• « Pour préciser le possible lien entre art et mortalité, une équipe du Royaume Uni[1] a réalisé une étude de cohorte portant sur 6 710 personnes âgées de 50 ans et plus (53,6 % de femmes, âge moyen 65,9 ans), suivies pendant 14 ans. Les auteurs ont analysé la relation entre la participation à des activités artistiques « réceptives » (visites de musées, de galeries d’art, d’expositions, théâtre, concert, opéra) et la mortalité. » (Journal international de médecine). Cette cohorte est issue de « l’Étude anglaise longitudinale sur le vieillissement » et est donc représentative de la population générale pour la tranche d’âge étudiée. 2001 décès sont survenus pendant la période d’étude.

    Et bien entendu ces chercheurs géniaux ont trouvé une relation entre les activités artistiques et la mortalité, les premières diminuant la seconde et plus ces activités sont fréquentes et plus la mortalité diminuerait, jusqu’à 31% du risque de décès si la participation est mensuelle ou plus.

    Les auteurs heureux d’avoir trouvé un rapport entre la contemplation de l’art et la longévité se sont posés des questions : « Les auteurs ont suggéré que cette association pourrait en partie s’expliquer par des différences en matière de cognition, de santé mentale et d’activité physique, parmi les personnes qui participent à des activités artistiques et celles qui ne le font pas ».

    Il ne leur est pas venu à l’idée que ceux qui participaient aux activités artistiques étaient justement ceux qui vivaient en moyenne le plus longtemps. Ce n’est probablement pas la participation à ces activités qui diminue le risque de mortalité de ces amateurs d’art mais les conditions socio-professionnelles qui expliquent leur attraction pour l’art et qui leur permettent d’assouvir cet attrait.

    Les auteurs semblent oublier que si aller dans un musée reste abordable, le théâtre est nettement plus cher et ne parlons pas de l’opéra qui est hors de prix. Il faut donc que le salaire ou la retraite (qui lui est parallèle) soit suffisamment élevé pour pouvoir satisfaire ses goûts artistiques.

    Or comme le montre le diagramme ci-dessous les professions qui sont ou qui ont été les mieux rémunérées sont aussi celles qui vivent le plus longtemps. Les cas des agriculteurs et des chefs d'entreprises mériteraient d'être discutés (vie à la campagne favorable pour les uns, stress défavorable pour les autres ?)

    306. Cause toujours

    Enfin si l’amour de l’art peut toucher tout le monde, c’est tout de même l’éducation que l’on a reçue qui favorise cet attrait.

    Comme le montre le diagramme ci-dessous ce sont les plus diplômés qui vivent le plus longtemps :

    306. Cause toujours

    Ce diagramme un peu complexe montre également que (jusqu’à présent) la longévité augmente avec le temps, que quelles que puissent être les conditions, les femmes vivent plus longtemps que les hommes, mais j’ignore si elles vont plus souvent au théâtre qu’eux.

     

    [1] Fancourt D et coll. : The art of life and death: 14 year follow-up analyses of associations between arts engagement and mortality in the English Longitudinal Study of Ageing. BMJ 2019;367:l6377

     

     


    12 commentaires
  • 305. La couleur des aliments

    « Après une bataille de plusieurs années, le logo nutritionnel coloriel Nutri-Score a été adopté officiellement en France en octobre 2017 (puis en Belgique, en Espagne, en Allemagne et aux Pays-Bas). Destiné à être affiché sur la face avant des emballages alimentaires, il a un double objectif : aider les consommateurs à juger, d’un simple coup d’œil, de la qualité nutritionnelle globale des aliments au moment de leur acte d’achat et inciter les industriels à reformuler la composition nutritionnelle des aliments qu’ils produisent. Le choix du Nutri-Score par les autorités de santé publique repose sur des bases scientifiques solides (plus de 40 études) qui ont validé l’algorithme sous-tendant le calcul du Nutri-Score et démontré son efficacité…Dans une étude récente de modélisation il a été démontré que le Nutri-Score apposé sur l’ensemble des aliments permettrait, en France, de réduire la mortalité par maladies chroniques de 3,4 %, soit de 6 600 à 8 500 décès qui pourraient être évités chaque année par cette simple mesure de santé publique. » (extrait d’un éditorial de Serge Hercberg paru dans la Revue du praticien de décembre 2019 )

    L’auteur de cet éditorial appelle à rendre obligatoire pour toutes les entreprises l’apposition de ce logo nutritionnel coloré du vert au rouge, car nombre d’entreprises sont très opposées à cette exposition, et l’auteur cite entre autres : Coca-Cola, Mars, Mondelez, Unilever, Kellogg’s, Ferrero…

    Le bénéfice en matière de santé publique avancé par l’auteur est impressionnant, et il parle de bénéfice démontré, or il s’agit d’une modélisation et non d’une démonstration. C’est une prospective probable mais non certaine. Loin de moi l’idée qu’il ne faut pas s’efforcer de manger plus sain, c’est à dire en général de façon plus ennuyeuse en retirant le plus souvent à la table le plaisir qu’elle peut donner. Je ne parle pas du Coca-Cola dont la consommation pour accompagner les aliments m’a toujours paru une aberration mais qui s’est malheureusement généralisée. Sélectionner ses aliments comme s’il s’agissait de médicaments (« nutriments ») me semble triste. Comme dit l’autre « je ne sais pas si en suivant ce régime vous prolongerez votre vie, mais il est certain qu’elle vous paraîtra plus longue »

    Le « Nutri-Score » est sûrement une bonne chose, surtout s’il permet d’écarter des saloperies. Mais c’est encore une médicalisation de la vie courante, une inquiétude supplémentaire, une incursion dans notre liberté de choisir, un formatage des esprits.

    J’ai eu l’expérience douloureuse concernant deux de mes amies, toutes deux obsédées par la sélection alimentaire, cuisant tout à la vapeur, se privant depuis des décennies de croissants ou d’autres mets qu’elles aimaient. Elles sont mortes toutes les deux prématurément d’un cancer du pancréas. Aucune valeur statistique, mais quelle triste ironie.

    Illustration : Renoir "Le déjeuner des canotiers"


    10 commentaires
  • 304. Désordre à l’Ordre des médecinsQuand j’étais en activité, je me demandais (et je n’étais pas le seul) à quoi servait l’Ordre des médecins. Pour une cotisation annuelle rondelette, je participais obligatoirement à la récolte des 80 millions € qui tombent chaque année dans les caisses de ce Conseil, celui-ci n’en donne guère, et ceux qu’il donne éventuellement sont rarement pris en compte par le corps médical qui doute de son expertise. J’avais cependant pour récompense l’envoi de ma carte de médecin et du caducée pour ma voiture, justifications indispensables, mais d’un rapport qualité/prix désastreux. J’admettais cependant qu’il fallait bien qu’existât un organisme pour leur délivrance.

    Les médias se font l’écho des conclusions de l’enquête de la Cour des comptes qui envisage même de saisir la justice pour les faits constatés révélant un certain désordre financier dans l’Ordre (« faiblesses, voire de dérives préoccupantes ») et une réaction plutôt molle pour sanctionner les entorses à l’éthique médicale et qui n’intervient souvent qu’après les sanctions des tribunaux.

    Pour ma part, je sais enfin où va ma contribution annuelle (que je continue à verser mais d’un moindre montant). Si j‘en crois le Canard enchaîné qui rapporte quelques remarques de la Cour des comptes, le Conseil national est « devenu le dispensateur de petites et grandes largesses qui profitent à tous ». Le bénévolat des 54 membres du Conseil national est d’un bon rapport puisqu’ils auraient perçu en 2017 « 2,2 millions d’indemnités et se sont fait rembourser pour 2,6 millions de frais ». Ce qui fait un bon petit paquet pour chacun, en particulier pour les 16 membres du bureau, de quoi arrondir leur retraite, car la plupart ont un âge avancé.

    Je n’ai jamais cherché à faire partie de cet organisme en éprouvant pour lui que peu d’intérêt. Mais en matière d’intérêt, je n’y connais vraiment rien.

    Illustration : Klimt « Médecine »


    8 commentaires
  • En clôturant le « Grenelle » consacré à la prévention des violences conjugales Édouard Philippe a déclaré : « lorsque cela peut sauver des vies, offrir la possibilité aux médecins de déroger au secret médical »… « Je souhaite que cela concerne des cas très stricts, les cas d’urgence absolue où il existe un risque de renouvellement de violence ».

    Initiative admirable, mais cette levée du secret médical est une dérogation déjà prévue par la loi : « La personne tenue au secret n'est pas dispensée de mettre en œuvre tous les moyens susceptibles de porter secours à personne en péril. En effet, l'article 223-6 du Code pénal punit « de cinq ans de prison et de 75 000 euros d'amende quiconque s'abstient volontairement de porter secours à une personne en péril ». (Je dois avouer, à ma grande honte, que j’hésiterais à porter secours à une personne en péril si en le faisant je risquerais de subir le même péril).

    Edouard Philippe enfonce donc prudemment une porte ouverte étant donnée la complexité du problème.

    Les médecins sont partagés concernant cette levée du secret médical. Le Journal International de Médecine s’est livré à un sondage en interrogeant sur son site, du 4 au 24 novembre,  694 médecins, infirmiers et pharmaciens. En voici les résultats :

    Le tiers partisan du lever du secret médical après  constatation de violences conjugales estime donc devoir le faire malgré le désir de la victime (souvent sous influence et terrorisée par les conséquences éventuelles du signalement). Ce qui amène deux remarques :

    - Le médecin doit avoir la certitude que les traumatismes constatés sont bien le fait de la personne accusée

    - Le secret médical n'appartient pas au médecin mais à la personne qui consulte, et celle-ci peut le lever ou non à sa guise. Passer outre c'est amputer son libre-arbitre et la considérer comme "un mineur de quinze ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique" (autre dérogation légale). Bien sûr on peut toujours arguer que sous "emprise" (qui sera reconnue par le code pénal) la personne n'est pas à même de prendre une décision pour sa propre sauvegarde. C'est aussi infantiliser une personne adulte.

    Le tiers qui s'oppose à la lever du secret médical sans l'accord de la victime  pensent (outre les remarques précédentes) qu'une telle mesure risque de miner le lien de confiance entre le médecin et sa patiente et de créer pour le premier de nouvelles responsabilités complexes et qui s’éloignent de l’acte de soin.

    Le troisième tiers attend logiquement la récidive car un couple n'est pas à l'abri d'une rixe et d'un échange équilibré de vaisselle.

    Le Conseil de l'Ordre des médecins aurait été sollicité pour avoir son avis. Bon courage.


    6 commentaires
  • 302. La préférence nationale pour le choix au « pifomètre »

    Embryon de 3 jours (8 cellules) que l'on ne veut pas stigmatiser

    A de nombreuses reprises nous avons constaté que les députés français avaient pris des décisions importantes alors qu’ils n’étaient qu’une poignée pour les prendre. Parfois le résultat du vote ne convenant pas au gouvernement, ils ont été amenés à revoter. L’absentéisme et ce genre de manipulation ont pour conséquence de décrédibiliser l’Assemblée nationale, le rôle et le vote des députés censés représenter la nation.

    Le député Modem et généticien Philippe Berta, lors de la révision des lois de bioéthique avait présenté un amendement permettant dans le cadre d’une fécondation in vitro, de proposer systématiquement un diagnostic pré-implantatoire (DPI). Mais le texte a été repoussé à la demande du gouvernement dans la crainte des dérives eugénistes.

    L’amendement a été rejeté par 89 votes et les représentants de la nation sont au nombre de 577 !

    Ce rejet de la part des députés présents (et du gouvernement) est lié à un contresens. Le DPI proposé dans cet amendement n’avait pas pour objectif de choisir un embryon particulier à implanter dans l’utérus mais à éliminer les embryons dont les anomalies chromosomiques risquaient fortement d’entraîner soit l’échec de l’implantation, soit des anomalies fœtales telles qu’elles conduiraient à un avortement provoqué. « Nombre d’embryons présentent des anomalies de nombre de chromosomes (aneuploïdies) qui sont la cause la plus fréquente soit d’échecs d’implantation, soit de fausses couches, soit mais dans une moindre mesure, d’anomalies viables qui amènent les couples à faire le choix difficile d’une interruption de grossesse ». Ces aneuploïdies embryonnaires sont fréquentes et d’autant plus que la femme est âgée (environ 2/3 des cas après 40 ans). Les dépister permettrait de réduire le nombre d’embryons à implanter, celui des grossesses multiples, et celui des tentatives souvent mal vécues pour en obtenir une. « Très clairement, il est difficile de concevoir qu’à l’heure des avancées scientifiques sur le sujet que nous connaissons, les équipes françaises n’ont que leurs doigts à croiser et peut être quelques prières pour essayer d’améliorer leurs résultats ». Car le choix de l’embryon à transférer dans la cavité utérine sur des critères purement morphologiques (au pifomètre) peut s’avérer totalement erroné. 89 députés sur 577, incompétents dans le domaine biomédical, ont donc pris une décision qui conduira de nombreuses femmes à continuer de « galérer » pour procréer.

    Voir également : 155. L'eugénisme doux

    302. La préférence nationale pour le choix au « pifomètre »

    L'oeuf de Magritte


    12 commentaires
  • 301. La santé ou son espoir peut avoir un sacré prix.Dans la dernière Revue du Praticien d’octobre (tome 69, n° 8) est paru un article du Pr Gilles Bouvenot (Hôpital St Marguerite, Marseille) traitant du prix des médicaments (article largement repris par Jean-Yves Nau dans Slate).

    Nous savons que les médicaments nouveaux sont chers et que parfois leur prix est exorbitant. L’auteur en donne quelques exemples : le traitement de l’hépatite C par le sofosbuvir atteint 40000 € par patient pour 12 semaines, celui des rhumatismes inflammatoires coûte plus de 12000 € par an (alors qu’il était d'environ 1000 € auparavant), le coût annuel du traitement de cancers peut varier de 50000 à 100000 €, une injection unique de Yescarta (pour le lymphome à grandes cellules B) monte à 327000 €  et le prix provisoire (ATU, autorisation transitoire d’utilisation) de la thérapie génique de l’amyotrophie spinale par Zolgensma est de 1,945 million € ! Les thérapeutiques innovantes ne sont souvent plus du domaine de la chimie proprement dite, mais issues des domaines de l’immunologie et de la génétique. Il est à noter que les thérapeutiques les plus onéreuses s’adressent souvent à des maladies rares ou chroniques sans avoir toujours un espoir de guérison définitive, et c’est justement cette impasse thérapeutique fréquente, et l’espoir apporté par les innovations qui conduisent à l’inflation des prix.

    Mais comment sont déterminés les prix des médicaments ? La première étape est la consultation de la commission de la Transparence (siégeant à la Haute Autorité de la Santé, HAS). Elle est indépendante et composée de professionnels de la santé, elle évalue l’intérêt médical du médicament, et détermine si le nouveau médicament constitue un progrès par rapport à l’existant. L’importance du progrès est quantifiée selon cinq niveaux (le niveau V étant l’absence de progrès et donc de service médical rendu). La commission de la Transparence donne un avis technique sans tenir compte de l’impact financier (en Grande-Bretagne, on détermine une limite supérieure à de pas dépasser pour le coût du traitement par an et par patient). Le prix, lui, est débattu avec le laboratoire par un comité interministériel, le Comité économique des produits de santé (CEPS) qui tient compte de la population ciblée, nombre et chronicité, et il est évident que plus la maladie est rare, plus le prix du médicament sera élevé, sinon les laboratoires cesseraient de tenter la moindre innovation dans ce domaine. Mais ce qui conduit à l’inflation des prix est le fait que si l’on estime que le nouveau médicament est un progrès par rapport aux médicaments existants, son prix sera automatiquement plus élevé que celui de ces derniers. Certains médicaments ne sont pas encore autorisés à être mis sur le marché (AMM), mais souvent pressés par les associations de malades et la rumeur des réseaux sociaux, les autorités permettent leur utilisation transitoire (ATU) alors que l’estimation risque/bénéfice est incomplète. Leur prix est souvent très élevé (mais il est susceptible d’être révisé ultérieurement) car il est fixé par le laboratoire, les patients en espèrent beaucoup à leurs risques et périls, et sans aucune certitude de leur efficacité.

    Les médicaments à prix élevé concernent souvent des maladies prises en charge à 100%. Les progrès thérapeutiques permettent de prolonger la vie de patients atteints de maladies graves. Par contre, il n’est pas certain que la durée de vie de notre système d’Assurance maladie ne sera pas abrégée s'il continue à fonctionner avec la même générosité.


    12 commentaires
  • 300. La consolation du carnivore

    J’aime le confit de canard et la charcuterie. Cette information vous laisse, à juste titre, parfaitement indifférent, mais j’avais besoin de me confesser car en tant que médecin, je me sens évidemment coupable. De tels penchants sont devenus des vices impardonnables sur le plan sanitaire et très politiquement incorrects. Le canard est gras et la charcuterie contient théoriquement du porc (et dieu sait quoi encore), ce qui sera de plus en plus mal vu car sa viande heurte non seulement les végétariens et végans mais aussi deux monothéismes sur trois, ce qui n’est pas rien.

    A ma décharge, j’aime moins la viande de bovidé dont les pets sont une source de méthane nocif pour le climat, mais les écologistes ne me pardonneront pas le porc dont l’élevage entraîne la prolifération des algues sur nos plages.

    Pour ce qui concerne la santé, je savoure néanmoins mon confit de canard car l’épidémiologie a montré il y a quelques années que c’est dans le sud-ouest de la France, là où prolifère justement le confit de canard, que le taux d’infarctus du myocarde est le plus bas. La médecine est riche en paradoxes.

    Mais comment ne pas devenir végétarien ou végan, si l’on veut se nourrir en restant en bonne santé, protéger l’environnement et lutter contre le réchauffement climatique ?

    Justement, des chercheurs de la perfide Albion ont voulu vérifier la chose[1], en l’occurrence, une équipe d’épidémiologistes d’Oxford qui ont suivi sur 18 ans une cohorte de 46188 participants sans antécédents de maladies cardiovasculaires, en distinguant trois groupes : les mangeurs de viande (avec ou sans poisson), les mangeurs de poisson (sans viande) et les végétariens dont les végans.

    Cette étude prospective menée au Royaume-Uni a finalement montré que les consommateurs de poisson et les végétariens ont moins d’angine de poitrine et d’infarctus du myocarde, la réduction du risque étant de 13% pour le poisson et de 22% pour le végétal, (ce qui correspond à 10 cas en moins pour 1000 personnes sur 10 ans) que les consommateurs de viande, mais par contre les végétariens ont une augmentation du risque d’avoir un accident vasculaire cérébral notamment hémorragique de 20% (équivalent à 3 cas supplémentaires d’accidents vasculaires cérébraux pour 1000 personnes sur 10 ans).

    Au total s’il faut, d’après cette étude prospective, manger plutôt du poisson que de la viande, il n’est pas si bon d’être totalement herbivore, sans compter que l’on soigne mieux le cœur que le cerveau.

     

    [1] Tong T. Y. N. Risks of ischaemic heart disease and stroke in meat eaters, fish eaters and vegetarians over 18 years of follow-up: results from the prospective EPIC-Oxford studyBMJ 2019 ; 366 : l4897


    12 commentaires
  •  

    299. De l’inutilité du père

    Adriaen Brouwer : "Devoirs paternels désagréables"

    L’Académie de médecine s’est permis de faire remarquer que les enfants de lesbiennes ou de femmes seules obtenus par procréation artificielle en utilisant le sperme d’un inconnu pouvaient éventuellement pâtir de l’absence totale de père en étant, en quelque sorte, orphelin de naissance. Les académiciens pensent que les études qui ne relèvent aucune conséquence de l'absence de père sur la construction de l’enfant sont peut-être discutables sur le plan méthodologique et manquent, à leur avis, de recul.

    Cette déclaration académique intempestive qui parle de "rupture anthropologique majeure" à l’heure de la discussion de la loi de bioéthique a été très mal reçue (on a de suite parlé d'idéologie) car il est pratiquement certain que le débat aboutira à permettre à toutes les femmes d’avoir des enfants par procréation artificielle. En outre, bien que les soins médicaux n’aient rien à voir ici (à moins de considérer l’homosexualité comme une maladie), il est plus que probable – le désir étant devenu un droit – que la fabrication de ces enfants orphelins de père sera à la charge de la société.

    Il est ainsi admis que le père dans une famille est inutile, puisque l'on peut d'emblée s'en dispenser sans en éprouver le manque. (voir a contrario "L'ancêtre des nouveaux pères").

    L’argument qui consiste à dire que l’enfant trouvera sûrement un substitut du père dans l’entourage me paraît spécieux et plutôt aléatoire et ne change rien à la proclamation que le père n'est aucunement indispensable pour l'épanouissement de l'enfant, et les études, surtout anglo-saxonnes, qui ont été faites vont apparemment dans ce sens.

    Existe-t-il une différence entre l’absence de père comme une donnée de base et la disparition du père dès les premières années ? Dans le premier cas le père n’a jamais existé tel un zéro dans l’équation de la vie, dans le second, son existence fait partie du récit familial, il a pu laisser des traces de son passage, ne serait-ce que des photos.

    Je n’ai aucune compétence pour émettre un avis quelconque sur le plan général, d'autant plus que je ne connais pas en détail les études sur le devenir des enfants en milieu exclusivement féminin, mais je pense qu'il est probable que la non existence d'un père a moins d'impact que sa disparition. Une fois n’est pas coutume, je vais parler de mon cas personnel, ce qui n’a, j’en conviens, aucune valeur statistique. J’ai perdu mon père à l’âge de dix ans et je suis devenu vieux très jeune.


    17 commentaires
  • 298. L’appel au SAS

    Lorsque j’étais en activité, je trouvais regrettable la fermeture de services d’urgences afin de les concentrer façon usine, associée à la fermeture drastique de lits hospitaliers.

    On justifiait la fermeture des « petits » services d’urgence par le fait que ceux-ci ne disposaient pas toujours de tous les équipements qui auraient pu s’avérer nécessaires pour prendre totalement en charge tous les patients, quelle que soit leur pathologie. La vérité est évidemment économique : concentrer les moyens et le personnel coûte moins cher.

    Quant aux raisons de la fermeture des lits, elles étaient et sont toujours essentiellement économiques, en s’imaginant dans une logique à la Gribouille que la disparition des lits diminuerait un nombre équivalent de malades, mais cela permettait aussi de respecter le quota réglementaire d’infirmières et d’aides-soignantes en fonction du nombre de lits. La fermeture de lits a permis un remplissage maximum des services, avec une réduction de la durée de séjour au point de faire sortir parfois des patients à moitié guéris et à favoriser (ce qui n’est pas un mal) l’hospitalisation de jour.

    La conséquence aujourd’hui est que devant l’afflux des patients se présentant aux urgences, on ne sait plus où les mettre lorsqu’une hospitalisation s’avère nécessaire. Ne parlons pas d’une éventuelle catastrophe.

    Notons qu’un lit vide ne coûte presque rien (le maintien de la propreté) mais les règlements ne sont pas pragmatiques, même non fonctionnel, un lit vide doit avoir son quota de personnel qui, lui, doit être payé.

    Quant à la fermeture de nombreux services d’urgence à laquelle nous avons assistée, c’était évidemment une ânerie, car s’ils n’avaient pas tous les derniers équipements, ils permettaient de faire un tri parmi les patients et de diriger sur de plus grosses structures la minorité de patients qui le nécessitaient (d'ailleurs le nouveau plan présenté prévoit la création de 50 "maisons médicales de garde")

    La ministre de la Santé devant la grogne qui règne dans les services d’urgence débordés vient de sortir un plan. Pour juger de son efficacité il faudra voir les résultats une fois appliqué. D’après ce que j’ai pu en lire il s’agit surtout d’un programme d’organisation et de distribution des compétences, et je n’ai pas vu grand-chose d’autre (notamment pour le nombre de lits et du personnel à disposition).

    La réforme présentée comme spectaculaire et qui me laisse dubitatif est la concentration sur un seul numéro de tous les appels à l’aide (si j’ai bien compris : santé, pompier, police) : le SAS (service d’accès aux soins). La ministre de la Santé Agnès Buzyn déclarant : "Je pense qu’il existe un continuum, qui va du conseil médical et demande d’orientation à la vraie urgence vitale, et nous devons répondre à ces besoins qui sont intimement liés", et elle appelle à cesser la "guerre de tranchée" entre les médecins libéraux, les hospitaliers et les secours d’urgence. Personnellement, je ne vois pas en quoi sont liés un conseil médical et une urgence vitale et je n'ai jamais vu de "guerre de tranchée" entre les libéraux et l'hôpital, mais mon activité était à la fois hospitalière et libérale.

    Evidemment, je ne sais pas comment la chose sera organisée, mais je crains un bordel monstre. Les robots seront très probablement de la partie et je vois d’ici la famille affolée taper la main tremblante le 1, le 2, le 3 ou le 4 et probablement plus, à côté d’un malade au plus mal et recommencer en cas d’erreur sans pouvoir accéder à une voix humaine. Il me semble plus simple et plus rapide d'accéder directement au service recherché plutôt que de suivre une filière. Mais je fais sans doute un procès d’intention : tout se passera bien en mélangeant la police, les pompiers, une demande de RV, un conseil médical, et un appel pour une urgence vitale. Il est prévu en outre de diriger éventuellement un patient vers un cabinet médical. Est-ce que Mme Buzyn est entrée dans une salle d’attente d’un cabinet médical ? Sait-elle que les médecins se font agresser par des patients parce que l’attente leur paraît trop longue ? Pense-t-elle qu’ils pourront se charger en plus des demandes du SAS ?

    Que l’organisation améliore les choses, je veux bien, mais ça n’augmentera pas le nombre de médecins, d’infirmières, d’aides-soignantes et autre personnel et de lits disponibles. Mais la ministre de la Santé actuelle hérite d'une situation dont elle n'est pas directement responsable et il faut des années pour former le corps de santé.

    Illustration : Goya et son médecin


    12 commentaires
  • 297. « Le vin ce n’est pas de l’alcool », mais ce n’est pas de l’eau non plus

    Il est répété, à juste titre, qu’en période caniculaire il est nécessaire de maintenir une hydratation suffisante pendant toute la journée par des boissons diverses. Mais comme le disait notre ministre de l’agriculture si « le vin, ce n’est pas de l’alcool », ce n’est pas de l’eau non plus, et il vaut mieux boire de l’eau tout court, bien qu’insipide.

    Comme j’ai le goût des paradoxes, j’ai retrouvé le résumé d’un éditorial accompagnant les recommandations américaines de 2015 à propos des dangers d’une consommation trop importante d’eau, car rien n’est simple dans ce bas monde.

    « Dans un éditorial associé à ces recommandations, MH. Rosner (Université de Virginie, Etats-Unis) rappelle que dans le milieu sportif mais aussi dans le grand public, une idée-fausse règne très largement, à savoir celle des bienfaits d’une hyperhydratation. Mais celle-ci peut avoir des conséquences dramatiques, en particulier dans les sports d’endurance mais pas seulement puisqu’un cas est également décrit chez un adepte du yoga ! Parmi les cas décrits, on trouve celui, caricatural par l’importance de l’excès de consommation de liquides, d’un jeune ayant bu plus de 16 litres durant un exercice d’endurance dans l’objectif d’endiguer des crampes musculaires. Ce jeune est décédé d’une encéphalopathie hyponatrémique (taux bas de sodium – apporté par le sel – du milieu intérieur et notamment dans le sang, par dilution. Le cerveau dans ce cas n’a pas apprécié de baigner dans de l’eau pas assez salée).

    D’autres exemples aussi dramatiques existent sans que la consommation de liquides soit aussi disproportionnée par rapport aux besoins. Si bien que dans les recommandations publiées dans le Clinical Journal of Sport Medicine (de 2015), les experts s’insurgent contre les avis largement diffusés sur les sites internet consultés par les sportifs, où il est recommandé de boire abondamment avant même de ressentir le phénomène de soif. Les experts insistent sur le fait que chez de nombreux sportifs, notamment pratiquant des sports d’endurance tel le marathon, une telle recommandation peut être mal interprétée et conduire à des comportements totalement inappropriés. Pour ces experts, la meilleure recommandation qui puisse être faite à un sportif est de boire régulièrement avec la seule perspective d’étancher sa soif, phénomène physiologique de régulation des besoins de l’organisme en eau.

    Il en va bien sûr autrement chez la personne âgée exposée à une température caniculaire car chez celle-ci, le phénomène régulateur de la soif est souvent largement émoussé, exposant aux conséquences également dramatiques d’une déshydratation sévère »

    Illustration : Annibal Carrache : "Homme buvant"


    12 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique