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114 bis. Le cannabis doit-il rejoindre l'alcool et le tabac ?
J'ai vu à la télévision les jeunes Allemands sauter de joie après les mesures (très encadrées) de légalisation de la consommation de cannabis à usage récréatif dans leur pays. Certes, la répression de sa consommation est un échec : les morts jonchent les rues, les opérations de nettoyage dont le ministre de l'intérieur est si fier conduisent les gangs à se déplacer d'un quartier à un autre et les arrestations des uns permettent aux autres de prendre leur place. On a beau dire que le cannabis - comme l'alcool et le tabac n'est pas bon pour sa propre santé et la santé des autres quand le. conducteur est dans un monde qui n'est pas parallèle à la route, le nombre des consommateurs ne fait qu'augmenter. Problème difficile à résoudre, et chaque pays tente de le résoudre à sa manière. Je me permets de mettre à nouveau en ligne un article paru sur ce blog en juin 2012 :
« La France est en Europe au premier rang des consommateurs de cannabis (1 700 000 usagers réguliers); 300 000 de nos collégiens l’ont déjà expérimenté » (en 2012). Le tétrahydrocannabinol (THC), principe actif du chanvre indien, a vu sa consommation augmenter et son taux s’accroître dans les produits en circulation, par sélection, manipulations génétiques, et « culture en chambre ». Il se trouve que la maturation du cerveau de l'adolescent mobilise des récepteurs endocannabinoïdes cérébraux dont le THC caricature la fonction. En outre, le THC a une grande rémanence dans l’organisme et on peut considérer « qu’un joint [résine - haschich ou shit - égrenée dans du tabac, la plante elle-même – marijuana – étant moins consommée] c’est du THC pour une semaine dans la tête et de nombreux joints ce sont des mois de THC dans le cerveau et dans les panicules adipeux » (cette longue rémanence explique la moindre dépendance à cette drogue).
Si vous faites un tour sur les sites, vous en verrez de nombreux qui affirment que le cannabis n’a aucun inconvénient et ne présente aucun risque. Ce n’est pas l’avis de la plupart des pharmacologues et des médecins qui s’occupent de la question.
- Il provoque une ivresse qui peut être à l’origine d’accidents sur la route et au travail comme l’alcool (l’association étant fréquente, ce qui n’arrange pas les choses).
- Il est psycholeptique, presque hypnogène et analgésique, antiémétique d’où l’utilisation médicale éventuelle.
- Il perturbe gravement la mémoire opérationnelle et son effet désinhibiteur peut inciter à des prises de risque, et à des actes délictueux.
- S’il se comporte d’abord comme un anxiolytique, cette anxiolyse se mue par la suite en une anxiété vive ; tout comme ses effets antidépresseurs font place à une dépression sévère, avec ses risques suicidaires.
- Il serait sept fois plus cancérigène que le tabac pour la sphère ORL et broncho-pulmonaire et comme lui il a une toxicité cardiovasculaire (infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux…). S’y ajoute un effet défavorable sur les défenses immunitaires.
Comme on le voit ci-dessus, le cannabis joint (si j’ose dire) les effets délétères immédiats de l’alcool aux méfaits retardés du tabac. Permettre la consommation de cannabis, c’est faire d’une pierre deux coups tout en augmentant le nombre de drogués en circulation. Bien sûr, ceux qui veulent dépénaliser la consommation minimisent les risques et avancent le possible intérêt médical (utilisé dans d’autres pays, mais il me semble que jusqu’à présent des études sérieuses n’ont pas été faites sur son intérêt médical [posologie, rapport risque/bénéfice]) et ceux qui s’y opposent ont peut-être tendance à les amplifier car ils considèrent que c’est « une vraie drogue, un faux médicament et un danger public ». Reste que si le cannabis est incontestablement nocif, la prohibition n’a pas empêché l’augmentation du nombre de ses adeptes (mais c’est aussi le cas des drogues dites dures)
La dépénalisation de la consommation du cannabis (et non l’autorisation de sa production et du trafic dont il n’est pas question) ne diminuera en rien le marché illégale, et pourrait au contraire l’accroitre en lui amenant de nouveaux clients, jusque-là retenus par le risque pénal. Il faudrait, en bonne logique, si l’on veut faire cesser le trafic et ses conséquences, que l’Etat fournisse lui-même le poison à la place des trafiquants comme il l’a longtemps fait pour le tabac et comme cela se fait aux Pays-Bas pour le cannabis.
La législation contre le consommateur varie avec les pays entre la sanction administrative (une amende) et l’infraction pénale. La question est débattue en France où la législation est sévère comme en Suède et en Finlande. Dans l’UE, le pays le plus libéral est le Portugal qui depuis 2000 a dépénalisé la consommation et l’acquisition de stupéfiants pour usage personnel et en 10 ans cet usage aurait diminué, le drogué étant considéré comme un malade et non comme un délinquant. Avez-vous une opinion ?
Illustration : "Le fumeur" de Joos van Craesbeeck (1635)
Source pour les méfaits du cannabis : Editsbeeckorial dans le Journal International de Médecine du Professeur de pharmacologie Jean Costentin.
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Commentaires
2Souris doncMercredi 3 Avril à 07:51Il ne faut pas légaliser le cannabis, son interdiction fournit aux dealers de banlieue un trafic très lucratif.
Et les occupe et les cantonne dans les cités.
Pendant ce temps, ils ne se livrent pas à d'autres business répréhensibles, genre cambriolage, arrachage du sac à main de la dame et de ses bijoux, extorsion, et économies parallèles dans le trafic d'armes, le chantage, le racket. Impliquant des violences à la personne.
Là, ils s'entretuent parfois, mais sur fond de rivalités entre mafias.
Ne surtout pas légaliser le cannabis !
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Souris doncMercredi 3 Avril à 09:14
Les économies parallèles s'autorégulent par la guerre des gangs.
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Mercredi 3 Avril à 09:49
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3BernadetteMercredi 3 Avril à 09:00Si on légalise, on fera sauter une barrière et le nombre de consommateurs augmentera. N'oublions pas aussi que le cannabis est la porte d'entrée vers les drogues dites "dures".
Le cannabis est plus pernicieux que le tabac et l'alcool puisqu'il est stocké dans le corps et relâché de façon aléatoire. Sur le long terme, les effets sont dévastateurs. Mais peut-être est-ce un bon point pour certains décideurs ? Une façon cachée de réduire la population.
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Mercredi 3 Avril à 09:54
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Au delà des problèmes (indéniables) santé et de sécurité publiques il ne faut pas occulter l'aspect altération du réel induit par les drogues (même dites "douces"), bien plus qu'avec le tabac et même l'alcool. C'est dans cette optique que sorciers et chamans l'utilisaient pour atteindre des états de conscience "différents"
Par ailleurs, le terme "paradis artificiel" employé par une "élite" artistique n'est pas innocent et dit bien ce qu'il veut dire. L'usage des drogues "dites douces" a été repris par les hippies des années 60 qui, au moins dans une certaine mesure, voulaient échapper à une société qu'ils jugeaient, à tort ou à raison, aliénantes allant jusqu'à la fuir physiquement au Népal, par exemple, démarche qu'on retrouve dans la musique psychédélique et planante de la même époque.
Le cannabis (et les suites inévitables dues à l'accoutumance et à la recherche de nouvelles expériences) sera t-il pour nos sociétés l'équivalent du Soma, la drogue du bonheur dans "Le Meilleur des Mondes"
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Mercredi 3 Avril à 10:53
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Mercredi 3 Avril à 11:19
Dans le roman de Huxley, l'absorption de Soma ne correspondait pas à un besoin de la population d'échapper au réel, mais à une nécessité pour le pouvoir politique d'alors de plonger la population dans un état d'insouciance et de félicité. Il était présenté par les autorités comme un simple médicament sans effet secondaire destiné à lutter contre le stress de la vie moderne et procurait un léger état euphorique ; il était distribué gratuitement à tous les citoyens et il était "fort recommandé" de le prendre quotidiennement.
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Mercredi 3 Avril à 11:30
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5BrindamourMercredi 3 Avril à 10:42J’entends aux infos qu’il y aurait 5 millions de consommateurs réguliers ou occasionnels et que ce bizenesse génère 3 milliards de chiffre d’affaire.
Dans ma jeunesse j’ai fumé quelques joints. Je devenais un zombi, abruti. J’ai vite arrêté. Je suis perplexe d’apprendre que cinq millions d’habitants de ce pays se mettent dans cet état en sachant qu’ils alimentent un commerce criminel. Ils sont stupides, malheureux, mal dans leur peau? J’ai regardé hier à la télé le documentaire de Mathieu Kassovitch, ode à la légalisation. A aucun moment il n’aborde le sujet de la psychologie du consommateur.
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Mercredi 3 Avril à 11:07
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Une drogue "officielle" de plus, de nouveaux consommateurs (puisque ce n'est plus interdit, c'est que ce n'est pas si grave que ça) et donc de nouveaux problèmes de santé publique.
Si la répression échoue, c'est qu'elle n'est pas dissuasive. Imaginons un cas extrême: si la police pouvait tirer à vue sur les dealers, guetteurs et consommateurs, croyez-vous que le trafic prospérerait?
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Mercredi 3 Avril à 11:24
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7BernadetteMercredi 3 Avril à 11:16Réduire la population mondiale, c'est ce que préconisent les écolos durs qui prétendent que c'est notre nombre qui pose problème pour l'équilibre de la planète.
Je suis assez pessimiste. Puisque le cannabis est légalisé en Allemagne, il le sera prochainement chez nous. En attendant de légaliser la cocaïne, l'héroïne, le crack, le LSD, les métamphétamines et tout ce que l'on pourra inventer.
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Mercredi 3 Avril à 11:34
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8BernadetteMercredi 3 Avril à 18:55
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Quand on est par principe plutôt contre la légalisation (ce qui est mon cas), face à des adversaires agressifs et sûrs de leur bon droit, on se sent faible, sur la défensive et dans le doute.
D'abord parce que les adversaires que j'affronte sont des gens que j'aime bien (mes enfants, mes neveux, leurs amis...) et puis ils ont raison pour l'alcool et le tabac, ils ont raison quand ils disent que tout le monde en fume et qu'il suffirait de pénaliser la consommation au volant comme pour l'alcool... et puis ils finissent par dire gentiment que c'est générationnel, que les vieux sont contre que les jeunes sont pour, que la droite est contre que la gauche est pour... Et puis il y a ce fameux CBD qui brouille les cartes en faisant croire qu'il y a du bon cannabis...
Alors l'amateur de débat animé et de polémique que je suis, finit par capituler par manque d'agressivité : "bon, les enfants, on passe toute la soirée à discuter ou on passe à table ?"
Vous avez bien analysé le face à face. Légaliser une drogue est contradictoire, mais on avance toujours l'alcool et le tabac. Donc cela fera une drogue dangereuse de plus...et la prochaine sera la cocaïne largement utilisée. Agir sur la consommateur par la prévention serait l'idéal, mais ça ne marche pas vraiment, encore qu'il y a moins de fumeurs de tabac.