonie, d’où son emploi proposé contre la pneumonie atypique provoquée par le covid-19.

    La Chine est un pays plutôt déroutant lorsqu’on lui applique la rationalité occidentale. Son régime est communiste mais le capitalisme s’y épanouit. Sur le plan médical, elle à la pointe du progrès selon les normes occidentales, mais elle utilise largement sa médecine traditionnelle comme on vient de le voir.

    Pour ma part, je n’ai aucun mépris pour cette médecine traditionnelle, elle doit être jugée que sur son efficacité. Il ne faut pas oublier le nombre de substances thérapeutiques ou toxiques que l’on a pu extraire des plantes, tels la digitaline, le curare, l’opium ou la belladone, et c’est une spécialiste de la médecine traditionnelle chinoise, Mme Tu Youyou, qui découvrit l’artémisinine pendant la guerre du Vietnam, molécule extraite du qinghao ou artemesia annua (l’armoise), connue depuis des millénaires en Chine comme fébrifuge. Cette artémisinine est devenue depuis un des antipaludéens majeurs. Elle a permis de protéger les Vietnamiens du Nord contre le paludisme qui les décimait (la chloroquine étant devenue inefficace) et de vaincre ainsi l’armée américaine.

    Par contre, je doute de l’efficacité de la bile d’ours même associée à la poudre de corne de chèvre, contre la pneumonie atypique du covid19, cette mixture ayant incontestablement un parfum moyenâgeux. On ne peut trouver que cruel et inutile d’enfermer ces grosses bêtes dans des cages de leurs dimensions, l’abdomen perforé par un cathéter pour prélever régulièrement leur bile dans le but de satisfaire des lubies asiatiques


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  • Et ce qui devait arriver, arriva. La pharmacovigilance signale des patients hospitalisés pour des complications liées à la prise d’hydroxychloroquine en automédication. Des décès ont même été signalés provoqués par des troubles du rythme cardiaque puisque ce médicament en allongeant la durée de l’activité électrique du cœur provoque parfois un « emballement » des ventricules sur un mode particulier (torsades de pointe) mortel en l’absence de traitement. Le contraire peut se voir, c’est à dire un ralentissement excessif du cœur.

    Lorsqu’un médecin prescrit ce médicament, il a en tête ces effets indésirables possibles, il enregistre un électrocardiogramme avant (pour mesurer la durée de l’activité électrique du cœur : « intervalle QT »), examen qui sera renouvelé par la suite, il s’enquiert de tout ce qui pourrait favoriser une intolérance, et notamment des autres médicaments pris par le patient et dont certains peuvent également allonger la durée de l’activité électrique du cœur, leur association avec la chloroquine étant alors catastrophique.

    Je suis certain que l’équipe de Raoult prend toutes ces précautions, et je ne sais pas si la chloroquine est efficace ou non dans l’attente des essais en cours. Mais on se demande ce qui a pris à cet infectiologue renommé de faire tout ce cinéma, de faire ces déclarations fracassantes et dont les premières devraient entamer sa crédibilité puisqu’il a claironné au début de la pandémie que le covid-19 n’était qu’une petite infection facile à traiter en se basant sur un petit essai foireux.

    Les conséquences de son show est, certes, que la chloroquine, dont on connaît depuis longtemps l’action antivirale in vitro, a été incluse dans des essais plus sérieux que les siens, mais aussi que la publicité déraisonnable faite à cet antipaludéen a conduit les gens à vouloir à tous prix se procurer le médicament « miracle », aux dépens des malades habituellement traités par le plaquenil pour d’autres affections, à le prendre sans la moindre précaution, à titre préventif ou pour des symptômes peut-être à tort attribués au covid-19.

    Ce show sur la place publique a provoqué une polémique bien française où se sont mêlés des politiciens et des personnalités des plus diverses, évidemment totalement incompétentes, mais venant à la rescousse du génie rebelle, allant à contre-courant des autorités médicales « officielles » lesquelles voudraient le faire taire. Ainsi un homme de talent s’est-il transformé en gourou dont il a un peu l’allure.

    Voilà un des aspects de la démocratie médicale tant vantée. La médecine est censée se conformer à l’opinion. Et pourquoi pas un referendum pour le choix des prescriptions médicales ?

    Note : Comme ses pairs ont critiqué le protocole de son essai, Raoult affiche un mépris pour la méthodologie utilisée habituellement pour démontrer l’efficacité d’un médicament. Certes, cette méthodologie (groupe contrôle, double aveugle etc…) est critiquable mais c’est la seule que nous avons. En dehors d’elle, on retombe dans l’empirisme d’antan. C’est un peu à lui que se réfère Raoult car les découvertes au cours de l’histoire n’ont été basées que sur l’empirisme (comme la vaccination), mais celui-ci a été aussi à l’origine de conduites délétères de la part des médecins qui ont amené à plus de morts que de guérisons.


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  • 311. Le coronavirus n’est pas racisteLes Africains ont d’abord cru que le covid-19 était une maladie de Blancs. Il semble donc que pour les Noirs, tout ce qui n’est pas noir est blanc, comme sur une portée de partition, y compris les Jaunes qui ont apparemment une appétence particulière pour les animaux sauvages, porteurs de virus inédits, et à qui ils attribuent des vertus secrètes dont certaines portent sur le sexe.

    Bien entendu, le coronavirus n’est aucunement raciste, il frappe avec égalité tout le monde, et si la majorité en réchappe, certains en meurent (comme dit la fable) quelle que soit leur couleur de peau, que l’animal soit humain ou pas.

    La chloroquine auréolée à Marseille fait un sacré Raoult et s’est répandue comme une trainée de poudre en franchissant la Méditerranée à la vitesse de la lumière. Les Africains qui s’en servent contre le paludisme la connaissent bien et comme le covid-19 n’est manifestement plus une maladie réservée au Blancs, comme ils l’avaient espéré, peut-être en rigolant, les pharmacies africaines sont dévalisées. Le gouvernement marocain a même racheté le stock de Nivaquine (une forme de chloroquine) de l’usine Sanofi de Casablanca.

    Evidemment, je n’ai pas d’avis autorisé sur la chloroquine, je sais qu’elle peut avoir des effets secondaires sérieux – secondaire, curieux terme pour des effets qui peuvent entraîner la mort – notamment cardiaques, car en allongeant la durée de l’activité électrique du cœur elle peut provoquer de graves troubles du rythme, le muscle cardiaque lui-même peut être atteint, ce qui implique une surveillance cardiologique pendant le traitement et la connaissance des associations médicamenteuses. Bien d’autres organes sont parfois touchés, comme l’œil, mais sans exagérer la fréquence de toutes ces complications.

    Je pense que pour l’instant, dans l’incertitude où l’on est quant à l’efficacité de la chloroquine sur le vivant (son activité serait nette in vitro), l’attitude du gouvernement est prudente en réservant le médicament aux cas graves, mais il n’est pas certain qu’il ait raison. Par contre prendre la chloroquine pour des formes bénignes ou à titre préventif c’est prendre des risques inutiles. Voir la queue de gens qui paraissent bien portants devant le service de Raoult pour éventuellement bénéficier de ce traitement me paraît aberrant, à moins que leur but soit de se faire tout simplement tester.


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  • Le président de la République a pris des accents Churchilliens pour déclarer que nous étions en guerre. Une guerre civile un peu spéciale où l’ennemi invisible utilise les tanks constitués par les Français eux-mêmes, opposés les uns aux autres, et où les armes sont leurs postillons et les aérosols projetés par leurs toux et de leurs éternuements.

    Une guerre spéciale où en pleine bataille, les combattants veulent passer leurs chefs en cour martiale.

    C’est ainsi que des combattants en première ligne, c’est à dire des médecins groupés en un collectif intitulé « C19 » attaque Agnès Buzyn et Edouard Philippe pour mise en danger des personnes. Il faut dire que l’ancienne ministre de la santé, sans doute dépitée par son échec aux municipales de Paris, avait affirmé dans un entretien au Monde le 17 mars dernier, avec une élégance dont je ne la savais pas capable, avoir alerté le Premier ministre du danger que courait la France face au coronavirus dès le début de l’épidémie. “Quand j’ai quitté le ministère, je pleurais parce que je savais que la vague du tsunami était devant nous. Je suis partie en sachant que les élections n’auraient pas lieu”, “On aurait dû tout arrêter, c’était une mascarade”. Ceci, après avoir officiellement minimisé le danger et elle s’est donc présentée aux municipales en pensant qu’elles n’auraient pas lieu. Bizarre. Mais si elle dit vrai à propos de l’épidémie, il y a manifestement un retard à l’allumage. Ce collectif 19 a déclaré dans un communiqué : “Il est clair que c’est par négligence coupable que le Premier ministre, mais aussi l’ancienne ministre de la Santé, n’ont pas anticipé une crise dont ils savaient manifestement la gravité, et qu’ils ne pouvaient, en tout état de cause ignorer”. Mais il est toujours facile de faire des prévisions rétrospectives. A l’époque personne ne pensait que l’épidémie diffuserait aussi vite et partout. Il est vrai que la crise hospitalière était manifeste avant l’épidémie, mais ce n’est pas le gouvernement actuel qui en est le seul responsable. (J’ai moi-même protesté contre la fermeture de lits et la suppression des « petites » urgences, il y a bien longtemps)

    Macron appelait à l’union nationale face au péril et voilà quune association représentant des patients atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) porte plainte contre X pour "mise en danger délibérée de la vie d'autrui face au manque d’informations et de moyens de prévention". « À travers cette plainte, nous visons toute la chaîne de responsabilités de l'Etat en matière de politique sanitaire", a indiqué le président de l'association.

    Mise en danger délibérée ?! Nous voilà bien. Pour ce qui concerne les informations nous en sommes abreuvés jusqu’à la nausée, quant aux mesures "barrières" ils sont répétés sans cesse et partout. Cependant,  on pourrait reprocher au gouvernement, outre les directives contradictoires, un manque d'anticipation pour les masques, les tests de dépistage et le contrôle sanitaire strict aux frontières, ce qui oblige les responsables à trouver des arguments du type "ça ne sert à rien" pour rendre logique la pénurie de matériel ou des décisions tardives.

    Je veux bien croire que les patients atteints de BPCO sont effrayés par cette épidémie virale à laquelle ils seraient particulièrement sensibles en les exposant certainement à un risque vital, mais en accuser l’Etat me semble extravagant et aucun Etat n’a pu prévenir la pénétration de l’épidémie dans son territoire. C’est encore une fois donner à l’Etat une fonction de maternage en déresponsabilisant le citoyen. Le seul procès que les patients atteints de BPCO pourraient faire à l’Etat est celui de leur avoir vendu des cigarettes, le tabagisme étant, et de loin, la cause principale de leur maladie, mais personne ne les a obligés à fumer.


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  • 309. Masques sans bergamasquePlutôt que de danser, nous voilà confinés. Tous les pays étaient prévenus des capacités de ce covid-19 depuis que ses promoteurs chinois les avaient expérimentées. Les Italiens, plus disciplinés que les Français, ont été les premiers européens à subir en force l’invasion virale alors qu’ils avaient plutôt l’habitude d’une pénétration plus visible dans leur péninsule. Confinés avant nous, ils se sont étonnés de notre laxisme incohérent. Les autorités françaises déconseillaient logiquement à nos compatriotes de se rendre en Italie, tout en permettant à des centaines d’Italiens du nord de l’Italie, où se trouvaient les foyers les plus importants de l’épidémie, de se rendre à Lyon pour un putain de match de football, un sport qui semble faire perdre la raison aux responsables. Macron réclame la fermeture des frontières de l’Union européenne, alors que les foyers les plus importants de l’épidémie se situent actuellement en Europe, après avoir affirmé que la fermeture des frontières nationales n’avait aucune utilité.

    Les discours sont martiaux, mais depuis des semaines les choses étaient claires, les masques, eux, n’étaient pas là. Ils arrivent quasiment après la bataille. Pour masquer cette défaillance, les experts (dont je ne suis pas) nous serinent que le masque FFP1 (chirurgical) ne protège pas d’une contamination, et ne serait utile que porté par un malade afin d’éviter de contaminer les autres. Raisonnement absurde car on nous dit par ailleurs que la majorité des personnes atteintes n’ont aucun symptôme, ne se savent pas porteuses du virus tout en ayant la faculté de contaminer. Pour être efficace il eût donc fallu que tout le monde porte un masque dès le démarrage de l’épidémie lors des déplacements ou des réunions, et peut-être que le confinement n’aurait pas été rendu nécessaire. Mais il n’y avait pas assez de masques d’où leur inutilité proclamée (ce qui serait le cas si les mesures "barrières" étaient scrupuleusement respectées), et sur laquelle on revient sans le proclamer à mesure qu’ils arrivent dans les pharmacies, si l’on en croit l’annonce du président de la République, mais qui restent réservés au personnel soignant, ce qui prouve bien que le masque, en tout cas le FFP2, est utile pour se protéger, à condition de ne pas transporter le virus sur les mains et de toucher son visage.

    Et que dire de la légèreté de la plupart des Français, surtout des jeunes dont on sait à présent que nombre d’entre eux peuvent aussi se retrouver dans les hôpitaux, qui, ces derniers jours, marchaient en groupe, se faisaient la bise, se tenaient côte à côte sur les bancs et les pelouses des parcs. Ces Français qui ont toujours du mal à comprendre qu’il faut laisser un écart entre chacun et éviter de parler fort pour ne pas postillonner, tousser ou éternuer dans le creux de son coude et en se tournant pour éviter des projections sur son voisin même s’il est à un mètre. Et pourtant on ne peut pas reprocher cette fois aux autorités de ne pas avoir répété le message à satiété. Il faut se mettre dans la tête que cela n’arrive pas qu’aux autres. 


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  • Début janvier 2020 est paru au Journal officiel le décret instituant « le forfait de réorientation aux urgences ». Tout part de la constatation indiscutable que les services d’urgences sont débordés par des patients qui n’ont rien à y faire car les urgences « conçues à l'origine pour prendre en charge les patients requérant un plateau technique complet sont devenues des lieux d'accueil et de traitement pour tous les patients ». En effet « entre un quart et un tiers des patients qui se présentent aux urgences auraient pu, sans perte de chance, être pris en charge par des praticiens de ville. ».

    A noter cependant que définir les urgences par son plateau technique n’est pas tout à fait exact : un service des urgences fonctionne avant tout pour donner des soins rapidement, si le plateau technique permet certains soins sophistiqués, il permet surtout d’aider à faire un diagnostic, mais celui-ci peut être souvent établi par des moyens simples. L’obligation d’avoir un plateau technique complet pour chaque service d’urgences a conduit – et ce n’est pas anodin – à fermer de nombreux services incomplètement équipés entraînant la situation que nous connaissons alors que ces services s'avéraient efficaces pour effectuer un tri et pour traiter directement de nombreux patients. Une mauvaise définition conduit à de mauvaises décisions.

    Mais quel est cet éclair de génie tombant des sphères gouvernementales, celle concernant la santé étant de plus dirigée par une personne censée connaître la pratique médicale ?

    Le décret met en place une expérimentation de deux ans où sera accordé pour les services d’urgences concernés « un forfait de réorientation des patients » de 60 € par acte. La réorientation d’un patient, par un médecin sénior, « vers une consultation de ville à une date compatible avec son état de santé ». Réorientation qui peut d’ailleurs être refusée par le patient.

    On sait que dans les conditions habituelles, l’urgentiste établit la nécessité ou non de soins urgents et les assurent lorsque c’est nécessaire, dans cette nouvelle expérimentation, non seulement il devra établir un diagnostic, mais en l'absence d'admission ou de soins urgents, il devra en outre rechercher ou faire rechercher un cabinet médical susceptible de prendre ultérieurement en charge le patient. Ce qui ne sera pas simple étant donné que les médecins généralistes sont également débordés.

    On voit que l’on peut craindre que loin de soulager les urgences, cette réorientation risque d’augmenter leur charge plutôt que de la diminuer. Le médecin devra de toute façon interroger le patient et souvent l’examiner pour ne pas laisser passer une authentique urgence. Pour prendre un exemple : si un patient arrive en se plaignant de palpitations, pour affirmer qu’elles sont bénignes, il faut au moins ausculter le cœur et faire un électrocardiogramme, examen qui devra être suivi par la recherche d’un cabinet médical pour une consultation ultérieure qui va occuper un agent du service pour on ne sait combien de temps. Et même si l’on renvoie le patient chez lui sans RV ultérieur, l’activité du service n’en aura pas été pour autant réduite.

    Cette « réorientation » qui donnera une charge supplémentaire aux équipes des urgences au lieu de les soulager, semble vouloir leur permettre de se jeter à l’eau pour se protéger de la pluie, au risque de se noyer.


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  • 307. La grande distributionDepuis 48 heures les médias se font l’écho de l’offre d’une plateforme née en Allemagne permettant de délivrer des arrêts de travail de 3 jours maximum et au plus toutes les 3 semaines pour 25 € pièce (prétendument remboursés par l’Assurance-maladie) et sans « perdre son temps » à se déplacer chez le médecin. La délivrance du précieux sésame étant fondée sur un questionnaire et éventuellement une téléconsultation.

    Cet offre commerciale est assez osée (cette plateforme aurait cependant délivré 30000 arrêts de travail outre-Rhin) faisant réagir l’Assurance-maladie, le Conseil de l’ordre des médecins et les syndicats médicaux.

    Que l’on ait pu concevoir une telle offre commerciale montre à quel point l’acte médical s’est dévalorisé. Le médecin est trop souvent vu comme un grand distributeur, soit de médicaments, soit d’arrêts de travail. Des médicaments parfois toxiques sont ou ont été en vente libre, alors pourquoi pas un distributeur d’arrêts de travail dans les grandes surfaces ? On a un peu perdu de vue que l’arrêt de travail éventuel est en principe une prescription après l’interrogatoire et l’examen du patient établissant un diagnostic.

    Cette plateforme propose un nombre réduit de motifs d’arrêt de travail (sans doute après une étude statistique) : coup de froid, règles douloureuses, stress, gastro-entérite, grippe, cystite, douleur de dos ou migraine.

    Je dois avouer que le « coup de froid » ne figure pas dans les livres de médecine, quant au stress, c’est un motif valable pour la majorité de la population, surtout en ce moment. C’est sans doute le motif invoqué par des employés de la RATP pour ne pas trop souffrir du manque à gagner en faisant grève, mais c’est aussi, authentiquement, le cas pour tous les travailleurs franciliens qui luttent depuis un mois, chaque jour, dans la cohue et l’attente, pour se rendre à leur boulot.

    Evidemment, il est impossible d’examiner le malade en ligne (exception faite pour la dermatologie), aussi les symptômes avancés par le patient peuvent être aisément simulés (simulation qui n’est pas exclue lors d’une consultation au cabinet médical). Mais s’ils existent réellement, ils peuvent être parfois les premiers symptômes d’une maladie sérieuse, comme une endométriose pour les règles douloureuses, une maladie du tube digestif pour une gastro-entérite, une affection de l’appareil urinaire pour une cystite, une atteinte vertébrale spécifique pour un mal de dos, une maladie cérébrale plus grave pour une migraine récente. Bien entendu, ces symptômes sont le plus souvent sans gravité, mais seul le médecin, face à son patient, permet d’en juger avec souvent la nécessité pour le faire de demander des examens complémentaires.


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