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    VAGUES


    Un roulement pressé, un son long et clair qui s’étire sur le sable en chuintant.

    Un rythme à deux temps qui se répète depuis l’origine de notre monde, inlassablement.

    Sur ce rythme la mer danse : un pas en avant, un pas en arrière,

    en roulant de la vague parée d’écume, perles d’eau éphémères,

    évanouies dans le sable pour renaître à chaque battement.

    Les galets ronds reposent, érodés, ils attendent d’être emportés dans le tourbillon d’une danse folle, avant de disparaître un jour lointain, petit à petit épuisés par cet incessant va-et-vient.

     

    Envoûté par ce rythme perpétuel et cette danse immobile, l’homme rêve parfois devant la mer d’être son cavalier pour un avenir inconnu.

    Et lorsqu’il s’arrachera à sa contemplation, le chant de la mer le suivra longtemps à l’intérieur des terres, écho des origines et rappel nostalgique des occasions perdues.

     

    Paul Obraska

     

    Alfred Sisley


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    Il fait chaud

    La femme nue assoupie

    Etreint le lit

    La tête dans ses bras en berceau

     

    Il fait chaud

    Le corps découvert alangui

    Dans la beauté de son impudeur

    Dans le charme de sa candeur

     

    Une heure de sommeil

    Volée sur la nuit

    A l'ombre de la chambre fleurie

    Dehors le soleil

    Frappe sur les volets fermés

     

    Au pied du lit

    Les vêtements éparpillés

    De trop

    Et un chien endormi

     

    Il fait chaud

    La femme s'est s'abandonnée

    Nue

    Sans retenue

    Dans la chaleur de l'été


    Paul Obraska

    Pierre Bonnard "Sieste" 

     


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  • vuillard24.jpg

    Edouard Vuillard « Scène d’intérieur dit mystère »

     

    POUSSIERES

     

    Dans la maison aux volets clos

    Housses grises sur les crapauds

    Drap blanc couché sur le divan

    A l’abri des éternelles poussières

    Scintillantes dans les raies de lumière

     

    Ils attendent immuables et patients

    Que revienne un jour l’hôte des lieux

    Il viendra peut-être ou peut-être pas

    Se déposer sur les housses et le drap

    Lorsque le souffle du vent facétieux

    Portera de loin ses cendres inertes

    Dispersées au-dessus de la mer

    Jusqu’aux raies de lumière

    De la maison déserte

     

     

    Paul Obraska


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  • chagall-bouquet-de-fleurs.jpg

    Chagall : « Bouquet de fleurs »

     

     

    REVE DE FLEURS

     

    Ils sont blottis l’un contre l’autre

    Deux ombres claires endormies

    Loin du triste village laissé dans la nuit

    A l’abri des pupilles noires des fenêtres

    Ils rêvent unis dans le même songe

     

    Cerné d’un bleu liquide un pot de grès gravite

    Et au-dessus de leurs corps alanguis

    Un bouquet géant explose dans le ciel

    Jetant une pluie de pépites multicolores

     

    Le couple fait le même rêve de bonheur

    Heureux de l’exploit onirique des fleurs

    Qui dans leur songe se désincarnent devant eux

    En délaissant leurs formes devenues inutiles

    Pour ne plus être que leurs couleurs

    Comme des âmes abandonnant leur corps

     

     

    Paul Obraska


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  • Egl.-batignolles.jpg

     

    LE MESSAGER

     

    Après avoir parcouru une longue distance

    Le messager le plus rapide de tout l’univers

    Est apparu à la porte du temple en silence

    Les ombres se sont écartées devant l’être de lumière

    Et il s’est glissé jusqu’à moi sur le sol carrelé

    Pour m’annoncer par sa présence en ces lieux

    Que son maître lointain dans ses forges calcinées

    Acceptait encore de m’enchanter par ses jeux

     

     

    Paul Obraska


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  • klimt ferme en haute autriche

    Klimt : "Ferme en Haute-Autriche"

     

    LE VIEIL ARBRE

     

    En ce nouveau printemps

    Le vieil arbre devint vert

    Sur son bois grisonnant

    Sur ses branches vermoulues

     

    Ses racines sorties de terre

    Serpentaient, entrelacées sur le sol

    Comme des vaisseaux gonflés de sève

    Soulevant une peau d'herbe folle

     

    Le tronc couvert de mousse poilue

    Etait tatoué de cœurs et de noms

    Et les flèches obliques des rêves

    Epinglées comme des décorations

     

     

    Paul Obraska


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  • magritte68.jpg
    René Magritte "L'Empire des lumières"


    LE SOLEIL EST PARTI

     

    Un jour ou une nuit

    Le Soleil est parti

    Tout seul comme un grand

    En laissant ses planètes en plan

    Derrière lui

    Sans crier gare

    Le Soleil ne supporte pas les émotions du départ

     

    De son geste il était bien placé pour en mesurer la gravité

    Mais que voulez-vous il en avait assez

    Assez de toutes ces planètes

    Qui lui tournaient sans cesse autour

    Et tournaient sur elles-mêmes par des pirouettes

    Pour se montrer sous leur meilleur jour

    Toute cette cour lui prenait la tête

    Ce galopin de Mercure

    Collé à lui malgré la température

    Vénus qui se prenait pour la déesse de l'Amour

    La Terre bleue fière de sa Lune blême

    Et qui n'arrêtait pas de se bronzer

    Mars vêtu de rouge pour se faire remarquer

    Jupiter qui se prenait pour Dieu lui-même

    Entouré de ses douze apôtres

    Saturne avec ses anneaux dans le nez

    Et les autres

    Tout ce petit monde lui portait sur le système

     

    Le monde fut surpris

    De se retrouver sans chaleur sans lumière

    Dans une froide nuit

    Pourtant

    Pour échapper à son cortège planétaire

    Le Soleil avait depuis longtemps

    Préparé sa fuite solitaire

    Chaque jour il disparaissait la nuit

    Ce n'était pas un jeu gratuit

    La nuit devait préparer le monde à mourir

     

    La nuit est un avant-goût de la mort

    Le monde aurait du s'en souvenir

    On meurt un peu quand on dort

    Dans les profondeurs des nos nuits

    Seuls les rêves prouvent que l'on vit

    Encore

    Paul Obraska

    turner23


    William Turner : « Le matin après le déluge »

     

     

    LE SOLEIL EST REVENU

     

    Timidement, le soleil est revenu

    Sur la pointe de ses rayons.

    Il s’ennuyait, seul dans l’espace, tout nu,

    Et passait pour un  mauvais garçon

    Sans un cortège d’admirateurs,

    Comme toute étoile digne de ce nom.

     

    Il était parti sur un coup de chaleur,

    Il regrettait sa mauvaise humeur,

    Et profitant de l’éclosion du Printemps

    Il se glissa nuitamment

    Au milieu de ses planètes abandonnées

    Qui continuaient bêtement à tourner.

     

    Quand le jour se leva,

    Ce fut la fête dans le système solaire.

    La Terre n’en revenait pas,

    De joie, les arbres devinrent verts,

    Les fleurs éclatèrent en un feu d’artifice,

    Et les couples se regardaient, complices.

    Paul Obraska


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  • DSC00237

    SOUS-BOIS

     

    Les arbres parés de mousse émeraude

    Colonnades cerclant les puits de clarté

    Dans le végétal vertical l’intrus perdu rôde

    Ses pas craquent sur les brindilles brisées

     

    Dans les branches s’infiltre la lumière

    Elle tombe en nappe sur le sol herbu

    Scintillante de myriades de poussières

    Les projecteurs du ciel suivent l’intrus

     

    La basse continue des insectes en nuées

    Bourdonne avant un assaut imprévisible

    Les racines sournoises accrochent les pieds

    Les feuilles masquent des trous invisibles

     

    Quelque chose se faufile dans les fourrés

    Quelque chose rampe quelque part

    Surgissent les contes qui l’avaient terrifié

    Et peuplaient, enfant, ses cauchemars

     

    Un lièvre bondit, virevoltant, cul en l’air

    L’intrus suit du regard son arrière-train

    Jusque dans le soleil d’une clairière

    Où il retrouve soulagé son chemin

     

     

    Paul Obraska

     

     


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  • seurat80
    Georges Seurat « Le cirque »

     

    CIRQUE

     

    Je n’aime pas le cirque, je n’aime pas son odeur,

    Je n’aime pas son arène et ses gladiateurs.

     

    Je n’aime pas le grotesque des clowns peints

    Chutant sous les salves des rires enfantins.

     

    Je crains que le jongleur stupéfiant

    Ne commette une erreur en jonglant.

     

    Je crains que les acrobates aux corps invincibles

    Finissent par tomber dans des postures risibles.

     

    J’ai peur que la ballerine aérienne sur son cheval au galop

    Chute lourdement sur le sable et se rompt les os.

     

    J’ai peur que les trapézistes à l’aise en l’air

    S’envolent hors du filet pour mourir à terre.

     

    J’ai peur que le dompteur ne fouette une fois de trop

    Et que les bêtes dominées se servent de leurs crocs.

     

    Allons camarade ! Soit franc joueur,

    Ce que tu n’aimes pas dans le cirque : c’est ta peur.



    Paul Obraska


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  • Camille Pissarro « Foire à Dieppe, matin, soleil »

     

    FOIRE

     

    Le soleil frissonnant levé de bon matin

    Dépose sa lumière sur les vieux murs ridés

    Le manège coiffé d’un chapeau mandarin

    Fait tourner les rêves secrets des enfants

    L’église lance arches et flèches festonnées

    Au-dessus des portes ogivales du mystère

     

    Et dans les rues marchent nonchalants

    Les groupes de passants endimanchés

    Devant l’étalage des dons de la terre

    Le regard paresseux le désir incertain

    Sur les petites parcelles de mets offerts

    Les forains bavards invitent à les goûter

    Offrande généreuse montrée de la main

     

    Là-haut le soleil fiévreux court vers midi

    Certains pressent le pas vers l’estaminet

    Les couples de gourmets mis en appétit

    S’attardent près des étals de mangeailles

    Jaugeant ensemble de l’œil leurs envies

    Avant de rentrer chargés de victuailles


    Paul Obraska


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