• 26. Quand les microbes se font hospitaliser

    Le médecin a longtemps été lui-même pathogène, vecteur involontaire des infections (Voir aussi l'article 9 « Un médecin doit être propre sur lui ».)

     

    Il valait mieux se faire opérer chez soi.

    Jusqu'au XVIIème les opérations à l'hôpital se faisaient au lit du malade. Par la suite elles se déroulèrent dans un amphithéâtre où se pressaient étudiants et spectateurs. Il servait aussi souvent de salle d'autopsie et ce n'est pas un hasard si les opérations de la pratique privée, faites à domicile, dans la chambre à coucher ou la cuisine avaient de meilleures suites.

    En 1789 Pierre-Jean Cabanis pouvait écrire : « Dans les grands hôpitaux, les plaies simples deviennent graves, les plaies graves deviennent mortelles, et les grandes opérations ne réussissent presque jamais».

    Louis-Bernard Guyton de Moreau, chimiste, poète, pionnier de l'aérostation, indigné par l'absence d'hygiène dans les hôpitaux, ayant découvert le pouvoir désinfectant du chlore, alerta la Convention et préconisa de multiples mesures qui ne furent évidemment pas mises en œuvre.

    «  Il y a dans les hôpitaux militaires, un nombre infini de soldats blessés, dont les maladies augmentent par l'air infect qui s'en exhale. On ne s'en aperçoit pas quand les malades meurent, parce que l'on croit qu'ils sont emportés par la maladie, mais quand elle emporte aussi les médecins, alors il est clair que ce malheur provient de la corruption de l'air. Il y a des moyens sûrs, infaillibles et très peu coûteux pour corriger ce méphitisme. » ( Discours à la Convention le 4 Pluviôse an II).[1] Quand les médecins sont atteints, il y a en effet de quoi s'inquiéter.

    Notons que 1789 fût une année mémorable, celle où Claude Berthollet inventa l'eau de Javel. Celle-ci va jouer un  rôle essentiel dans la lutte contre les microbes. Pendant la Grande Guerre c'est avec de l'eau de Javel diluée que l'Américain Henry Dakin et le Français Alexis Carrel mirent au point un procédé de drainage et d'antisepsie des plaies qui allait sauver des milliers de blessés. Et l'eau de Javel est toujours là : c'est l'un des rares antiseptiques détruisant le prion.
    C'est le baron Percy qui créa le terme de fièvre nosocomiale. Ce n'est que dans la deuxième moitié du XIXe siècle que l'antisepsie et l'asepsie ont été peu à peu introduites dans la pratique quotidienne malgré les résistances. Les médecins étaient en effet ulcérés qu'on puisse les accuser d'être malpropres et de transporter eux-mêmes les infections de malades en malades ou des cadavres qu'ils autopsiaient aux femmes qu'ils accouchaient.

     

     

    La sélection des plus mauvais

    Aujourd'hui, les microbes les plus méchants se font hospitaliser et c'est là qu'on peut les rencontrer malgré toutes les précautions. On crut avoir gagné la bataille avec l'arme absolue, les antibiotiques, mais avec la sélection de souches résistantes et le relâchement créé par  un sentiment indu de sécurité, le problème ressurgit. Il y aurait en France chaque année des centaines de milliers de victimes d'infections contractées à l'hôpital, chiffre cependant gonflé par de pseudo infections urinaires, sans oublier qu'un nombre non négligeable de ces infections sont dues à des microbes dont les patients sont porteurs avant leur hospitalisation et d'autres apportés par les visiteurs. Les complications infectieuses ont toujours fait partie du risque opératoire et ne pourront disparaître qu'avec la disparition des chirurgiens, ce qui ne saurait tarder. On comprend néanmoins le désarroi et la colère de la victime d'une infection nosocomiale qui reproche aux médecins et à l'établissement de soins une faute, en fait exceptionnelle, tant les équipes soignantes sont à présent conscientes du risque, jusqu'à faire sortir les patients prématurément, une guérison qui n'est pas encore terminée étant préférable à une mort possible. (Illustration : staphylocoques dorés résistants à la méthicilline : SARM)

     

     

     

     

    [1] Cité par J-M Galmiche, Hygiène et Médecine.



    Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora

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