• 160. La prévention est-elle source d’économies ?

     

    Dans le projet de loi sur la santé de Marisol Touraine une place importante est réservée à la prévention. L'idée que développer la prévention permettrait de diminuer les dépenses de l'Assurance Maladie est régulièrement émise par les politiques qui, devant les difficultés économiques du système de protection sociale, donne ainsi l'impression d'avoir trouvé un remède. Pour les médecins la prévention n'est pas une solution, elle fait partie de leur activité normale et la plupart ne prétendent pas qu'elle est plus économique que son absence.

    Prévention et dépistage sont souvent confondus, et diagnostiquer des maladies déjà existantes ajoute au prix du traitement des maladies dépistées celui du dépistage.

    Prévenir les maladies est à la fois l'idéal et la négation de la médecine. Une prévention universelle et réussie  doit faire de chacun son propre médecin. Mais en raison de notre finitude, la prévention ne peut être qu'un mythe, sauf pour les maladies que l'on provoque soi-même. Si l'on arrête une intoxication à temps, on évitera les maladies qui lui sont propres, mais même si l'on continue à s'intoxiquer la possibilité d'une mort prématurée ne laissera pas le temps aux autres maladies d'apparaître, réalisant une prévention par l'absurde et une réduction mortifère des dépenses.

    Le champ de la prévention réelle est en fait étroit, il concerne essentiellement les maladies infectieuses et les intoxications. Quant aux affections dégénératives (comme les affections cardiovasculaires), pour l'instant, on ne les prévient pas, au mieux on les retarde en traitant les facteurs qui semblent favoriser leur éclosion.

    La génétique viendra enrichir l’arsenal préventif. Une grande part de nos maladies sont inscrites dans notre génome et on se tourne de plus en plus vers lui pour lire notre devenir. Aujourd'hui, on détermine déjà pour nombre d'entre elles le profil génétique correspondant. Là encore la médecine prédictive s'appuie sur des probabilités et prévoir par des tests génétiques une maladie qui n'existe pas encore et n'existera peut-être jamais aura des conséquences imprévisibles et des dépenses certaines.

    Qu'elle soit économique ou non, la prévention, la vraie, celle qui empêche définitivement des maladies d'apparaître, comme la prévention par les vaccinations, sauve de nombreuses vies. Une prévention qui ne retarde que l'échéance fabrique des vieillards respectables que la société reconnaissante a le devoir de prendre en charge, mais il n'est pas certain qu'elle aide à mieux vivre. Aussi indiscutable soit-elle, la prévention n'est pas une solution pour faire des économies et ce n'est pas son but.

    Si la prévention est, en définitive, dépensière, est-elle au moins efficace sur le plan médical ? Elle l’est sûrement pour une personne donnée : contrôler les facteurs qui favorisent l’éclosion d’une maladie prolongera probablement sa vie. Mais qu’en est-il à l’échelle d’une population ? En dehors de la prévention des maladies infectieuses, organiser la prévention et y investir des sommes importantes comme le font les Instituts Interrégionaux pour la Santé (IRSA), qui, avec l’appui des Caisses Primaires d’Assurance Maladie, réalisent chaque année plus de 70 000 « examens de santé » systématiques, est-ce efficace médicalement? Ce n’est pas certain. Les dépenses risquent d’être élevées sans obtenir les résultats escomptés.

    Une étude danoise est récemment parue dans le British Medical Journal (Jørgensen T et coll. : Effect of screening and lifestyle counselling on incidence of ischaemic heart disease in general population: Inter99 randomised trial. BMJ 2014). L’étude avait pour but d’évaluer l’efficacité du dépistage et de la prévention dans les maladies coronariennes (infarctus du myocarde et angine de poitrine). Les Danois ont suivi 60000 personnes pendant une dizaine d’années. Un groupe de 11629 a été suivi de près. Outre le dépistage programmé, il a bénéficié des meilleurs conseils de la part des équipes spécialisées. Le devenir de ce premier groupe a été comparé à un second groupe de 47987 personnes qui n’entrait dans aucun plan de dépistage particulier et bénéficiait de l’accès habituel aux professionnels de santé.

    Résultat : aucune différence entre les deux groupes pour les maladies coronariennes, les accidents vasculaires cérébraux ou la mortalité ! Il semble bien que les partisans du dépistage et d’une prévention active à grande échelle risquent d’engloutir des sommes colossales pour un bénéfice nul sur le plan médical.

    Mme Touraine, comme les autres ministres de la Santé avant elle, se fait beaucoup d’illusions (ou communication oblige) sur l’intérêt d’une prévention active à grande échelle, source abondante de dépenses sans résultat bénéfique jusqu’à présent prouvé pour la population. Ne serait-il pas préférable de laisser les médecins faire leur travail à l’échelon individuel ? Cela éviterait à nos dirigeants des déclarations ronflantes qui ne reposent pour l’instant sur aucune preuve, et de prévoir des économies là où les dépenses augmenteront.

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 26 Juin 2014 à 19:28

    L'essentiel de la prévention efficace et peu onéreuse réside dans une bonne hygiène de vie.

    2
    Jeudi 26 Juin 2014 à 19:33

    En effet. Inutile de dépenser des sommes folles pour le dire.

    3
    Vendredi 27 Juin 2014 à 11:18

    L'Etat ferait mieux de s'occuper de la pollution, des particules fines, des pesticides, des modificateurs endocriniens, des poisons de toute sorte qu'on nous fait avaler, etc, etc.... et qui touchent en priorité les populations les plus modestes  ! Ca, ce serait une prévention efficace !

    4
    Vendredi 27 Juin 2014 à 11:18

    Avant même l'hygiène, il y a les gènes !

    Voilà la meilleure prévention : l'organisme génétiquement modifié :  Ca marche déjà sur le maïs, il n'y a aucune raison que cela ne marche pas sur nous ! smile

    5
    Vendredi 27 Juin 2014 à 11:43

    Souliko. En matière d'intoxications la prévention serait sûrement efficace. Mais faudrait-il contrôler les médias ? wink2

    6
    Vendredi 27 Juin 2014 à 11:50

    OCarlus. Nous sommes déjà des organismes GM par l"évolution, mais demain les médecins généticiens modifieront notre génome. Demain, non, on le fait déjà.

    7
    Vendredi 16 Décembre 2016 à 09:25

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