• Introspection

    Les informations télévisuelles nous donnent des images des Jeux paralympiques, surtout lorsque ce sont des Français qui remportent les épreuves. Mais je ne les suis pas alors qu’il m’était arrivé de suivre les prestations des athlètes non handicapés. Et non pas des athlètes n’étant pas en SITUATION DE HANDICAP, une formulation que je trouve particulièrement irritante car suggérant que le handicap est transitoire, réversible et d’une certaine façon le niant, une circonlocution hypocrite qui croit bien faire alors, qu’au contraire, elle pourrait faire penser qu’être handicapé serait honteux et qu’il vaut mieux parler de situation.

    Je ne regarde pas les handicapés talentueux dans leurs épreuves et je me suis demandé pourquoi… et je suis honteux du résultat de mon introspection. Je ne les regarde pas parce que j’aurais l’impression d’être un voyeur, de regarder des individus qui réussissent des prouesses malgré leur conformation, comme dans un cirque. La honte.

    Illustration : Brueghel l’Ancien : « Les estropiés »


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  • VacanceVive la vacance ! Si vacance est au singulier c’est qu’il ne s’agit pas des congés mais de la vacance gouvernementale. Quand le train des ministres fantômes passe les chiens aboient et réclament d’y monter. Mais le train glisse doucement sur les rails par la vitesse acquise, sans s'arrêter, sans a-coups, léger et silencieux. Et quelle paix pour les passants. Dans le palais de l'Elysée moins hanté par les vivants, le Président n'a guère de prise sur des fantômes et les vivants lui échappent, alors il s'occupe à rendre hommage aux morts.

    Il y a des pays qui se sont dispensés de gouvernement pendant des mois (jusqu’à 652 jours en Belgique) et l’économie se portait mieux. Les investisseurs investissaient tranquillisés par cette stabilité du vide. Les entrepreneurs pouvaient enfin souffler sans avoir de nouveaux formulaires  à remplir, de nouvelles lois à appliquer, de nouveaux règlements à subir. On pouvait enfin travailler en paix et faire croître la croissance.

    Et les réformes ? Sont-elles indispensables ? la France est un pays qui légifère sans cesse et peut s’enorgueillir d’être un des plus grands producteurs de lois de la planète jusqu'à en exporter des modèles. Une nouvelle loi arrive alors que la précédente n’est pas encore appliquée, et si elle est appliquée, ses résultats n’ont pas encore été évalués avant de passer à la suivante.

    Des ministres zombies, qui ne craignent plus rien puisqu’ils sont déjà morts, s'appliqueront, détendus comme peuvent l'être des zombies, à gérer les affaires courantes, les seules qui ont de l'importance, dans le calme et l'efficacité que donne l'absence de peur, en se bornant pour décider à appliquer réellement les lois nombreuses déjà existantes. Ce ne serait déjà pas si mal de bien gérer l'existant. Et probablement mieux que ce qui nous attend.


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  • L’élégance de l’autocritiqueJ’ai rarement entendu un personnage politique ou ayant une audience médiatique déclarer qu’il avait eu tort, et faire une autocritique publique. Mr Bauer, spécialiste en sécurité, viendra-t-il sur les ondes (s’il est encore invité) faire amende honorable après avoir déclaré avant la cérémonie d’ouverture des JO, telle qu'elle était prévue, que « pour l’histoire /en toute modestie/ je voudrais dire que cette cérémonie est une folie criminelle » ?

    A-t-on entendu Mr Mélenchon déplorer la situation du peuple du Venezuela et les malversations du régime de Maduro ou l’état de Cuba dont il a pleuré la mort de son dictateur avec un lyrisme ridicule ? Un idéologue a toujours raison car ses idées passent avant les faits. Un idéologue déforme les faits pour qu’ils collent à ses idées, ou les nie tout simplement lorsqu’ils ont gênants.

    Ce matin, un représentant du RN interrogé sur les déclarations de Mme Le Pen ayant précédé les JO dans lesquelles elle craignait la honte pour la France devant le monde entier en raison de la façon dont cette manifestation était organisée. Bien que connaissant sans doute la vidéo qui montrait la diatribe de Mme Le Pen qui s’est avérée complètement erronée après les faits, le représentant du RN a soutenu, sans sourciller, que, au contraire, c’était grace au RN que les JO s’étaient parfaitement déroulés puisqu’il avait insisté sur les failles de la sécurité, alors que ceux-ci avaient été imaginées pour asseoir leur critique des autorités actuelles. Soutenir que le RN était à l’origine du bon déroulement des JO alors que ce parti n’avait aucune responsabilité dans son organisation ne manque pas de culot. Mais aussi de ridicule, car pourquoi ne pas avouer que le RN avait eu tort de critiquer aussi vertement à l’avance les organisateurs et pourquoi ne pas dire qu’heureusement leurs craintes n’étaient pas fondées ? Et peut-être aurait-il même été de bon aloi de féliciter les organisateurs. Quand on est patriote, il ne faut manquer aucune occasion de féliciter les responsables d’une réussite française même s’ils ne sont pas de son bord.

    Pour cela il faut avoir une certaine élégance et prendre un petit risque. Mais dire que l’on a toujours raison même quand on a tort, c’est aussi susciter le doute aux yeux du public d’avoir peut-être tort même quand on a raison.

    Illustration : Honoré Daumier


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  • Apologie du café du Commerce

    M’étant risqué à faire une analyse de la situation politique, un de mes visiteurs m’a fait remarquer avec une pointe d’ironie, mais sans méchanceté, qu’il serait préférable que je me borne aux impressions plutôt qu’aux analyses que je devrais laisser aux analystes dont c’est le métier. Il est vrai que mon analyse n’allait pas dans le sens de ses convictions. Mon métier a consisté à analyser les signes et symptômes de mes malades et non pas ceux des maladies politiques qui sont du domaine des politologues ou des politistes (qui fait plus noble) et non des cardiologues. J’admets volontiers que mon analyse pouvait trouver sa place dans un café du Commerce, mais cela ne me heurte en aucune façon car la politique se fait aussi dans les multiples cafés du Commerce du territoire : ils composent l’assemblée nationale des électeurs. C’est là que les gens font des analyses vraies ou fausses, c’est là que les gens expriment leur colère, leurs revendications ou leurs satisfactions (rares), c’est là que les uns peuvent convaincre les autres de voter dans un sens ou dans un autre. C’est là que les manifestations comme celles des gilets jaunes peuvent naître et ridiculiser les politologues professionnels. Ne nous moquons pas du café du Commerce, les politiques en dépendent et s’ils le méprisent, ils risquent fort de perdre de leur superbe.

    Malheureusement, les cafés du Commerce disparaissent au profit des réseaux sociaux où l'on peut dire n'importe quoi anonymement et même appeler au meurtre, où les mensonges pullulent plus que les vérités et les échanges animés face à face remplacés par les insultes sans risque face à son écran. Par contre, les blogs sont plus près du café du Commerce que les réseaux.

    Illustration : John Sloan : "Mac Sorleys bar"


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  • Co-imbitable

    En Grande-Bretagne, le parti travailliste vient de gagner largement les élections et son chef est venu serrer la main du roi d’Angleterre qui l’a chargé automatiquement de former le nouveau gouvernement pour diriger le pays. En même temps, le chef du parti conservateur qui vient de perdre les élections, et qui dirigeait jusqu’à présent le pays, démissionne en présentant ses excuses à la nation et laisse la place à son successeur. Si la situation de la Grande-Bretagne n’est guère brillante dans beaucoup de secteurs, on ne peut qu’admirer la simplicité de la marche des institutions britanniques.

    Charles De Gaulle et Michel Debré avaient tenté par la Constitution de la Ve République d’instaurer un bipartisme. Celui-ci avait fonctionné à peu près correctement avec la possibilité originale d’une cohabitation entre les deux partis principaux qui avait l’avantage d‘apporter une respiration démocratique dans le cours d’un septennat qui est une période longue, mais l’inconvénient d’être inconfortable et parfois conflictuel entre le Président et son Premier ministre. La conflictualité dans les précédentes cohabitations pouvait porter sur la politique intérieure, mais par contre, il n’y en avait guère sur la politique extérieure, même si une représentation bicéphale lors des réunions internationales avait de quoi dérouter les interlocuteurs.

    Emmanuel Macron, s’il n’a pas fait que des mauvaises choses comme ses opposants l’affirment, a dynamité le bipartisme et fait exploser les partis qui alternaient au pouvoir en faisant du RN le premier parti de France, et peut-être en lui permettant d’arriver au pouvoir.

    Saluons l’artiste.

    Si le RN gouverne la France, nous aurions une cohabitation d’une autre nature que les précédentes, car les divergences seront totales non seulement sur la politique intérieure, mais aussi sur la politique étrangère. Alors que Macron est un chaud partisan de l’Union Européenne, Mme Le Pen, et sa figure de proue qui y a fait de la figuration, y sont hostiles et ils veulent s’en libérer plus ou moins. Ils restent sensibles aux œillades de Poutine, tout en tournant la tête pour ne pas regarder dans les yeux le condamné par la Cour internationale de Justice, et en soutenant en apparence l’Ukraine mais du bout des lèvres. Une promesse de changement radicale et une probable libération des instincts (qui a déjà commencée) que les dirigeants du RN ont parfois du mal à dissimuler (une pudeur que n’ont même pas certains mélenchoniens) expliquent que les autres partis, et les 2/3 des électeurs tentent d’empêcher l’accession de Bardella (dont le bagage intellectuel laisse tout de même à désirer) au poste de premier ministre.

    Il est vrai que cette tentative de barrage associe des gens qui n’ont rien à voir entre eux, en dehors de leur opposition au RN. Devant cette hétérogénéité des opposants au RN, les partisans de celui-ci crient à la magouille électorale comme s’il s’agissait de manœuvres illégales. Mais les désistements pour favoriser ou exclure un candidat ont toujours existés, ils tiennent de la tactique pour préparer l’avenir et n’ont rien de déshonorant. Dans le cas de ce 2ème tour des législatives, la radicalité du changement possible les explique encore davantage.


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  • « Cette obscure clarté qui tombe… » de haut

    Vladimir Kush "Divine géométrie"

    Le « besoin de clarté » est une formule très utilisée en ce moment par les politiques. On peut se demander si ce n’est pas un projet suicidaire. « On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens » avait déjà dit le cardinal de Retz. On se souvient de la « glasnost » de Gorbatchev, une transparence qui a conduit à la décomposition de l’URSS et que Poutine tente de recomposer par le sang. Dans ses récents propos Emmanuel Macron ne cesse de répéter, et Dieu sait qu’il se répète trop souvent, qu’il a dissous l’Assemblée car la France a « besoin de clarté », une clarté qui risque fort de clairsemer les députés qui lui sont favorables et de conduire clairement au désordre. De même Ciotti qui nous a joué un superbe vaudeville politique après avoir décidé seul de l'alliance avec le RN du parti LR, en s'accrochant comme un morpion à sa présidence, par un « besoin de clarté » qui rendra ce qui reste son parti tout à fait transparent. A l’opposé, les partis estampillés à gauche se sont empaquetés dans une obscure alliance électoraliste qui a tout d'une chimère monstrueuse et dont le seul point commun est l’opposition au RN car son programme qui prétend les réunir n’est qu’un prétexte clairement délirant.


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  • Les candidats vont battre la campagne

    Jérôme Bosch : "l'escamoteur"

    Ce matin, par inadvertance, je suis tombé sur l’interview de Fabien Roussel, secrétaire général du reliquat du parti communiste français, à présent ingrédient noyé dans une soupe à base d’islamo-gauchisme, mêlé de légumes verts et de patates socialo-opportunistes. Mr Roussel est un homme sympathique qui parait posséder toutes ses facultés, mais c’est une illusion. Il est sourd, aveugle et atteint de la maladie d’Alzheimer : il ne lit pas les récits, il n’entend pas les témoins et il a complètement oublié ce qui s’est passé dans le monde depuis 1917, il ne voit pas et n’entend pas ce qui s’y passe encore. Il est toujours communiste. J’ai entendu ce qu’il propose dans cette campagne pour les législatives anticipées voulues par notre monarque républicain. Comme il fallait s’y attendre, il propose de raser gratis à tous les étages, et comment allait-il faire ? Lui demande le présentateur, facile : on prend aux riches. Le présentateur ne lui a pas demandé ce qui se passera quand les riches deviendront pauvres, c’est dommage car il aurait pu répondre que ce sera comme dans les pays communistes : toute le monde sera pauvre, sauf les dirigeants.

    A l’avenir j’éviterai d’entendre les promesses des uns et des autres. J’éviterai d’écouter la parole performative des macronistes qui depuis 7 ans répètent tel un disque rayé : « il faut que » et « on va faire » comme ces acteurs qui font semblant d’avancer en marchant sur place. J’éviterai d’écouter la salade de gauche déverser sa corne d’abondance vide. J’éviterai d’écouter le retrait progressif des promesses parfois insensées du RN devant la perspective d’arriver au pouvoir où on ne fait plus de politique-fiction. Mais j'irai voter, même dans le cas où je serais amené à mettre un bulletin blanc.


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  • Le Front Populaire de 1936 a marqué la société française. On pouvait attendre que face au succès écrasant du RN situé à l’extrême droite, le concept resurgisse comme il le fut face à l’extrême droite des années 1930. Il y a, me semble-t-il, plus de différences entre les partis politiques qui veulent se réunir aujourd’hui pour former ce front qu’entre ceux de jadis. Le LFI est devenu un parti fascisant : sous l’emprise d’un chef sans partage, totalitaire, cherchant le chaos, copinant avec la graine de terroristes islamiques et cerise sur le gâteau, antisémite. Et pour ce dernier trait de caractère, cela ne date pas du conflit entre Israël et le Hamas, on se souvient de l’accueil chaleureux que les membres de LFI ont fait à Jeremy Corbyn, antisémite britannique notoire, et des allusions de Mélenchon sur l’influence supposée du CRIF. Je ne crois pas que le parti socialiste adhère à ces idées et au goût de Mélenchon pour les régimes autoritaires. Mais que valent les convictions devant des circonscriptions.

    Mais le point qui distingue le plus le Front Populaire du siècle dernier de celui proposé aujourd’hui est que la chimère qui veut se constituer n’est aucunement populaire. Il représentera plus des nantis que des gens ayant des difficultés de fin de mois. Selon un sondage Elabe du 9/06/2024 publié dans Le Point une petite minorité d’ouvriers et d’employés ont voté pour LFI, le parti socialiste et les verts, on est plus dans le bobo diplômé que dans le populo. Le populo se retrouve massivement dans le RN (52% des ouvriers et 41% des employés auraient voté pour lui).


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  • Hypothèses dissolues

    Le Caravage : "les tricheurs"

    La décision d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée et de provoquer des législatives anticipées alors que rien ne l’y obligeait a suscité l’étonnement et des interrogations sur les motifs qui l’ont poussé à le faire. A mon tour je me permets d’émettre quelques hypothèses :

    1. Il préfère le suicide à une mort lente.
    2. Il a un contentieux avec la présidente de l’Assemblée nationale. En supprimant le corps, il liquide la tête. D’ailleurs Mme Yaël Braun-Pivet n’est pas du tout d’accord avec la dissolution de l’Assemblée qu’elle présidait jusqu’à présent. Etonnant, non ?
    3. Il s’ennuie et une cohabitation avec un jeune blanc-bec qui a abandonné ses études universitaires très tôt pourrait l’amuser.
    4. La mise à l’épreuve face aux dures réalités d'un éventuel cohabitant RN serait un piège sucré qui pourrait entrainer la Marine dans le naufrage pour 2027.
    5. Il est fatigué et la haine qu’on lui porte, il espère la déplacer sur un éventuel cohabitant incapable de contenter les Français dont on sait que de toute façon ils ne seront pas contents.
    6. Il est atteint du syndrome de Ponce Pilate, et il s’en lave les mains, d’autant plus qu’il a eu trop tendance à les mettre en vain dans le cambouis, et que malheureusement pour son camp il va continuer à les mettre.
    7. Il aime le poker-menteur. Le bruit et l’agitation autour de sa décision et l’effervescence du monde politique pour la distribution des candidats à la députation doivent l’enchanter.
    8. Il aime l’aventure, après la banque et la présidence, pourquoi ne pas essayer la cohabitation qu’il n’a pas connue ?
    9. Il rêve que ce coup de pied dans la fourmilière alignera les astres politiques en sa faveur et lui donnera une majorité. Le cauchemar est à craindre.
    10. Il se prend pour De Gaulle.

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    J’ai voté

    John Sloan :"Nuit d'élections"

    Par un beau soleil et des végétaux bien verts encore parsemés de fleurs, au bord de la cour d’une école, j’ai glissé mon bulletin de vote par la fente étroite de l’urne qu’une charmante dame avait ouverte pour moi. Je n’étais pas le seul. J’ai fait ce geste libre après avoir choisi un bulletin parmi la multiplicité qui m’était offerte. Un geste minuscule parmi la multitude où j’ai exprimé une opinion qui ne changera rien mais qui sera prise en compte, un atome parmi d’autres qui ne changera pas la destinée de la molécule, mais sans eux il n’y aurait pas de molécule. Ce geste est le symbole d’un pays libre lorsque les candidats ne sont pas triés au préalable et que tout le monde a pu s’exprimer. Certains se plaisent à dire que nous sommes en dictature : on est la victime que l’on peut pour justifier une pseudo-révolte et une vaine agitation sans véritable oppression. D’autres méprisent ce geste et s’abstiennent de le faire pensant que toute façon cela ne changera rien. C’est sans doute ce que pensaient les Allemands en votant pour Hitler. D’habitude, pour les présidentielles, les législatives ou les municipales, je votais pour un parti ou une personnalité sans trop m’attarder sur leur programme. Cette fois, j’ai voté en fonction des programmes sans tenir compte de la politique intérieure mais en privilégiant la perspective européenne, ce qui a conduit à changer mon choix initial. Est-ce bien raisonnable ?


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