• Modiano "Nobelisé"

    Ainsi le prix Nobel de littérature a été décerné à Modiano. Il s'agit du quinzième récolté par la littérature française et la France reste un peu plus en tête des prix Nobel pour cette matière. Je suis plutôt content que ce grand dadais (de 69 ans mais avec 1,98 m) ait été honoré, car c'est un homme sympathique aussi mauvais à l'oral qu'il est bon à l'écrit.

    C'est un régal de voir sa confusion devant une caméra, ses phrases qu'il ne termine que rarement, sinon par d'amples gestes de la main comme des points de suspension. Au spectateur de deviner la suite, de la même manière qu'il laisse ses lecteurs dans l'indécis et le non-dit, à eux de remplir les blancs avec leurs rêves.

    C'est un régal de voir sa modestie aucunement feinte lorsqu'il se demande, perplexe, les raisons pour lesquelles les Suédois lui ont décerné ce prix en le comparant même à Proust dans ses explorations du temps passé.

    Il y a deux ans j'avais publié sur ce blog un petit article le concernant. Je le reproduis ci-dessous.


    J’ai lu quelques livres de Patrick Modiano[1] et j’ai commencé son dernier roman : « L’herbe des nuits ». Au bout de quarante pages, je me suis dit : encore ! Il exagère, il recommence ! Oui, il fait à chaque fois le même livre à peu de choses près, et je continue à le lire !

    La trame est toujours la même. Un homme s’exprimant à la première personne, dont on ne sait pas ou peu ce qu’il est et ce qu’il fait, est à la recherche de son passé, peut-être pour y trouver sa place dans le présent. Des retours en arrière portés par des notes, des pérégrinations dans des quartiers de Paris et des lieux (surtout des cafés). Des noms surgissent, des personnages plutôt esquissés que décrits tournent en rond autour du narrateur, à moins que cela soit l’inverse. On ne sait pas trop pourquoi le narrateur se trouve mêlé à ces personnages ou fréquente leur milieu, et tout est noyé dans le halot du souvenir et l’incertitude de la mémoire. Le récit fait souvent référence à une période trouble comme l’occupation allemande. Les personnages sont souvent peu recommandables (le « Je » est maintes fois interrogé par un policier), mais le narrateur n’est pas très explicite ou il n’en sait trop rien car les personnages qui se succèdent sont insaisissables comme des fantômes et conservent souvent longtemps leur mystère.

    Quant à l’intrigue, il n’y en a pas dans le sens linéaire du terme, et je serais incapable de raconter un de ces livres. Elle est ébauchée par petites touches entre le passé et le présent, le second n’étant qu’une quête incomplète et incertaine du premier. Une intrigue brisée en zigzag dans la trame temporel, mais menée habilement pour soutenir l’attente.

    Alors pourquoi lire du Modiano ? Là est la magie de cet écrivain. Prendre un de se livres, c’est être pris par lui, et on ne le quitte pas si la magie opère (car ses romans sont inégaux). Le plaisir de lire une écriture parfaite mais d’une grande simplicité, et finalement le destin de ces personnages, la plupart disparus, qui ne sont souvent que des noms, nous intéresse et on espère voir leur mystère éclairci au fil des pages. Oui, Modiano exagère, il ne se renouvelle aucunement et je comprends que l’on puisse s’en lasser, mais j’ai hâte de reprendre la lecture de « L’herbe des nuits » (beau titre).


     

    [1] La place de l’étoile, Une jeunesse, Pedigree, Dans le café de la jeunesse perdue, Rue des boutiques obscures, Horizon.

     

    « ESPERANCEUn lot surprise »

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 10 Octobre 2014 à 17:51

    J'ai commencé un livre de Modiano, que j' n'ai jamais pu terminer, je n'aime pas remplir les blancs et les non-dit des écrivain, je veux un livre fini, un livre qui raconte une histoire... Je n'aime guère Modiano!

    2
    Vendredi 10 Octobre 2014 à 18:15

    Je comprend très bien que l'on puisse ne pas l'aimer.

    3
    Vendredi 10 Octobre 2014 à 20:14

    Coucou Doc,

    C'est un auteur que j'aime lire, et je suis heureuse pour lui, il le mérite bien. Marqué par l'occupation, même s'il est né en 1945, les thèmes de l'occupation et des souvenirs d'enfances sont assez récurrents dans ses livres, j'ai beaucoup aimé "La ronde de nuit", "Les boulevards de ceinture", "Rue des boutiques obscures", "De si braves garçons", "Accident nocturne". Une fois le nez dedans, impossible de s'arrêter. Bonne soirée. ZAZA

    4
    Vendredi 10 Octobre 2014 à 22:04

    Et bien vous en avez lu quelques-uns que je n'ai pas lus. Cet auteur c'est un peu comme Proust : on adhère ou on n'adhère pas.

    5
    Samedi 11 Octobre 2014 à 09:39

    Ce prix me pose un gros problème, Doc. Cet auteur figurait à la position 7.803 de ma liste "auteurs qu'il faut avoir lus". Avec le Nobel, je suis obligé de le faire remonter d'au moins 3000 places ce qui le ferait passer devant Saul Below et Albert Camus mais toujours après Tolstoï et  Faulkner.

    Votre critique m'inciterait à le faire remonter encore davantage dans le classement, car j'aime beaucoup la catégorie "la bonne littérature tient au style, pas à l'intrigue"  mais il resterait encore derrière Proust. Je ne sais pas quoi faire.

    6
    Samedi 11 Octobre 2014 à 09:53

    Embarras bien compréhensible. Mais quelle que soit la position que vous donnerez à Modiano, vous avez devant vous le temps de les lire tous.

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