• ChaplinBenoît Hamon, porte-parole du parti socialiste, parlait sur les ondes ce matin de l’aggravation des inégalités en France et de la nécessité de les corriger, en insistant en particulier sur celle de la durée de vie, les ouvriers étant plus défavorisés que les autres. On constate en effet que l’espérance de vie d’un ouvrier est en moyenne inférieure de 7 années à celle d’un cadre supérieur. Mais si le constat existe, la question est de savoir comment un programme politique pourrait réduire cette inégalité.

     

     

    Les travaux effectués par les ouvriers et les manœuvres sont physiquement éprouvants a tel point que lorsqu’ils prennent leur retraite ils ont souvent, d’emblée, des incapacités, qui ne surviendront en moyenne que 9 ans après pour un cadre. A cela s’ajoute le risque des accidents du travail pour lesquels il existe déjà une législation visant à leur prévention. Sur les risques du travail manuel, les politiques, socialistes ou non, auront beau claironner leur volonté, la seule façon de réduire cette inégalité est de transformer les ouvriers en cadres.

     

    L’influence des conditions socio-économiques n’est pas toujours simple à déterminer. Une étude publiée dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences américaine montre que, durant la Grande Dépression qui a frappé les États-Unis en 1929, la longévité des Américains a fait un bond inattendu. Elle est passée de 57 ans en moyenne en 1929 à un peu plus de 63 ans en 1932 alors qu’elle a diminué au cours des périodes de forte expansion économique qui l’ont précédée et suivie. Pour les auteurs de l'étude, cette embellie, alors que la situation économique était mauvaise, en particulier pour les ouvriers, pourrait notamment s'expliquer par une baisse de la consommation d'alcool et de tabac due au chômage ainsi qu'une diminution de la pollution industrielle.

     

    L’alcool et le tabac sont deux fossoyeurs souvent associés et ce sont les agriculteurs et les ouvriers non qualifiés qui sont les plus exposés au risque d’alcoolisation excessive chronique. Les campagnes contre l’alcoolisme et le tabagisme adressées à l’ensemble de la population existent déjà, certes elles peuvent être améliorées, mais devraient-elles viser spécifiquement une catégorie socioprofessionnelle au point de la stigmatiser ? On voit là encore que le discours politique n’est qu’un discours.

     

    Il n’y a – à mon avis – qu’un seul point sur lequel les politiques peuvent agir : c’est l’accessibilité aux soins : en 2004, 10 % des Français déclaraient avoir renoncé à des soins pour un motif financier. En 2008, le chiffre est passé à 11,8 % et le taux augmente à mesure que le revenu diminue, et de façon très nette parmi les faibles revenus (alors que la CMU qui permet de ne rien débourser « couvre » 5 millions de personnes environ). Pour le cancer, on constate aussi que les ouvriers ont un moindre recours au dépistage que les cadres. Mais là on s’attaque plus aux conséquences – et il le faut – qu’aux causes de l’inégalité et celle-ci persistera même si une pleine accessibilité aux soins permettrait sans doute de l’atténuer.

     

     

     


    16 commentaires
  • BlachonIllustration : dessin de Blachon, « Les malmenés » Edition Stock

    Comme chacun sait, la télévision est une lucarne ouverte sur le monde, ce qui nous transforme en voyeur assis confortablement chez soi. Bien sûr, le monde à voir est choisi par d’autres mais le panel est maintenant suffisamment grand pour pouvoir s’enrichir en ouvrant la lucarne. Il faut cependant avouer que ce sont les spectacles les plus cruels ou même les plus répugnants ou les plus débiles qui semblent avoir le plus de succès.

    Beaucoup participent de loin à la cruauté ou aux catastrophes en mangeant quelques friandises pour se donner du courage.

    Cette passivité sans risque, alimentée par les images et souvent par la nourriture n’est pas sans conséquences sur l’organisme et des travaux ont montré qu’elle constituait un facteur favorisant notamment l’obésité et le diabète.

    Mais la télévision elle-même est-elle nocive indépendamment de la sédentarité qu’elle provoque et de la crétinerie qu’elle peut parfois encourager ?

    Des auteurs britanniques, de l'université de Cambridge ont évalué, de façon prospective, la relation entre le temps passé devant la télévision et la mortalité toutes causes, la mortalité de cause cardiovasculaire et la mortalité par cancer.

    L’étude a porté sur 13197 sujets (5729 hommes et 7468 femmes), résidant à Norfolk, âgés d’une soixantaine d’années en moyenne et indemnes d’une affection cardiovasculaire ou d’un cancer lors de l’inclusion dans l’étude.

    Les patients ont été suivis pendant 10 ans environ. Pendant ce suivi, 1270 sujets (725 hommes et 545 femmes) sont décédés. Parmi ces décès, 373 étaient de cause cardiovasculaire et 570 étaient dus à un cancer.

    L'analyse, après nombre d'ajustements, associe, à chaque accroissement de 1 heure par jour du temps passé devant la télévision, une augmentation de la mortalité toutes causes (risque + 5 p 100), de celle liée aux maladies cardiovasculaires (risque de + 8 p 100), mais il n’y a pas d’association significative avec la mortalité par cancer.

    La relation est indépendante de l'âge, du sexe, du niveau d'éducation, du tabagisme, de la consommation d'alcool, de l'existence d'un diabète, de la prise de certains médicaments, des antécédents familiaux de maladie cardiovasculaire et de cancer, de l'indice de masse corporelle, de la dépense énergétique liée à l'activité physique.

    Il semble donc bien que ce soit le temps passé devant la TV qui tue... un peu. Par contre, il n’a pas été précisé s’il existait une relation entre le type d’émissions regardées et la mortalité. De façon empirique, il me semble bien qu’il existe des émissions mortelles, avec heureusement de la publicité qui lave le cerveau plus blanc dans l’intervalle.

     

     

     


    22 commentaires
  • Les femmes vivent en moyenne plus longtemps que les hommes, mais si, selon le vieil adage, la santé est le silence des organes, les organes féminins ne sont guère silencieux. Sacha Guitry disait que les femmes sont si souvent malades que l’on avait l’impression qu’elles avaient plus d’organes que les hommes. Elles n’en ont pas plus mais ils se manifestent davantage au cours de la vie. Chaque mois lunaire les hormones jouent régulièrement au yoyo et ce n’est pas sans conséquences. Quand les hormones cessent leur yoyo, le cerveau n’aime pas ce silence soudain et se manifeste le plus souvent de façon désagréable. Entre temps un corps étranger souhaité vient bouleverser une ou plusieurs fois leur organisme. Quand elles veulent éviter ce corps étranger, les femmes mettent des trucs ou prennent des choses. Quand elles ne peuvent pas avoir ce corps étranger et qu’elles le désirent, les femmes prennent des trucs et font des choses.

    Le corps de la femme est compliqué et sans cesse bouleversé et des médecins qui savent l'examiner, qui connaissent les trucs à mettre et les choses à prendre en fonction de chaque cas, sont là pour les diriger, les surveiller et les soulager : ce sont les gynécologues médicaux (qui ne font ni obstétrique, ni chirurgie). Cette spécialité (et s’en est vraiment une) a été supprimée en 1987 pour réapparaître il y a 7 ans et les résultats ne sont pas mauvais : « si en France le nombre de cancers du col de l’utérus a été divisé par 4 en 20 ans, et si les femmes ne sont plus que 14% à ne plus avoir d’utérus à 50 ans, contre 30 à 46 % dans le reste de l’Europe, c’est en tout premier lieu grâce au suivi gynécologique, à tout âge de la vie, qu’assurent les spécialistes des femmes que sont les gynécologues médicaux ».

    L’ennui est que cette spécialité risque de disparaître à nouveau  faute de combattants. L’accès direct au gynécologue se solde par une pénalité financière. Le nombre de gynécologues diminuent, il serait 1000 aujourd’hui, les délais d’attente sont déjà longs (risque de dépistage tardif des cancers, difficulté des jeunes filles  pour être prises en charge par un gynécologue) et avec le recrutement actuel (27 postes d’internes en 2009 alors qu’il en faudrait une soixantaine) ce chiffre risque de descendre à 600 en 2015 et 180 en 2020.

    Le vendredi 18 juin, une délégation du Comité de défense de la gynécologie médicale (CDGM) espérait être reçue par Roselyne Bachelot pour lui exposer cette situation préoccupante. Elle a été accueillie par un conseiller, Mme Bachelot s’occupant principalement ce jour là de l’avenir l’équipe de France de football qui lui a paru plus important que celui des femmes de ce pays.


    10 commentaires
  • Les corédacteurs du rapport de l´Agence française de sécurité sanitaire et du travail (Afsset) sur les champs électromagnétiques extrêmement basses fréquences (CEM-EBF) ne sont pas contents.

    Ce rapport avait été demandé par les ministères de la Santé et de l´Ecologie, afin d´évaluer les effets sanitaires de ces CEM-EBF. D’après ces experts, « un amateur » de l’Afsset se serait permis de modifier les conclusions, négligeant les effets dans la vie quotidienne et se focalisant sur les lignes à haute tension. L’avis de l’Afsset a ainsi préconisé « sans concertation et contre toute justification scientifique, la création d´une zone d´exclusion de 100 mètres de part et d´autres des lignes de transport d´électricité à très haute tension » alors que les rapporteurs ont déclaré que « les preuves scientifiques de possibles effets sanitaires à long terme sont insuffisantes pour justifier une modification des valeurs limites d´exposition actuelles ». Si ce principe de précaution est appliqué, il va, disent-ils, inquiéter inutilement et sans aucune base scientifique les 300000 riverains des lignes de transport de l’électricité.

     

    Pour ma part, je ne sais évidemment pas qui a raison. Fixer une zone d’exclusion au pif, c’est ennuyeux et pourquoi avoir négligé une partie du rapport ? D’un autre côté, j’ignore qui sont ces experts, et je suppose qu’ils n’ont aucun rapport avec EDF.

    L’avis donné par « l’amateur » est d’ordre politique. Le drame du sang contaminé a accouché du principe de précaution maintenant inscrit dans la Constitution. Or les études indépendantes qui cherchent à déterminer le degré de risque d’un matériel ou d’une situation sont difficiles, exigent du recul (des années), sont souvent contradictoires et parfois discutables sur le plan méthodologique, mais tout risque évoqué est rapidement considéré par le public comme établi, même s’il n’a pas été démontré et les gouvernants, par précaution, sont souvent obligés de suivre et les juges de rendre parfois des jugements sans fondement.

    Le principe de précaution destiné à rassurer, ne rassure pas, il suscite la peur, d’autant plus que le public a souvent, à tort ou à raison,  le sentiment que des informations lui sont cachées en raison des intérêts mis en jeu. Les risques sanitaires hypothétiques s’ajoutent de plus en plus aux crises sanitaires authentiques, de quoi faire notre bonheur.


    16 commentaires
  • Caravage-diseuse.jpgDes chercheurs américains de la faculté de Santford ont publié dans le Lancet du 30 avril le premier séquençage du génome entier d'un homme qui n’était aucunement malade mais avait des antécédents familiaux de maladie vasculaire et de mort subite. La détermination de cette carte génétique a coûté 10000 dollars (le premier séquençage avait coûté 2 ,7 milliards de dollars et dans l’avenir ce prix devrait tomber à 1000 dollars).

    Bien sûr, ces chercheurs ont trouvé chez cet homme sain des variants  prédisposant à nombre de maladies : les uns pour deux affections exposant à la mort subite, d’autres variants pour la maladie coronaire et l’infarctus du myocarde, le diabète et l’obésité sans compter ceux associés à des sur-risques de cancer, d'arthrose et de maladies plus rares.

    Ce constat laisse penser que chacun d’entre nous dispose d’une belle panoplie génétique de maladies futures, ce dont on se doutait. Ces chercheurs sont conscients que l'effet de ces variants dépend d'interactions avec l'environnement et du comportement, mais leur ambition est de progresser vers une médecine personnalisée : « dans la mesure où cette pratique de séquençage du génome entier est appelée à se développer, il faut mettre au point des méthodes intégrant les données génétiques et cliniques pour aider à la décision ».

     

    Cette ambition part de bonnes intentions, et n’est-il pas réjouissant de connaître avec une meilleure probabilité les maladies dont nous allons mourir, alors que nous n’en avions qu’une vague idée, encore que, si l’on se réfère au cas exploré la plupart des grandes maladies figurent dans sa carte nécrologique et on se demande quelle prévention drastique serait nécessaire pour le prolonger de quelques années, prévention et surveillance tous azimuts qui risquent fort de lui gâcher la vie.

    Il faut rappeler à ces chercheurs que nous sommes mortels et que la prévention, aussi sophistiquée soit-elle, aboutit à un échec. Qu’avoir une prédisposition à une maladie ne prouve aucunement que celle-ci surviendra dans le cours d’une vie, mais le sujet, lui, aura peut-être l’impression d’une fatalité. Que de savoir avec une plus grande précision que nous sommes menacés (ce que nous savons) augmentera l’angoisse de chacun. Qu’un des moteurs de la vie est l’incertitude, non pas de notre propre mort, mais de sa date et de la façon de mourir et que cette incertitude est source d’espoir en mettant la mort entre parenthèses.

     

    Illustration : Caravage "La diseuse de bonne aventure"


    20 commentaires
  • gauguin quand allez-vous vous marierCe billet fait suite à l’article précédent (« Sexe and sexes) qui montrait, entre autres, que l’activité sexuelle était associée à une meilleure santé. L’hypothèse des auteurs était que pour maintenir cette activité, les sujets s’efforceraient de suivre les prescriptions de prévention. Hypothèse hasardeuse, car on pourrait aussi bien inverser la proposition et suggérer que c’est au contraire la bonne santé qui permettrait de maintenir l’appétit sexuel.

    Une autre étude rétrospective, cette fois israélienne[1], s’est intéressée aux effets de l’amour et du mariage sur une seule maladie : l’accident vasculaire cérébral, mais uniquement chez les hommes, en étudiant le devenir de 9343 fonctionnaires entre 1963 et 1997. L’analyse a été réalisée après ajustement des différentes variables de confusion (statut socio-économique, index de masse corporel, pression artérielle, tabagisme etc…). . Les résultats montrent que le risque de décès par l’accident vasculaire cérébral est 64 % plus élevé pour les hommes célibataires que pour les hommes mariés et que ce risque est également 64 % plus élevé pour les hommes qui déclarent qu’ils ne sont pas satisfaits par leur vie de couple par rapport à ceux qui considèrent leur union comme un grand succès (si le risque est de 1 pour les hommes mariés heureux, il est de 1,64 pour les autres).

    Ce qui permettrait de conclure que les transports amoureux satisfaisants avec un conjoint éviteraient  pour certains un « transport » au cerveau brutal. On savait que sexe et cerveau avaient des liens indubitables, mais quel pourrait être le rapport entre le manque d’amour ou son instabilité et un caillot dans le cerveau ? L’abstinence plus ou moins prolongée pourrait-elle prendre la tête ? Ce n’est pas le cas des célibataires susceptibles d’avoir une activité sexuelle intense, mais l’instabilité amoureuse, le manque d’amour véritable et la complexité des relations doivent s’accompagner de stress et peut-être d’insatisfaction. Les prêtres catholiques qui ont fait vœu de chasteté vivent plutôt vieux (je n’ai pas connaissance dans leur cas de la proportion d’accidents vasculaires cérébraux), mais on ne peut pas affirmer pour eux l’absence de relations amoureuses, leur éclosion éventuelle, que je suppose sporadique, ne doit pas manquer de stress et/ou de culpabilité. Notons enfin, que les hommes mariés qui se conduisent en célibataires ne devraient tirer aucun bénéfice de leur mariage. Un bon entendeur, salut.


    Illustration : Paul Gauguin "Quand allez-vous vous marier ?"

    [1] Goldbourt U : Unmarried working men and unhappily married at age 40-65 carry excess risk of 34-year stroke mortality. American Stroke Association’s International Stroke Conference 2010 (San Antonio) : 23 – 26 février 2010.

     


    16 commentaires
  • bonnard77.jpgJe résume dans ce billet les résultats d’une étude réalisée aux USA[1] sur deux cohortes d’hommes et de femmes, composées, pour l’une de 3 032 sujets âgés de 25 à 74 ans et pour l’autre de 3 005 sujets de 57 à 85 ans.

    1) Notion connue : les hommes sont plus intéressés par le sexe que les femmes. Leur intérêt pour la chose est indépendante de l’âge et du statut de couple, alors que  les femmes sont beaucoup moins attirées par le sexe à partir de 55ans, surtout lorsqu’elles n’ont pas de compagnon et cette baisse de l’appétence s’aggrave avec le temps : dans la tranche 75-85 ans, 41,2 % des hommes se disent encore intéressés contre seulement 11,4 % des femmes. A cet âge, 38,9 % des hommes sont sexuellement actifs, pour 16,8 % des femmes.

    2) Le sexe est bon pour la santé. Une bonne santé est significativement associée à une vie sexuelle active, plus encore quand la fréquence des rapports atteint ou dépasse un par semaine.

    3) Si les hommes ayant une vie sexuelle active se disent pour la plupart satisfaits, seulement une femme sur deux fait la même constatation. Sujet à approfondir : l’intérêt plus faible pour le sexe constaté chez les femmes ne vient-il pas de là ?

    Illustration : Pierre Bonnard "Homme et femme"


    [1] Tessler Lindau S. et coll.: Sex, health, and years of sexually active life gained due to good health: evidence from two US population based cross sectional surveys of ageing.
    BMJ 2010;340:c810

     


    26 commentaires
  • « Mutation » (catégorie des « Bâtons rompus »), était un billet consacré à l’organe surnuméraire dont s’est doté l’homo sapiens de l’enfance à l’âge adulte (il est presque toujours absent chez le vieillard), petit organe rectangulaire extracorporel relié aux oreilles par de fins cordons et secrétant essentiellement de la musique qui se déverse pendant des heures dans le cerveau.

    Pathologie

    Comme on le sait, chaque organe est susceptible de provoquer des maladies. Le balladeur MP3 peut rendre sourd. « Environ 10 % des jeunes de moins de 25 ans présentent (…) une perte auditive pathologique. Les expositions sonores représentent une des causes majeures de déficit auditif chez les jeunes de moins de 25 ans » selon l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé. La pathologie risque d’apparaître lorsque le volume sonore dépasse la moitié du volume maximum. Celui-ci est selon la réglementation en vigueur de 100 dB pour tout appareil vendu en France ; alors que le Conseil supérieur d’hygiène publique avait déjà estimé en avril 1996 que parmi « les appareils, seuls ceux qui sont limités à un niveau sonore de 85 dB peuvent être considérés comme ne présentant qu’un risque auditif très faible »

    Physiologie 

    Si le volume sonore est la cause principale de la pathologie du MP3, il faut noter qu’il renforce l’isolement du sujet branché, et que le produit de sa sécrétion, c'est-à-dire le type de musique n’est pas sans conséquence sur l’organisme. Une étude[1] a été faite en utilisant uniquement de la musique classique pour préciser sur 12 musiciens et 12 non musiciens les effets cardiovasculaires en fonction du rythme et des tempos choisis. Puccini, Beethoven et Bach ont été mis à contribution et les auteurs ont mesuré : la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire, la pression artérielle, le flux au niveau de l'artère cérébrale moyenne et le flux des vaisseaux cutanés. Le résultat est que dans les phases de crescendo la fréquence cardiaque s'accélère, la pression artérielle augmente alors que dans les phases plus lentes on observe une dilatation des vaisseaux  cutanés, une chute de pression artérielle ou de fréquence cardiaque. Ces réponses sont tout à fait indépendantes de la volonté et identiques chez les musiciens et chez les non musiciens.

    Quand on pense à la fureur souvent déversée dans la musique que beaucoup de jeunes affectionnent, on se demande quels sont les effets cardiovasculaires de cette agression prolongée. Mais on peut, pour sa santé, se rabattre sur des chanteurs sans voix et des musiques sirupeuses. Le choix de manque pas. La difficulté est alors de vaquer à ses occupations en restant éveillé.

    Il n’est jamais trop tôt.

    Afin de préparer le fœtus à son futur organe surnuméraire dont il sera équipé de façon quasi permanente et aux produits des marchands de musique dont il sera abreuvé, un fabricant a mis au point un appareillage destiné à la femme enceinte : « le Ritmo Advanced Sound System ». On sait en effet que le fœtus niché dans le ventre de sa mère entend non seulement les sons et les bruits maternels mais également les sons de l’extérieur et la musique peut d’ailleurs s’avérer bénéfique pour lui si la musique choisie correspond à ses goûts, malheureusement difficiles à déterminer. Cet appareillage comporte un harnais extensible encadrant le ventre et équipé de deux paires de haut-parleurs, transformant ainsi l’utérus en auditorium. Diverses sources musicales s’y adaptent et des écouteurs sont également prévus pour la femme en attendant l’heureux évènement. C’est là que les goûts musicaux de la future mère pourraient revêtir une certaine importance pour l’appareil cardiovasculaire de son futur enfant qui à défaut de pouvoir siffler dans son bain risque d’entendre siffler ses oreilles et battre son cœur.

    MP3

    [1] Bernardi L. et al. Circulation. 2009 Jun 22


    22 commentaires
  • Le monde animal est un monde violent, mais la violence ressort le plus souvent d’une nécessité : s’alimenter, survivre, défense du territoire, conquête de la femelle pour les mâles et défense de la progéniture pour les deux mais surtout pour les femelles. L’homme peut obéir à toutes ces motivations (« la lutte pour la vie »), mais sa particularité – en dehors du rire – est d’aimer parfois la violence pour la violence : la violence gratuite, sans intérêt.

    La question toujours débattue et jamais résolue est : d’où vient cette violence ? Existe-il une prédisposition ? Le violent est-il le produit de son environnement : famille, éducation, société ? Ou les deux facteurs associés existent-ils toujours ? Il faut mettre à part la violence déployée pour sa propre sécurité et celle provoquée par une idéologie qui se déploie toujours sur une grande échelle et entraîne des individus apparemment normaux dans une violence parfois extrême.

    L’idée d’une disposition héréditaire pour les maladies mentales  est apparue au milieu du XIXème : c’est la théorie de la « dégénérescence » dont l’idée centrale est la transmission héréditaire d’une prédisposition morbide (siégeant dans le système nerveux) s’aggravant au fil des générations sous l’effet de causes favorisantes jusqu’à l’extinction de la lignée. Cette théorie a été élaborée par B-A Moret qui lui donnait une connotation métaphysique puisque la folie lui paraissait être la conséquence d’une déchéance originelle, celle qui frappe la créature déchue, chassée du paradis. Cette théorie ne s’appliquait pas particulièrement aux actes criminels, c’est le criminologiste italien Lombroso qui a élaborée la théorie atavique du crime du individualisant une soi-disant classe de « criminels nés ».

    Bien sûr la génétique moderne est venue mettre son grain de gène. Normalement le chromosome n° 23 comporte la paire XY chez l’homme. Dans les années 1960 le « chromosome du crime » avait été décrit sous la forme surnuméraire XYY qui d’après une étude américaine s’était révélée 35 fois plus fréquente dans la population carcérale que dans la population générale. On en revenait à la notion de « criminels nés ». Depuis cette théorie a été battue en brèche car la grande majorité des criminels ne possède pas cette anomalie XYY, et l’avoir (un homme sur mille tout de même) ne signifie pas que l’on va devenir criminel.

     

    Dans un article précédent (MEUTES XVIII) un commentaire me faisait remarquer que l’enfant ne nait pas violent et que c’est l’adulte qui lui apprend ou suscite la violence notamment par le type d’éducation (référence au film « Le ruban blanc »). Il me semble au contraire que beaucoup de petits enfants peuvent être violents et que c’est la peur de l’autre enfant ou de la réprimande de l’adulte qui le retient, la bonne éducation s’efforçant de diminuer et de canaliser cette violence pour rendre l’enfant « socialement compatible ». A l’inverse, l’environnement psycho-social peut évidemment contribuer à la développer.

    La neurobiologie et notamment l’imagerie fonctionnelle du cerveau vient apporter des éléments sur le rôle de la peur comme facteur de délinquance. Des recherches[1] en exploitant une étude longitudinale commencée depuis plus de vingt ans, ont établi qu’une sensibilisation amoindrie au sentiment de peur dans l’enfance (vers l’âge de 3 ans) est associée à une criminalité accrue, vingt ans plus tard. Ce lien s’expliquerait par l’implication physiologique de l’amygdale du cerveau dans la perception de la peur : un dysfonctionnement de cette structure cérébrale empêcherait de reconnaître le danger et favoriserait alors des comportements « plutôt intrépides ». D’où l’installation d’un cercle vicieux : moins le sujet serait sensible aux conséquences négatives de ses actes, et plus il risquerait de s’engager dans des conduites délictueuses, en l’absence de frein. Une dimension organique apparaîtrait donc dans le comportement délinquant. D’autres travaux  ont confirmé cette relation entre un dysfonctionnement amygdalien précoce et une inclination ultérieure aux comportements antisociaux. À l’inverse, une réactivité accrue de l’amygdale cérébrale est retrouvée dans les troubles anxieux, et ce phénomène semble constituer la base d’un conditionnement à une peur excessive (à mon avis, il reste à savoir si la dysfonction observée de l’amygdale cérébrale dans un sens ou dans un autre est primaire ou secondaire)

    Alors, le « criminel né » renaîtrait-il ?


    Amygdale

    [1] Philipp Sterzer : Born to be criminal ? What to make of early biological risk factors for criminal behavior. Am J Psychiatry, 2009 ; 167 : 1-3


    26 commentaires
  • Ucello paolo St georges
    Paolo Ucello : "Saint-Georges et le Dragon" 1456


    L’idée que la volonté a une influence sur la maladie est des plus mystérieuses. Le stéréotype du malade combattant sa maladie, tendant ses forces contre l’envahisseur est largement répandu. Le malade habité par un mal qu’il faut chasser ou se livrant à son dernier combat. Malheureusement les cellules cancéreuses, la fibrose envahissante, la dégénérescence, les virus et les microbes s’ils sont parfois  sensibles an traitement, se moquent vraisemblablement de la volonté du patient ou de son degré d’information.

     

    Connaître l’ennemi pour le combattre

    Pour nombre de médecins ne rien cacher au malade aurait une vertu thérapeutique. Savoir hâterait la guérison. Certains vont jusqu’à avancer que la guérison n’est possible que si le malade est parfaitement informé : « L’efficacité des soins passera de plus en plus par l’information du patient, qui ne peut guérir que s’il devient propriétaire de sa maladie et s’il participe de façon éclairé aux choix thérapeutiques. »[1]. Passons sur le terme de « propriétaire » qui introduit le libéralisme même dans la maladie et il ne manque plus que l’offre de vente, mais pour être sérieux, il est légitime de demander sur quoi repose cette affirmation. Nous n’avons pas connaissance d’études comparant la qualité et la rapidité de la guérison ou de la rémission entre un groupe de malades parfaitement informés de leur maladie et ayant choisi leur traitement et un groupe de malades identiques ne connaissant qu’une partie de la vérité ( celle sur le but des examens et la thérapeutique) et chez qui le traitement a été choisi par leur médecin.

    Si savoir a une vertu thérapeutique, il y a là encore un mystère. C’est supposer que l’information du patient, c’est à dire la pensée, renforce l’efficacité des médicaments ou agit sur les lésions, les cellules cancéreuses ou les germes.

    En renversant la proposition, c’est dire que l’ignorance diminue l’efficacité du traitement et admettre que lorsque le malade était peu au fait de sa maladie, on n’obtenait que difficilement des succès thérapeutiques avec la chimiothérapie, la radiothérapie, la chirurgie ou les antibiotiques. Ce qui est absurde.

                                                                                    

    Chamanisme et bon sens

    Croire à la vérité et à la volonté comme traitements ressort d’une conception chamanique de la maladie assez étonnante dans une médecine qui se veut rationnelle et scientifique. Heureusement qu’un grand nombre de malades gardent les pieds sur terre : « Je ne me suis pas battue avec cette maladie, je l’ai soignée » (Hélène Fillières).

    Cependant l’état d’esprit d’un malade a son importance. Il y a des malades qui se laissent mourir (« glissement »), mais si l’on ne possède pas un traitement efficace, la volonté de vivre ne retardera guère l’échéance.

    Si l’on peut être guéri sans rien connaître de sa maladie et sans que la volonté intervienne, la volonté et l’information sur le traitement  peuvent aider à le suivre correctement, à le supporter et à ne pas l’abandonner. Dans certaines maladies chroniques comme le diabète ou l’asthme, l’éducation du malade sur la surveillance et l’adaptation du traitement est importante et la contribution active et volontaire du malade aux soins indispensable, mais ce sont des cas particuliers.


    [1] Louis Dubertret, propos recueillis par le Point du 4 novembre 2004


    16 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique