• Le petit roi et l'empereur

    Il était une fois un petit roi qui se prenait pour le nombril du monde. Il faisait la leçon aux autres rois et leur donnait des conseils. Il donnait même des conseils à l’Empereur.

    Or l’Empereur ne savait pas très bien qui était ce petit roi plein de suffisance. Il demanda donc à son chambellan de lui montrer le pays où ce petit roi si entreprenant régnait sans partage. En le voyant l’Empereur s’exclama : « Mais son peuple est dans la rue, c’est sans doute pour l’acclamer ! » « Non sire » répondit le chambellan « C’est pour le huer ». Ah ! fit l’Empereur et il ajouta, après un instant de réflexion, car c’était un Empereur qui réfléchissait avant d’agir : « Vous me direz tout ce qu’il fait, afin de faire le contraire ».

    Le petit roi, à qui on rapporta ces propos, se rengorgea et dit à son entourage en bombant le torse : « Vous voyez bien que l’Empereur suit mes conseils ! »

    Illustration : Le Caravage "Narcisse'


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  • Envie d'Europe

    Jean-Baptiste Tiepolo : "L'enlèvement d'Europe" 1725

     

    Ce fut une histoire scabreuse de zoophilie

    Celle d’Europe attirée par un taureau blanc

    Sans savoir qu’un dieu se cachait dedans

    La belle aurait préféré l’animal mieux fourni

     

    Un tableau de Tiepolo représente les apprêts

    Avant que le couple se livre à leurs amours

    Ebats exposés sans pudeur au grand jour

    Devant une assemblée de voyeurs satisfaits

     

    Les deux sexes furent témoins de l’évènement

    Et une femme couchée en montrant ses atouts

    Espérait encore séduire le divin taureau blanc

     

    Sur une crête de la côte crétoise des anges voyous

    Agitaient leurs ailes dorsales tout en batifolant

    Et l’un d’eux sans gêne pissait même dessous

     

     Paul Obraska


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  • LA NUIT ECLAIREE

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  • La vérité sur la fin du monde

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  • SOUPIERE

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  • Le premier jour de l’année nouvelle

    l’homme âgé se regarde dans le miroir

    Qu’espère-t-il y voir ?

    Objet glacial impudique et rebelle

    le miroir efface l’illusoire

     

    Encore une année de gagnée

    se dit l’homme pour se consoler

    Encore une année de perdue

    se dit l’homme amer

     

    Gagnée ou perdue ?

    La vie est un jeu à qui gagne perd

     

    Et le temps s’écoule

    sur les montres molles de Dali

    et l’on se noie dans sa houle

    et l’homme se dit

    pourquoi lutter à contre-courant ?

    de toute façon on coule

    emporté par le temps

     

    Alors l’homme tire la langue au miroir

    Qu’importe ce qu’il avait été

    Il chasse son fantôme de la mémoire

    et sans hésiter

    prend son rasoir

    sourit à ses restes

    et commence à se raser

    en savourant les petits gestes

    les petits gestes coutumiers

    les petits gestes modestes

    de la vie

     

    Paul Obraska

    Dali : "La persistance de la mémoire"


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  •  

    L'EAU DES FONTAINES

     

    Il  y a des pays    

    Où il n’y a pas de fontaines  

    Des pays sans eau  

    Des pays malheureux  

    Il y a des pays    

    Où il y a de l’eau    

    Mais pas de fontaines    

    Ce sont des pays heureux    

    Mais qui n’ont rien compris

             

    Les fontaines    

    On les entend avant de les voir  

    La chanson joyeuse et familière    

    De l’eau clapotant dans l’eau    

    De l’eau éclaboussant la pierre  

    Un chant de promesse de bonheurs  

    Le bonheur d’apaiser la soif    

    Le bonheur de fraîcheur    

    Le bonheur de pureté

     

    Bien sûr il y a les fontaines royales    

    Avec leurs jets d’eau domestiquée  

    De l’eau qui fait des ronds  

    De l’eau qui fait le beau    

    De l’eau qui fait la roue    

    Pour se faire bien voir    

    Mais elle n’est pas à boire

     

    Les petites fontaines sont bien plus belles  

    Au milieu d’une place nue    

    Avec leur chant de chanterelle  

    Coulée de fraîcheur têtue    

    Sur la pierre douce arrondie par l’usure    

    Quelques herbes en houppes    

    Et un peu de mousse au mur    

    Dans ses mains en coupe    

    Pour exaucer une prière    

    On recueille l’eau claire    

    Que l’on boit goulûment    

    Sans retenue bruyamment  

    En serrant les doigts pour éviter les pertes    

    Le visage mouillé de fraîcheur  

    Le menton humide le sourire éclos    

    Sur une place déserte  

    Ecrasée de chaleur    

    Où les maisons volets clos    

    Abritent les dormeurs

        

    Paul Obraska

    Cézanne : "La fontaine" 

     

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  • Le petit texte ci-dessous a été publié sur ce blog il y a juste dix ans. Il ne faut pas regretter de voir le temps passer, il est regrettable de le voir s'arrêter. 

    Anniversaire

    Chagall « Anniversaire »

    Lorsqu’il se réveilla ce matin-là, il vit venir un ange, un peu maladroit, ses grandes ailes le gênant pour marcher (non, ce n’était pas un albatros) et arrivé, cahin-caha,  au pied de son lit, la créature céleste lui proposa une nouvelle tranche de vie.

    Il répondit que la précédente ne lui avait pas déplu et qu’il ne cracherait pas dessus. L’ange approuva de ses ailes, car les gens n’étaient pas toujours contents de ce qu’ils avaient eu et il devait parfois remporter sa tranche au ciel quand les gens trouvaient leur vie amère.

    Et l’ange découpa soigneusement dans le gâteau d’anniversaire une tranche de vie pour un an.

    Le voyant faire, il demanda timidement s’il ne pouvait pas en couper davantage. Mais l’ange répondit qu’être trop gourmand ne serait pas sage, qu’il fallait se contenter de ce qui était donné et le savourer lentement pour ne pas avaler de travers, un accident est si vite arrivé et il serait dommage de ne pas terminer la tranche de vie de l’année.

    Sur ces paroles, l’ange mit une bougie de plus sur le gâteau entamé et plus à l’aise dans l’air que sur le sol, s’envola en lui souhaitant un bon anniversaire.

     

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  • Déconseillé aux déprimés

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  •  

    DEREGLEMENT DES SENS

    Ils s’appartiennent les amants
    L’un contre l’autre, joue contre joue
    Pas aveugles mais malvoyants
    La tête dans le sac de l’amour fou
     
    La maigre osseuse est élancée
    La dépensière a de l’élégance
    La grosse de la volupté
    L’obèse de la prestance
    Le violent de la virilité
    L’entêté de la constance
    Et la séduction excuse l’infidélité
     
    Les amants après avoir été aveuglés
    Sortent du sac et deviennent sourds
    Ils n’écoutent que ce qu’ils veulent entendre
    Ils n’entendent que les mots d’amour
    Que les mots consentis, les mots tendres
    Ils n’entendent pas les mots amers
    Les mots d’ennui, les mots de colère
     
    Et les amants finissent par ne plus s’entendre
    Par ne plus se voir
    Leur amour n’a plus de sens
    Il n’a plus d’espoir
    Et ils remettent le sac pour l’indifférence


    Paul Obraska
     
    Magritte : "les amants"

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