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Par Dr WO le 27 Novembre 2018 à 16:43
Egon Schiele : "Arbres en automne"
En novembre des lots de lumière nous sont dérobés. On se réveille dans le noir encore ensommeillé, et l’après-midi est amputé par une nuit précoce.
Les feuilles teintes en roux sont ébouriffées par la bise. Ce roux que les vieilles dames semblent apprécier. Mais les feuilles comme elles finissent par tomber.
Les arbres deviennent chauves tondus par le vent, après une chimio. appliquée une fois l'an, et chacun espère les voir guéris au printemps.
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Par Dr WO le 26 Novembre 2017 à 09:38
AUX FEMMES
Femmes exposées nues à chaque coin de rue
Femmes rendues honteuses au corps masqué
Femmes épousées de force par des inconnus
Femmes abandonnées une fois engrossées
Fillettes au sexe mutilé pour ne pas jouir
Filles coupables d’avoir été violées
Femmes contaminées sans pouvoir rien dire
Femmes battues pour une soupe en retard
Femmes tuées dans des relents d’alcool
Filles impubères vendues aux vieillards
Fillettes assassinées après l’école
Femmes prostituées que l’on met au pas
Filles esclaves de gens sans parole
Femmes-bétail juste bonnes à mettre bas
Femmes cachées, forcées, répudiées, vendues
Femmes, exploitées, prostituées, battues
Femmes violées, mutilées
Au nom des hommes demeurés
Au nom des hommes sans nom
Je vous demande pardon
Paul Obraska
Félix Nussbaum : "Les perles"
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Par Dr WO le 2 Novembre 2015 à 11:07
I
C’est un joli cimetière Où les tombes bien en rangs Comme s’alignent les enfants Dans la cour de l’école primaire Guettant le signal pour s’éparpiller A tous vents en criant leur liberté
Et les morts attendent sagement Qu’on vienne un jour les délivrer Immobiles sans trop s’impatienter L’endroit est joli et ils ont le temps
Ses portes comme des bras écartés Ouverts sur le monde des vivants Invitent les nouveaux morts à entrer A se coucher sans faire de manière Les anciens pousseront leur pierre Pour faire une place au nouvel arrivé
Les vivants entrent toujours gênés Ils marchent lentement en silence Avec respect pour ne pas les réveiller Mais ne montrent aucune impatience Dans ce joli cimetière pour y rester
II
Où vont-ils tous ces morts depuis la nuit des temps ? Ils sont innombrables et les cimetières si petits Sont-ils la terre que piétinent les vivants ?
Peut-être lassés d’être piétinés sortent-ils la nuit Hors de leurs boîtes de bois verni les squelettes Iraient se promener dans un bruit de cliquetis Les momies dérouleraient leurs bandelettes Et sortiraient du sarcophage sans leur habit Les pharaons quitteraient le noir des pyramides Pour jouer sous la lune avec le sable du désert Et ceux qui n’ont pas eu de sépulture solide Émergeraient comme des racines de la terre
Où vont-ils tous ces morts depuis la nuit des temps ? Les cimetières sont si petits mais le ciel est si grand
Peut-être errent-ils dans le firmament En soufflant sur la queue des comètes Pour en faire de la poussière d’argent Les morts emporteraient leurs squelettes Pour fabriquer avec des météorites filants Aux cieux les morts feraient ainsi la fête Et laisseraient la terre aux vivants
Alors les vivants ne devraient pas encombrer les nues S’ils veulent que les morts ne leur tombent pas dessus
III
Bruissement sous nos pas des feuilles écrasées Leurs débris odorants embaument la terre Notre mort est moins belle que leur mort empourprée Sous la dureté de la pierre pourrissent nos chairs
Dans les allées mordorées aux ramures nues Les troupes noires des vivants regroupés Marchent en murmurant sur la terre feuillue Réceptacle sans retour de leur destinée
C’est ici que l’on empile les êtres aimés Dans les étages d’une demeure souterraine Dans de longues boîtes de bois effeuillé Présences si proches et pourtant si lointaines
Ami, c’est en automne que tu m’as quitté C’est ici, parmi les feuilles, que je t’ai perdu
Ami, tu me manques, quand reviendras-tu ?
IV
Combien de fois devrai-je venir dans ce cimetière Accompagner à pas lents un proche ou un ami Supporter la litanie convenue des prières Serrez les mains, baiser les joues, les yeux rougis
Combien de fois devrai-je jeter un peu de terre Et une seule fleur coupée aux pétales d’acajou Sur la boîte hexagonale de bois clair Posée par les cordes au fond du trou
Combien de fois avant de venir dans ce cimetière Porté par des bras étrangers, sans l’avoir voulu Sans entendre les mots murmurés sans prières
Sans sentir la poudre de terre me tomber dessus Et la douce chute des quelques fleurs coupées Jetées par des vivants venus m’accompagner
Paul Obraska
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Par Dr WO le 7 Octobre 2015 à 17:40
TENDRESSE
Exposé au musée du Louvre, ce tableau très connu de Domenico Ghirlandaio de 1490 (« Un vieil homme et son petit-fils ») m’a toujours fasciné. Le visage du vieillard peint avec un réalisme cru : le teint grisâtre, la verrue sur le front, les rides et surtout le nez déformé par un rhinophyma. La laideur du vieillard contrastant avec la beauté, la pureté, la blondeur de son jeune petit-fils qu’il tient dans ses bras.
Et quels regards !
Un échange silencieux d’affection. L’enfant pose sa main sur la poitrine du vieillard, mais n’est-il pas intrigué par ce nez monstrueux ? Non, la laideur de l’ancêtre est acceptée, l’amour ne s’arrête pas pour si peu.
Quelle subtilité dans l’expression du grand-père ! Une ébauche de sourire et le regard expriment tout son amour pour l’enfant. Mais aussi la nostalgie, face à cette jeunesse, d’un homme qui devra bientôt quitter les siens en quittant ce monde.
Et derrière, le paysage où une route serpente pour rejoindre la mer comme une vie rejoignant le néant. Le chemin parcouru de l’enfance à la mort.
SAGESSE (Rembrandt : "Vieil homme en rouge")
Un vieil homme avait un jour rencontré Dieu
Oh ! Pas dans une église, un temple ou une mosquée
Car Dieu avait honte de s’y montrer
Mais dans un parc sur un banc comme un petit vieux
Il s’était assis et le vieil homme s’était écarté
Il ne savait pas que c’était Dieu
Il ne l’avait jamais fréquenté
Ils sont restés assis silencieux
Comme deux inconnus
Comme deux petits vieux
C’est Dieu qui commença à parler
Il demanda à l’homme si ce parc lui avait plu
Il en parlait comme si c’était Lui qui l’avait créé
L’homme en se tournant vit son visage barbu
Où donc l’avait-il déjà rencontré ?
Ça devait remonter à une éternité
Mais Dieu lui dit en hésitant un peu :
Je suis Dieu
Et le vieil homme lui demanda poliment :
Comment allez-Vous ?
Et Dieu répondit : pas très bien en ce moment
Ça ne m’étonne pas du tout
Fit l’homme âgé en se levant
Vous partez déjà demanda Dieu un peu déçu
Et l’homme répondit que son temps était compté
Que c’est Lui qui l’avait ainsi voulu
Seuls les Dieux avaient pour eux l’éternité
Dans un parc en se promenant
A tout moment on peut rencontrer l’inattendu
Si vous rencontrez un petit vieux sur un banc
Sachez qu’il est plus près de Dieu que des vivants
Mais ne faites pas comme s’il n’existait plus
LASSITUDE (Van Gogh)
Comme les branches que l’on scie
D’un arbre vermoulu
On perd un à un ses amis
Pour se retrouver nu
Comme un tronc dégarni
Un tronc de plus en plus pesant
Les branches le rendaient léger
Les rameaux volaient au vent
Dans un bruissement d’amitié
Comme il est laid le tronc vermoulu
Comme il est bête le tronc nu
Il craque seul dans le vent
Et personne ne l’entend
Si les arbres amputés repoussent
Plus fort, plus grand qu’avant
Lorsqu’on coupe les pousses
Les hommes aux branches coupées
N’en ont plus pour longtemps
A traîner leur tronc dénudé
LAIDEUR (Goya : "Deux vieillards mangeant la soupe")
AGONIE (Egon Schiele)
L’agonisant sur son grabat
A déjà enfilé son crâne de squelette
Sa peau a abandonné sa tête
Noyé dans des couvertures en amas
Aux couleurs vivantes et colorées
Ses mains veulent peut-être prier
Mais il n’est plus là
Il n’a plus peur
Il est ailleurs
Le prêtre à tête de boxeur en colère
Couronnée de sa tonsure
Sa barbe noire en jugulaire
Il prend, il ceinture
Dans le cercle de ses bras écartés
Tête basse prêt à foncer
Son œil globuleux fixé
Sur l’âme de l’agonisant
Il veille plus qu’il ne prie
Il surveille le mourant
Il est à lui
Mais l’agonisant s’est échappé
Il est trop tard
Il n’est plus à personne
Il n’est nulle part
DERNIER VOYAGE (Bernard Buffet)
Les maisons aux murs blafards
Dressées dans le ciel terreux
Sous les paupières mi-closes de leurs croisées
Regardent passer au pas le corbillard
La traine étirée du cortège d’ombres
Silhouettes d’encre efflanquées
Poignée de fourmis dans l’étroite ruelle
Entre la maison aux boutiques sombres
Et le mur infini se perdant dans le ciel
Dans le gris terre et cieux confondus
Le cortège s’enfonce dans la venelle
Pour la dernière ballade du disparu
L'ENTERREMENT (Courbet : "Enterrement à Ornans")
Combien de fois devrai-je venir dans ce cimetière
Accompagner à pas lents un proche ou un ami
Supporter la litanie convenue des prières
Serrez les mains, baiser les joues, les yeux rougis
Combien de fois devrai-je jeter un peu de terre
Et une seule fleur coupée aux pétales d’acajou
Sur la boîte hexagonale de bois clair
Posée par les cordes au fond du trou
Combien de fois avant de venir dans ce cimetière
Porté par des bras étrangers, sans l’avoir voulu
Sans entendre les mots murmurés sans prières
Sans sentir la poudre de terre me tomber dessus
Et la douce chute des quelques fleurs coupées
Jetées par des vivants venus m’accompagner
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Par Dr WO le 26 Septembre 2015 à 13:01
En 1866, Pierre-Auguste Renoir a peint ce jeune homme et ses chiens se promenant dans la forêt de Fontainebleau.
Pierre-Auguste n'est plus.
Le jeune homme et ses chiens, non plus.
Mais l'automne est toujours là, toujours aussi beau,
Avec ses arbres en vert, jaune et rouge qui font semblant de mourir.
En jetant leurs feuilles à terre qui sentent si bon le temps de pourrir.
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Par Dr WO le 21 Avril 2014 à 10:34
Les bûches coupées dans l’âtre des souvenirs
Ont crépité d’étincelles avant de mourir
Pour retomber en amas de cendres grises.
Ceux qui vivent encore laissés dans l’abandon
Se couvrent de cendres pour implorer pardon
D’être toujours là alors que la mort est passée.
Des cendres légères emportées par la brise.
Les yeux irrités par les poussières cendrées
Versent quelques larmes pour les chasser.
Les cendres légères se dispersent à la risée,
Les souvenirs partent emportés par le vent,
Et s’éloignent tel des oiseaux transparents.
Puis vient l’âge où l’on retourne vers l’âtre d’antan,
Et l’on remue les cendres que le vent a laissées,
Elles sont terriblement froides et l’on se sent glacé.
Paul Obraska
Edward Munch : « Cendres »
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Par Dr WO le 29 Août 2013 à 14:11
Par la fenêtre ouverte est entrée
Une odeur verte de varech,
Une senteur humide et salée.
Dehors les barques sont au sec.
Le cri dur des mouettes perce l’air.
Elles volent dans une ronde affamée,
Guettent les poissons qui digèrent,
Et qu’elles saisiront dans leur bec.
Par la fenêtre ouverte est entrée
Une méchante mouche verte,
Zigzaguant dans un vol alourdi,
Gorgée du suc des poissons pêchés.
Par la fenêtre ouverte est entré
Dans cette cage aux murs gris
Un petit oiseau noir égaré
Qui gobe la mouche épuisée.
Par la fenêtre ouverte est entré
Un chat jaune aux yeux fendus
Qui dans un saut d’acrobate
Happe en l’air l’oiseau perdu.
Par la porte le pêcheur est entré.
Il ne mange pas le chat,
Mais le prend dans ses bras
Pour le caresser de la main.
Le chat, le ventre rond, ronronne
Dans les bras de l’humain,
Et regrette de ne pouvoir
En faire un jour son festin.
Paul Obraska
Henri Matisse : « Fenêtre ouverte »
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Par Dr WO le 21 Décembre 2012 à 17:01
BALLON
Il arrivera qu’un jour ou une nuit
Je ne sais où, je ne sais comment
Je serai banni de cette vie
Pour retourner au néant
Et le monde ne sera plus
Le monde est fragile, il tient dans le creux de ma main
Je l’aurai retenu comme j’ai pu
En vain
Lorsque ma main s’ouvrira comme une fleur fanée
Le monde s’échappera d’un coup dans le néant
Libéré
Tel le ballon lâché par l’enfant
Il disparaîtra comme s’il n’avait jamais existé
Paul Obraska
Magritte : « L’art de vivre »
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Par Dr WO le 19 Octobre 2012 à 17:54
Il y a des parents qui aiment leurs enfants
Et des enfants qui aiment leurs parents
Et ceux qui disent qu’il faut s’en méfier
Que tout ça c’est bien bon
Mais qu’il y a sûrement un secret caché
Il y a des enfants qui reprochent aux parents
D’être ce qu’ils sont
Il y a des parents qui reprochent aux enfants
D’être ce qu’ils sont
Ça marche de toutes les façons
Il y a aussi des orphelins
Avec des problèmes en plus
Et des problèmes en moins
Il y a des adultes qui restent enfants
A condition d’avoir encore des parents
Ou une femme pour veiller sur eux
Il y a des enfants qui ne seront jamais grands
Ils n’ont pas eu le temps de grandir
Et les parents qui perdent l’enfant qu’ils aiment
Ne seront jamais plus les mêmes
Et ne cesseront jamais de souffrir
Il y a des parents qui sont petits
Et qui se vengent sur leurs petits d’être petits
Pour prouver qu’ils sont grands
Il y a des enfants qui ne seront jamais enfants
Car il y a des adultes qui pour s’enrichir ou jouir
Mettent un adulte dans la peau d’un enfant
Un enfant c’est si petit pourtant
Un adulte c’est grand ça ne devrait pas tenir
Alors quand il est de force dedans
Ils s’en servent salement
Et puis il y a les enfants qui tuent des parents
Pour se protéger ou se droguer
Ou faire les malins ou parce qu’ils sont fous
Et des parents qui tuent leurs enfants
Pour s’en débarrasser dans un trou
Ou dans un étang
Ou les congeler
On ne sait jamais
Ça peut servir
Paul Obraska
Egon Schiele : « La famille »
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