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99. Le ventre des autres
La liberté de procréer
En 2008, le Sénat, avec une majorité de droite, avait proposé de légaliser l’utilisation des mères porteuses. En avril 2011, le Sénat a rejeté cette légalisation dans le projet de loi de révision bioéthique en mettant en avant le principe de « l’indisponibilité du corps humain ». Le Sénat ayant acquis une majorité de gauche (le débat avait cependant transcendé le clivage droite/gauche), il n’est pas exclu que dans l’avenir les couples pourront utiliser des mères porteuses en France. Pour l’auteur (PS) d'un amendement en avril dernier, la gestation pour autrui « permet d'accroitre la liberté de procréer ». On pourrait lui répondre :
1° Qu’il ne tient pas compte de la liberté de la mère porteuse qui, le plus souvent, loue l’utilisation de son ventre par nécessité, ce qui est une servitude.
2° Que c’est elle qui procrée, puisqu’elle assure la formation de l’enfant et sa naissance et non pas le couple demandeur, la rencontre de deux gamètes dans un tube n’irait pas loin sans elle.
Don ou utilisation
"Utilisation" est un mot dur, mais c’est le terme exact pour ceux qui pensent qu’il s’agit d’une nouvelle marchandisation du corps humain. « Don » serait le mot choisi par ceux qui ont une vision un peu angélique de la chose. Un sénateur UMP avait parlé de « transcender le corps humain ». Les prostituées seraient heureuses de savoir qu’elles permettent à leurs clients de transcender leur corps. On pourrait me dire que le parallèle est un peu osé, mais les unes prêtent leur corps pour satisfaire le désir d’enfant d’autrui et les autres le prêtent pour satisfaire le désir sexuel de son prochain. Dans un cas la gestation est dévalorisée, dans l’autre, c’est l’union sexuelle.
L’utilisation du corps humain comme marchandise ou objet ne date pas d’aujourd’hui : prostitution, esclavage, mariage forcé, harem, viol, trafic d’organes…les exemples ne manquent pas. Les mères porteuses, elles, pourraient être considérées comme des machines vivantes (en attendant de fabriquer une machine à gestation). Dire qu’il s’agit d’un don de soi pour le bonheur d’autrui est une façon christique de voir les choses (en dehors des cas où c’est une personne amie ou de la même famille qui offre son ventre) mais qui ne correspond pas à la réalité observable à l’étranger où les mères porteuses sont rémunérées et si l’on envisage en France une « indemnité », les dessous de table ne manqueront pas.
Le possible n’est pas toujours souhaitable
On ne sait pas très bien jusqu’où va aller la satisfaction du désir d’enfant. Là il ne s’agit plus d’une grossesse « assistée » qui conduit à porter son propre enfant, même si la conception initiale a pris des chemins détournés, mais de faire fabriquer un enfant à l’extérieur pour son bonheur personnel, l’enfant, à la limite, devient une poupée vivante, même s’il possède dans le meilleur des cas la marque génétique du couple demandeur. L’adoption, certes difficile, est une démarche bien différente car elle aboutit au bonheur espéré d’un enfant abandonné : c’est un échange entre un couple désirant un enfant et un enfant désirant des parents.
Ce n’est pas parce que des pays légalisent les mères porteuses que c’est une bonne chose et que la France est obligée de les suivre, ce n’est pas parce que des couples sont obligés de franchir les frontières pour satisfaire leurs désirs qu’il faut se lamenter sur leur sort. Mais il est difficile d’arrêter l’évolution des mœurs et de renoncer à faire ce qu’il est possible de faire, même si cela aboutit à l’individualisation forcenée et à l’éclatement des repères humains. La tendance est de confondre progrès et nouveauté, progrès et possibilité.
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Commentaires
Tout en approuvant,la vue d'ensemble catégoriquement, j'irai plus loin, car il m'est impossible de plaindre la mère porteuse, qui prête son ventre pour de l'argent. A ce niveau, j'aurais même plus d'estime pour une prostituée. Qu'il y ai été mis de quelques façon que ce soit, l'enfant est dans le ventre de "Sa Mère", pendant neuf mois !Elle le mets au monde et puis elle L'abandonne, car il s'agit bien d'un abandon et programmé qui plus est !
Lorsqu'il s'agit d'enfants et d'animaux je suis bête, obstinée, et sans pardon !
NettoueJe ne plains pas la mère porteuse, mais pour en arriver là il faut être dans une sale situation, et je ne comprends pas que l'on puisse légaliser cette servitude pour donner "la liberté de procréer". La procréation n'est pas un droit, c'est une possibilité, mais quand ce n'est pas possible on ne devrait pas utiliser le corps d'un être humain dans le besoin pour le faire à sa place (hormis le don volontaire d'une amie ou d'une personne de sa famille.
Vive Nettoue!
La prochaine étape (à moins qu'elle n'ait déjà été franchie) serait qu'un couple riche demande à un couple pauvre de faire un enfant et le lui céder à la naissance ou -pourquoi pas?- dès qu'il est propre.Ouh la ! cessez de bursquer ainsi nos parlementaires qui en sont toujours à s'interroger sur les bienfaits de l'homoparentalité. Pendant ce temps, des milliers de gosses se font violenter par leurs propres parents. Hétérosexuels, eux.
Alors les mères porteuses, on verra dans 50 ans !Dans 50 ans, il y aura probablement des machines à gestation. En attendant, l'utilisation des mères porteuses est plus que discutable et je trouve, au contraire, que les parlementaires ne se laissent pas trop entraîner en France par la poussée d'une minorité travaillée par leurs désirs. Votre rapprochement est curieux : ce n'est pas parce que des hétérosexuels sont ignobles que l'homoparentalité est un bienfait.
Le "droit" à l'enfant remplace peu à peu les droits de l'enfant ! L'enfant devient l'objet fantasmé du désir égoïste de ses "parents", le prolongemant d'eux-mêmes, qu'ils veulent parfait ! J'éprouve un profond sentiment de malaise et parfois de colère devant cette volonté "d'oublier" qu'un enfant n'est pas un objet de consommation.La procréation est toujours égoïste car le couple ne connait pas encore l'enfant qui va naître et celui-ci ne sera aimé pour lui-même qu'après sa naissance.
Je vous retourne l'argument : ce n'est pas parce que des hétérosexuels élèveraient bien leurs enfants que l'homoparentalité devrait être exclue. Je suis pour l'homoparentalité. Mais je pense que vous l'aviez compris ! Rire...Dans l'homoparentalité, étant donnée la difficulté, je ne pense pas que l'enfant soit mal élévé. Mais il y a d'abord la façon d'obtenir l'enfant, facile pour deux femmes, avec une gestation pour autrui pour deux hommes ou l'adoption (difficile). Mais ce qui compte, c'est l'enfant, son devenir et son ressenti dans le contexte social, je ne suis pas sûr que ce sont les meilleures conditions pour lui. Je ne connais pas d'études à ce sujet.
Pour ma part, je me fonde sur mon quotidien professionnel. Mais je reconnais bien volontiers que je ne vois que le pire.Ni don, ni prêt peut être le mot location serait approprié. Disons LMD, location Moyenne Durée. C'est dur comme vous dîtes mais ça me parait coller à l'acte.
Par contre dire que le désir d'enfant est un acte égoïste. C'est quand même en principe un engagement d'assez long terme. De plus parfois dans les couples dit "normaux", ils arrivent sans être désirés et malheureusement beaucoup passent par l'ASE.
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Vendredi 25 Janvier 2019 à 11:18
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Nous demander de nous apitoyer sur le sort de ceux qui sont obligés d'aller à l'étranger est indécent. personne ne les oblige. Pourquoi ne pas plaindre les pédophiles "obligés" d'aller faire du tourisme en Thaïlande?