• Se vouer aux seins

    Accusées d’avoir détérioré une cloche de Notre-Dame lors de leur prestation à l’intérieur de la cathédrale pour fêter à leur manière la démission de Benoît XVI, les Femen ont été relaxées le 10 septembre dernier en l’absence de certitude sur leur responsabilité (elles avaient pris soin d’entourer leurs bâtons de feutrine).

    Comme d’habitude, ces féministes n’avaient pas hésité à utiliser leur arme favorite : leurs seins dénudés, supports de leurs slogans.

    Une question se pose : pendant combien de temps ces femmes pourront-elles encore exhiber leurs seins sans faire fuir les spectateurs ? On sait, en effet, que la destinée du sein soumis à la pesanteur et à l’âge est de tomber. Ces dames amoureuses du naturel devront-elles se plier à la chirurgie esthétique ou recruter de nouvelles adeptes aux armes encore percutantes ?

    Cependant, il existe un espoir pour le groupe actuel de conserver sa force de frappe, justement parce qu’il a une prédilection à se promener les seins nus.

    Depuis 1997, le professeur Jean-Denis Rouillon, médecin du sport, a soumis plus de 300 femmes au test du triangle de Buffon (la distance entre les pointes des tétons et le nombril), avec et sans soutien-gorge et il a présenté ses conclusions, il quelques temps, lors d’un colloque à l'Université de Franche-Comté à Besançon. Je vous les livre :

    "Le soutien-gorge fabrique ou aggrave la ptose, c'est-à-dire la chute du sein (physiologique avec l'âge). Les femmes qui ont arrêté de mettre un soutien-gorge ont constaté un bénéfice. Le sein a tendance à remonter sur la cage thoracique, à se raffermir et surtout l'angle des mamelons regarde plus vers le haut… contrairement à ce que l'on croit, les femmes ont le choix. Il n'est pas dangereux d'arrêter de mettre un soutien-gorge, bien au contraire, même pour les fortes poitrines ".

    Les seins des Femen ont donc encore de beaux jours devant eux et continueront à orner leurs manifestations en répandant le lait de la discorde.


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    Le journal en ligne Slate.fr fait état d’un article paru dans le New York Times et dont l’auteur est un certain Slavoj Zizek qui serait à la fois philosophe et psychanalyste. Il se livre avec témérité à l’analyse à distance (et on comprend pourquoi) des motivations, de l’état d’esprit, et de la psychologie profonde des milliers de membres de « l’Etat islamique » dont la gestation et l’accouchement à cheval sur la Syrie et l’Irak se révèlent particulièrement sanglants.

    Pour Zizek «Les soit-disant fondamentalistes de l'EI sont une insulte au véritable fondamentalisme ». Les « vrais fondamentalistes », comme les bouddhistes tibétains ou les Amish aux Etats-Unis, éprouvent «une absence de ressentiment et d’envie, une profonde indifférence envers le mode de vie des non-croyants» et bien entendu aucune violence à leur égard. Le vrai fondamentalisme serait pour le philosophe-psychanalyste l’indice d’une foi religieuse profonde barrage à toute agressivité envers les autres.

    Il me semble que le fondamentalisme n’est ni vrai, ni faux : tous les fidèles d’une religion, quelle que soit la profondeur de leur foi, sont fondamentalistes. Ils se réfèrent à des textes fondamentaux qu’ils considèrent comme sacrés. Ils sont par essence conservateurs, mais ils ne sont pas tous intégristes, c’est à dire opposés à toute évolution, partisans de l’application intégrale des textes fondamentaux alors qu’ils sont le reflet d’une époque ancienne, et persuadés d’être les détenteurs de la seule vérité. Dire que les « vrais fondamentalistes » de la plupart des religions ne cherchent pas ou n’ont pas cherché à convertir les autres, au besoin par la force, me semble d’une grande naïveté ou d’une méconnaissance de l’histoire.

    Zizek, révèle sa face de psychanalyste en déclarant : «Les terroristes pseudo-fondamentalistes sont profondément dérangés, intrigués et fascinés par la vie de péché des non-croyants. On voit bien que lorsqu'ils luttent contre l’Autre dépravé, c'est en fait contre leur propre tentation qu'ils luttent».

    Pour le philosophe-psychanalyste, la violence extrême de l’Etat islamique est le signe d’une sorte de complexe d’infériorité par rapport à une certaine image occidentale de la réussite, qui comprend le luxe, le consumérisme (illustré par la photo du leader de l’EI portant une montre suisse clinquante), les femmes et le pouvoir. Un manque de sérénité du à l’absence de foi véritable, une instabilité, une susceptibilité qui conduiraient les membres de l’EI à la violence. Bref, ils sont « mal dans leur peau » et jaloux.

    Une analyse un peu superficielle du haut de la supériorité occidentale, mais qui n’est peut-être pas fausse pour nombre de recrues ne trouvant pas leur place dans la société occidentale, et qui, en se raccrochant à ces bandes armées, acquièrent un mode de vie ou de mort, même s’ils connaissent mal cette religion pour laquelle ils vont tuer ou être tués, comme le montre l’arrestation récente de deux candidats au djihad de nationalité anglaise qui, avant d’aller se battre en Syrie, avaient commandé L’Islam pour les nuls et le Coran pour les nuls.


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  • Le verbe

    Dessin de Tom (Amsterdam)

    Quand on lit les articles des journalistes étrangers et notamment ceux des pays européens ou lorsqu’on les écoute à propos de la vie politique française, ce qui semble les frapper le plus est l’importance donnée dans les débats à l’idéologie. Ils s’étonnent que le débat serve plus à s’affronter en restant sur des positions dogmatiques et inconciliables qu’à trouver des points d’accord permettant d’avancer et de sortir des situations difficiles.

    Dans l’esprit des idéologues, le pragmatisme est un gros mot. Au lieu de tenter de sortir de la merde, beaucoup préfèrent y patauger pour rester dans la chaleur des idées toutes faites, ce qu’ils appellent des convictions, et peu importe si celles-ci sont inapplicables. L’idéologie peut même pousser l’idéologue à refuser de parler à l’autre, d’emblée considéré comme un ennemi puisqu’il n’a pas les mêmes idées que vous.

    De ce fait, étiqueter devient plus important qu’agir. Dans une récente émission télévisée, Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du Parti socialiste a affirmé que « le Parti socialiste ne sera pas social-libéral ! » et a estimé que son parti avait "un problème de doctrine" et devait "inventer un nouveau progressisme". Donc apparemment, pour cet homme politique le problème essentiel n’est pas de réduire le chômage, de permettre de vivre décemment de son travail et en sécurité, mais de définir une idéologie et de porter une étiquette, clefs fondamentales des solutions.

    De la même façon, l’étiquette appliquée à une personne est une marque indélébile qui peut la rendre d’emblée suspecte, et même condamnable, avant de pouvoir juger de ses actions. Le cas exemplaire est celui d’Emmanuel Macron, récemment nommé ministre de l’Economie dans le gouvernement socialiste, et considéré d’emblée comme un « social-traître » parce qu’il a travaillé dans une banque, et donc collaboré avec l’ennemi. On pourrait aussi logiquement penser que pour s’occuper d’économie, il est préférable de connaître la finance, et qu’un ancien cadre d’une banque (que l’on traite avec mépris de banquier comme si la banque lui appartenait) est probablement plus compétent que ces politiques dont la seule profession qu’ils connaissent est de faire de la politique, et qui, pour la plupart, n’ont jamais mis un pied dans une entreprise alors qu’ils prétendent réglementer son fonctionnement.

    Si tout a commencé avec le verbe, en cas d’abus, tout risque également de finir avec lui.


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  • Le mois d’août se meurt. Une fin attendue, pâle et humide, il avait mauvaise mine à Paris. La ville s’est à peine vidée, les touristes sont venus combler les vides, la main sur le sac pour ne pas être volés. Le métro est resté bondé par une foule multicolore. Les femmes aux têtes voilées abondent dans les rames et les couloirs pour bien montrer qu’elles se soumettent à la même religion que les barbares coupeurs de têtes. Inutile, mesdames, de mettre un voile pour maintenir votre tête en place, dans la tradition du Moyen Âge, les femmes sont plus volontiers lapidées.

    L’ours russe est pris de fringale face à une Europe tétanisée, et les sanctions glissent sur sa peau épaisse.

     En France, le seul parti politique en état de marche est le FN, mais il marche à reculons dans le monde d’avant-hier. Les autres se désintègrent. Le parti bonapartiste est à la recherche d’un chef, et court en tous sens comme un poulet décapité. Le parti socialiste se suicide, poignardé de la main gauche, ses attardés du siècle dernier en sont toujours à la lutte des classes, et d’autres hurlent à l’austérité quand l’Etat se retient (un peu) de dépenser de l’argent qu’il n’a pas. Les centristes à têtes multiples sont à la recherche de leur centre de gravité.

    C’est bientôt la rentrée. Espérons que la bien jeune ministre de l’Education ne se sentira pas obligée d’ajouter une réforme aux autres. Le mieux à faire étant de foutre la paix aux enseignants en les laissant exercer leur métier qui est celui de transmettre leurs connaissances, lorsqu’ils en ont. Un point c’est tout.

     


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  • Prévisions

    Raymond Aron parlait de la certitude des prévisions rétrospectives. Prévoir l’avenir à partir du présent, c’est s’exposer aux erreurs, et il est plus sûr de prévoir l’avenir du passé. Quelle que soit la matière, la prévision est un art périlleux mais qui séduit tous les experts. Leurs prévisions remplissent le cimetière des idées.

    Les économistes se trompent souvent, ce qui n’est pas étonnant puisqu’ils appliquent doctement des schémas du passé ou du présent à un avenir dont les données ne seront plus les mêmes. A cet égard, l’impeccable raisonnement de Malthus de la fin du XVIIIe siècle sur la dramatique discordance entre la progression géométrique de la population et la progression arithmétique des ressources s’est révélé jusqu’à présent erroné car les données ultérieures à sa prévision se sont modifiées par rapport à celles du XVIIIème. Mais peut-être faut-il attendre pour que les prévisions malthusiennes se réalisent. Quand on prévoit la mort, on a toujours raison, que ce soit celle d’une personne, de la Terre ou du Soleil.

    En matière politique ou géopolitique, le cours des évènements surprend souvent. Chateaubriand disait : « Presque toujours, en politique, le résultat est contraire à la prévision ». Les dangers prévus ne sont souvent pas ceux qui apparaissent et contre lesquels on se trouve alors dépourvus pour ne pas les avoir prévus ou les avoir négligés.

    Dès qu’apparait un évènement imprévu, les médias se tournent vers des experts qui vont défiler à la queue leu leu sur les ondes et les écrans où ils vont débiter leur savoir, c'est-à-dire du passé, par lequel on leur demande de prédire l’avenir, alors qu’ils n’avaient pas prévu la survenue de l’évènement. Reste que le passé est la seule boule de cristal que nous ayons. Mais l’Histoire ne se répète pas en boucle, elle déraille.

    La médecine n’a pas échappé pas aux prévisions erronées. En voici quelques-unes formulées par de grands noms et qui peuvent prêter à sourire, mais il est facile et injuste de juger le passé à partir du présent.

    - La circulation est paradoxale, inutile, fausse, impossible, absurde et nuisible " [1] affirme à Paris, le Doyen Gui Patin lorsque l’Anglais William Harvey publie en 1628, à Francfort, après plus de vingt ans d’observations et d’expérimentations rigoureuses, sa théorie de la circulation.

    - «  La chirurgie est parvenue au point de n’avoir presque plus rien à acquérir. » déclarait en toute simplicité un chirurgien parisien renommé, Jean Marjolin, en 1836.

    - «  Eviter la douleur dans les opérations est une chimère qu’il n’est plus permis de poursuivre aujourd’hui » affirmait, en 1839, Alfred Velpeau, surnommé le Prince de la chirurgie, sept ans avant la première opération chirurgicale sous anesthésie générale.

    - En 1878, Pasteur recommandait : «  Si j’avais l’honneur d’être chirurgien, pénétré comme je le suis des dangers auxquels les exposent les germes des microbes répandus à la surface de tous les objets, particulièrement dans les hôpitaux, non seulement je ne me servirais que d’instruments d’une propreté parfaite, mais après avoir nettoyé mes mains avec le plus grand soin […] je n’emploierais que de la charpie, des bandelettes, des éponges préalablement exposées dans un air porté à la température de 130° à 150°… »

    A cela, le professeur Peter, à l’académie de Médecine, répondit la même année : « Ce sont là des curiosités d’histoire naturelle, intéressantes à coup sûr, mais à peu près de nul profit pour la médecine proprement dite, et qui ne valent ni le temps qu’on y passe, ni le bruit qu’on en fait. Après tant de si laborieuses recherches, il n’y aura rien de changé en médecine ; il n’y aura que quelques microbes de plus […] L’excuse de Monsieur Pasteur, c’est d’être un chimiste qui a voulu, inspiré par le désir d’être utile, réformer la médecine à laquelle il est totalement étranger[2]

    - «  Une habile mystification » déclara Lord Kelvin, un des plus grands physiciens de la fin du XIXe siècle, lorsqu’on lui rapporta la découverte en 1895 des rayons X par l ‘Allemand Röntgen. 

    L’ennui avec les experts c’est qu’ils savent beaucoup de choses, et l’esprit encombré par tout ce qu’ils savent ne leur permet pas toujours d’appréhender ce qu’ils ne savent pas. Ceci les amène souvent à rejeter ce qui ne fait pas partie de leur savoir pour ne pas encombrer davantage leur esprit.

    Dessin de Geluck

    [1] Cité par Bariéty et Coury, Histoire de la médecine

    [2] Cité par J-M Galmiche, Hygiène et médecine


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  • De tous temps, la survenue d’une épidémie à haute mortalité contre laquelle les médecins n’ont rien à proposer comme traitement en dehors des mesures de prophylaxie, la population menacée réagit toujours de la même façon : incompréhension, recherche de coupables ou de responsables, déversement de la peur sur un bouc émissaire, suspicion d’un complot qui permet une explication cohérente, bien que fantasmée, et la découverte du même coup du coupable et du bouc émissaire.

    Ces réactions s’observent en Afrique de l’Ouest avec l’épidémie à virus Ebola. Récemment, un groupe armée de gourdins a « libéré » 17 malades mis en quarantaine à Westpoint au risque de propager la maladie, à commencer dans le groupe « libérateur », celui-ci niant la réalité de l’épidémie tout en accusant plus ou moins la Présidente du Libéria à laquelle il s’oppose.

    Les Africains ne comprennent pas que l’on ne puisse pas enterrer les morts selon leurs rites et soutenir les parents endeuillés. Ils refusent de croire aux origines invoquées de la maladie (pour le moins confuses), ils ne comprennent pas pourquoi cette maladie habituellement circonscrite fait aujourd’hui tant morts, et que la médecine reste toujours impuissante malgré ses progrès.

    Alors, ils se défient des occidentaux, et mettent en doute la sincérité des coopérants venus sur place pour les aider (à leurs risques et péril) mais qui ne sont, à leurs yeux, que les descendants des anciens colonisateurs. Un journaliste de Guinée écrit : « Lui [Alpha Condé] qui sait que, tout au début, les populations de certains villages de Guéckédou et de Macenta avaient montré de la résistance en s’attaquant à des agents de l’ONG Médecins sans frontières. Ne voulant pas passer pour un complice de ce que les populations assimilent davantage à une sorte "d’invention occidentale" destinée à les liquider ». Défiance renforcée par le fait que les premiers essais d’un traitement expérimental ont d’abord été appliqués sur des occidentaux.

    Pour les anciens colonisés, le bouc émissaire qui va de soi est l’ancien colonisateur.

    On raconte l’histoire suivante : après l’indépendance de son pays, un vieil Africain, devant la succession des dictateurs, les exactions, les règlements de compte ethniques qui l’ont souvent suivie, demande à son fils : « l’indépendance, ça va encore  durer longtemps ? ». On pourrait dire aujourd’hui qu’après plus d’un demi-siècle d’indépendance des pays africains : « la mentalité de colonisé, ça va encore durer longtemps ? ». N’avons-nous pas à domicile des gens qui se considèrent comme des « indigènes de la République » ?


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  • Les hommes et les femmes politiques pourraient aisément remplacer le « Je pense, donc je suis » par : « On parle de moi, donc je suis ». Bien sûr, dans notre société médiatisée cette formule peut s’appliquer à d’autres catégories de la population, et même à certains individus « ordinaires » qui cherchent à se faire connaître par tous les moyens, y compris les plus stupides ou les plus dangereux, par le biais des réseaux sociaux. Les politiciens, pour exister, recherchent la complicité des médias, peaufinent des petites phrases pour accrocher l’audience, et s’introduisent où ils peuvent pour montrer leur bobine.

    Un cas exemplaire est celui de Sarkozy dont on n’arrête pas de parler depuis sa défaite électorale. Le « reviendra, reviendra pas » et le « j’y vais ou j’y vais pas » font couler beaucoup d’encre dans les journaux et les magazines depuis son départ.

    « Le Canard enchaîné » (13/08/14) rapporte l’analyse d’un parlementaire (dans le « Figaro » du 7/08/14) : « Sarkozy explique qu’il n’a pas le choix, mais qu’il n’a pas choisi, qu’il a un devoir mais qu’il n’a pas pris sa décision. Qu’il va revenir alors qu’il n’est jamais parti. Que voulez-vous que l’on commente ? ».

    Depuis son départ, les médias ont suivi Sarkozy à la trace : bicyclette, scooter, conférences, concerts de sa dulcinée, goûts littéraires etc…C’est à dire qu’ils ont rapporté fidèlement des non-évènements, sans aucun intérêt pour le pays, uniquement pour faire de la copie, et maintenir l’existence publique de l’ancien président par le biais de sa vie privée, alors qu’il n’y a rien à dire sur lui puisqu’il n’a fait jusqu’à présent aucune déclaration significative et exposé aucun projet.

    Comme les politiciens n’ont pas grand-chose à dire, et comme l’on devine aisément ce qu’ils vont déclarer, pour appliquer le principe : « on parle de moi, donc je suis », ils sont amenés à se montrer dans d’autres domaines que la politique, ce qui conduit à une « pipolisation » de la vie politique : où je vis, avec qui je suis, ce que je fais, ce que j’aime…Photos et articles sans intérêt sur leur personnalité, et même participation à des jeux télévisés où ils cherchent à se montrer sous un jour sympathique avec la simplicité du voisin qui vient boire l’apéro dans votre foyer.

    Certes, le récit du rien tient une bonne place dans les médias, mais l’inverse est plus fâcheux : l’absence de récit sur des évènements existants, et qui de ce fait n’ont pas d’existence à nos yeux, et deviennent pour nous des non-évènements. A côté de la présence médiatique de l’absence, il peut exister une absence médiatique de la présence. Mais le pire est la présence médiatique d’un évènement fabriqué de toutes pièces, et qui devient existant à nos yeux, et ce rien entraînera des réactions du public ou même des gouvernements qui seront à leur tour médiatisées en raison de leur présence.

     


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    Le poids des amours

     

    Depuis 2008, les couples amoureux ont pris l’habitude de fixer des « cadenas d’amour » sur le grillage (lorsqu’il existe) des parapets des ponts de Paris, et de jeter la clef dans la Seine pour marquer symboliquement l’indéfectibilité de leur union. La conséquence est que les ponts risquent de mal supporter le poids de ces amours. Un pan du grillage du pont des Arts s’est d’ailleurs effondré en juin dernier apparemment plus fragile que les sentiments de fer exprimés par ces couples.

    A partir du 11 août, la mairie de Paris compte inciter les couples à remplacer les cadenas par des selfies, les couples se photographiant sur le pont et diffusant cette photo mémorable de leur amour sur un site spécialement créé pour l’occasion : lovewithoutlocks.paris.fr – ou sur Twitter, avec le mot-dièse #lovewithoutlocks. La mairie envisage également de supprimer les grillages. Radical mais plus efficace.

    Ce qui m’intrigue, c’est que l’on puisse symboliser un amour par un cadenas, symbole d’enfermement, de lien que l’on ne peut rompre même si l’on désire se libérer, la clef jeté dans la Seine la rendant introuvable. Cadenas et clef évoquent la ceinture de chasteté du Moyen Âge. Envisager l’amour comme une prison est déjà mauvais signe. On rejoint ici le mariage catholique : l’union jusqu’à la mort et l’interdiction du divorce. A l’époque où nous vivons, où la moitié des couples se séparent lorsqu’ils sont mariés, où beaucoup ne se lient même pas par le mariage, la pose de ces cadenas me semble plus tenir du jeu que de la passion.

    Quant à se photographier soi-même, en couple, c’est plutôt sympathique. Par contre le besoin égocentrique de montrer ses bobines accouplées au monde entier semble oublier que pour vivre heureux, il faut vivre cachés. (voir l’ article précédent « Selfies »)

     


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  • Gaston Flosse est président et sénateur de la Polynésie. Il a toujours été élu malgré ses malversations connues de tous et notamment de ses électeurs. Cette fois il est condamné en cassation et devrait donc se démettre de tous ses mandats.

    La manœuvre suivante montre à quel point le bonhomme est habile : il sollicite la grâce présidentielle. Il est peu probable qu’il l’obtienne, mais une demande de grâce nécessite une instruction qui suspend l’exécution de la décision. Et pendant le temps de l’instruction, Gaston continuera à percevoir les émoluments attachés à ses fonctions, c'est-à-dire la modique somme de 20000 € par mois !

    On peut s’étonner qu’un individu aussi visiblement malhonnête ait été régulièrement réélu. Mais ce n’est pas le seul, et sans doute est-il habile dans d’autres domaines et notamment dans celui à satisfaire sa clientèle. Ce qui m’étonne, pour ma part, est l’appétit d’argent dont fait preuve ce vieillard dont les années à vivre sont comptées.

    Dessin de Geluck


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  • Les replis de la mémoire

    Si la deuxième guerre mondiale fut en Europe une nécessité pour abattre le nazisme et le fascisme imposés par la folie de quelques hommes, la première fut une boucherie parfaitement inutile. Les commémorations se succèdent. S’il est important que leurs descendants rendent hommage à la mémoire des sacrifiés sur l’autel de l’aveuglement des dirigeants et de la bêtise des généraux de l’époque, commémorer à répétition les évènements désastreux de la « Grande Guerre » tient du masochisme.

    Hier ce fut la commémoration de l’assassinat de l’archiduc d’Autriche-Hongrie à Sarajevo, motif avancé du conflit, aujourd’hui celle de l’invasion de la Belgique par le Allemands. Sur l’invitation du roi des Belges douze chefs d’Etat – dont Hollande - sont attendus à Liège pour « fêter » ce désastre.

    Que l’on fête une victoire ou la fin d’une guerre est justifié, mais pourquoi les échecs et les défaites ? L’histoire de l’Europe est riche de ces évènements, et il est à craindre que les hommes ou les femmes d’Etat soient amenés dans l’avenir à passer plus de temps à commémorer qu’à gouverner. Hollande montre l’exemple, et semble se complaire dans ce rôle passéiste où il ne prend guère de risques.

    L’Europe ressasse son histoire jusqu’à la nausée. C’est un indice inquiétant : elle est plus tournée vers le passé que vers l’avenir. L’Europe est vieille et fatiguée et comme les vieillards elle vit plus dans le passé que dans le présent, et ne se projette plus guère vers l’avenir. A cet égard, la France semble être la plus percluse. De commémoration solennelle en commémoration solennelle, elle traîne solennellement son passé comme un boulet, et ancienne puissance coloniale, ses anciennes colonies vont finir par la digérer.

    René Magritte : « Mémoire »


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