• 343. La liberté de contaminer et d‘être contaminéSur les plateaux TV lorsque le sujet traité est celui de l’épidémie, et il l’est pratiquement en continu, il y a au moins un des intervenants qui s’offusque des entraves à la liberté imposées par le gouvernement pour lutter contre sa diffusion. Le confinement était une assignation à résidence avec quelques sorties permises, et aujourd’hui les parangons de la liberté ironisent sur le terme de couvre-feu qui n’est utilisé qu’en période de guerre. Il serait en effet plus exact de parler de confinement nocturne ou d’interdiction de sortie de telle heure à telle heure puisque les lumières continuent à illuminer la ville, mais peut-être que les autorités préfèrent éviter le terme « d’interdiction » qui serait encore plus offensant pour les oreilles des défenseurs des libertés publiques. Pourtant, en période normale, ces défenseurs admettent toutes les entraves à la liberté qui permettent de vivre en société, tous les impératifs imposés par ex. par le code de la route, toutes les interdictions qui conduisent à ne pas tuer et à ne pas se faire tuer. Curieusement, personne ne demande à ces chatouilleux de la liberté comment faire autrement pour être efficace contre l’épidémie sans aucune entrave aux libertés publiques. Cependant, ils font eux-mêmes des propositions, que l’on pourrait qualifier de drolatiques. D’abord, ils reprochent au gouvernement de ne pas faire de pédagogie. Ce qui laisse penser que ces gens sont sourds et aveugles ou idiots car cette pédagogie nous est délivrée à doses massives depuis des mois et par tous les moyens de communication jusqu’à donner la nausée et provoquer l’angoisse. Ensuite, ils affirment qu’il faut faire appel à la responsabilité de chacun, ce qui conduit à penser qu’il faut ajouter aux handicaps précédents, celui de naïveté. En somme que veulent-ils ? Peut-être la liberté de contaminer les autres et d’être contaminés, ce qui permettrait à certains de faire un procès au gouvernement pour ne pas avoir fait le nécessaire, ce qui n’exclut pas le fait que ce nécessaire n’est pas toujours mis en œuvre de la meilleure façon possible. Illustration : Yue Minjun


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  • Cette épidémie a montré au public un visage de la médecine dont il n’avait pas l’habitude : celui des controverses, des disputes, et surtout celui de l’incertitude, ce qui conduit à une valse des tribunes contradictoires paraissant dans les médias au point que l’on peut se demander si le corps médical ne subira pas le sort du corps politique : la perte de confiance, avec le risque de favoriser l’extension des médecines dites alternatives et l’éclosion des charlatans. Cette épidémie a mis par ailleurs au grand jour la distinction ancestrale entre les médecins optimistes et les médecins pessimistes. Il est bon de fréquenter les optimistes, vous sortez de leur cabinet le sourire aux lèvres mais il arrive parfois, heureusement rarement, d’en mourir. Les pessimistes vous gâchent la vie qui vous reste, mais il leur arrive souvent de la sauver. Le bon médecin est celui qui alterne les deux attitudes à bon escient. Face à la covid-19 nous avons le camp qui parait optimiste en s’élevant contre les mesures restrictives des libertés qui lui paraissent excessives et disproportionnées par rapport à la situation sanitaire réelle, en soupçonnant une quasi manipulation des chiffres statistiques fournis par le gouvernement. C’est ainsi qu’une tribune est parue dans Médiapart (après avoir été refusée par le JDD) signée par 300 scientifiques parmi lesquels de nombreux médecins mais peu d’épidémiologistes, infectiologues et urgentistes et pas mal de personnalités qui n’appartiennent pas au corps de santé : philosophes (comme Comte-Sponville), sociologues, psychologues, juristes etc…En fait ces « scientifiques » sont de faux optimistes, ils s’élèvent, certes, contre la « théorie catastrophiste », mais ce sont en fait des docteurs « tant pis », car que disent-ils ? Que l’espoir de faire disparaître le virus est une “illusion”. “Le SARS-CoV-2 circule dans le monde depuis environ un an. Il continuera à circuler, comme l'ensemble des autres virus qui vivent en nous et autour de nous, et auxquels nos organismes se sont progressivement adaptés”. En quelque sorte : laissons faire, on verra bien. En face, le camp qui semble pessimiste. Il est composé de médecins qui redoutent de revivre l’afflux de malades du mois de mars et réclament les mesures restrictives. Il n’est donc pas étonnant d’y retrouver beaucoup de médecins qui sont en première ligne : infectiologues et urgentistes, contrairement à l’autre camp où peu ont été sur le terrain hospitalier et parlent plus en théoriciens qu’en praticiens. A noter que les membres de l’Académie de médecine qui ont quitté la pratique depuis pas mal de temps sont également dans ce camp des pessimistes en soulignant « l’effet délétère de discours contestant l’efficacité et la nécessité des mesures de prévention ou décriant leur caractère obligatoire au nom de principes libertaires ». En fait ce camp qui redoute une « deuxième vague » est composé de faux pessimistes, ils pensent, contrairement au camp opposé, qu’il ne faut pas « laisser aller » mais que les mesures, si elles sont respectées, seront efficaces. Dans cette incertitude scientifique, celui qui prend les coups est le gouvernement ; quelles que puissent être les décisions prises, elles seront jugées mauvaises par l’un ou l’autre camp, et vis à vis du public, il traine en outre le péché originel des masques où il s’est fait pipi dessus devant tout le monde.


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  • Il ne s’agit que d’un séparatisme sanitaire. Les édiles des Bouches du Rhône estiment que les mesures prises par Véran pour enrayer l’épidémie dans ce territoire (comme à la Guadeloupe) est une "punition", un « affront », une « stigmatisation », le mot racisme n’a pas été prononcé mais cela de saurait tarder. Il s’agirait quasiment d’un complot parisien, et on reproche au ministre de la santé l’absence de concertation avec les élus locaux. C’est fort possible et c'est dommage, mais les mesures sanitaires peuvent être bonnes ou mauvaises, par contre il paraît peu raisonnable de les prendre après un marchandage. Bien sûr, les Marseillais considèrent que les mesures prises sont excessives, recherchant surtout un effet d’annonce et masqueraient l’incapacité du gouvernement à contrôler l’épidémie et surtout la mise en œuvre de celles déjà prises. Ils semblent oublier qu'une mesure locale a un impact national sur la circulation du virus. Ils proposent d’attendre dix jours avant d’en prendre de nouvelles, délai qui permettrait de juger de leur opportunité en fonction de l’évolution. Mais si la situation est jugée aujourd’hui préoccupante, notamment dans les hôpitaux, il y a une forte probabilité pour qu’elle devienne pire dans dix jours si rien n’est fait par rapport à la situation actuelle. Bien entendu, étant hors circuit, je ne sais pas qui a raison sur le plan sanitaire mais il est certain que sur le plan économique les mesures restrictives aggraveront la situation, et on peut comprendre le lever de boucliers des restaurateurs et des bistrotiers, au bord de la révolte, qui estiment, et peut-être n’ont-ils pas tort, que leurs clients iront faire la fête (qui, comme chacun sait, est obligatoire) ailleurs avec moins de précautions sanitaires. Ce qui est intéressant est que les édiles marseillais ont réclamé la création d’un conseil départemental qui serait amené à prendre les décisions sanitaires au plan local, en négligeant le fait qu’il existe déjà une Agence Régionale de Santé pour les Bouches du Rhône, mais je suppose qu’ils l’estiment trop inféodée à Paris. Je suppose aussi que Raoult aurait une place de choix dans un tel conseil, non seulement en raison de sa compétence et de sa popularité, mais également de son optimisme puisqu’il a considéré au début de l’année que la COVD-19 n’était qu’une « grippette » faisant éternuer quelques chinois et dont il ne fallait pas avoir peur, que la mortalité à Marseille était plus faible qu’ailleurs (grâce notamment à l’hydroxychloroquine), que le virus avait des chances de disparaître avec la chaleur, et il affirme à présent que le virus a muté, que les formes sont moins graves avec moins de phénomènes inflammatoires, moins de thromboses et d’embolies pulmonaires. Curieux pour un clinicien thérapeute (ce qu’il prétend être en plus d’être chercheur) de passer sous silence que l’on traite à présent mieux les formes sévères, et que la diminution des phénomènes inflammatoires est sûrement liée à la prescription de corticoïdes, et celle des thromboses et d’embolies pulmonaires à la prescription  d’un anticoagulant. Si le virus paraît un peu moins méchant c’est sans doute que nous avons de meilleures armes pour éviter les complications. Si je souhaite que Raoult ait raison, je reste néanmoins dubitatif.

    ANNEXE 1 : D’après le Monde.  Didier Raoult réplique en adressant un courrier très sec à ses confrères de l’Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) : “Vous portez une responsabilité dans les mesures déraisonnables prises contre la ville, par le ministre de la Santé”. Le Pr Raoult accuse également ses confrères de diffuser des “messages alarmistes qui ne reflètent absolument pas la réalité” et les tient donc pour responsables des mesures annoncées par Olivier Véran. Pour sa part Il relève “une stabilisation du nombre de cas diagnostiqués depuis le 6 septembre, avec une diminution régulière du nombre de cas (…) des résidents de Marseille”. A l’IHU Méditerranée, dont il est le directeur, l’incidence serait passée de 20% à 5% des personnes testées sur la période. Pour lui, le nombre de passages en réanimation -de 34 à 38 selon lui- ne “témoigne pas” non plus d’un “flux particulier”. Il donne encore d’autres chiffres qui vont dans son sens : alors que 120 cas de Covid étaient pris en charge tous les jours début septembre, ils ne sont plus que “autour de 70” actuellement. “Dans ces conditions, affirme Didier Raoult, véhiculer des messages de cette nature ne rend service à personne et ne reflète en aucun cas la réalité.”

    ANNEXE 2 341. Marseille réclame son indépendance


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  • 340. Pas sérieux, s’abstenirJe ne connais pas personnellement le Pr Didier Raoult. J’ai lu quelques-uns de ses écrits qui m’ont toujours paru intéressants. Pourtant, je n’ai pas pu écouter son audition au Sénat où il a refusé la discussion avec d’autres médecins de sa partie en déclarant : « Je ne peux pas me retrouver à discuter avec des gens qui disent que je fraude et que je triche… » en ajoutant : « J'ai écrit 3 500 publications internationales, je n'en ai rétracté aucune ! ». Un fait d'arme qui, pour lui, devrait faire taire tous ses contradicteurs, aucun n'étant à sa hauteur. 3500 publications, cela représente un rythme continu, même pendant le week-end, d'une étude publiée tous les quatre jours pendant quarante ans ! Et là je me suis dit, sans contester sa compétence en microbiologie (d’autant plus que je suis incapable de la juger), que ce type était peut-être brillant mais pas sérieux, et lassé de ses rodomontades, j’ai arrêté la télévision. Mais je viens de voir que la moitié des Français le soutiendraient et 4 sur 10 prendraient son traitement par l'hydroxychloroquine. D'abord, je ne vois pas exactement ce qu'ils soutiennent en dehors de l'individu pseudo rebelle, puisqu'ils sont incompétents pour le juger sur le plan médical, ensuite, choisir un traitement par sondage est une nouveauté, que semble ailleurs apprécier le microbiologiste marseillais (et non clinicien traitant comme il semble le prétendre), ce qui nous ouvre des horizons scientifiques fertiles pour les publications futures.


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  • 339. Et moi, et moi, et moi…Cette photo montre la manifestation « d'anti-masques » à Paris, place de la Nation, le 29 août (Photo by Adnan Farzat/NurPhoto via Getty Images) et on voit au premier plan la pancarte proclamant : « masque vaccin liberté de choix ». En somme, il s’agit d’une manifestation pour soi, pour sa petite personne, « je veux choisir ce qui me convient ». Le corolaire qui découle de cette proclamation rebelle est tout simplement : « les autres, je m’en fous, ce qui est important est ma liberté, celle des autres m’indiffère, ce qui peut leur arriver n’est pas mon problème". En cas d'épidémie, cette liberté réclamée est celle de transmettre son virus aux autres. Il y a des partages plus généreux. On pourrait m’accuser d’attribuer à ces manifestants des pensées qu’ils n’ont pas, mais dans ce cas, ce serait de l’inconscience, de l’irresponsabilité et aucunement un déficit cognitif qui les empêcherait de raisonner car les anti-vaccins se recrutent plus chez les diplômés, voire chez des élus, que dans les classes populaires. Or, le vaccin, comme le masque, est préconisé aussi bien pour protéger les autres que se protéger soi-même. La vaccination est efficace que si la majorité possède les anticorps contre le germe. J’ai entendu, il y a quelques années, l’actrice Adjani se vanter sur les ondes que ses enfants n’avaient pas eu de maladies contagieuses alors qu’elle avait refusé de les faire vacciner. Il ne lui est pas venu à l’esprit que ce sont les autres enfants vaccinés contre les maladies infantiles qui ont permis à ses rejetons d'y échapper. Pour le masque, c’est encore plus net : il protège davantage l’autre que soi-même dans les circonstances qui favorisent la contamination, ces conditions peuvent toujours se discuter, mais être contre le port du masque en toute circonstance ou selon son bon vouloir n’est pas sérieux en période épidémique, à moins de suivre scrupuleusement les autres gestes préventifs, même dans la foule. On pourrait, certes, déterminer les circonstances dangereuses et faire confiance à tous pour s’y plier sans aucune intervention des autorités. Ce serait l’idéal, mais je crains que cela ne soit pas très réaliste, du moins chez nous. La fondation Jean Jaurès publie aujourd’hui une première étude sur le profil des « anti-masques » en France sur plus d’un millier de réponses à un questionnaire en ligne. Les caractéristiques qui ressortent schématiquement de ce groupe sont : 1- Une majorité des femmes : 63%. L’âge moyen serait la cinquantaine. La plupart s’opposent à toute contrainte de la part de l’Etat. Une tendance populiste a été notée avec rejet des partis traditionnels et peu de participation aux élections. 2- Une défiance extrême envers les institutions en s’appuyant, entre autres, sur les cafouillages initiaux des représentants de l’Etat sur l’utilité du masque, voire sur sa dangerosité. Cette défiance touche même les hôpitaux qui ne récoltent la confiance que chez 53% des personnes interrogées (82% pour la population générale). 3- Un niveau de diplôme plus élevé que la moyenne (Bac + 2), “les cadres et professions intellectuelles supérieures représentent 36%”, selon l’étude, “alors que leur poids n’est que de 18% dans l’ensemble de la population française”. Les ouvriers et employés, ne représentent que 23% « des anti-masques » interrogés, deux fois moins que dans la population française. L’auteur de l’étude estime que le profil constaté (âge élevé, niveau de diplôme élevé) est similaire à celui des soutiens de Didier Raoult. 4- Un goût pour les thèses complotistes. Pour certains, la COVID-19 n’a même jamais existé. Pour d’autres, le masque serait un moyen d’asservir la population et la priver de sa liberté. Neuf répondants sur dix pensent que “le ministère de la santé est de mèche avec l’industrie pharmaceutique pour cacher au grand public la réalité sur la nocivité des vaccins”...Désespérant.


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  • 338. Pas de vaccin contre le germe de la discorde

    Dans des billets précédents j’ai donné mon opinion sur la personnalité du Pr Raoult et sur ses sorties médiatiques que j’ai considérées souvent comme inopportunes, en dehors des prévisions erronées sur l’épidémie actuelle qu’il a pu faire et dont il est loin d’avoir l’exclusivité.

    Ceci dit, j’avoue être étonné que la « Société de pathologie infectieuse de langue française » (Spilf) qui regroupe plus de 500 spécialistes, ait déposé en juillet une plainte auprès du Conseil départemental de l'Ordre des médecins des Bouches-du-Rhône contre le Pr Raoult. La Spilf l’accuse d'avoir enfreint neuf articles du Code de déontologie médicale : « Le Pr Didier Raoult a délibérément prescrit de l'hydroxychloroquine souvent associée à de l'azithromycine à des patients atteints de Covid-19 sans qu'aucune donnée acquise de la science soit clairement établie à ce sujet, et en infraction avec les recommandations des autorités de santé »… « On peut se demander si ses prises de position très tranchées n'ont pas contribué à nuire au message de prévention et de santé publique, et donc à la protection de la population, en décrédibilisant ces mesures de prévention sur des bases scientifiques infondées ».

    Pour ma part, je vois surtout une infraction à la déontologie médicale par ses jugements à la limite de la diffamation à l’égard de ses confrères, accusant les uns d’être à la solde des laboratoires pharmaceutiques et les autres d’être responsables de morts pour ne pas avoir prescrit à temps le traitement qu’il préconisait.

    Par contre, je ne vois pas pourquoi on lui reproche de l’avoir prescrit. Il n’y avait aucun médicament efficace sur le virus, et nous n’en avons toujours pas. L’hydroxychloroquine a une activité antivirale in vitro, ce produit et ses effets secondaires sont archi connus, et sa prescription à Marseille a été, me semble-il, bien encadrée. L’ennui est que depuis on a montré que ce médicament est inefficace et les essais du Pr Raoult pour en démontrer l’efficacité sont plus que douteux, ce qui lui est également reproché. Mais à ma connaissance, il n’a porté aucun préjudice à ses malades et il est plus que probable que les actions de son institut furent bénéfiques. Il a surtout eu tort de vanter son traitement alors qu’il est manifestement inefficace, de donner un faux espoir, d'inciter les malades à exiger de leur médecin qu'il soit prescrit, et surtout d’avoir accusé ses confrères de tuer des malades en ne le prescrivant pas.

    Mais s’il fallait passer devant le Conseil de l’Ordre pour avoir prescrit un médicament inefficace, le corps médical ferait la queue devant sa porte. Par ailleurs, il est souhaitable d’avoir des opinions et de susciter des controverses scientifiques, en regrettant cependant qu’elles se soient étalées dans les médias et les réseaux sociaux., comme il n’est pas interdit de se tromper tant que l’erreur ne porte pas préjudice à ses malades.

    Illustration : Sharkeys


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  • D’un côté nous avons les autorités chinoises qui proclament quasiment la fin de l’épidémie au coronavirus cuvée 2019 dans leur pays en montrant des foules joyeuses fêtant l’évènement, les gens les uns contre les autres, le visage découvert et souriant.

    D’un autre côté, en Europe et spécialement en France, on nous annonce qu’il faudra vivre longtemps avec ce virus qui semble se plaire sous nos cieux et qui n’aurait donc pas l’intention de disparaître. L’Europe (en dehors de la Suède) met le masque, la Chine le retire.

    Qui croire ? Bien sûr, il faut se méfier de la propagande chinoise qui affirme la disparition de l’épidémie et présente celle-ci comme une victoire du régime, en sous-entendant que ce régime est, de ce fait, bien plus efficace que tous les autres et pourrait ainsi devenir un modèle pour le monde entier. Attitude qui, au passage, permettrait de faire oublier la responsabilité des Chinois dans l’éclosion de maladies infectieuses ces dernières décennies.

    Mais il est fort possible qu’ils aient réellement fait disparaître l’épidémie dans leur pays, et le masque a fait partie de la panoplie préventive contre la transmission du virus. Mes précédents billets montrent que je suis partisan du port du masque, un des obstacles à la transmission interhumaine du virus, tout en étant conscient que cette contrainte est le plus souvent inutile dans le cours d’une journée.

    Car il faut garder raison. Aujourd’hui, en France, des milliers de tests de dépistage ont été effectués (on approche du million de tests par semaine). La cohorte testée est devenue importante. Certes, la proportion de cas positifs augmente, mais elle n’est actuellement que d’environ 4%. Je ne connais pas les caractéristiques de la population testée, mais il est probable qu’un grand nombre de personnes qui se font tester ont des symptômes ou craignent d’avoir contracté la covid. On encourage d’ailleurs ces personnes à se faire tester en demandant aux autres de ne pas le faire pour éviter d’engorger les centres de dépistage. On peut donc raisonnablement penser que s’agissant de la population générale le taux de contamination pourrait être inférieure à 4%, mais l'estimation devient difficile en raison de la proportion des faux négatifs qui peut atteindre environ 30% des cas testés.

    L’évaluation de la contamination dans la population générale ne pourrait être valable que si l’on teste une cohorte représentative de celle-ci et on n’est pas certain que ce soit le cas pour celle qui est actuellement testée, notamment pour ce qui concerne la proportion de jeunes dont on sait qu’ils peuvent être des porteurs asymptomatiques du virus.

    Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, si l'on admet qu’environ 95% des personnes rencontrées ne sont pas porteuses du virus, celui-ci ne disposerait finalement que d’un petit cheptel. Si les gestes barrières étaient bien respectés, dont le masque, il ne ferait pas long feu, à moins que la contamination prenne des voies que nous ignorons, mais l’exemple de la Chine n’est pas en faveur de cette hypothèse.

    On peut donc craindre que plus il y aura de personnes qui ne suivront pas les directives préventives, plus l’épidémie sera prolongée, plus longtemps nous devront porter le masque, plus on aura une surmortalité, plus l’économie ira mal et plus le chômage augmentera.


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  • L’affirmation du titre est une évidence, sinon on approcherait de la fin de l’histoire des sciences. Mais c’est aussi une définition possible de l’incertitude, état qui accompagne tout fait nouveau, et qui aujourd’hui prédomine devant l’épidémie actuelle. Une décision prise dans l’incertitude devient donc sujet à caution et source de discussions dans les pays où il est permis de discuter et où l’on passe son temps à le faire. La mise en cause de la décision parasite l’action qui en découle au risque de rendre incertain son résultat, ce qui aboutit à une nouvelle discussion sur son opportunité.

    Ce billet fait suite au billet 335 où j’exprimais vainement le vœu que mes confrères mettent un peu la sourdine dans leurs interventions dans les médias dont la teneur, pour nombre d’entre elles, va à l‘encontre des décisions gouvernementales.

    A commencer par Didier Raoult qui pérorait le 27 août dans son fief, flanqué de deux femmes politiques, édiles de la mairie de Marseille, son masque sur le menton barbu et parlant à peu de distance aux deux autres qui le portaient correctement. L’une d’entre elles a félicité la sommité de sa position « révolutionnaire » correspondant à la sienne (il me semble pourtant que cet édile est plutôt de droite). J’ai beau chercher, je ne vois pas en quoi la position de Raoult est révolutionnaire, à moins de considérer que ses interventions dans les médias et les réseaux sociaux le sont. Lors de cette conférence de presse (simultanée avec celle du Premier ministre, ce qui ne doit pas être un hasard), l’oracle de Marseille s’est encore vanté d’une mortalité plus faible à Marseille qu’à Paris, sous-entendant ainsi que tous les médecins hospitaliers parisiens sont des incompétents confrontés à son génie. Il a souligné ainsi que le nombre de patients en réanimation est “deux fois plus faible à Marseille qu’à Paris, et une mortalité deux fois plus faible également parmi les cas diagnostiqués et hospitalisés”. Mais il a ajouté : “Nous, on hospitalise plus qu'à Paris, on pense qu'il faut traiter les gens le plus tôt possible”. Ce qui veut dire qu’en hospitalisant des patients peu malades, on a évidemment moins de gens en réanimation et que la mortalité globale est évidemment plus faible. Sacré Raoult.

    Mais il n’est pas le seul à jeter le trouble. Les autorités sanitaires imposent le masque pratiquement partout dans les zones où la contamination semble fâcheusement amorcer une courbe exponentielle, mais des médecins sur les plateaux de TV affirment que le masque ne sert à rien en plein air. On se demande donc pourquoi les asiatiques, sans doute des demeurés, qui comptent cependant beaucoup moins de morts que nous, le mettent tous dans la rue en cas d’épidémie. L’argument de nos professeurs est que l’on n’a jamais démontré la contamination en plein air. Mais mes chers confrères, a-t-on démontré qu’elle ne peut pas exister ? A-t-on démontré que dans la rue une personne parlant fort à une autre, même à 1 mètre, ne peut pas lui transmettre le virus ? Il paraît que le virus s’envole, mais s’il s’envole justement dans les narines du vis-à-vis ? C’est bien connu les mouvements de l’air écartent gentiment le virus dans la bonne direction.

    Un des arguments de l’inutilité du masque en plein air est l’absence de foyers après les grandes réunions qui ont lieu malgré les directives. Mais comment le sait-on ? Ces gens se sont largement dispersés, ils n’ont pas été dépistés à la sortie de la réunion, la période d’incubation peut même être supérieure à deux semaines, et les formes asymptomatiques sont les plus nombreuses, surtout s'il s'agit de sujets jeunes, ce qui est habituellement le cas dans ces réunions.

    Parmi ces infectiologues, il y en a un (Pr Caumes) qui, pour montrer les incohérences du port du masque dans la rue, a déclaré en substance et pas peu fier de sa remarque : « des gens masqués vont passer dans la rue devant des terrasses où les consommateurs ne sont pas masqués ». Mais cher professeur, je ne vois pas où est l’incohérence. Cette disposition évitera aux gens sur le trottoir de contaminer, s’ils stationnent et parlent fort (notamment lorsqu’ils téléphonent) ceux qui sont en terrasse et qui, eux, n’ont aucune protection. Puis-je me permettre de vous trouver un peu idiot pour un spécialiste des maladies infectieuses. 


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  • 335. Chers confrères, si vous pouviez un peu la fermer !Mes confrères défilent en brochettes sur le petit (de moins en moins petit) écran : infectiologues, épidémiologistes, virologues, immunologues, urgentistes (on a même un néphrologue) pour nous parler de la covid-19, et des facéties de ce virus exotique qui a pris possession du monde à la barbe de ses dirigeants qu’ils soient démocratiques ou dictatoriaux. C’est un virus apolitique même si l’opinion que l’on a de lui semble dépendre de la position politique.

    Les journalistes sont enchantés, ils ont de quoi remplir, et les médecins sont flattés, rien ne les prédisposait à une célébrité aussi longue, elle dépasse nettement le quart d’heure d’Andy Warhol. L’un d’eux a même été pratiquement sanctifié.

    Tout ce beau monde est là pour causer. Et ça cause. Soit pour dire la même chose, soit pour se contredire eux-mêmes, soit pour s’opposer, étalant le débat médical devant le public, quand ce n’est pas leur ignorance sur ce qui se passe et surtout ce qu’il faut faire. Et c’est là que le bât blesse.

    Les uns vous disent que le masque (ce putain de masque) a la même efficacité que le préservatif pour protéger du SIDA, les autres vous disent que ça rassure, que l’on peut ainsi voir sur les visages qu’il existe une épidémie, que ça ne sert à rien en plein air, que le problème est dans les mains…etc…En fait mes confrères ne savent pas grand-chose, surtout pour ce qui concerne l’évolution même de l’épidémie sur laquelle ils sont évidemment interrogés alors qu'ils n'ont pas de réponse en dehors des constatations que chacun peut faire. On ignore la contagiosité à partir des surfaces inertes, la persistance du virus dans l’air et la durée de sa virulence hors du corps humain, les études étant contradictoires et, il faut l’avouer, difficiles à faire. Quant à l'hydroxychloroquine, la querelle fut sanglante mais le combat cessa faute de combattants...

    Alors, au moment où les autorités ont tendance à imposer de plus en plus le masque dans les lieux fréquentés clos ou pas clos, on assiste à ce déballage qui fait les délices des médias et la perplexité du public qui ne sait plus à qui se vouer, mais qui engage certains à discuter le bien-fondé des décisions en criant à la dictature.

    Vous me direz : le public a le droit de savoir, mais quand on ne sait pas vraiment, est-il nécessaire de partager avec aplomb une ignorance plus ou moins savante ?

    Alors conservons notre bon sens : qui peut le plus, peut le moins. Ce virus pénètre par le visage et sort du visage, le couvrir est un barrage même s’il n’est pas totalement hermétique, il évite aussi que vous touchiez votre visage avec les mains quand elles ont traîné sans avoir été lavées. Bien sûr que ce masque est le plus souvent inutile, mais il peut être utile une seule fois pendant la semaine et cela suffit pour le porter au milieu de vos congénères, et si eux le portent aussi vous pouvez être rassurés et s'ils se tiennent de surcroît à distance vous pouvez l'être pleinement. (Voir aussi 309 et 331)

    A mon humble avis, je ne vois pas ce que l’on peut dire de plus, alors, chers confrères si vous cessiez d’envahir les écrans pour répéter tout et parfois son contraire ou faire des prévisions dont la plupart se sont révélées fausses jusqu'à présent.


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  • 334. Coucou, le revoilàJe m’étonnais de ne plus entendre le Pr Raoult. Il vient de réapparaître dans une interview accordée aujourd’hui à Cnews, interview que je n’ai pas vue ou entendue et dont je n’ai lu que des extraits dans la presse. Je dois au préalable dire que je ne connais probablement pas le centième de ce qu’il sait sur les maladies infectieuses, ce domaine étant loin de ma spécialité. Ses points de vue étant originaux, il n’est pas inutile d’en prendre connaissance.

    Comme Trump, dont on s’est beaucoup moqué, il attribue lui aussi l’augmentation du nombre de contaminations à la pratique accrue des tests de dépistage. Ce n’est pas illogique, et pour une fois le président américain ne méritait pas les ricanements lorsqu’il avait déclaré la même chose. Toutefois, avec le temps et une épidémie persistante, il est probable que le nombre de contaminés augmentent sans que la diffusion des tests en soit la cause. Il ne faut pas accuser le thermomètre de donner de la fièvre.

    Notre professeur au cours de l’interview sort une banalité : “Plus on s'affole, moins on soigne bien”. Mais suivez mon regard : “On n’organise pas de lutte en ayant peur”…“Il faut enlever ceux qui ont peur et mettre ceux qui ont du courage devant”. Je ne vois pas très bien ce qu’il a voulu dire. Que veut dire « courage » pour un médecin en dehors d’aller porter secours à un blessé sous la mitraille ou de soigner des infectés comme l’ont fait les soignants en pleine épidémie. Quand il s’agit de prendre des décisions préventives et/ou thérapeutiques (ce que semble sous-entendre Raoult), le médecin ne prend aucun risque, c’est le malade qui en prend puisqu’il subit les conséquences d’une mauvaise décision. Paroles aussi verbales que vainement critiques. Pour les politiques, le courage est d'appliquer, dans l'incertitude, une bonne décision alors qu'elle est impopulaire.

    Il note que « dans les cas qu’on trouve, on est en train de regarder, entre ceux qu'on trouve maintenant et ceux que l'on trouvait en février ou en mars, ce n'est plus la même maladie”…Il s’agirait désormais de formes “très bénignes”“sans troubles de la coagulation”.

    Ce n’est plus la même maladie ? Je ne peux en juger (c'est possible en cas de mutation du virus), mais ce n’est peut-être plus la même population qui se contamine, peut-être est-elle plus jeune et les jeunes ont toujours fait pour la plupart des formes bénignes ou asymptomatiques.

    Puisque la maladie est devenue – à ses yeux – bénigne, on comprend qu’il ne soit guère formel sur l’utilisation de masques : “Si les masques peuvent rassurer c'est une chose, mais je suis inquiet qu'on fasse une fixation trop importante dessus, parce que maintenant c'est les gens qui vont vouloir faire la loi”. Aussi est-il partisan de la recommandation plutôt que de l’obligation. Il donne au masque un intérêt comme signal, celui qu'“il y a une maladie contagieuse qui circule”, mais il nous accorde toutefois que le masque joue un rôle physique de protection.

    Mais professeur, si vous recommandez, cela veut dire que l’on peut aussi se dispenser de la recommandation, et que des contaminés, surtout s’ils sont asymptomatiques, continueront à diffuser le virus et peut-être à tuer. Vous avez dit vous-même devant la commission parlementaire que plus l’on parle, plus on risque de dire des bêtises. Vous auriez mieux fait de vous taire plutôt que d’envoyer un tel message qui va conforter les réfractaires au masque. Je ne vous dis pas merci.    


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