• Le 14 juin dernier, Marisol Touraine, lors de la journée mondiale du don du sang, estimait que pouvait (et même devait) être mis fin à l'interdiction qui pèse sur les homosexuels de donner leur sang, et on vit fleurir des affiches sur la toile aux alentours du 14 juin, se réclamant des 25 000 donneurs potentiels laissés à la porte des centres de don.

    La ministre de la Santé vient de faire marche arrière en se remettant dans le bon sens, et a finalement maintenue l’interdiction (suivant ainsi les précédents ministres). Ce qui a amené la déclaration suivante de Sergio Coronado, député d'Europe Ecologie-Les Verts : "Alors même que le gouvernement avance vers l'égalité des droits avec l'ouverture du mariage pour tous les couples, c'est une véritable discrimination d'Etat que vient d'entériner la ministre de la Santé"… Il est temps de cesser ces discriminations nocives pour la santé publique et le vivre-ensemble", en soulignant qu'il s'agissait d'une promesse de campagne de François Hollande.

    Ce monsieur a le toupet de parler de santé publique, alors que la levée de l’interdiction, selon des estimations récentes, multiplierait le risque de transmission du virus du sida par 4 lors d’une transfusion (voir « Bonnes nouvelles »). En outre, parler de discrimination (« nocive » !) est parfaitement ridicule : le don du sang n’est pas un droit mais une offre généreuse et seul le corps médical devrait pouvoir juger de  son opportunité, n’est-il pas ahurissant que les politiques et les groupes de pression ne cessent de s’en mêler ? L’interdiction est  largement étayée par les constatations actuelles (voir l'encadré, mais elles peuvent changer dans l’avenir) et ne cherche aucunement à nuire aux personnes visées. Il s’agit avant tout d’un problème médical : protéger la population contre une infection. Isoler un malade contagieux n’est pas une discrimination du malade en tant qu’être humain, mais une protection des autres. Un navire que l’on met en quarantaine n’est pas une discrimination des passagers, mais un isolement des porteurs possibles d’une maladie contagieuse, parmi ces passagers certains ne sont pas atteints mais ils risquent de l’être  ou de transmettre la maladie, d’où leur isolement obligatoire. La situation est semblable pour les homosexuels masculins, environ 60% d’entre eux n’ont pas ou n’ont plus de comportements à risque, mais la difficulté est d’en être certain, et la prudence s’impose, n’en déplaise à ce député écologiste aux déclarations farfelues.

    D’ailleurs, nombre d’homosexuels se révèlent plus sensés que des politiques comme Mr Coronado. C’est ainsi que l'association Aides a déclaré en juin dernier : «le don du sang n’est pas fait pour démontrer l’égalité des droits». Christian Saout ancien président d'Aides a souligné pour sa part : « Ne mélangeons pas tout. Vous verriez l’effet dévastateur si quelqu’un se révélait contaminé après un don du sang positif donné par un gay ».

     

    En France, en 2011 :

    - Environ 6 100 personnes ont découvert leur séropositivité au VIH. Pas de diminution par rapport aux années précédentes.

    - L’infection au VIH touche 3 fois plus les hommes que les femmes.

    - Les deux groupes les plus concernés sont les homosexuels masculins (40%), les découvertes étant pour eux en progression depuis 10 ans, et les hétérosexuel(le)s né(e)s à l’étranger (40%), dans 75 % des cas en Afrique Sub-Saharienne. Il faut y ajouter les utilisateurs de drogues IV.

    - Pour les homosexuels masculins les comportements à risque ont augmenté de 32% en 2004 à 38% en 2011, et l’incidence (nouveaux cas) de l’infection à VIH est chez eux 200 fois plus élevée que chez les hétérosexuels. La prévalence (nombre de cas dans la population) est 65 fois plus élevée. 19% des transgenres seraient séropositifs (Lancet 2012) 

    - Pour la syphilis (comme pour les autres maladies sexuellement transmissibles), le nombre de cas récents est en augmentation chez les homo-bisexuels masculins, qui représentent toujours la grande majorité des cas rapportés.


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  • « L'altruisme humain qui n'est pas égoïste est stérile » (Paul Valéry).

    Avant d’aborder les problèmes de fond (et difficiles à résoudre), la ministre de la santé, Marisol Touraine, a considéré comme prioritaire de s’attaquer aux dépassements d’honoraires (promesse électorale) permis par le secteur 2. Ce secteur 2 avait été instauré par Raymond Barre préférant, plutôt que de revaloriser les honoraires de tous les médecins, permettre à ceux qui le choisiraient de pouvoir prendre un tarif au-delà de celui fixé par la convention avec l’assurance maladie, mais en perdant quelques avantages par rapport à ceux qui restaient dans le secteur 1 (dans lequel le tarif conventionnel est respecté, la majorité). Comme je l’ai dit ailleurs, je pense que cette manœuvre faite en premier est maladroite.

     

    D’abord, parce que les dépassements excessifs, qui n’ont aucune justification, ne concernent qu’une petite minorité de patriciens, et il faut ajouter que certains patients sont impressionnés par le montant des honoraires, alors que c'est le plus souvent un piège. La qualité d'un praticien n'est aucunement proportionnelle aux honoraires exigés. D'autres sont capables aujourd'hui de rendre le même service sans gonfler de façon indécente les leurs. Le dépassement d'honoraires nécessite la complicité du patient, souvent fortuné, qui oublie qu'aucun médecin, aucun chirurgien, ne possède de remède miracle ou un savoir-faire que d'autres ne possèdent pas.

     

    Qu’ensuite, en faire une priorité sent la démagogie en suggérant à la population qu’en ce temps de crise, les médecins font passer leurs intérêts avant leur éthique, et en montrant que la gauche a le souci de s’attaquer à ce qu’elle considère comme des privilèges rendant l’accès aux soins inégalitaire.

     

    Enfin, cette mesure, dont l’intérêt est finalement limité, a eu comme conséquence une révolte de beaucoup de médecins qui en ont assez d’être ainsi montré du doigt, alors que si une partie d’entre eux prend des honoraires libres, car leurs actes n’ont pas été revalorisés depuis des années,  d’autres se paupérisent malgré des semaines de 60 heures et subissent une pression administrative qui leur devient intolérable, ce qui les conduit à quitter la médecine libérale. Commencer par se mettre à dos une bonne partie du corps médical  pour pratiquement rien n’était pas très habile.

     

    En ce moment, des médecins et des chirurgiens du secteur 2 (honoraires libres) s’expriment dans les médias, et l’ont fait notamment dans « Rue 89 », déclarations suivies de commentaires peu amènes que j’ai eu la curiosité de lire. J’ai relevé trois réactions du public qui reviennent régulièrement:

     

    D’abord une erreur malhonnête et présente partout, y compris dans les médias, au point de se demander si elle n’est pas volontaire : les médecins n’ont rien à dire car ils sont payés par la sécurité sociale. C’est évidemment faux, les médecins sont payés directement par les patients et ceux-ci ont l’obligation de prendre une assurance, l’assurance maladie (complétée ou non par une mutuelle), pour laquelle ils cotisent ainsi que leurs patrons, et qui leur rembourse totalement ou partiellement les frais engagés. Exception faite pour les patients bénéficiant de la CMU en raison de leurs faibles revenus où la sécurité sociale règle (avec retard et parfois après réclamation) au médecin les honoraires dus. Situation similaire à celle d’une assurance auto où la compagnie, à laquelle vous versez une prime annuelle, vous rembourse en cas ne nécessité les frais de réparation de votre automobile.

     

    Ensuite, l’expression d’un sentiment très humain, celui de l’envie : ces médecins gagnent finalement bien leur vie, en tout cas ils gagnent plus que moi, alors de quoi se plaignent-ils quand il existe tant de pauvres ? Imparable. Il est dommage qu’ils ne crèvent pas de faim.

     

    Enfin, la critique éthique. Le serment d’Hippocrate revient à la pelle : quoi que l’on vous fasse vous devez respecter ce serment et vous taire. L'essentiel de cet engagement est toujours respecté par les médecins, mais je me permets de rappeler que ce fameux serment, que l’on prête surtout par tradition,  date d’environ 2500 ans, donc bien avant l’instauration de la sécurité sociale et que depuis la société a un peu changé. Les commentateurs, très hippocratiques, ne manquent pas de rappeler que les médecins se doivent de soigner gratuitement les indigents. Il fut, en effet, une époque où le médecin  ne faisant pas payer les pauvres, se rattrapait sur les riches, une manière de redistribution, qui est à présent confiée à l’Etat. Même aujourd’hui, je pense qu’aucun médecin ne refuserait de donner ses soins à quelqu’un n’étant pas pris en charge par la société et dans l’incapacité de payer.

     

    Ce serment d’Hippocrate me rappelle un souvenir. Dans ma jeunesse j'ai eu l'occasion de remplacer un de mes patrons hospitaliers qui n’était pas conventionné. Appelé par un médecin généraliste auprès d’une patiente qui vivait sous les toits dans une espèce de grenier, et que j’ai trouvé couchée sur un grabat, après ma consultation, en voyant l’environnement, je n’ai réclamé aucun honoraire. En descendant les escaliers, j’étais plutôt fier d’avoir respecté le serment d’Hippocrate, mais le médecin généraliste qui m’accompagnait me fit remarquer que j’avais eu tort de ne pas prendre d’honoraires, car cette patiente, bien que vivant sous les toits, était en fait très riche. Je m’étais rendu ridicule.


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  • D’après Kevin Dutton, psychologue et chercheur au Faraday Institute for Science and Religion (qui, entre nous, est un mariage contre nature), un psychopathe serait « un être humain égocentrique, impulsif, mais aussi sûr de lui, charmeur et manipulateur avec une absence d’empathie et du sentiment de peur ».[1]

    La définition est assez large pour inclure une bonne partie de la population et ce chercheur a pu établir la liste des 10 professions où l’on compte le plus de psychopathes et celle des 10 métiers où on en compte le moins.

    Soyez rassurés avec les aides à domicile, les infirmières, les thérapeutes, les artisans les esthéticiennes, les employés dans une ONG, les enseignants, les médecins (ouf !) et les comptables. D’après le Pr Dutton, ces métiers impliqueraient des sentiments dans le contact humain et c’est dans ceux-ci que l’on trouverait le moins de psychopathes. J’ai un doute pour les comptables qui devraient, en principe, laisser leurs sentiments de côté dans leur contact avec des  colonnes de chiffres dont l’humanité laisse à désirer, mais il est vrai qu’il est déconseillé dans leur profession d’être impulsifs et la peur de se tromper doit les tenailler.

    Méfiez-vous des chefs d’entreprise, des avocats, des figures médiatiques (TV, radio), des vendeurs, des chirurgiens, des journalistes, des policiers, du clergé, des chefs de cuisine et des fonctionnaires. C’est parmi eux que l’on trouve le plus de psychopathes dont un des caractères est un goût prononcé pour le pouvoir.

    On voit bien que pour réussir, un chef d’entreprise devrait avoir toutes les caractéristiques d’un psychopathe selon la définition précédente. On pourrait en dire autant des figures médiatiques et des journalistes. Si l’avocat et le vendeur sont charmeurs et manipulateurs, leur manque d’empathie est peut-être discutable, à moins que leur métier leur impose de la simuler sans la ressentir. Si un chirurgien n’est pas forcément sûr de lui, il doit en donner l’impression à son patient…par empathie, mais il est certain qu’il doit prendre des décisions sans se laisser dominer par ses émotions. Ce qui n’est pas rassurant est que les policiers et les chefs de cuisine sont armés. J’avoue que le corps des fonctionnaires pris dans son ensemble me laisse perplexe, mais je n’ai guère de doute pour les hauts fonctionnaires, on ne monte pas haut sans se hisser sur les épaules des autres, au besoin en les écrasant un peu, et je suppose que les politiques ont été inclus dans ce groupe, mais ce n’est pas spécifié alors que le goût du pouvoir, l’égocentrisme, la confiance en soi et la manipulation sont pourtant des caractères que l’on retrouve chez la plupart des politiciens. Le Pr Dutton qui travaille dans un institut qui s’occupe de religion considère le clergé comme une profession à psychopathes. Si les cléricaux sont sûrs de posséder la vérité, et s’ils sont de grands manipulateurs devant l’Eternel pour l’imposer aux autres en utilisant charme,  hypocrisie, et menace du châtiment, il semblerait qu’ils n’aient pas les traits qu’on leur attribue volontiers : empathie, dévouement et sérénité. Voilà qui me déçoit.

    N’ayant pas lu le livre et n’étant ni psychiatre, ni psychologue, il serait outrecuidant de ma part d’émettre des réserves. Je me demande cependant si la définition de la psychopathie n’est pas trop large. Un caractériel n’est pas un psychopathe, car celui-ci a une atteinte mentale avec une conduite antisociale pouvant parfois aller jusqu’au meurtre. Peut-être que dans son livre l’auteur démontre-t-il  que les psychopathes authentiques se recrutent préférentiellement dans les professions qu’il considère comme prédisposées.



    [1] Son livre s’intitule : « The Wisdom of Psychopaths : what saints, spies, and serial killers can teach us about success ».


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  • Il est amplement démontré qu’avoir une activité physique régulière a un effet favorable sur l’organisme, et notamment un effet préventif sur les maladies cardiovasculaires. Les membres de l’Académie de médecine se sont avisés de la nocivité de la sédentarité, et proposent, ni plus, ni moins, que la sécurité sociale prenne en charge la pratique du sport au même titre qu’un traitement. Je suppose que cette proposition a surtout pour objectif d’attirer l’attention du public sur l’importance de l’activité physique, sinon ces académiciens accuseraient sérieusement leur âge vénérable en donnant l’impression d’être restés au temps béni où la sécurité sociale disposait d’un excédent de fonds, et était capable à cette époque de rembourser tout et n’importe quoi. Dans le même ordre d’idée, pourquoi ne pas rembourser à la ménagère une partie du prix des légumes et des fruits qu’elle achète ?

    Si l’on aime faire du sport et si l’on y prend plaisir, tant mieux. Mais dans le cas contraire, pourquoi obliger des gens à courir comme des dératés jusqu’à la mort subite sous prétexte que c’est bon pour la santé, et les culpabiliser de ne pas le faire ? Pourquoi si l’on n’arrive pas à être mince, se sentir coupable d’être gros ? Tenter de prévenir les maladies, c’est bien, mais elles nous rattraperont toujours, quoi que nous fassions, et l’une d’elles nous achèvera et pas forcément celle qui avait été prévue, à moins que cela soit un accident quelconque ou le couteau d’un voyou.  

    La société se doit de protéger l’individu contre les autres individus, mais est-ce bien son rôle de protéger l’individu contre lui-même ? Est-ce bien son rôle de lui proposer, par tous les moyens dont elle dispose, fermement et sans cesse, le modèle auquel il devrait ressembler ? Ce maternage médicalisé devient de plus en plus pesant, la culpabilité d’être ce que l’on est de plus en plus lourde. Alors, mes frères médecins, il est de votre rôle de donner des conseils à vos semblables dans l’intimité de votre cabinet, mais ne culpabilisez personne et laissez-les vivre à leur façon et sans remords le temps qu’il leur est imparti.


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  • Le scandale des  dépassements

    Selon les chiffres donnés le 8/10/12 par la caisse nationale de l’assurance maladie :

    600 médecins dépassent de 300% au moins les tarifs de remboursement. 1650 médecins font des dépassements inférieurs à 200% et 5000 inférieurs à 100%.

     

    Ainsi 7250 médecins dépassent nettement, et pour certains de façon excessive, le tarif de remboursement sur les 216145 praticiens actifs en France en 2011, soit le pourcentage colossal de 3,35%. Ces dépassements d’honoraires semblent être une des préoccupations majeures de la ministre de la santé qui s’agite beaucoup, dans une offensive de désinformation bien orchestrée, pour faire de leur encadrement (je ne suis pas, a priori, contre) une des solutions urgentes pour améliorer l’offre de soins. Il faut tout de même souligner que ces dépassements ne coûtent rien à la sécurité sociale et que c’est le patient qui choisit son médecin en étant dûment averti des tarifs pratiqués et qu’il pourrait tout aussi bien en choisir un autre (il est exceptionnel qu’un médecin donné soit indispensable). Mais on nous dit que c’est cette petite minorité du corps médical, certes inégalement répartie sur le territoire, qui serait la cause d’une médecine « à deux vitesses » et d’une inégalité de chance par rapport aux soins !?

     

    Maintenant voyons combien un patient doit débourser pour consulter à l’étranger (enquête du Journal International de Médecine) :

    En Italie : consulter un médecin généraliste ne coûte rien au patient, à condition de choisir un praticien conventionné, passage obligé avant une consultation de spécialiste. La conséquence est que les délais d’attente sont habituellement longs, d’où le recours à des praticiens du privé, où on paie le prix fort. Environ 50 à 80 euros, tarif qui peut atteindre 150 euros chez un spécialiste. Une médecine réellement « à deux vitesses ».

    En Espagne : les consultations gratuites sont rapides, mais il existe aussi des consultations privées (prises en charge uniquement par les mutuelles) dont le prix varie entre 40 et 70 euros pour un généraliste et entre 102 et 150 euros pour un spécialiste.

    En Allemagne : le prix des consultations est rigoureusement contrôlé : 25 euros pour le tarif de base du généraliste, 45 euros pour un spécialiste.

    En Angleterre : listes d’attente pour les consultations gratuites. Les tarifs des consultations privées pour un médecin généraliste sont étagés entre 95 et 315 euros.

    En Suède : les consultations ne sont intégralement prises en charge que pour les personnes les plus malades, au-delà d’une moyenne de 112 euros par an de consultations médicales.

    En Suisse : la dérégulation est telle que le prix des consultations est toujours très élevé (le service compétent n’a pas osé donner un chiffre). Les Français expatriés préfèrent pour la plupart conserver leur sécu nationale.

    Aux USA : il n’existe pas encore de secteur public. Une consultation chez un généraliste peut varier de 80 à 100 dollars. Et l’on ne trouve pas un spécialiste à moins de 150 dollars.

       

    On voit que dans la plupart des pays de même niveau il existe une filière privée plutôt florissante.

     

    Jetons à présent un coup d’œil indiscret sur la moyenne des rémunérations (en net pour la France, en brut pour les autres pays) :

    En France : 51433 € pour les médecins généralistes et 78374 € pour spécialistes.

    Au Royaume Uni : 130990 (en  €) pour les généralistes et 94604 (en €) pour les spécialistes.

    En Allemagne : 151700 € pour les généralistes et 205000 € pour les spécialistes.

    Aux Pays-Bas : 153759 € pour les généralistes et 241621 € pour spécialistes.

     

    Attention, les chiffres ne peuvent pas être comparés de façon absolue puisque ceux des pays étrangers devraient être minorés des frais dont nous n'avons pas connaissance pour chacun des pays. Mais même en les abaissant de 30 ou de 40%, voire de 50%, les différences persistent Et l’on  fait quasiment passer les médecins français pour des délinquants et à qui l’on reproche –entre autres – de prescrire, pour leur plaisir, de plus en plus de médicaments, ce qui ne semble pas être confirmé par une enquête de la CNAM :

     

    Entre 2006 et 2009, l’évolution de la consommation de médicaments a été en France de 0,5 % par an, contre 4,3 % en Allemagne, 4,5 % en Italie et 4,6 % en Espagne. (in Cardiologie pratique)

     

    Que ceux et celles qui ont eu le courage de lire cet article jusqu’au bout, veuillent m’excuser pour cette avalanche de chiffres indigestes, mais il est parfois bon de remettre les pendules à l’heure sans se laisser impressionner par les moulinets dans le vide de nos politiques qui accusent un peu trop facilement les autres de leurs incapacités en utilisant la bonne vieille recette démagogique. Reste que les médecins ont une responsabilité certaine, celle d’appliquer les progrès de la science médicale, et qu’une médecine de qualité devient de plus en plus onéreuse. Je comprends la difficulté des gouvernants à résoudre le problème, mais il n’est pas sain de rechercher des boucs émissaires.


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  • LE-NAIN-Les-joueurs-de-cartes.jpg

     

    Pour une fois, je vais me faire le porte-parole – très officieux - des trafiquants de drogues qui se sentent discriminés par les autorités. Ces trafiquants sont bien conscients qu’ils vendent des poisons redoutables à l’origine d’une dépendance qui leur permet d’assurer la fidélité de leur clientèle, mais aussi leur déchéance ; sont-ils les seuls ?

     

    La publicité pour les jeux qui envahit tous les vecteurs médiatiques (y compris Overblog), les multiples possibilités offertes sur internet (depuis 2010) aux joueurs compulsifs qui peuvent ainsi prendre leur dose à domicile, n’est-ce pas pousser à une dépendance redoutable ? Dépendance qui peut conduire au désintérêt de tout autre chose, à négliger son entourage, au désarroi et à la ruine des familles. Publicité envahissante qui permet de recruter de nouveaux adeptes qui n’auraient peut-être pas songé à tomber dans cette « ludomanie » et ceci dès l’enfance[1].

     

    Ils sont 200 000 en France à être accros aux jeux de hasard et d’argent[2]. 3 fois sur 4 ce sont des hommes, âgés en moyenne de 41 ans, gagnant moins de 1 100 euros par mois (60% des joueurs excessifs) et pour la quasi-totalité, avec un niveau d’étude inférieur ou égal au bac. La moitié des joueurs excessifs ont également une consommation excessive d’alcool. Deux tiers sont des fumeurs quotidiens et 6,1% ont consommé du cannabis au cours du dernier mois (contre 4,4% dans la population générale). Il faut donc souligner que les joueurs sont en majorité plutôt pauvres, et  un certain nombre d’entre eux cherchent probablement à s’enrichir en jouant, ce qui conduit la plupart à s’appauvrir. A noter qu’il y a moins de « joueurs dits problématiques » en France que dans d’autres pays comme les aux USA, l’Australie, l’Italie, le Canada, la Belgique ou la Grande-Bretagne où la pompe à fric parait encore plus efficace.

     

    Vous me direz aussi que les servants de la pompe à fric sont également conscients du mal qu’ils font puisqu’ils ont organisé généreusement des postes de secours pour les pauvres types qu’ils ont rendu dépendants et qui peuvent téléphoner à un numéro d’urgence ou se rendre dans un centre[3] lorsqu’ils ne supportent plus le mal que les mêmes ne cessent de favoriser et d’entretenir. Le jeu est d’ailleurs surveillé avec compassion par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies.

     

    La Française des jeux surveille également avec attention les joueurs (40 personnes à temps plein et 10 inspecteurs) pour dépister toute malversation. C’est ainsi que des handballeurs, qui se sont illustrés dans les compétitions mondiales, sont accusés d’avoir truqué un match sur lequel ils avaient parié alors qu’ils y participaient. C’est que l’on ne plaisante avec les jeux : le truquage d’un match est un délit puni de trois ans de prison et de 15000 € d’amende. Il eut été préférable pour le multiple médaillé Karabatic de faire comme le voyou accusé d’avoir participé à la rixe de Grenoble (deux morts) et qui avait été auparavant jugé en comparution immédiate le 27 août pour avoir attaqué un homme avec un couteau à un distributeur automatique de Grenoble et relaxé par le tribunal (le parquet aurait fait appel).

     

    Alors, puisque les Etats organisent ou encouragent la dépendance aux jeux et en tirent bénéfice, pourquoi ne pas permettre aux trafiquants de drogues de faire de la publicité pour leurs produits ? Et je suis pratiquement certain qu’ils seront d’accord pour créer, dans ce cas, des cliniques de désintoxication.

     

    Les frères Le Nain : « Joueurs de cartes »



    [1]Bien entendu, les jeux de hasard et d’argent existent depuis toujours. Le fait nouveau est la multiplication et la visibilité des possibilités offertes et encouragées.

    [2]D’après une enquête récemment menée par l’Inpes (Institut national de prévention et d’éducation à la santé) et l’Ofdt (Observatoire français des drogues et des toxicomanies).

    [3]Le numéro d’urgence du groupement Adalis (addictions en tous genres) est le 09 74 75 13. Il existe un centre au CHU de Nantes avec un site d’information et d’assistance, l’un et l’autre étant financés au 2/3 par la Française des jeux et le PMU.


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  • Le professeur Gilles-Eric Séralini de l’université de Caen a publié le 19/09/12 dans la revue américaine « Food and Chemical Toxicology » une étude qui fait grand bruit sur la toxicité d’un OGM, le maïs NK 603 (associé ou non à l’absorption de Roundup, la modification génétique du maïs étant destinée à le tolérer).

    Cette étude sur 200 rats s’est faite dans le plus grand secret, l’équipe de Caen connaissant la puissance des multinationales productrices des semences génétiquement modifiées, largement utilisées dans le monde et depuis de nombreuses années sans qu’apparaisse – jusqu’à présent – de catastrophe sanitaire, mais avec l’inconvénient pour les agriculteurs de devoir dépendre des industriels.

    Le Pr Sérilini a observé avec effroi l’apparition de multiples tumeurs (plutôt chez les femelles) et une atteinte du foie et des reins (plutôt chez les mâles) et le décès prématuré des animaux ayant absorbé le maïs NK 603, anomalies nettement plus fréquentes par rapport à ceux qui n’en avaient pas absorbé, la différence étant plus nette encore pour ceux qui avaient également absorbé du Roundup dilué. L’étude a été faite sur deux ans et les anomalies n’apparaissent qu’après trois mois, les études de toxicité des industriels, eux, n’ont pas dépassé cette dernière durée.

    Les résultats de l’étude ont été largement médiatisés, avant tout débat scientifique, avec la publication  de photos impressionnantes de rats déformés par les tumeurs. Les critiques n’ont pas manqué de fuser sur la méthodologie suivie : choix de la race de rats (sujette aux tumeurs), nombre de rats étudiés, régime suivi en dehors du maïs etc…Mais également sur Séralini lui-même, opposé aux OGM et les sponsors de l’étude qui sont du même côté. Mais Séralini aurait-il obtenu de l’argent de la part des anti-OGM ? Bien entendu il serait plus que souhaitable que ces études soient réalisées par des scientifiques indépendants, sans idée préconçue, et avec des crédits publics, mais il faut souligner qu’en France c’est plutôt difficile : n’a-t-on pas récemment détruit une culture de plantes OGM alors qu’elle était destinée à évaluer les inconvénients des OGM ? Attitude purement idéologique qui ne recherche aucunement à établir la vérité sur des bases scientifiques.

    La question est pourtant capitale de savoir si oui ou non les OGM sont nuisibles pour la santé. Une seule étude ne suffit pas, d’autres devraient être faites indépendamment de celles des industriels dont l’intérêt est évident et de façon prolongée comme l’a fait l’équipe de Séralini. Il faut cependant remarquer que rien n’a été observé malgré la large utilisation des OGM dans le monde, que nous absorbons depuis longtemps des plantes hybrides sans inconvénient, à moins d’admettre qu’une manipulation génétique artificielle est par définition toxique, alors qu’une manipulation génétique naturelle ne l’est pas.

    Reste à savoir pourquoi les OGM seraient toxiques. Bien entendu, l’ADN des plantes modifiées est entièrement détruit par l’intestin, il est donc impossible qu’un gène de cet ADN puisse s’incorporer à l’ADN des cellules des animaux et des humains et modifier leur comportement en provoquant, par exemple, des tumeurs. L’hypothèse de Séralini est que l’enzyme produite en grande quantité  permettant au maïs NK 603 de tolérer le Roundup perturberait le métabolisme des cellules du maïs aux dépens de composés protecteurs. Mais il faudrait admettre que cette enzyme n’est pas détruite par l’intestin, et que si elle traverse la barrière intestinale, elle ait le même effet dans la cellule animale que celui qu’elle a dans la cellule des plantes. On voit que cette étude, aussi impressionnante soit-elle, ne clôt pas le débat.


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  • Dans « Les secrets du bonheur » en 2008, j’avais rapporté les travaux de David Lykken qui après avoir étudié des jumeaux monozygotes ayant évolué dans des milieux très différents, considérait que la moitié de notre aptitude au bonheur serait innée, liée à notre programmation génétique, inscrite dans notre ADN. Sans doute en partie par l’intermédiaire de la chimie du cerveau : sécrétion de dopamine en cas d’accomplissement personnel, d’opioïdes en cas de sensation agréable, de sérotonine pour l’humeur (sécrétion favorisée par la consommation de produits sucrés). C’est, non la sécrétion, mais la quantité secrétée qui importerait dans l’éclosion du bonheur (je pense que certaines béatitudes laissent penser qu’il existe un risque d’over dose).

    Des chercheurs de l’Université de la Floride du Sud[1]ont été plus loin et auraient carrément découvert le gène du bonheur : le gène Maoa, codant pour la fabrication de la monoamine oxydase A, enzyme découpant des transmetteurs importants du système nerveux comme la sérotonine et la dopamine, ceux-ci contribuant à la sensation de bien-être (des antidépresseurs retardent leur élimination dans l’organisme)

    Les chercheurs ont évalué l’effet des différentes versions (allèles) de ce gène par une analyse génétique chez 345 volontaires (193 femmes et 152 hommes) et mise en parallèle avec un questionnaire où ils devaient déclarer leur niveau de bonheur. C’est la variété du gène la moins active, donc  préservant les neurotransmetteurs, qui contribuerait au bonheur et davantage encore si les deux chromosomes homologues (chacun transmis par l’un des parents) portent cette variété du gène.

    La surprise de ce travail est que cette forme du gène ne bénéficie qu’aux femmes ! Et les auteurs se demandent si de hauts niveaux de testostérone ne supprimeraient pas son effet favorable. A noter que cet allèle du gène Maoa avait été surnommé le « gène du guerrier » source d’agressivité, également associé à l’alcoolisme et au comportement antisocial. Un gène qui a donc des effets opposés chez l’homme et chez la femme.

    Cette étude suggère quelques remarques :

    - Juger du bonheur ressenti dans le présent par un questionnaire me parait sujet à caution. Le bonheur étant souvent constaté de façon rétrospective.

    - Les femmes sont plus souvent sujettes aux troubles de l’humeur et à l’anxiété, et sont plus grandes consommatrices de tranquillisants et d’antidépresseurs que les hommes (mais selon des enquêtes, elles se déclareraient plus heureuses qu’eux)

    - Quand un même gène peut avoir des effets opposés selon le sexe, que devient la fameuse théorie du genre, où chacun peut choisir son sexe, théorie qui semble envahir la société, en commençant par l’école.

    - Il va sans dire que le bonheur dépend de nombreux facteurs, non seulement extérieurs, mais également génétiques (pour l’aptitude) et si un gène joue son petit rôle, c’est probablement l’interaction entre de nombreux gènes qu’il faudrait considérer, ce qui est bigrement difficile.



    [1] Etude publiée dans Progress in Neuro-Psychopharmacology & Biological Psychiatryet rapportée par Futura sciences


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  • woody-allen-sperm1.jpgLe sperme-Humanité

    C’est seulement en 1677 que le Hollandais Johan Hamm ou son compatriote Antonie Van Leeuwenhoek découvrit les spermatozoïdes alors qu’ils étaient à portée de main. A l’époque certains, les « spermatistes », ont pensé que les spermatozoïdes étaient des êtres entièrement formés, de sexe soit masculin soit féminin et devant leur profusion se sont demandé si le sperme d’Adam ne contenait pas déjà toute l’Humanité à venir. «  Voilà donc toute la fécondité qui avait été attribuée aux femelles rendues aux mâles ». (Moreau de Maupertuis)[1].

     

    Le sperme-énergie

    Il fût un temps où la vasectomie a séduit bien des hommes. Son but n’était pas la stérilisation mais un regain de jeunesse selon la théorie émise dans les années 1920, à Vienne, par le Pr Eugène Steinach affirmant que la perte de sperme avait un effet débilitant. Il préconisait la vasectomie pour lutter contre, ce qui ne pouvait que redonner de la vigueur. Des universitaires, des artistes ont été séduits par cette théorie et ont demandé qu’on leur coupe la route du sperme pour rajeunir. D’après P. Skrabanek et J. McCormick[2], Sigmund Freud et le poète dramaturge William Butler Yeats s’y seraient soumis.

     

    Le sperme euphorisant

    D’après une étude américaine publiée récemment dans « Archives of Sexual Behaviour journal » (rapportée par The Daily mail puis le site Atlantico), le sperme serait « bon pour la santé et aide à lutter contre la dépression ». Cette étude a été faite sur 293 femmes et a abouti à la conclusion que  celles qui avaient régulièrement des rapports sexuels non protégés étaient moins déprimées, et obtenaient de meilleurs résultats aux tests cognitifs. Alors que les femmes abstinentes ou celles qui avaient une sexualité normale mais qui se protégeaient toujours étaient aussi déprimées les unes que les autres, ce qui permettait d’écarter le rôle de la sexualité elle-même.

    Ces résultats un peu surprenants pourraient être attribués à la composition du sperme qui contient au moins trois antidépresseurs : la mélatonine, la sérotonine et la thyrotropine et des agents favorables : le cortisol pour le sommeil, l’ocytocine et l’estrone pour l’humeur. L’étude ne semble pas préciser le rôle du mode d’absorption de ces produits euphorisants.

     

    Woody Allen en spermatozoïde



    [1] Cité par Kûss et Grégoir, Histoire illustrée de l’urologie

    [2] Idées folles, idées fausses en médecine  éd. Odile Jacob 1992                                            


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  • Berlioz.jpgHector Berlioz avait, malgré lui, débuté des études de médecine pour suivre les traces de son père Louis qui s’était d’ailleurs détourné de la médecine classique pour introduire l’acupuncture en France. Hector s’est également détourné de la médecine mais pour créer des chefs d’œuvre. Il s’en est expliqué : « … quand mon condisciple Robert, m’ayant appris un matin qu’il avait acheté un sujet (un cadavre), me conduisit pour la première fois à l’amphithéâtre de dissection de l’hospice de la Pitié. L’aspect  de cet horrible charnier humain, ces membres épars, ces têtes grimaçantes, ces crânes entrouverts, l’odeur révoltante qui s’en exhalait […] me remplirent d’un tel effroi que, sautant par la fenêtre de l’amphithéâtre, je pris la fuite à toutes jambes  et courus haletant jusque chez moi comme si la mort et son affreux cortège eussent été à mes trousses. »[1]. Un souvenir qui a du inspirer sa « Danse macabre ».

    Claude-Bernard.jpgClaude Bernard était un modeste préparateur en pharmacie à Lyon, sa vocation était de devenir écrivain.  C’est parce que ses ambitions littéraires ont été déçues qu’il est devenu un grand homme. Une première pièce, « La Rose du Rhône » est jouée une fois et il monte à Paris avec une tragédie, « Arthur de Bretagne ». On ne peut que remercier le critique littéraire Saint-Martin Girardin qui, après lecture, lui donne ce conseil : «  Vous avez fait de la pharmacie, faites de la médecine ». Conseil judicieux, car après avoir été l’élève de Magendie, fondateur de la physiologie expérimentale, il devient en 1854 titulaire de la première chaire de physiologie à la Sorbonne, accumule les découvertes et fait de cette discipline  la base du progrès médical. « Introduction à l’étude la médecine expérimentale », lui vaut d’être élu à l’Académie Française, mais n’est plus étudié qu’en classe de philosophie, réalisant enfin sa vocation.

    Pasteur-jeune.jpgLouis Pasteur, n’était pas médecin et ne le devint jamais en titre, mais a apporté, à la fin du XIX siècle, les plus grands progrès de toute l’histoire de la médecine. Très doué pour la peinture, notamment le portrait. Chimiste, occupé de bière, de vin, de ver à soie, il fit une entrée fracassante dans le monde médical. Les gens sérieux n’aiment pas les amateurs. Pour l’asepsie, on lui a reproché de s’occuper de ce qui ne le regardait pas et pour la vaccination, on l’accusait d’exercice illégal de la médecine. De nos jours encore des historiens reprochent à Pasteur d’avoir redécouvert ce que ses précurseurs savaient depuis longtemps, d’avoir exploité les travaux de ses collègues, d’avoir eu des intuitions justes avancées sur des arguments faux, des intuitions fausses qui se sont révélées justes par hasard ; le hasard qui a fait réussir des expériences qui auraient dues échouer et le contraire chez ses adversaires. Pasteur n’a été admis à l’Académie de Médecine en 1873 qu’avec une seule voix de majorité. L’imagerie populaire ne retient de lui que l’homme à barbiche, le portrait qui figure ci-contre est celui de Pasteur jeune, ça change un peu.



    [1]H. Berlioz cité par B. Gavoty, Hector Berlioz, Réalités Hachette 1973


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