• Si les dieux peuvent rendre les hommes malades, il n'y a aucune raison pour que les hommes ne cherchent pas à les imiter.

    Les Scythes au Ve siècle avant notre ère trempent leurs flèches dans du cadavre putréfié.

    En 1347 les Mongols assiègent Caffa en Crimée, un comptoir tenu par les Génois. Avant de lever le siège ils catapultent des corps de pestiférés par dessus les murailles. Les Génois reprennent la mer et vont disséminer la maladie dans les ports où ils relâchent, jusqu'à Marseille. Même si les études épidémiologiques semblent infirmer cette origine,  les Tatars garderont la  Grande Peste noire du Moyen Age sur la conscience.

    A la fin du XVe siècle les Espagnols mettent du sang de lépreux dans le vin laissé aux Français qui investissent Naples, mais heureusement la lèpre ne s'attrape pas si facilement.

    C'est à une épidémie de variole apportée par un de ses esclaves que Cortés doit l'effondrement rapide de l'Empire Aztèque, mais il ne l'avait pas fait exprès.

    Par contre c'est exprès qu'en 1763, le colonel Henry Bouquet, de l'armée de sa Majesté Britannique, avec l'accord du général Amherst, fait distribuer des vêtements de varioleux aux tribus indiennes de Fort Pitt au Canada.

    On pourrait multiplier les exemples qui relèvent tout de même de l'amateurisme. C'est au XXe siècle que la guerre bactériologique devient une affaire de professionnels, enfin confiée à des « médecins » biologistes.

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  • Les revers de la conquête

    « L'amour est une agitation éveillée, vive et gaie...Elle n'est nuisible qu'aux fols » disait Montaigne. Des études ont montré que le mariage était bon pour le système cardiovasculaire, à condition toutefois que la relation conjugale soit satisfaisante. D'une façon générale, l'amour partagé est favorable à la santé, mais chacun sait qu'il peut être la source de bien des maux. Ô préservatif ! « Préserve-moi de mes amis, mes ennemis je m'en charge ». Des amoureux, même sages, ne sont pas à l'abri du danger. Ils sont exposés à la maladie du baiser (mononucléose infectieuse), le garçon est en outre menacé de paralysie radiale s'il laisse la tête de sa promise trop longtemps appuyée sur son bras, sans oublier la fracture du talon lorsqu'il saute par la fenêtre de la chambre à l'arrivée du père soupçonneux (syndrome de Roméo). Encore que par les temps qui courent, ce soit parfois le père menacé qui saute par la fenêtre après son intrusion intempestive.

     

    La maladie d'amour

    Jusqu'au XIXe siècle, les troubles du comportement dus à la frustration amoureuse étaient considérés comme une vraie maladie. Elle atteignait particulièrement les beaux-fils qui tombaient amoureux d'une belle-mère, bien entendu jeune et jolie. Hippocrate en fit le diagnostic chez le roi de Macédoine Perdicas II. Erasistrate en fit de même chez  Antiochus, et Avicenne pour un prince de Rhages en Perse. Au XVIIIe siècle, on se pose toujours la question : « L'amour peut-il être guéri par les plantes ? » (Thèse de Doctorat. François Boissier de Sauvages 1726).

    Une façon moderne et plus radicale que les plantes pour calmer sa flamme est d'incendier la femme qui se refuse.

    Au XIXème, on parle d'hystérie puis la psychanalyse s'en empare. De nos jours les médecins ne sont plus sentimentaux. Les seuls concernés sont les sexologues qui comme leur nom l'indique s'intéressent au sexe et non pas à l'amour. « Il m'avait toujours semblé que lorsque la sexualité tend à se muer en sexologie, la sexologie ne peut plus grand chose pour la sexualité » (Romain Gary).[1]  Cependant William Masters et Virginia Johnson, eux, sont passés de l'un à l'autre : réalisant les recherches fondamentales en sexologie, publiées en 1968 (Les Réactions sexuelles), William a fini par épouser Virginia, on ne peut impunément assister au coït des autres.

     

    L'amour dopé

    Le philtre d'amour est de tous les temps. Un des plus anciens est le fruit de la mandragore, offrande de Rachel à Léa pour coucher à sa place avec Jacob (Genèse 30/14). Un des plus utilisés, et des plus dangereux, a été la mouche de Milan ou cantharide qui réduite en poudre provoquait les érections souhaitées mais aussi des néphrites souvent mortelles. L'ecstasy l'a remplacée, vendue dans les grandes surfaces des rave parties, tout aussi dangereuse, pouvant provoquer des dégradations cérébrales sévères, même après une seule prise. L'argument libido est toujours présent pour faire vendre les vitamines et autres compléments alimentaires.

    La médecine traditionnelle chinoise attribue à la bile d'ours le pouvoir de guérir de nombreuses maladies et bien entendu de restaurer ou accroître les capacités sexuelles masculines. D'où un braconnage et surtout un élevage des ours, en Chine, Corée, Vietnam. Cette exploitation sans fondement des ours n'atténue en rien l'admiration béate de certains pour des médecines qui n'ont d'autre qualité que l'exotisme. Dans ces mêmes régions on attribue au phallus des phoques des vertus aphrodisiaques. C'est un des motifs de leur massacre à coups de gourdin sur la banquise, rouge de leur sang.

    Il est moins exotique, plus facile et moins cruel d'accroître le flux sanguin au bon endroit en avalant au bon moment un inhibiteur sélectif de la phosphodiestérase du type 5.

    En avoir ou pas

    Les hommes inquiets par la baisse de leur virilité se doutaient bien depuis longtemps que les testicules devaient contenir un principe actif. Dans l'antiquité et au Moyen Age, les testicules de castor étaient utilisés pour fabriquer des drogues et pommades et la légende voulait que le castor poursuivi par un chasseur se châtrait lui-même pour éviter d'être tué. Légende sans fondement car les testicules de castor sont internes. A la fin du XIXe siècle, c'est un américano-anglo-français venu de l'île Maurice, successeur de Claude Bernard, Edouard Brown-Séquard qui découvrit que même quand ils sont externes les testicules sont aussi des glandes à sécrétion interne. A 72 ans il s'injecta des extraits de testicules de chiens et cobayes et constata avec satisfaction que ses «  ardeurs défaillantes »[2] étaient ranimées. Mais cet effet s'avéra fugace. Dans les années 1920  le russo-français Serge Voronov, directeur du laboratoire de chirurgie expérimentale du Collège de France et son frère Georges greffèrent des testicules de singe, d'abord sur un arriéré, puis sur un vieil anglais disposant apparemment de toutes ses facultés et enfin sur des membres de l'intelligentsia et l'Archevêque de Paris. Ce « traitement paraît si prometteur que les compagnies d'assurances l'interdisent aux porteurs de rentes viagères »[3]. En Amérique, c'est le professeur d'urologie de Chicago, Lespinasse, qui greffa des morceaux de testicules humains récupérés après suicide ou exécution.

     

     

    Des fourmis dans un membre

    Une autre recette possible à base de fourmis est donnée par Maimonide :"Prenez une unité d'huile de carottes, une autre de radis et un quart d'unité d'huile de moutarde. Mélangez et ajoutez-y une demi- unité de fourmis jaunes vivantes. Exposez l'huile au soleil durant quatre à sept jours. Oignez-vous-en le membre deux ou trois heures avant les rapports. Vous constatez qu'il se maintiendra même après l'émission de sperme. Rien de plus efficace n'a été trouvé en ce domaine !... " [4].

    Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora


    [1] Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable 

    [2] Bariéty et Coury, Histoire de la médecine

    [3] M. Dupont, Dictionnaire historique des médecins

    [4] Cité par R.Küss et W. Gregoir, Histoire illustrée de l'urologie


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  • Le pape infanticide

    Au XIIe siècle, les conciles (Clermont, Latran, Tours) interdirent aux membres du clergé la pratique de la médecine et surtout de la chirurgie en vertu du principe : «  Ecclesia abhorret a sanguine ». En 1492, le Pape Innocent VII, gravement malade, aurait dû s'en souvenir quand son médecin lui proposa la première transfusion sanguine humaine connue avec le sang de trois enfants. Les quatre en moururent. Le Pape aurait pu supporter la transfusion si son groupe sanguin avait été celui du « receveur universel », mais le monde est mal fait et ce groupe est le plus rare des quatre principaux découvert par l'autrichien Karl Landsteiner en 1901. La chance que les enfants soient tous trois des « donneurs universels » était également mince.

     

    Sang noir et sang blanc

    Pour éviter d'avoir recours à des volontaires (nous ignorons si les enfants sacrifiés pour le Pape l'étaient) pour une transfusion immédiate, Charles Drew inventa la banque de sang. Issu d'une famille noire pauvre de Washington, ce chirurgien américain découvrit, peu avant la seconde guerre mondiale, les techniques de conservation du plasma et du sang et montra que la transfusion de plasma seul, toujours possible quel que soit le groupe sanguin, pouvait être salvatrice. Pendant la guerre il organisa à Londres la collecte de sang pour la Croix Rouge anglaise, puis pour l'armée des Etats-Unis. Il démissionna lorsque le Département de la guerre américain décida que les dons de sang des noirs et des blancs devaient être séparés. Après la guerre, devenu chirurgien-chef du Freedmen's hospital de Washington,  il fût  reconnu et honoré. Victime d'un accident d'automobile en 1950, la rumeur veut qu'il soit mort parce qu'on aurait refusé de le transfuser dans l'hôpital le plus proche, réservé aux blancs. L'histoire, trop « belle » pour être vraie, a été déniée par sa veuve, mais la rumeur court toujours. Il reste vrai que l'on cherche en vain le nom de Charles Drew dans les dictionnaires des grands médecins et dans les histoires de la médecine éditées en Europe.

                                                                                   

    Un record sanglant

    « L'affaire » du sang contaminé par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) responsable du sida s'est révélée en France médicalement incorrect et politiquement correct. Elle a illustré avec éclat, dans les années 80, l'exception française et les avantages du service public : le taux cumulé de sida d'origine transfusionnelle (hémophiles et transfusés) par nombre d'habitants en 1998 a été en France près de cinq fois supérieur à celui de l'Italie, près de dix fois celui de l'Allemagne et plus de treize fois celui du Royaume-Uni[1]. Ce record a été établi grâce à la préservation revendiquée de la vie privée des donneurs de sang pour ne pas écarter, par des questions insidieuses, ceux qui avaient le plus de risque d'être atteints par le virus : homosexuels, toxicomanes, et délinquants emprisonnés, permettant ainsi de le transmettre aux futures victimes dont la vie a paru moins respectable que le politiquement correct. Le droit a été donné à un futur opéré ou un malade de refuser la vérification de son « statut viral », c'est à dire la révélation d'une éventuelle atteinte par une hépatite ou le sida alors que son sang pouvait contaminer le personnel soignant. L'intérêt industriel national a permis de prendre trois mois de retard par rapport aux autres pays développés pour appliquer le test de dépistage français, et près d'un an pour éliminer le virus des produits sanguins, pour éviter d'importer les méthodes déjà mises au point aux USA, alors que d'autres pays n'avaient pas  hésité à le faire. Quant aux produits en stock et en circulation dont le virus n'avait pas été éliminé, ils ont été laissés à la disposition du public pour des raisons économiques. Les laboratoires privés dans les pays voisins s'étaient empressés de les retirer du commerce pour éviter d'éventuels procès, ce que le service public en France n'a pas fait, pensant être à l'abri de ce type de désagréments. Pour ce triste record nos politiques ont admis être responsables mais pas coupables et les médecins intéressés se sont avérés irresponsables et coupables.


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    [1] D'après un tableau figurant dans le « Dictionnaire de la Pensée Médicale »


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  • Le médecin a longtemps été lui-même pathogène, vecteur involontaire des infections (Voir aussi l'article 9 « Un médecin doit être propre sur lui ».)

     

    Il valait mieux se faire opérer chez soi.

    Jusqu'au XVIIème les opérations à l'hôpital se faisaient au lit du malade. Par la suite elles se déroulèrent dans un amphithéâtre où se pressaient étudiants et spectateurs. Il servait aussi souvent de salle d'autopsie et ce n'est pas un hasard si les opérations de la pratique privée, faites à domicile, dans la chambre à coucher ou la cuisine avaient de meilleures suites.

    En 1789 Pierre-Jean Cabanis pouvait écrire : « Dans les grands hôpitaux, les plaies simples deviennent graves, les plaies graves deviennent mortelles, et les grandes opérations ne réussissent presque jamais».

    Louis-Bernard Guyton de Moreau, chimiste, poète, pionnier de l'aérostation, indigné par l'absence d'hygiène dans les hôpitaux, ayant découvert le pouvoir désinfectant du chlore, alerta la Convention et préconisa de multiples mesures qui ne furent évidemment pas mises en œuvre.

    «  Il y a dans les hôpitaux militaires, un nombre infini de soldats blessés, dont les maladies augmentent par l'air infect qui s'en exhale. On ne s'en aperçoit pas quand les malades meurent, parce que l'on croit qu'ils sont emportés par la maladie, mais quand elle emporte aussi les médecins, alors il est clair que ce malheur provient de la corruption de l'air. Il y a des moyens sûrs, infaillibles et très peu coûteux pour corriger ce méphitisme. » ( Discours à la Convention le 4 Pluviôse an II).[1] Quand les médecins sont atteints, il y a en effet de quoi s'inquiéter.

    Notons que 1789 fût une année mémorable, celle où Claude Berthollet inventa l'eau de Javel. Celle-ci va jouer un  rôle essentiel dans la lutte contre les microbes. Pendant la Grande Guerre c'est avec de l'eau de Javel diluée que l'Américain Henry Dakin et le Français Alexis Carrel mirent au point un procédé de drainage et d'antisepsie des plaies qui allait sauver des milliers de blessés. Et l'eau de Javel est toujours là : c'est l'un des rares antiseptiques détruisant le prion.
    C'est le baron Percy qui créa le terme de fièvre nosocomiale. Ce n'est que dans la deuxième moitié du XIXe siècle que l'antisepsie et l'asepsie ont été peu à peu introduites dans la pratique quotidienne malgré les résistances. Les médecins étaient en effet ulcérés qu'on puisse les accuser d'être malpropres et de transporter eux-mêmes les infections de malades en malades ou des cadavres qu'ils autopsiaient aux femmes qu'ils accouchaient.

     

     

    La sélection des plus mauvais

    Aujourd'hui, les microbes les plus méchants se font hospitaliser et c'est là qu'on peut les rencontrer malgré toutes les précautions. On crut avoir gagné la bataille avec l'arme absolue, les antibiotiques, mais avec la sélection de souches résistantes et le relâchement créé par  un sentiment indu de sécurité, le problème ressurgit. Il y aurait en France chaque année des centaines de milliers de victimes d'infections contractées à l'hôpital, chiffre cependant gonflé par de pseudo infections urinaires, sans oublier qu'un nombre non négligeable de ces infections sont dues à des microbes dont les patients sont porteurs avant leur hospitalisation et d'autres apportés par les visiteurs. Les complications infectieuses ont toujours fait partie du risque opératoire et ne pourront disparaître qu'avec la disparition des chirurgiens, ce qui ne saurait tarder. On comprend néanmoins le désarroi et la colère de la victime d'une infection nosocomiale qui reproche aux médecins et à l'établissement de soins une faute, en fait exceptionnelle, tant les équipes soignantes sont à présent conscientes du risque, jusqu'à faire sortir les patients prématurément, une guérison qui n'est pas encore terminée étant préférable à une mort possible. (Illustration : staphylocoques dorés résistants à la méthicilline : SARM)

     

     

     

     

    [1] Cité par J-M Galmiche, Hygiène et Médecine.



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  • G. Canguilhem disait : « Il n'y a pas de maladies, il n'y a que des malades ». Les maladies n'ont pas d'existence en soi, et ont évidemment besoin des malades pour apparaître, mais on pourrait dire aussi qu'elles ont besoin des médecins pour exister. Il arrive même que certains maux n'existent que dans la tête des médecins. Ils peuvent considérer comme pathologique ce qui s'écarte de la norme sociale et des mœurs du moment. Des transgressions sociales ou morales réprouvées ont ainsi été traduites en termes médicaux et traitées comme des maladies. Les médecins ne se satisfont pas des maladies authentiques pourtant innombrables et en inventent d'autres, surtout lorsqu'ils peuvent en proposer le traitement ou y attacher leur nom.

     

    Des gens à l'envers

    Le côté gauche a toujours eu mauvaise réputation, depuis la senestre des augures latins et la gauche du Seigneur où  sont placés les méchants avant d'être envoyés au Diable.  Les gauchers ont longtemps constitué une anomalie à l'ordre social et à partir du XVIe siècle, ils ont subi une véritable répression. D'abord considérés comme des déviants : « Ce sont des gens à l'envers dont on se demande même s'il s'agit vraiment de gens »[1] ils deviennent des malades pour des savants du XIXème qui parlent de dégénérescence ou d'hérédité morbide et affirment la plus grande fréquence des gauchers chez les délinquants, les dévoyés, les malades mentaux et dans des « races inférieures ». De grands noms comme celui du chirurgien Odilon-Marie Lannelongue participe à cette discrimination au début du XXe siècle. Les parents et les médecins avec l'aval de la science vont donc lutter jusqu'à une époque récente contre cette pseudo tare honteuse par tous les moyens dont quelques petits instruments de torture : sangle pour emprisonner la main gauche, anneaux métalliques portant la plume pour la main droite. Ces traitements radicaux ne manquèrent pas d'entraîner des séquelles chez les gauchers contrariés, faisant basculer des sujets sains dans la pathologie.

    Cette discrimination a heureusement cessé, mais seulement après la Deuxième Guerre mondiale pour la France. Pour se venger les gauchers posent parfois des problèmes aux droitiers lors des compétitions sportives (illustration : Jimmy Connors en pleine action)

     

    Une explication de bien des maux à portée de la main.

    A la fin du XVIIIe siècle, un très réputé hygiéniste de Lausanne, André Tissot, publie « L'Onanisme. Dissertation sur les maladies produites par la masturbation », qui aura soixante sept rééditions et lui attribue à peu près toute la pathologie. A la  fin du siècle suivant, aux Etats Unis, le Dr Kellog, inventeur des corn-flakes, part aussi en guerre. Pour lutter contre le « vice solitaire » on préconise sans hésiter - et on a pratiqué - : corsets de contention et mains liées, castration, clitoridectomie, application de phénol sur le clitoris[2], circoncision sans anesthésie, section des nerfs génitaux nommés nerfs honteux. La collaboration des chirurgiens à ce délire n'a pas fait défaut. Parmi les  symptômes de la masturbation donnés par Kellog il y a le fait de fumer, argument méconnu, semble-t-il, des campagnes antitabac.

    A présent, se masturber de la main gauche ne constitue plus une horreur absolue et la masturbation est entrée officiellement dans le sein de la médecine comme une étape incontournable de la procréation médicalement assistée. Le sperme ainsi obtenu est devenu une denrée précieuse conservée dans des banques. Comme toute denrée précieuse, elle se dévalue : la qualité du sperme à diminué de 1% environ dans les pays développés depuis cinquante ans. (Balthus "La leçon de guitare")

                                                                                   

    Le délit de faciès

    Au XIXème les médecins se sont beaucoup intéressé à la maladie scrofuleuse, maladie constitutionnelle à l'époque très répandue et dont on ne sait pas trop ce qu'elle recouvrait, les descriptions étant confuses et contradictoires. On parlait de « physionomie scrofuleuse » qui s'apparente au délit de faciès, de dysharmonie du corps ou de « vice de la nature ». Les parents en étaient parfois rendus responsables, accusés de mœurs sexuels inavouables, de se livrer à la masturbation, ou pour avoir eu des rapports sexuels trop tôt ou trop tard. A côté des scrofuleux laids, on décrivait aussi de beaux scrofuleux, notamment quand cette maladie touchait des femmes, cet aspect avantageux étant lié au « tempérament lymphatique ». Alfred Hardy, médecin de l'hôpital Saint-Louis notait que : « cette beauté spéciale se rencontre particulièrement chez les femmes, qui sont grandes, fraîches, avec de belles couleurs, grasses avec des seins bien développés »[3]. Il suffisait d'avoir une dermatose, même localisée, pour rejoindre le rang des scrofuleux que certains médecins considéraient comme « une infirmité aussi honteuse que dégoûtante, qui rend l'homme un objet de rebus pour ses semblables »[4]

     

    Des maladies idéologiques

    Les médecins ont même inventé des maladies à caractère politique et considéré une différence de comportement comme pathologique. La psychiatrie est un domaine où les frontières entre le normal et la maladie sont fluctuantes. La psychiatrie est prête à accueillir toute déviation du comportement par rapport à la norme sociale ou politique. La drapétomanie traduirait aujourd'hui la preuve d'un esprit sain. Elle a pourtant été décrite au XIXe siècle comme un syndrome psychiatrique touchant des esclaves noirs du sud des Etats-Unis et dont le symptôme principal était une « tendance irrépressible à s'échapper ». Comportement irrationnel qui se traduisait également par une mauvaise volonté évidente à l'accomplissement des tâches imposés par leurs maîtres blancs.[5] Plus près de nous, le cas des dissidents en URSS était semblable. Internés, car  ils ne pouvaient être que malades pour ne pas admettre le bien fondé du régime. Si les médecins sont formés pour guérir ou soulager les malades, certains, auxiliaires des totalitarismes,  ne se considèrent aucunement engagés vis à vis des gens en bonne santé.

                                                                                   

    Il faut avoir les moyens d'être malade

    Qu'on se rassure. Depuis quelques décennies, la médecine exige des critères sévères pour valider ses actions, mais regarder en arrière doit nous rendre modestes.

    On ne peut que constater que les anomalies médicales augmentent avec la richesse d'une société et les besoins crées par la médecine. Ce que l'on considère comme une maladie dans les pays riches est totalement négligée dans les pays pauvres lorsque la personne atteinte reste active, seul critère de santé véritable. A l'inverse, dans les pays développés, un médecin peut « médicaliser » un patient, le considérer comme malade ou susceptible de l'être,  alors que l'intervention médicale, souhaitée ou non, n'est pas indispensable.


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    [1] Francisco de Quevedo, humoriste espagnol du XVIIe siècle, cité par Pierre-Michel Bertrand, l'Histoire n° 276 bis, Mai 2003

    [2] Le clitoris est le seul organe dont l'unique fonction est de procurer du plaisir. Succès de l'Evolution ou distraction de Dieu, habituellement misogyne ? Irrité par cette distraction, des peuplades, aujourd'hui, la réparent en le supprimant, mais les médecins d'hier ne valaient guère mieux

    [3] Cité par Sylvie Arnaud-Lesot, la Revue du Praticien / 2003 : 53

    [4] Jean-Louis-Marie Alibert, ibid.

    [5] D'après Petr Skrabanek et James McCormick, Idées folles, idées fausses en médecine éd. Odile Jacob 1992


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  • C'est un jugement sévère et souvent injuste mais qui n'est pas sans fondement. Bien sûr, on ne s'aperçoit des errements qu'à posteriori. L'ennui avec les médecins, c'est qu'ils croient à ce qu'ils disent et à ce qu'ils font. Ils ne peuvent agir qu'avec ce qu'ils ont. A défaut de preuves, ils s'appuient sur leurs croyances, et « il n'y a pas de frontières sûres et reconnues entre savoir et croyance ». Si l'on peut s'étonner de certains traitements nocifs qu'ils imposaient à leurs malades dans le passé, il faut garder à l'esprit que nos descendants auront le même sentiment pour certaines de nos thérapeutiques actuelles. « Ce n'est pas faire preuve de courage que de s'en prendre à des choses séculaires et désuètes, pas plus que de provoquer sa grand-mère » (G.K. Chesterton).

    La médecine est sujette à la mode. Tout d'un coup, on parle et on écrit sans cesse sur une maladie, un concept, une exploration, un traitement, une opération. Puis le sujet vedette disparaît au profit d'une autre « nouveauté » et réapparaîtra peut-être après quelques années, passant alors pour une découverte. Qu'il s'agisse d'une maladie illusoire, d'une exploration inutile, d'un traitement inopportun, d'une opération non justifiée, les médecins qui se tournent vers le passé ne comprennent pas comment on a pu faire ça, mais ne sont pas pour autant à l'abri d'une erreur semblable.

                                                                                    

    Sérial killers

    La saignée a été le type même des traitements nocifs, le médecin rendait malades la plupart des patients qui la subissaient. Sous toutes ses formes, incision d'une veine, sangsues, ventouses, la saignée fut pendant des millénaires et sous toutes les latitudes plus qu'un traitement, une croyance. On saignait pour toutes les maladies, avant et après les opérations, après l'accouchement, ou pour rien, afin de « conserver » la santé.

    A chaque époque, la conception que l'on avait de la maladie justifiait cette pratique le plus souvent inefficace[1] et toujours dangereuse. Avant Hippocrate, le sang est le siège de l'âme, la maladie la conséquence d'une faute et la saignée permet la purification par le prêtre médecin. Après, la maladie, devenue naturelle, est due à la rupture de l'équilibre des humeurs que la saignée rétablit. Avec la circulation, c'est l'afflux de sang dans un organe, la congestion,  qui la justifie.

    La pratique de la saignée devient délirante au XVIIe siècle. A Paris, le Doyen Gui Patin (1er portrait) saigne une femme enrhumée jusqu'à ce que  mort s'ensuive. Progressivement, le bon sens reprend le dessus, mais encore au début du XIXe siècle, en France, on atteint ce qu'un historien suédois appelle le nadir de la médecine avec François Broussais (2ème portrait), professeur au Val de Grâce puis à la Faculté, qui préconisait de retirer jusqu'à deux ou trois litres de sang par malade. On ne sait combien de victimes ces saignées à outrance ont pu faire. Il n'est pas étonnant que son successeur,  Gabriel Andral, ait créé le terme d'anémie. Ce fût Pierre-Charles-Alexandre Louis dans le courant du XIXème qui démontra par la méthode statistique que les saignées étaient plus nuisibles qu'efficaces.

    Les sangsues ont beaucoup servi depuis l'Antiquité pour saigner « en douceur » et localement. Leur consommation a atteint des sommets au temps de Broussais. Chateaubriand,   son condisciple au collège de Dinan raconte dans les Mémoires d'Outre Tombe que « M. Broussais fut mordu par d'ingrates sangsues, imprévoyantes de l'avenir » Avenir prospère en effet (40 millions de sangsues furent importées en 1833, essentiellement de Hongrie et de Bohême) et jusqu'au milieu du XXe siècle on voyait à l'entrée des salles d'hôpitaux de grands bocaux où l'on affamait les pauvres bêtes pour les rendre opérationnelles. Avenir incertain de nos jours mais on a toujours recours à elles en chirurgie plastique et des études récentes montreraient une action bénéfique dans l'atteinte rhumatismale du genou.

     

    Le fou n'est pas toujours celui qu'on pense

    La «  folie » a incité les chirurgiens à s'attaquer à la tête et les progrès de la chirurgie ont permis de passer de la pierre de tête à la tête de pierre. A la Renaissance de nombreux peintres, surtout flamands, ont représenté l'extraction de la pierre de tête : un barbier-chirurgien  incise le cuir chevelu et feint d'enlever une pierre, cause de la « folie ». (Tableau de Bosch "L'opération de la pierre")

    Au XXe siècle, les neurochirurgiens, eux, n'ont pas fait semblant et ont couramment pratiqué la lobotomie en sectionnant des faisceaux nerveux entre les lobes frontaux et les centres profonds. Technique radicale, irréversible, largement utilisée depuis 1935 pendant une vingtaine d'années, sur de nombreux malades psychiatriques jugées incurables et parfois sur des maladies somatiques. Elle créait une indifférence un peu béate adaptant le malade à la société ou à sa maladie.

    Le psychiatre Walter Freeman développa la technique du neuropsychiatre portugais Antonio Egas Moniz, promoteur de la lobotomie (il obtint le prix Nobel de Médecine en 1949 !). Freeman proposa un abord chirurgical du cerveau par la cavité orbitaire « avec insertion d'un pic à glace sous la paupière pour percer jusqu'au cerveau » et il fut finalement interdit d'exercer en 1967, mais resta persuadé d'avoir raison.

     

    Le Dr W. Freeman pratiquant une lobotomie trans-orbitaire au Western State Hospital en 1949

    Le goût de l'ordre

    Les malades parfois, les chirurgiens toujours, ne supportent pas qu'un organe ne reste pas à sa place. Sans avoir les capacités de l'utérus des anciens - la matrice qui se baladait à l'intérieur du corps - l'estomac et le rein peuvent aussi descendre : c'est la ptose ou prolapsus.  On lui imputait des douleurs qui invitaient, bien entendu, à  remonter l'organe et à le fixer (pexie). C'est ainsi que pendant la première moitié du XXe siècle s'est pratiquée une chirurgie aussi lucrative qu'inutile et souvent désastreuse, les douleurs persistantes ou nouvelles étant parfois plus importantes que celles qui avaient amené à intervenir. Le professeur d'urologie Roger Couvelaire  déclarait : «  la néphropexie est la plus grave complication de la ptose rénale ».

     

    Quand le médecin rend malade malgré lui

    « L'homme n'est pas un être si fort qu'il puisse échapper à la fois au remède et à la maladie » (A.Vialatte). A chaque fois qu'un chirurgien opère, il redoute une complication qui risque d'aggraver la situation ou de perdre son patient. A chaque fois qu'un médecin prescrit un nouveau médicament pour un malade, il craint de provoquer des effets secondaires. Il a l'obligation d'en avertir le patient, même lorsque les intolérances sont rares, ce qui parfois n'encourage pas le malade à suivre la prescription.

    Effets secondaires : c'est l'avis des médecins, pas des patients. Le plus navrant est de rendre quelqu'un malade par le traitement destiné à le soulager, surtout lorsque le mal initial est bénin et la complication iatrogène dramatique. Un dégât collatéral dont le médecin n'est pas fier, savoir que ce qui nuit jamais ne guérit pas non plus ne console ni le médecin ni le malade. La crainte fait le succès des médecines parallèles dont l'efficacité est celle du placebo, sans effet primaire elles ont l'avantage de ne pas en avoir de secondaires.

                                                                                     

    La responsabilité du messager

    De toute façon, les médecins vous rendent malade dans la mesure ils sont toujours les messagers de la maladie. Ils entérinent la maladie lorsqu'ils donnent un nom aux symptômes du patient. C'est encore plus flagrant lorsqu'ils découvrent une maladie chez quelqu'un qui n'a aucun symptôme et se croit en bonne santé. Mais les gens oublient parfois que le messager n'est pas responsable du mal qu'il annonce.

    Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora


    [1] Elle est seulement efficace dans l'œdème pulmonaire, l'hémochromatose et les polyglobulies importantes


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  • L'idée que développer la prévention permettrait de diminuer les dépenses de l'Assurance Maladie est surtout émise par les politiques qui devant les difficultés économiques du système de protection sociale donne ainsi l'impression d'avoir trouvé un remède. Pour les médecins la prévention n'est pas une solution, elle fait partie de leur activité normale et la plupart ne prétendent pas qu'elle est plus économique que son absence.

    Prévention et dépistage sont souvent confondus, et diagnostiquer des maladies déjà existantes ajoute au prix du traitement des maladies dépistées celui du dépistage. Le dépistage est une chasse bienfaisante ouverte toute l'année, les plus beaux trophées sont ceux qui paraissaient en bonne santé.

                                                                                  

    L'absence de prévention ne manque pas d'intérêt

    Prévenir les maladies est à la fois l'idéal et la négation de la médecine. Une prévention universelle et réussie  doit faire de chacun son propre médecin. Mais en raison de notre finitude, la prévention ne peut être qu'un mythe, sauf pour les maladies que l'on provoque soi-même. Si l'on arrête une intoxication à temps, on évitera les maladies qui lui sont propres, mais même si l'on continue à s'intoxiquer la possibilité d'une mort prématurée ne laissera pas le temps aux autres maladies d'apparaître, réalisant une prévention par l'absurde et une réduction mortifère des dépenses. « Je n'autorise personne à décider à ma place ce qui est pour moi le souverain bien ; et, au pire, je réclame le droit de creuser ma tombe de la manière qui me plaît » (Gabriel Matzneff)[1]

                                                                                  

    Peut-on empêcher les maladies d'apparaître ?

    Dans les pays développés, pour empêcher des maladies d'apparaître et non pour les dépister, les moyens  sont peu nombreux : les vaccinations, les précautions à prendre (dont le préservatif) pour les maladies infectieuses ou parasitaires, la lutte contre les intoxications par le tabac, l'alcool, les drogues ou les produits chimiques. La diététique s'impose chez les obèses, sans être toujours efficace. Si prévenir l'éclosion de maladies ne peut être que bénéfique, arrêter de fumer favorise parfois l'obésité, le tabac rapporte  peut-être plus qu'il ne coûte et un obèse ou un tabagique qui meurt jeune est source d'économie pour l'Assurance Maladie.

    Le champ de la prévention réelle est donc étroit, il concerne essentiellement les maladies infectieuses et les intoxications. Quant aux affections dégénératives, pour l'instant, on ne les prévient pas, au mieux on les retarde en traitant les facteurs qui semblent favoriser leur éclosion.

                                                                                    

    Plus il y a de facteurs plus ils sonnent

    En étudiant des populations[2] est apparue la notion de facteurs de risque d'une maladie dont l'importance et le nombre permettent d'évaluer la probabilité de la voir apparaître dans l'avenir. C'est surtout pour les affections cardio-vasculaires que cette notion a été mise en évidence et on ne cesse de découvrir de nouveaux marqueurs ou des facteurs de risque prédisposant à l'athérosclérose et à ses complications comme l'infarctus du myocarde ou les accidents vasculaires cérébraux. En 1981 le compte était de 246, à présent on avance le chiffre de 400 et peut-être plus, bien que 6 d'entre eux paraissent les plus importants[3]

     

    Difficile d'échapper à la prévention

    Certains facteurs de risque sont déjà des maladies comme le diabète ou l'hypertension artérielle et leur traitement s'impose en dehors de toute prévention, mais d'autres sont purement biologiques comme le cholestérol sanguin. Le risque de l'athérosclérose croissant de façon linéaire avec les chiffres de la tension artérielle et le taux de certaines fractions du cholestérol, on en conclut que « plus c'est bas, mieux c'est », faisant disparaître petit à petit la notion de normalité. Les critères qui séparent l'individu considéré comme sain de celui considéré comme malade ou risquant de l'être, ont changé et toujours en augmentant le nombre de malades. C'est ainsi qu'en abaissant les critères on a augmenté d'un coup et du jour au lendemain le nombre de diabétiques, d'hypertendus[4] ou d'hypercholestérolémiques. En supprimant les normes,  on en vient à traiter des patients qui n'ont pas d'élévation véritable de la pression artérielle ou du cholestérol lorsqu'on les estime menacés. Les plus ardents défenseurs de la prévention ont même  proposé en 2003 de ne pas se préoccuper des chiffres et des taux, de ne tenir compte que de l'âge et de prendre systématiquement une pilule comportant plusieurs médicaments actifs (la « polypill ») à partir de 55 ans. Il est possible que cette solution soit efficace mais il n'est pas certain qu'elle serait économique.

                                                                                  

    Un déterminisme fâcheux

    La génétique viendra enrichir cet arsenal préventif. Une grande part de nos maladies sont inscrites dans notre génome et on se tourne de plus en plus vers lui pour lire notre devenir. Aujourd'hui, on détermine déjà pour nombre d'entre elles le profil génétique correspondant. Là encore la médecine prédictive s'appuie sur des probabilités et prévoir par des tests génétiques une maladie qui n'existe pas encore et n'existera peut-être jamais aura des conséquences imprévisibles. Se méfier des généticiens : qui modifie un œuf modifie un bœuf. 

                                                                                     

    La prévention prolonge la vie

    Qu'elle soit économique ou non, la prévention, la vraie, celle qui empêche définitivement des maladies d'apparaître sauve de nombreuses vies. Une prévention qui ne retarde que l'échéance fabrique des vieillards respectables que la société reconnaissante a le devoir de prendre en charge, mais il n'est pas certain qu'elle aide à mieux vivre. Aussi indiscutable soit-elle, la prévention n'est pas une solution pour faire des économies et ce n'est pas son but.

    Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora




    [1] Le taureau de Phalaris, la Table Ronde

    [2] La première étude concernant les affections cardio-vasculaires a débutée en 1948, sur 5000 sujets de la ville de Framingham (Massachusetts)

    [3] Ce sont pour l'infarctus du myocarde : le déséquilibre des apolipoprotéines (élévation du LDL cholestérol), le tabac, l'hypertension artérielle, le diabète, l'obésité, le stress avec 3 facteurs qui réduisent le risque : la consommation quotidienne de fruits et légumes, l'exercice physique régulier et la consommation modérée d'alcool (Etude INTERHEART, 30000 patients dans 52 pays)

    [4] En adoptant 140/90 comme limite supérieure de la normale pour l'hypertension artérielle, le nombre d'hypertendus dans le monde serait de 972 millions et pourrait être en 2025 de 1,56 milliards (Kearny P. et coll, Lancet 2005)


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  • Dans le passé des médecins ont préconisé des thérapeutiques originales qui ont été appréciées par leurs patients.


    Les mordus de la danse.

    L'action favorable de la musique, utilisée de nos jours pour renforcer certaines psychothérapies, avait été remarquée par les napolitains qui faisaient danser la tarentelle aux victimes du tarentisme, troubles nerveux provoqués par la morsure d'une tarentule. Dans ses Souvenirs entomologiques, Jean-Henri Fabre, qui avait vérifié que la morsure pouvait tuer un moineau ou une taupe, suggère que la transpiration provoquée par la danse pouvait aider à éliminer le poison.


    Edgar Degas "Buveurs d'absinthe"


    Où il préférable de faire la guerre que de se soigner.

    Si musique et danse peuvent être bénéfiques et sans danger, il n'en est pas de même des traitements proposés au XVIIIe siècle par le chirurgien écossais John Brown. Il considérait que la maladie provenait soit d'une inhibition : l'asthénie, qu'il fallait traiter par des doses massives d'alcool, soit d'une sur-stimulation : la sthénie dont le traitement devait être l'opium. Sa théorie eut beaucoup de succès. D'après l'historien Johann Bass, cette thérapeutique auraient été responsable de plus de morts que la Révolution française et les guerres napoléoniennes réunies

    [1]. Cependant le laudanum, solution alcoolique d'opium, heureuse synthèse que l'on doit à Paracelse, a été largement prescrit et apprécié par beaucoup sans incident majeur.


    Le verre à moitié plein ou à moitié vide.

    Les vertus thérapeutiques du vin ont suscité de nombreux écrits de l'Antiquité à nos jours. C'est sans doute par hasard que dans les indications, les médecins privilégiaient plutôt les vins de leur terroir. Il était enivrant de devenir alcoolique sur prescription médicale, mais n'a-t-on pas entendu en 2004 un sénateur dire que le vin n'était pas de l'alcool ? il est vrai qu'il contient plus que de l'alcool et les phénols antioxydants qui l'accompagnent semblent  efficaces dans la prévention des maladies cardio-vasculaires. Mais comme il ne faut pas abuser des bonnes choses, passés trois verres par jour c'est l'inverse qui se produit. La Bible exprime à sa façon cette ambiguïté : « Ne regarde pas le vin... Il finit par mordre comme un serpent, piquer comme une vipère » (Proverbes 23/31.32), mais lui reconnaît des vertus dans les situations difficiles : « Procure des boissons fortes à qui va périr, du vin au cœur rempli d'amertume : qu'il boive ! qu'il oublie sa misère ! qu'il ne se souvienne plus de sa peine ! » (Proverbes 31/6.7)
    [2]

     
    Aimez-vous les uns les autres.
    L'orgasme a été proposé comme traitement préventif et curatif des névroses par le psychiatre autrichien Wilhelm Reich. Il eut beaucoup de succès auprès de la jeunesse, plus qu'auprès de ses collègues  qui l'exclurent de l'Association internationale de psychanalyse illico. Bien des gens,  névrosés ou non, appliquent le traitement à la manière de M. Jourdain, sans le savoir, et sous toutes les latitudes recourent à des méthodes non estampillées par la Faculté. Ainsi à Naples, il est conseillé en cas de difficulté d'avaler un marsala à l'œuf au bon moment et de porter une médaille de San Rocco.
    [3]
    La difficulté ou l'impossibilité pour une femme d'arriver à l'orgasme salvateur est interprétée par certains sexologues ou psychanalystes, comme une éjaculation précoce, une inhibition liée à l'angoisse de castration ou même une « impatience de la personnalité » (sic). Quoi qu'il en soit, c'est la maladie du monde la plus répandue, écrivait Gérard Zwang
    [4] en 1972. Cependant «  Bergher en 1944, estime que 90% des femmes sont frigides, Weiss quelques années plus tard avance le chiffre de 50% et Hélène Kaplan en 1979 seulement 10% »[5] . Les hommes font des progrès.


    Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora


     

    [1] D'après Petr Skrabanek et James McCormick, Idées folles, idées fausses en médecine, éd Odile Jacob 1992.

    [2] trad. Ecole biblique de Jérusalem

    [3] Norman Lewis, Naples 44   

    [4] La fonction érotique, éd Robert Laffont

    [5] Ph.Brenot, Les mots du sexe, éd L'esprit du Temps.


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    Les médecins interdisent souvent ce qui est agréable, à tel point que les patients se demandent parfois s'ils ne le font pas avec une pointe de sadisme. La privation des bonnes choses fait partie des pratiques médicales comme des religieuses. De tous temps, les médecins ont tenté d'imposer un mode de vie dans le sens de l'abstinence, sans s'y soumettre eux-mêmes. Les patients apprécient ces conseils, même s'ils ne les suivent pas. Si le médecin s'abstient, la femme ne manque pas de les réclamer pour son époux. C'est habituellement elle qui fait la cuisine et qui a la migraine.

     

    Prenons le modeste cas de la gomme à mâcher. Le Pr Gilbert-Dreyfus, Membre de l'Académie de Médecine, s'est attaqué en 1981 au chewing-gum[1] avec la plus grande énergie. Manie transmise par les troupes américaines venues libérer la France, il l'accuse de provoquer une « énorme aérogastrocolie » entraînant des palpitations, des éructations et l'émission salvatrice de gaz intestinaux. La perturbation de la digestion serait la cause chez l'enfant d'un ralentissement de la croissance. S'y ajoute - et en cela il n'avait pas tort - la nocivité des colorants et des sucres rapides. Nous le laissons conclure : « N'ayons pas peur de proclamer bien haut, en guise de conclusion, qu'il faudrait mettre un terme au scandale du chewing-gum, et tâcher d'obtenir que soit supprimée en France la vente de ce « produit » aussi malfaisant que l'alcool, la drogue et autres toxicomanies. Invitons, en attendant, les amateurs de chewing-gum à cracher leur salive contaminée jusqu'à n'avoir plus en bouche qu'un petit magma caoutchouteux, jaunâtre et fade ».



    Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora

    [1] La Revue de Médecine n° 44 du 28 Décembre 1981.


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    Francisco Goya "Autoportrait avec le Dr Arrieta"


    Le paradoxe du pouvoir médical. Si le médecin n'avait pas de pouvoir, on se demande pourquoi on irait le consulter. Le pouvoir du médecin est redouté, critiqué,  honni mais nécessaire et recherché. Ne pas l'exercer constitue une faute professionnelle, à la limite condamnable : c'est la paradoxe du pouvoir médical.

    Sur la société la médecine exerce une dictature. Comme toute dictature, elle est basée sur la terreur, celle de la maladie et de la mort. Comme toutes les dictatures, elle prétend s'exercer pour le bonheur de la population et trace les limites du bien et du mal

     

    Il est mal de fumer. C'est en tous cas s'exposer aux multiples façons de mourir par le tabac. Longtemps symbole de virilité, il peut conduire à l'impuissance en rétrécissant les artères. Devenu symbole d'indépendance et d'égalité chez la femme, il lui permet d'avoir des cancers de l'homme qu'elle n'avait que rarement auparavant et de succomber plus tôt, comme lui, aux maladies cardio-vasculaires. « Juste après le coït on entend rire le diable » (Schopenhauer). C'est sûrement parce que c'est le moment où l'on fume une cigarette.

                                                                                    

    Il est mal d'être gros. L'épidémie d'obésité des pays développés est à la limite indécente mais contrebalance la perte de poids des dénutris  des pays pauvres, permettant ainsi la stabilité pondérale de la biosphère. La calorie, unité de quantité de chaleur et de valeur énergétique des aliments, est omniprésente dans les conversations des dîners en ville où les convives transmutent simultanément la chaleur en poids et l'énergie en masse. L'amaigrissement est l'objectif déclaré d'une industrie alimentaire pléthorique qui fait de la prévention et de la santé ses arguments publicitaires principaux. A cet égard, les idées médicales ont un impact économique pour lequel les médecins devraient réclamer des droits d'auteurs.

    Mais rien n'est simple : si le surpoids favorise les maladies cardiovasculaires, en cas d'accident cardiaque l'évolution semble plus favorable chez les gros que chez les maigres.

                                                                                  

    Il est mal de manger ceci ou cela. On s'alimentait pour vivre en y prenant si possible du plaisir. La médecine a heureusement modifié les choses : on mange pour ne pas être malade, suivre l'ANR (apport nutritionnel recommandé)   et devenir assez vieux pour ne plus avoir de dents pour manger « car l'important n'est plus de vivre pleinement le temps qui nous est alloué mais de tenir le plus tard possible : à la notion d'étapes de la vie succède celle de longévité » (Pascal Bruckner)[1]. « Alicament » est une trouvaille néologique qui sert à vendre un aliment auquel le fabriquant attribue des vertus thérapeutiques.

                                                                                  

    Il est mal d'être sédentaire. Pourtant «  Les exercices corporels, eux, ne servent pas à grand chose »  (St Paul)[2]. C'était également l'avis bien connu de Churchill qui attribuait sa longévité à son mépris du sport :« never sport ». A notre époque le sport a cependant bonne presse, surtout pour les articulations qui s'usent et les disques qui s'écrasent. Bouger, certes, mais pourquoi s'épuiser ?

     

    Pour votre bien soyez inquiet. Le mode de vie conseillé par les médecins s'applique à toute la population, ceux qui ne rentrent pas dans le cadre vertueux  sont marginalisés et montrés du doigt. S'éloigner de la moyenne statistique devient un péché mortel. Et en plus, les médecins ont raison !

    Toute la population est soumise par tous les moyens : ondes, télévision, journaux, à des messages l'informant de toutes les maladies dont elle peut être atteinte. Diffusion insidieuse, permanente de notre fragilité. Il est confirmé à celui ou celle encore en bonne santé que cette état n'est que transitoire et qu'il n'est pas raisonnable de jouir de cette félicité. Les gens qui se sentaient bien finissent par se sentir mal à l'annonce qu'ils ont tel ou tel risque d'avoir telle ou telle maladie et ceci de façon répétée. Crainte diffuse et diffusée que les annonceurs utilisent pour recueillir des fonds. Mais obtenir de l'argent sous la menace n'est-ce pas du chantage ?




    Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora


    [1] L'Euphorie perpétuelle, éd Grasset et Fasquelle, 2000

    [2] 1ère épître à Timothée 4/8


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