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75. Ceux qui sont moins égaux que les autres
Benoît Hamon, porte-parole du parti socialiste, parlait sur les ondes ce matin de l’aggravation des inégalités en France et de la nécessité de les corriger, en insistant en particulier sur celle de la durée de vie, les ouvriers étant plus défavorisés que les autres. On constate en effet que l’espérance de vie d’un ouvrier est en moyenne inférieure de 7 années à celle d’un cadre supérieur. Mais si le constat existe, la question est de savoir comment un programme politique pourrait réduire cette inégalité.
Les travaux effectués par les ouvriers et les manœuvres sont physiquement éprouvants a tel point que lorsqu’ils prennent leur retraite ils ont souvent, d’emblée, des incapacités, qui ne surviendront en moyenne que 9 ans après pour un cadre. A cela s’ajoute le risque des accidents du travail pour lesquels il existe déjà une législation visant à leur prévention. Sur les risques du travail manuel, les politiques, socialistes ou non, auront beau claironner leur volonté, la seule façon de réduire cette inégalité est de transformer les ouvriers en cadres.
L’influence des conditions socio-économiques n’est pas toujours simple à déterminer. Une étude publiée dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences américaine montre que, durant la Grande Dépression qui a frappé les États-Unis en 1929, la longévité des Américains a fait un bond inattendu. Elle est passée de 57 ans en moyenne en 1929 à un peu plus de 63 ans en 1932 alors qu’elle a diminué au cours des périodes de forte expansion économique qui l’ont précédée et suivie. Pour les auteurs de l'étude, cette embellie, alors que la situation économique était mauvaise, en particulier pour les ouvriers, pourrait notamment s'expliquer par une baisse de la consommation d'alcool et de tabac due au chômage ainsi qu'une diminution de la pollution industrielle.
L’alcool et le tabac sont deux fossoyeurs souvent associés et ce sont les agriculteurs et les ouvriers non qualifiés qui sont les plus exposés au risque d’alcoolisation excessive chronique. Les campagnes contre l’alcoolisme et le tabagisme adressées à l’ensemble de la population existent déjà, certes elles peuvent être améliorées, mais devraient-elles viser spécifiquement une catégorie socioprofessionnelle au point de la stigmatiser ? On voit là encore que le discours politique n’est qu’un discours.
Il n’y a – à mon avis – qu’un seul point sur lequel les politiques peuvent agir : c’est l’accessibilité aux soins : en 2004, 10 % des Français déclaraient avoir renoncé à des soins pour un motif financier. En 2008, le chiffre est passé à 11,8 % et le taux augmente à mesure que le revenu diminue, et de façon très nette parmi les faibles revenus (alors que la CMU qui permet de ne rien débourser « couvre » 5 millions de personnes environ). Pour le cancer, on constate aussi que les ouvriers ont un moindre recours au dépistage que les cadres. Mais là on s’attaque plus aux conséquences – et il le faut – qu’aux causes de l’inégalité et celle-ci persistera même si une pleine accessibilité aux soins permettrait sans doute de l’atténuer.
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Commentaires
L'espérance de vie à une base génétique qui nous rend d'emblée inégaux. Les conditions de vie viennent moduler la programmation. Les ouvriers et les manoeuvres ont en moyenne une vie plus courte et il est injuste d'imposer à toutes les professions le même âge de cessation d'activité. L'augmentation de la longévité humaine est actuellement continue mais également le maintien des facultés. Cela dit on ne peut pas achever les vieillards devenus encombrants.
Dr WO
Excellent résumé de la difficulté de traiter un problème au coeur des préoccupations des français.
Cela me rappelle que, pour Marx, la société communiste idéale fera disparaitre non seulement les classes sociales, mais aussi les différences entre la ville et la campagne ET les différences entre travail manuel et travail intellectuel, donc entre cadres et ouvriers.
Notre société semble de plus en plus reprendre à son compte ce beau rêve utopiste.Un très bel article Doc.....Ce qui m'a étonné, c'est que tu ne parles pas des problèmes rencontrés dans le milieu professionnel. comme le stress et ce que cela engendre... Les petits cadres avec des responsabilités, le "cul" assis entre deux chaises, devant relever les compteurs pour atteindre leurs objectifs, sont aux prises constantes de ce stress à la performance. Là aussi il y a un âge limite, car la mondialisation en a usé plus d'un et en usera encore.......!!!!!!
Par contre, je te rejoins complètement pour les petites gens qui ne peuvent pas se payer de mutuelle, et qui se soignent de moins en moins. J'en ai des exemples vivants dans ma commune.
Vaste sujet qui mérite de la réflexion.
Bonne soirée Doc, bises.Utopie que les kmers rouges ont illustré de façon sanglante. Tenter de transformer la réalité en utopie est toujours dangereuse.
Dr WO
Je n'en ai pas parlé car je n'ai envisagé dans ce billet que l'inégalité portant sur la durée de vie des ouvriers soulevée par l'interview que j'ai entendue ce matin. Il y a bien sûr d'autres conditions de travail qui peuvent jouer sur la santé, notamment le stress (j'en ai déjà parlé ailleurs et j'en parlerai encore, mais je pense que pour être éventuellement lus, les billets se doivent de ne pas être trop longs).
Dr WO
Je n'ai pas osé évoquer les khmers rouges pour illustrer ce que je pense des beaux rêves utopiques de ce genre.
Merci d'avoir remis les choses en perspective, Doc.Les kmers rouges ont poussé à l'extrême la folie égalitaire. La révolution "culturelle" chinoise n'était pas mal non plus.
Dr WO
Voilà qui a le mérite de la clarté ! Le plus étonnant c'est qu'il n'y a plus personne pour proposer, comme palliatif général aux inégalités innées ou acquises l'égalité des salaires. Comment, j'ai dit un gros mot ? Le chef, depuis la nuit des temps, c'est celui qui a la plus grosse (massue, paye, maison, etc...)! Ah, bon, et comme dans la guerre des boutons, après un rapide coup d'oeil, je m'aperçois que je ne serai pas le chef.Seule l'inégalité devant la loi doit révolter. Les autres inégalités font partie de la nature. La chance ou la malchance et le hasard ne sont pas contrôlables.
Dr WO
L'égalité des salaires conduirait à une société bloquée où les uns travailleraient pour les autres, c'est à dire à une exploitation des uns par les autres.
Dr WO
14leonieLundi 7 Janvier 2013 à 16:16Quand on dit : liberté, égalité, fraternité, ben on se rend compte que ce ne sont que des mots, rien que des mots.15leonieLundi 7 Janvier 2013 à 16:16L'inégalité me révolte parce que même si on peut la réduire, on ne peut la supprimer, elle existe pour tout ce qui vit, qui existe. Il y aura toujours des moins chanceux, il y a ceux qui sont mieux lotis que nous et qui sont plus mal lotis. Je n'envie pas ceux qui sont mieux que moi mais j'ai du mal a accepter que d'autres soient moins bien.16leonieLundi 7 Janvier 2013 à 16:16C'est déjà le cas dans l'inégalité des salaires non?
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J'ai entendu dire que -statistiquement- la période où les retraités sont en assez bonne forme pour vivre une retraite sans problème se situe entre soixante et soixante-cinq ans. Ensuite, arrivent les "problèmes de santé" pris en charge médicalement qui restreignent beaucoup les possibilités de jouir de sa liberté. Et le moment où être malade est "un boulot à plein temps" arrive très vite si on est encore de ce monde. L'allongement de l'espérance de vie, si il a pour conséquence la multiplication des centenaires augmente aussi le nombre de grabataires pour qui la retraite n'est pas synonyme de liberté mais de souffrances physiques et psychologiques.