• Le Ponce Pilate de la Mosquée

    Lunel dans l’Hérault est un bourg de 26000 habitants dont 6000 seraient musulmans. J’ignore si tous les habitants d’origine maghrébine sont musulmans ou s’ils en existent qui ne le soient pas, puisque l’amalgame entre religion et ethnie est devenu habituel pour les arabes. Une dizaine de jeunes musulmans sont partis en Syrie et cinq ont été tués (dont le fils de l’ancien président de l’Union des musulmans de Lunel). Le maire dans un communiqué a souhaité que les responsables de la mosquée « s’expriment clairement pour condamner fermement ces départs ».

    La mosquée ne se sent aucunement responsable de la radicalisation de cette petite minorité de jeunes musulmans. Le président de l’Union des musulmans de Lunel refuse également d’agir sur le terrain de la prévention, et semble étonné de la demande de la mairie : « Qui réclamerait à une synagogue de rendre des comptes sur des Franco- israéliens partis servir dans l’armée israélienne lors de la dernière guerre à Gaza ? ». (Source : Le Monde.fr du 13/12/14)

    Que le responsable musulman exonère la mosquée de toute responsabilité dans la radicalisation de quelques-unes de ses ouailles, je veux bien le croire, mais qu’il se refuse à envisager sa prévention est plus discutable, voire suspect. Car ces jeunes qui partent pour le djihad le font au nom d’une interprétation de la religion qu’il enseigne, ce qui implique qu’une éventuelle prévention est concevable. Mais on ignore ce qu’il transmet et ce refus peut laisser supposer que cette radicalisation n’est peut-être pas en contradiction avec ses opinions. Quoi qu’il en soit, pour ce responsable religieux que des jeunes aillent se faire tuer en Syrie au nom de sa religion ne le concerne pas. Il s’en lave les mains.

    Dans un débat avec un musulman, le conflit israélo-palestinien vient habituellement sur le tapis comme argument définitif. Il est bien évident qu’une synagogue n’a pas à intervenir dans le départ éventuel de Franco-israéliens. Mais pour ceux-ci ce n’est aucunement une question de religion (d’autant plus que la plupart ne pratiquent pas ou peu le judaïsme), ils partent rejoindre l’Etat dont ils sont également citoyens pour participer à un conflit territorial.

    Si l’on fait le parallèle avec les Franco-israéliens, l’argument du responsable musulman de Lunel impliquerait que ces djihadistes devraient être qualifiés de Franco-islamistes, et le parallèle sous-entendrait que ce responsable attribue le statut d’Etat au « califat » irako-syrien (mais je veux croire qu’il n’en cautionne pas les exactions) et il trouve apparemment normal que ces jeunes de Lunel aillent le rejoindre pour l’établir et le défendre, comme les Franco-israéliens partent pour défendre Israël dans sa réplique aux attaques des islamistes du Hamas qui veulent sa destruction.

    Matthias Stomer (ou Stom) : « Pilate se lave les mains après avoir condamné Jésus »


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    La monarchie républicaine n’est plus ce qu’elle était.La photo montrant Hollande revêtu du costume traditionnel du Kazakhstan en compagnie de son homologue, et qui lui avait été offert comme cadeau diplomatique, a provoqué les quolibets de la part d’une partie de la presse et bien sûr des réseaux sociaux. Afin d’éviter cette réaction qu’ils prévoyaient, les collaborateurs du Président auraient aimé qu’elle ne fut pas diffusée. Ce qui n’était guère diplomatique à l’égard du donateur.

    On ne voit pas pourquoi ce costume traditionnel a soulevé tant de moquerie. En soi il est plutôt beau et seyant, et à vrai dire Hollande n’avait jamais été aussi bien habillé. Par ailleurs, nombre de Présidents ont été amenés à revêtir le costume traditionnel du pays qu’ils visitaient et certains étaient plutôt ridicules, ce qui n’était pas le cas de celui revêtu par Hollande lors de sa visite au Kazakhstan. Mais voilà, Hollande est impopulaire et quoi qu’il fasse, il le reste.

    Hollande n’a pas le physique de l’emploi.

    Il est bien connu que depuis que les Français chassèrent les rois, ils en conservent la nostalgie. La constitution de la Vème république avait permis, avec son président, de rétablir une monarchie républicaine.

    Malheur à celui qui n’a pas le physique et la prestance de l’emploi.

    Les présidents qui se sont succédés avaient de l’allure. Jusqu’à Sarkozy. Avec ce dernier la France a eu droit à un personnage en proie à une agitation de Funesque mais sans la moindre drôlerie, mais aussi sans la moindre prestance ou hauteur, si bien – et quelles que soient ses qualités - il n’a suscité aucun respect. Il a fait le régal des caricaturistes qui l’attendent avec gourmandise depuis son retour sur la scène où il prouve chaque jour qu’il est resté égal à lui-même.

    Puis vint Hollande. Il a choisi la mauvaise option, celle de se normaliser. De se conduire en petit bourgeois avec de surcroît ses travers vaudevillesques qui ont fait jaser les gazettes, jusqu’à masquer les initiatives dont un autre aurait pu se prévaloir.

    La monarchie républicaine n’est plus ce qu’elle était.


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  • Foire de luxe

    Chers téléspectateurs et chères téléspectatrices, vous me surprenez. Vous avez été plus de 8,5 millions à regarder l’élection de Miss France 2015 samedi dernier ! Bien plus que pour le Téléthon regardé par moins de 1,8 millions de fidèles. Mais je comprends l’appétence des 4 téléspectateurs et téléspectatrices sur 10 car, quant à contempler des bêtes de foire, il est préférable qu’elles soient belles et en bonne santé. Montrer des malades pour fendre le cœur et le portefeuille n’a pas le même attrait que de voir défiler de superbes créatures souriantes montrant leurs atouts, d’abord enrobés de façon séduisante, puis dans un appareil minimal afin de bien prouver que sous la robe les créatures exhibées ne sont pas du toc mais bien en chair réelle. Afin de vérifier l’authenticité de ces 33 belles bêtes à concours, vous avez été plus de 10 millions à baver au moment précis de leur défilé en maillot de bain. Mais pour baver, faut-il en avoir encore le désir, et c’est en effet un public plutôt jeune qui a été attiré par ce spectacle puisqu’il a eu les honneurs d'environ 60% des téléspectateurs de 15 à 24 ans.

    Pour ma part, je trouve gênant que l’on puisse ainsi exposer des spécimens humains comme on expose des animaux dans des concours agricoles et préparés, comme eux, longtemps à l’avance avant d’être exposés. Ce côté animal me gêne alors que souvent ces jeunes femmes sont plutôt intelligentes. Il s’agit certes d’un spectacle, mais même dans un beau décor avec de beaux apprêts, il s’agit avant tout d’un spectacle animalier qui n’a rien à voir avec les revues où les femmes sont des actrices, chanteuses ou danseuses car si elles sont sélectionnées pour leur beauté, c’est aussi et surtout pour leur talent.

     


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    Un rapport rédigé par la sénatrice EELV, Esther Benbassa et le sénateur UMP, Jean-René Lecerf, préconise – entre autres - l’enseignement du fait religieux à l’école. Ce rapport a été adopté par la commission des lois du Sénat et devrait être rendu public cette semaine[1]

    Mais qu’entend-on par l’enseignement du fait religieux ?

    Etudier le rôle des religions en histoire est une évidence, et ce rôle est enseigné depuis toujours. Les religions furent et sont encore des moteurs de l’histoire et non des moindres, pour le meilleur et le plus souvent pour le pire. Sans parler des religions asiatiques, l’histoire de l’Occident et du Proche et Moyen-Orient est dominée par les religions. La mainmise du Christianisme sur l’Empire Romain, éliminant le polythéisme plutôt pacifique et hospitalier, les conquêtes musulmanes en Europe, en Afrique et en Asie, les croisades, la conquête et la christianisation sanglantes des Amériques, Les guerres de religion entre chrétiens dans une grande partie de l’Europe et les évènements actuels montrent que les religions réapparaissent à l’avant-scène de l’histoire.

    Les religions peuvent être également étudiées comme objet social ou anthropologique au même titre que tous les autres, mais pourquoi isoler le fait religieux en tant que tel ?

    Considérer la croyance religieuse comme un objet de connaissance, c’est lui donner un statut qu’elle n’a pas. Et quelles religions étudier ? La véracité d’aucune n’est prouvée puisqu’il s’agit de croyances éminemment personnelles. Je souhaite bien du courage aux enseignants devant une classe multiconfessionnelle lors de la confrontation des légendes que l’on est libre de croire ou pas, mais qui s’excluent de façon radicale. Je suppose par ailleurs que l’athéisme, pourtant moins dangereux, ne sera probablement pas enseigné.

    Que fait-on de la laïcité dans cette République qui se délite en de multiples identités et qui devient de plus en plus soluble dans les religions ? Le temps que l’on consacrera éventuellement au fait religieux ne serait-il pas mieux employé à des fondamentaux incontestables et qui semblent faire défaut à nombre d’élèves ? Personne n’a besoin de l’école pour choisir ou rejeter une croyance, d’ailleurs souvent transmise par la famille et aujourd’hui par le prosélytisme parfois agressif présent sur internet.

     

    [1] D’après Claude Nicollet (Marianne)


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  • Hier, j’ai très peu vu la prestation de François Hollande sur TF1 (et non sur une chaîne du service public, ce qui aurait été plus logique). Le Président de la République paraissait très satisfait de lui puisqu’il est resté longtemps dans le cirque du studio après l’émission pour serrer quelques mains et répondre évasivement, comme il sait le faire, aux questions supplémentaires des invités.

    L’essentiel pour les politiques est de « passer à la télévision » et faire, comme tous les gens du spectacle, leur autopromotion. Peu importe ce qu’ils ont à dire et peu importe le type d’émission. Tout est bon : mi-mandat, émissions de distraction, jeux ou même téléréalité avec déguisements. Cette fois ce fut un spectacle de proximité par procuration.

    Comme le fit Cécile Sorel en 1933 qui demanda au pied de l’escalier Dorian du Casino de Paris : « l’ai-je bien descendu ?», François Hollande a probablement demandé à ses proches et peut-être aux journalistes chargés de lui donner la réplique : « ai-je été bon ? ».

    Mr Hollande, « passer à la télévision », ce n’est pas gouverner (mais est-il encore possible de gouverner ?). Il est préférable de s’adresser au peuple français quand on a quelque chose à lui dire. Tout acteur a besoin d’un bon texte, sinon le spectacle risque de faire un bide et ne laisser aucun souvenir.

    Pour me consoler, j’ai descendu deux carrés de chocolat.

    « L’ai-je bien descendu ?»

    « Indice de moral des ménages français et achats de chocolat en tablette, en kilo par acheteur ». (Le Point du 6/11/14)

     


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  • L’année dernière j’ai raté une Journée mondiale. Ma seule excuse est qu’il existe une foule de Journées mondiales et que je suis un peu distrait. J’ai du penser à autre chose car le 19 novembre 2013 m’avait paru une journée comme les autres avec ses petits scandales et ses petites morosités. Erreur. Je viens d’apprendre que pour la première fois, sous l’égide de l’ONU, il s’agissait de la Journée mondiale des toilettes !

    Ayant l’opportunité et le besoin de les utiliser plusieurs fois par jour, j’aurais eu sans conteste une pensée émue pour ceux et celles dans le monde qui n’en disposent pas aisément, et il serait 2,4 milliards ! Imaginez les tonnes d’urine déversées chaque jour sur le sol de notre planète et en plein air, de quoi rendre celui-ci irrespirable et l’environnement pollué. Le 19 novembre prochain, seul dans mes toilettes, j’aurai une pensée pour les 2,4 milliards de mes congénères terriens qui n’ont pas cette chance.

    Uriner à la campagne, de préférence contre un arbre (un obstacle sur le jet urinaire semble avoir la faveur des mammifères ayant la faculté de pouvoir le diriger), n’est pas déplaisant et il m’est moult fois arrivé de céder à cette tentation ou à cette nécessité. Mais là nous faisons œuvre utile, la terre buvant avec avidité ce liquide bourré de sels minéraux et de molécules nutritives dont vont se régaler les plantes.

    Mais compisser en ville n’a que des désavantages pour l’hygiène et l’ambiance. Il parait qu’en Inde l’habitude de se soulager sur les murs est fort répandue, moins semble-t-il depuis que les autorités compétentes ont eu l’idée ingénieuse de recouvrir les murs d’effigies de dieux, ce qui pousse les croyants, fort nombreux dans ce pays, à une retenue respectueuse, aussi douloureuse soit-elle.

    Il parait également que le Caire sent l’urine à plein nez, nombre de ses habitants préférant la rue plutôt que les toilettes payantes. Allah ne pouvant être représenté sur les murs, il est à craindre que ces effluves exotiques mêlant pisse et épices continuent à flotter sur la ville.

    Effluves exotiques


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  • J’ai toujours été étonné par l’omniscience présumée des dirigeants. Nos ministres, pour beaucoup, exercent des responsabilités dans des domaines pour lesquels ils n’ont pas été formés dans leur vie antérieure et peuvent passer d’un ministère à un autre avec la même incompétence et faire des déclarations définitives avec la même assurance sur des sujets qu’ils ne connaissent pas, en ressortant le contenu de fiches préparées par d’autres.


    J’ai ressorti ce petit paragraphe de mon article « Les Omnis » (qui date de 4 ans) et j’y ajouterai que lorsqu’un(e) ministre commence à devenir compétent(e) dans le domaine qui lui avait été confié, on le change de poste, illustrant ainsi le principe de Peter : « Tout employé tend à s'élever à son niveau d'incompétence ». Principe qui part du postulat que ceux qui sont incompétents restent à leur poste et que ceux qui sont promus en raison de leur compétence risquent de devenir incompétents à un niveau supérieur [ou à un poste différent], pour aboutir à la conclusion que la plupart des postes dans une organisation sont occupés par des incompétents.

    Fleur au fusilPréambule pour saluer la franchise de Fleur Pellerin qui a avoué ne pas avoir eu le temps de lire un seul livre depuis deux ans, et ne pas connaître un seul des livres de Modiano alors qu’elle a déjeuné avec le nouveau prix Nobel de littérature. Modiano n’étant pas un perdreau de l’année, écrivain fort connu et largement primé, elle aurait pu lire un de ses livres (et éventuellement ne pas l’aimer et ne pas en lire d’autres) avant de devenir ministre qui est, en effet, une occupation ne laissant guère de loisir. Elle aurait pu aussi faire l’effort juste après l’attribution du prix Nobel à Modiano de lire un de ses romans (qui sont forts courts). Ne pas l’avoir fait dénote chez elle un fâcheux manque de curiosité.

    L’ennui est que Fleur Pellerin est ministre de la culture et sa franchise montre aux jeunes générations que l’on peut le devenir en n’ayant guère de goût pour la culture ou en tout cas pour la littérature.


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    C’est du sérieux, du solide. Un vent nouveau souffle sur le monde politique. Il va falloir s’accrocher, changer nos repères, envoyer au diable nos habitudes de penser, tourner la page, bâtir du neuf sur d’autres fondations, changer définitivement notre regard sur les choses, se remettre fondamentalement en question, concevoir l’avenir selon une nouvelle donne. Bref, une révolution.

    J’en suis tout étourdi.

    Mais que se passe-t-il ?

    Vous êtes bien assis ? Alors je vous dévoile la chose : trois partis et non des moindres envisagent de changer leur nom !

    Une proposition déjà ancienne de Sarkozy pour inaugurer son retour et concernant l’UMP qu’il a contribué à ruiner. Il est, en effet, préférable que l’on en oublie le nom. Valls vient d’en lancer l’idée pour le parti socialiste en voulant sans doute marginaliser les nostalgiques de la lutte des classes. Et à présent Marine Le Pen qui envisage courageusement de débaptiser le FN pour achever le meurtre du père et venger la mort de son chat bouffé par les chiens paternels.

    Une révolution.

    L’horizon s’éclaircit, les lendemains vont chanter, la France enfin remise sur ses rails va pouvoir prendre sans regrets le train de la modernité.

    Nous sommes sauvés !

     


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  • La tête de l’emploi« Peut-on être une ministre de la Santé crédible lorsque l'on est obèse ? Depuis ce tweet d'un journaliste, la polémique est engagée en Belgique. Car le surpoids de la nouvelle ministre Maggie De Block, qui est par ailleurs médecin, est dû à une maladie. »

    Il me semble que Maggie, étant elle-même malade et de surcroît médecin, est très bien placée pour s’occuper de la santé. Elle doit savoir de quoi elle parle.

    D’ailleurs n’avons-nous pas eu en France un ministre – le sieur Cahuzac - en charge de poursuivre les fraudeurs du fisc ayant lui-même cherché à échapper à l’impôt ? Personne n’était plus compétent que lui pour connaître les ficelles de la fraude. N’avons-nous pas eu un conseiller à l’Elysée – le sieur Morelle - chargé de cirer les pompes de son employeur demandant à autrui de cirer les siennes en toute confraternité et sur son lieu de travail ? N’avons-nous pas eu un secrétaire d’Etat – le sieur Thévenoud - chargé du commerce extérieur atteint de phobie administrative, ayant oublié – entre autres - de déclarer ses revenus, après avoir été antérieurement un pourfendeur des fraudeurs du fisc ? Toujours député et appartenant désormais à la commission du Développement durable (son ancienne appartenance à la commission des finances de l’assemblée paraissant déplacée), espérons que sa phobie administrative ne se développera pas durablement.

    Alors Maggie De Block, je trouve votre apparence bien sympathique.

    Et d’ailleurs faut-il que la mine des ministres soit en adéquation avec leurs fonctions ou avec ce qu’ils représentent ? Dans ce cas, je mettrais volontiers une jolie Française à la présidence, un ministre des affaires étrangères avec des valises sous les yeux, une ménagère comme ministre de l'économie, un chômeur comme ministre du Travail, un clown dans le cirque de la Culture, un homme à cagoule comme ministre de l’intérieur, une femme nue comme ministre de la Justice, et comme ministre de l’écologie, beaucoup seraient capables de brasser du vent.


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  • Ainsi le prix Nobel de littérature a été décerné à Modiano. Il s'agit du quinzième récolté par la littérature française et la France reste un peu plus en tête des prix Nobel pour cette matière. Je suis plutôt content que ce grand dadais (de 69 ans mais avec 1,98 m) ait été honoré, car c'est un homme sympathique aussi mauvais à l'oral qu'il est bon à l'écrit.

    C'est un régal de voir sa confusion devant une caméra, ses phrases qu'il ne termine que rarement, sinon par d'amples gestes de la main comme des points de suspension. Au spectateur de deviner la suite, de la même manière qu'il laisse ses lecteurs dans l'indécis et le non-dit, à eux de remplir les blancs avec leurs rêves.

    C'est un régal de voir sa modestie aucunement feinte lorsqu'il se demande, perplexe, les raisons pour lesquelles les Suédois lui ont décerné ce prix en le comparant même à Proust dans ses explorations du temps passé.

    Il y a deux ans j'avais publié sur ce blog un petit article le concernant. Je le reproduis ci-dessous.


    J’ai lu quelques livres de Patrick Modiano[1] et j’ai commencé son dernier roman : « L’herbe des nuits ». Au bout de quarante pages, je me suis dit : encore ! Il exagère, il recommence ! Oui, il fait à chaque fois le même livre à peu de choses près, et je continue à le lire !

    La trame est toujours la même. Un homme s’exprimant à la première personne, dont on ne sait pas ou peu ce qu’il est et ce qu’il fait, est à la recherche de son passé, peut-être pour y trouver sa place dans le présent. Des retours en arrière portés par des notes, des pérégrinations dans des quartiers de Paris et des lieux (surtout des cafés). Des noms surgissent, des personnages plutôt esquissés que décrits tournent en rond autour du narrateur, à moins que cela soit l’inverse. On ne sait pas trop pourquoi le narrateur se trouve mêlé à ces personnages ou fréquente leur milieu, et tout est noyé dans le halot du souvenir et l’incertitude de la mémoire. Le récit fait souvent référence à une période trouble comme l’occupation allemande. Les personnages sont souvent peu recommandables (le « Je » est maintes fois interrogé par un policier), mais le narrateur n’est pas très explicite ou il n’en sait trop rien car les personnages qui se succèdent sont insaisissables comme des fantômes et conservent souvent longtemps leur mystère.

    Quant à l’intrigue, il n’y en a pas dans le sens linéaire du terme, et je serais incapable de raconter un de ces livres. Elle est ébauchée par petites touches entre le passé et le présent, le second n’étant qu’une quête incomplète et incertaine du premier. Une intrigue brisée en zigzag dans la trame temporel, mais menée habilement pour soutenir l’attente.

    Alors pourquoi lire du Modiano ? Là est la magie de cet écrivain. Prendre un de se livres, c’est être pris par lui, et on ne le quitte pas si la magie opère (car ses romans sont inégaux). Le plaisir de lire une écriture parfaite mais d’une grande simplicité, et finalement le destin de ces personnages, la plupart disparus, qui ne sont souvent que des noms, nous intéresse et on espère voir leur mystère éclairci au fil des pages. Oui, Modiano exagère, il ne se renouvelle aucunement et je comprends que l’on puisse s’en lasser, mais j’ai hâte de reprendre la lecture de « L’herbe des nuits » (beau titre).


     

    [1] La place de l’étoile, Une jeunesse, Pedigree, Dans le café de la jeunesse perdue, Rue des boutiques obscures, Horizon.

     


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