• ESCAPADES XXI



    VACUITE

     

    Dans le jardin j’ai trouvé,

    Derrière un buisson,

    Un toit sans maison

    Hérissé de cheminées.

     

    Sans fenêtre, j’ai trouvé des barreaux sciés

    Et dissimulée sous un arbrisseau,

    J’ai trouvé une échelle sans barreaux.

    Un évadé s’était sans doute  échappé

    De l’absence inquiétante de prison.

     

    L’évadé évanescent était peut-être dans le buisson.

    En soulevant une feuille morte, je l’ai trouvé.

    Il s’est levé sans jambes pour me barrer le chemin,

    Le couteau magique de Lichtenberg à la main.

     

    Sur son visage sans yeux coulait une larme,

    Dans ma poitrine creuse il a planté l’arme blanche :

    Le « couteau sans lame auquel manque le manche »

    Mais je n’ai pas voulu rendre l’âme ;

    Un si beau cadeau, on ne le rend pas.

     

    Bien que sans destin, j’ai eu de la chance.

    Il me l’avait planté dans le cœur par négligence,

    Sans me faire ainsi passer de vie à trépas ;

    On ne plante pas bêtement l’absence de couteau

    Dans le cœur d’un homme qui n’en a pas.

     

    L’évadé dépité est parti penaud,

    Après avoir replié la lame absente

    Dans le manche manquant du couteau.

     

    Il a repris l’échelle sans barreaux et sans joie,

    Pour entrer par une fenêtre inexistante

    Dans une maison dont il ne reste que le toit.

     

     

    Paul Obraska

     

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  • Commentaires

    1
    Lundi 27 Avril 2009 à 16:27
    N'est-il pas plus absurde qu'émouvant ? Je suis heureux que vous ayez apprécié le côté surréaliste de ce texte car il peut dérouter.
    Dr WO
    2
    Lundi 27 Avril 2009 à 17:12
    Surréaliste comme vous le dites,oui. Absurde, non, ou alors d'autres poètes ont écrit eux aussi bien des absurdités !
    3
    Lundi 27 Avril 2009 à 17:21
    Merci, Sartan, de me ranger parmi les poètes.
    Dr WO
    4
    Lundi 27 Avril 2009 à 17:31
    Alors là, j'adore ! Vous me faites penser à Raymond Devos. D'une autre manière, bien sûr mais j'apprécie beaucoup ce côté surréaliste dans l'absurde. Bravo!
    5
    Lundi 27 Avril 2009 à 17:52
    "je n'ai pas voulu rendre l'âme ;
    Un si beau cadeau, on ne le rend pas"

    Voici le vers que je préfère. Bravo!
    6
    Lundi 27 Avril 2009 à 17:59
    Monsieur Devos, une référence flatteuse. Merci.
    Dr WO
    7
    Lundi 27 Avril 2009 à 18:03
    Merci Pascale. Un seul vers peut parfois sauver un poème.
    Dr WO
    8
    Lundi 27 Avril 2009 à 18:47
    Ce poème est superbe. Arrêtez d'être modeste! Vous allez finir par me faire croire que j'ai mauvais goût.
    Je répète: superbe!
    9
    Lundi 27 Avril 2009 à 19:07
    Je ne peux que m'incliner...Modestement.
    DR WO
    10
    sartan
    Lundi 7 Janvier 2013 à 16:29
    Un poème émouvant que j'ai beaucoup apprécié.
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