•  

    L’Europe M’a offert dès le début

    Ses peuples sombrant dans la guerre,

    Dans un grand massacre inattendu

    Pour de misérables talus de terre.

    Les soldats creusaient leurs tombes,

    En sortaient tels des spectres pour mourir,

    Les membres amputés par les bombes.

    On fête en Novembre leur souvenir.

    (Les confessions de Satan)

     

    Aujourd’hui les chefs d’Etat allemand et français marchèrent côte à côte

    Le long des rangées de croix alignées comme des soldats à la parade

    Maigres témoins uniformes dressés sur des squelettes juvéniles.

    Une longue marche sous la pluie parmi les morts inutiles

    De Verdun

    Un ossuaire ordonné que seul le silence devrait saluer

    Un silence de mort que personne ne devrait troubler

    Que les vivants se taisent, surtout les imbéciles

    Tout chant ne peut être que funèbre

    Laissez les morts tranquilles

    Dans les ténèbres

    Sacrifiés

    Paul Obraska


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  •  

    NEANT SANGUINAIRE

     

    Sur des places publiques

    Au coin de rues passantes

    Dans des foules pacifiques

    Dans des lieux où l’on chante

     

    Des inhumains mercenaires

    Délinquants débiles et perdus

    Gorgés de légendes primaires

    Etouffant d’une haine éperdue

     

    Meurent en se faisant exploser

    Dans un feu d’artifice de chair

    Et de molles entrailles dispersées

     

    Le corps brûlant des feux de l’enfer

    Pour une promesse de paradis rêvé

    Disparait dans un néant sanguinaire

     

    Paul Obraska

    Illustration Chu Teh-Choun


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  • LE METAL DE LA TERREUR

    Outils pour tuer forgés dans l’enfer

    Métal ouvragé pour répandre la terreur

    Les hommes l’implantent dans la chair

    Afin que coulent le sang et les pleurs

     

    Piques, lances, épées à embrocher

    Flèche et couteau plantés dans le cœur

    Couperet et hache à décapiter

    Mine dans les membres du marcheur

    Eclat d’obus dans le ventre éclaté

    Pluie de métal tombant à l’aurore

    Vague de balles trouant l’innocent

    Masque de plomb coulé par la mort  

    Corps farcis de métal taché de sang

     

    Et dans les forges inépuisables de l’enfer

    On forgera d’autres hommes de terreur

    Qui viendront avec leur panoplie de fer

    Verser à nouveau le sang et les pleurs

     

    Paul Obraska le 10 janvier 2015

    Picasso : « Guernica »


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    LE CRI

     

     

    Au seuil du XXe siècle, c’est un cri d’horreur,

    Le petit homme de Munch entend la clameur

    Qui s’élèvera vers le ciel les cent ans à venir.

    Il sait que les hommes rivaliseront dans le pire.

     

    Des champs incisés de tranchées cimetières

    Avec plus de chair broyée que de terre.

    Les hommes effacés par les dictatures,

    Le cri obstiné des opposants sous la torture,

    Le cri étonné des peuples exterminés,

    Seulement coupables encore d’exister,

    Le cri étouffé dans les chambres à gaz,

    Le cri gémissant que les décombres écrasent.

    Les hommes devenus atomes avant d’être poussières,

    Sans avoir le temps de crier ou de faire une prière.

    Les torches humaines par le napalm incendiées.

    Les foules, déplacées, réfugiées, déportées.

    Femmes éventrées, corps décapités, corps explosés,

    Par des bourreaux rendus fous par un Dieu dévoyé.

    C’est le cri des affamés que les mouches achèvent,

    Le cri épuisé des noyés avant d’atteindre leur rêve,

    Le cri horrifié des êtres humains hachés,

    Le cri affolé des enfants qui en jouant,

    Perdent leurs pieds dans les champs…

     

    Alors, on se bouche les oreilles comme le petit homme,

    On vit, on rit, on jouit, pourquoi pas ?

    Mais le cri est toujours là,

    Tant qu’il y aura des hommes.

     

    Paul Obraska

     

    Edvard Munch « Le cri » 1893


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  • Chagall-Crucifixion-blanche.jpg

     

    Chagall « Crucifixion blanche »

     

    Qu’il est pâle

    Le Christ blanc de Chagall !

    Mon pauvre Dieu !

    Qu’ont-ils fait de ta bonté !

    Tu prêchais pour le Royaume des Cieux

    Et les tiens sur la Terre ont été rejetés

    Mon pauvre Dieu !

    Ils disent que le Testament

    Ecrit par tes aïeux leur est destiné

    Même tes prophètes ont été confisqués

    Crois-tu qu’ils sont reconnaissants

    D’avoir partagé l’héritage ?

    Ils s’estiment les seuls légitimes héritiers

    Et pour être les seuls, vont jusqu’au carnage

     

    Mais ton peuple est toujours là, obstiné

    Comme un remords, il reste vivant

    Toujours massacré

    En tout lieu, en tout temps

    Tu dois t’en mordre les doigts

    Christ blanc

    S’il t’en reste, là-haut sur ta croix

    Où que tu sois

    Ainsi soit-il

     

    Paul Obraska


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  •  grosz31.jpg

     

    LE RETOUR DE LA NUIT

     

    Branlant sur leurs membres décharnés

    Les morts étonnés revinrent à la vie

    Sortis du monde de l’obscurité

    Leurs yeux de taupe furent éblouis

    Par les lumières qu’ils avaient oubliées

    Alors ils fermèrent les yeux

    Il n’y avait pas de mots pour traduire leur nuit

    Et ils restèrent silencieux

    Et quand les mots venaient à leur esprit

    Ils mourraient sur leurs langues figées

    Ils couvraient l’encre bleue de leur bras

    Comme s’ils avaient honte d’avoir été torturés

    Ils craignaient que les autres ne les croient pas

    Ils restèrent longtemps silencieux

    Puis ceux qui trouvèrent les mots pour le dire

    Témoignèrent pour les taiseux

    Pour ceux qui enterraient leurs souvenirs

    Et les revivaient dans l’insomnie

    Et d’autres se suicidèrent

    Après leur retour à la vie

    Brûlant le lambeau de lumière

    Qu’ils avaient arraché à la nuit

     

    Paul Obraska         

     

    George Grosz « Heureux d’être de retour » 1943

     

    Le dernier dimanche d'avril est la "Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation".


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  • dobuzhinsky18.jpg

     

    LES SURVIVANTS

     

    Dans un monde d’orgueil qui s’efface

    Dans l’espace mortellement vitrifié

    Dans les nuages de vapeurs soufrées

    Sur le dos encore chaud d’une carcasse

     

    Dans un monde qui fut vertical

    Dans un monde de fer et de béton

    Dans les fumées grises de plomb

    Sous des os saillants  de métal

     

    Dans un monde d’inertie

    Sans bêtes, sans humanité

    Sans arbres, sans prés

    Sans fleurs, sans fruits

     

    Dans un monde dantesque

    Monstrueux, jaune et gris

    Absurde et déconstruit

    Aux restes grotesques

     

    Un homme et une femme nus

    Leurs chairs orangées

    Fondues dans un baiser

    Ont un temps survécu

     

    Paul Obraska

     

    Mstislav Dobuzhinsky : "Le baiser"


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      goya shootings-3-5-1808

     

    QUI SAIT ?

     

    Qui sait si un jour vous n’allez pas déplaire ?

    Vous ne saurez pas toujours pourquoi

    Et que pouvez-vous y faire ?

    On ne peut être que soi

     

    Parce que vous êtes l’enfant

    De votre père ou de votre mère

    Parce que vous êtes noir dans un pays de blancs

    Parce que vous êtes blanc dans un pays de noirs

    Parce que les autres vous pensent différent

    Parce que vous n’avez pas la même histoire

     

    Mais ce n’est pas votre histoire !

    Ce sont des histoires de trépassés

    Chaque vivant traîne des morts

    Comme des racines déterrées

    Certains en sont fiers

    On se demande pourquoi

    On n’est responsable que de soi

    Et encore

     

    Vous risquez un jour de déplaire

    Parce que vous pensez ce qu’ils ne pensent pas

    Parce que vous ne croyez pas ce qu’ils croient

    Parce que vous êtes pauvres dans un pays de riches

    Parce que vous êtes riches dans un pays de pauvres

    On peut vous haïr parce qu’on envie ce que vous êtes

    On peut aussi vous haïr pour rien quand on est bête

     

    Mais la haine, l’envie, la bêtise, ce n’est pas rien

    On se retrouve dans un camp séparé des siens

    On vous achève d’une balle à bout portant

    On vous met la tête dans un nœud coulant

    On vous tranche les oreilles et les mains

    On vous gaze, on vous brûle, on vous enterre

    Parfois on vous torture avant

    Pour de faux aveux aux vrais assassins

     

    Vous risquez un jour de déplaire

    Peut-être même à votre voisin

    Même si vous semblez lui plaire

    Parce qu’il vous sourit chaque matin

    Sera-t-il un jour votre délateur

    Ou même votre assassin

    Ou au contraire votre sauveur ?

    Qui sait ?

     

    Paul Obraska

     

    Francisco Goya : « Le 3 mai 1808 » (1814)


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  • grosz-les-piliers-de-la-societe.jpg 

    George Grosz « Les piliers de la société » 1926

     

    ET C’EST AINSI.

     

    Le prêtre, les bras tendus et le sourire mielleux, rassemble le troupeau.

    Derrière lui, le soldat dresse une épée de sang et pointe son révolver,

    Il est prêt à enrôler les brebis mis en rang et les mener au tombeau.

     

    Le meneur éructe un discours enflammé en ingurgitant sa bière,

    De la pointe d’une rapière il embroche fièrement l’ennemi exécré.

    Il restera à l’arrière en poussant les autres à se faire massacrer.

     

    Celui qui a troqué son cerveau contre un verre, en agitant un petit drapeau,

    Celui, la tête couverte, pleine de slogans haineux et de pensées merdiques,

    Soigneusement farcie par les colonnes alignées en rangs des journaux

     

    Et c’est ainsi que se préparent les guerres

    Entre bouc émissaire et idiots fanatiques

    Ivres de mots et de chopes de bière

     

     

    Paul obraska


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    Pakistan3.JPG

    A partir d’une photo prise au Pakistan (Arif Ali /AFP) et publiée par Le Point du 19/08/10

     

    MANNE

     

    Hérissant les corps agglutinés

    Des bras se tendent vers le ciel

    Comme des branches dénudées

    Sous une pluie providentielle

     

    De ses pattes le grand oiseau de fer

    Frôlent les têtes dressées pour la becquée

    Les faces crispées par un espoir amer

    Bouches ouvertes et ventres affamés

     

    Les hommes et les enfants déguenillés

    Dressent leurs mains dans un même geste

    L’oiseau n’a peut-être plus rien à donner

     

    Un homme s’enfuit courant le dos courbé

    Serrant à deux mains la manne céleste

    Pour que personne ne puisse la dérober

     

    Paul Obraska


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