• Il y a une chose difficile à saisir. Il passe et repasse, vous évite, passe au-dessus de vous ou à droite ou à gauche. Il vous tourne le dos, il est ailleurs, à l’intérieur. Il disparait. Vous croyez le saisir lorsqu’il réapparait. Peine perdue.

    Alors vous vous levez, prêt à partir et alors, miracle ! Vous le saisissez : le regard du serveur qui jusqu’à ce moment précis fuyait le vôtre, un regard soupçonneux qui se fixe enfin sur vous.

     

    Difficile à saisir que le ministère de la Santé demande au président de l’Assistance publique- Hôpitaux de Paris de supprimer 700 postes (dont médecins et infirmières) alors que dans le même temps le commissaire à la Diversité lui demande d’accueillir 5000 apprentis (pour faire quoi ?) dans le but de favoriser l’insertion des « jeunes de banlieues » [1]

     

    Vous me direz il n’y a aucun rapport entre les deux. A première vue, je vous l’accorde. Mais à seconde vue ?  L’attitude des pouvoirs publics ne ressemble-t-elle pas à celle du serveur ? Et ne comprennent-t-ils pas les choses que lorsqu’on se lève ?



    [1] le Point du 23 avril  2009


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  • En Inde, l’âge légal du mariage est passé de 12 ans en 1929 à 18 ans en 1978, mais le mariage de fillettes persiste, surtout en zone rurale et dans les milieux pauvres. Ce sont souvent des mariages forcés. Sur 14813 jeunes femmes mariées (Anita Raj et coll, Lancet 2009)), près de la moitié l’avaient été avant 18 ans, près du quart avant 16 ans et 2,6% avant 13 ans, avec des époux en général nettement plus âgés. Grossesses non désirées et leur interruption sont multiples, d’où la fréquence de la stérilisation de la femme avant l’âge de 18 ans. Les avortements visent plus particulièrement les fœtus de sexe féminin, car « avoir une fille c’est comme planter un arbre chez le voisin », l’arbre en question étant la dot nécessaire pour se débarrasser de sa fille.

    En Inde, cette nécessité de la dot peut prendre un tour plus tragique. Lorsque les membres de la belle famille d’une jeune épousée estiment que sa dot est insuffisante, la sanction est radicale : la jeune femme est aspergée d’essence et immolée par le feu. Cette façon de déclarer sa flamme date de temps immémoriaux et est appelé « crime de dot ». D’après la police le chiffre annuel de ces immolations serait de 6787. En fait, il est très sous-estimé car seules sont comptabilisées les plaintes. Des chercheurs indo-américains (Prachy Sanghavi et coll, Lancet 2009) pensent que le chiffre réel est probablement 4 fois plus élevé, ce qui nous amènerait à une hécatombe annuelle d’environ 25000 jeunes femmes. Mais ne faut-il pas respecter les particularités culturelles ?


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  • Je me pose la question : les gouvernants n’ont-ils pas une  forme mineure[1] d’autisme ? Enfermés dans leur monde depuis des années, ils semblent avoir du mal à communiquer avec l’extérieur. Sinon pourquoi la plupart des gouvernants feraient-ils appel à des « spécialistes » de la communication et le titre qu’on leur donne : « spin doctors » est manifestement médical. Ces soignants (dont les honoraires varient de 5000 à 10000 € par mois)[2] se penchent sur le patient pour lui apprendre les attitudes à avoir, les paroles à prononcer, la façon de le faire, les petites phrases qui font mouche, les slogans à utiliser, les thèmes à aborder, souvent d’une grande originalité comme ceux conseillés à notre ministre de l’Education nationale par son praticien préféré : « cartable trop lourd », « produits pas chers pour la rentrée » etc…Il est dommage que les parents ne soient pas rémunérés pour conseiller au ministre d’aborder ces thèmes qui ne lui viendraient pas tout seul à l’esprit, alors qu'il est passé - comme la plupart de ses confrères -  par "les Grandes Ecoles" (ce qui, paradoxalement, n'est pas toujours le cas de ceux qui leur servent de précepteurs).

    On comprend pourquoi les hommes politiques du passé ont parfois échoué malgré leur personnalité et leur éloquence naturelle. Avec un « communicant », Clémenceau, le « Père la Victoire », aurait sûrement été élu Président de la République, Churchill ne se serait pas retrouvé dans l’opposition après avoir gagné la guerre et De Gaulle ne se serait pas retiré après l’échec du  référendum sur la « régionalisation », facilement acceptée par la suite.



    [1] Il est possible que certains soient atteints d’une forme plus sérieuse.

    [2] Le Point du 12 mars 2009.


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  • On ne peut pas ouvrir son ordinateur sans que des gens bien intentionnés – et assez souvent des dames – proposent du viagra à bon prix pour réveiller la libido des hommes. Mais le viagra n’est qu’un produit artificiel et pour ceux qui préfèrent des produits naturels aux vertus aphrodisiaques les ressources ne manquent pas, à condition d’en avoir pour se les procurer et de se payer en outre un voyage en Asie. Sans être exhaustif, nous pouvons dresser une liste des produits naturels qui ont fait leurs preuves libidinales avec un long recul :

    1.      Le pénis de tigre à condition de le tremper dans le vin. Nous vous conseillons l’organe du tigre de Sumatra si vous en avez les moyens (3200  dollars en Chine) car l’espèce se fait rare (il n’en reste que 400 à l’état sauvage)

    2.      L’organe reproducteur d’ours lippu dont la consommation est très prisée en Inde, mais son trafic a fait baisser le nombre d’ours de près de la moitié en trente ans.

    3.      Le ragoût d’orang-outan dont on se régale en Indonésie et en Indochine, à condition d’en trouver un spécimen car la moitié de l’espèce a disparu en dix ans.

    4.      La tisane d’hippocampe d’Inde très appréciée des Chinois.

    5.      L’aileron séché de requin, produit de luxe (jusqu'à 60000 dollars pour le requin pèlerin dont le foie est également vendu comme aphrodisiaque). La population de requins a diminué de 90% en un siècle.

    6.      Du musc de la glande odorante du cerf musqué : « l’odeur d’amour » de l’Asie de l’Est. Il faut 160 cerfs pour obtenir 1 kilo de musc naturel.

    J’arrête là le massacre pour prendre un antidépresseur.


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  • Lorsqu’on termine la lecture d’un essai, on se pose la question de savoir ce qu’il est bon d’en retenir. Pour Alain Minc c’est simple : il n’y a en général qu’une seule idée qui pourrait être développée sur une seule page et dont les variations occupent un livre entier (ce qui, comme en musique, nécessite du talent).

    Je viens de terminer « Après la démocratie » d’Emmanuel Todd. Le titre ne correspond qu’aux dernières pages du livre et tout en appréciant les données démographiques exposées, je n’ai pas compris ce qu’elles veulent prouver et de quelle façon elles expliqueraient la situation actuelle : l’élection d’un président de la République inculte et vulgaire (selon l’auteur), les effets néfastes de la globalisation économique, et la nécessité pour lui d’un protectionnisme européen (dont les modalités et les conséquences sont à peine ébauchées)

    Hier dans le métro parisien un homme a dit à peu près la même chose. Il est monté à la station « Invalides » et devant des têtes multicolores allant du blanc scandinave au noir africain en passant par toutes les nuances du rose et du brun, presque toutes avec des cordons dans les oreilles, il a commencé à parler d’une voix forte pour couvrir le bruit de la rame, passer le barrage des bouchons auriculaires et s’immiscer dans les magmas musicaux individuels. Et que disait cet homme de la cinquantaine ? Qu’il était au chômage et qu’il aimerait bien qu’on lui donne un ticket-restaurant ou une pièce pour pouvoir manger, dormir au chaud et se tenir propre. Après avoir traversé la longueur du wagon en vain et sans tirer sur les cordons, il a conclu avant de partir qu’il en était là par la faute de l’économie mondialisée, bon prétexte pour licencier des gens comme lui.

    Cet homme m’a paru plus convaincant  qu’Emmanuel Todd, avec tout le respect que je dois à ce dernier.    


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  • En Grande-Bretagne, comme ailleurs, les moines se font rares. Les ordres anglicans ont perdu un tiers de leurs effectifs en  huit ans et les ordres catholiques ne sont pas mieux lotis. Certaines communautés organisent des week-ends découverte en utilisant de véritables campagnes marketing  vantant le cadre médiéval des monastères, le bon accueil, les avantages du jardinage. Certes les moines à l’essai peuvent repartir aussi vite qu’ils ont arrivés, mais les contrats à durée déterminée peuvent parfois se transformer en forme indéterminée, ce qui cadre bien avec la croyance dans l’Au-delà. Sinon il faut se tourner vers l’importation  de religieux, ce que font certains couvents irlandais avec des religieuses polonaises, la Pologne n’ayant pas que des plombiers à exporter.

    La religion n’est pas la seule mafia à souffrir de la situation actuelle. La récession frappe aussi la Pieuvre, le racket rapporte moins. Cosa Nostra a réduit ses salaires de moitié et les hommes de paille qui servent de prête-noms n’ont plus droit à un sou.

    L’industrie du porno est également dans une situation préoccupante. En Allemagne, elle demande des aides à l’état sans se faire beaucoup d’illusions et aux USA elle a demandé début janvier au gouvernement de débloquer une aide de 5 milliards. Certains responsables de cette industrie ont sollicité l’aide du Congrès pour « réveiller l’appétit sexuel des Américains … trop déprimés pour être sexuellement actifs…Situation malsaine pour le pays » ; l’argument imparable étant que l’on peut se passer de voitures mais pas de sexe. Certes, si voiture et sexe vous transportent ailleurs, et que l’un peut se faire dans l’autre, il nous parait néanmoins regrettable de confondre sexualité et pornographie.


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  • On n’est jamais tranquille, même chez soi. Des voix retentissent dans la radio, mais que l’on peut faire taire. Le téléphone sonne : est-ce un ami ? Non. Des voix vous proposent de refaire vos fenêtres ou de vous vendre des tapis d’orient, j’aime bien les tapis d’orient mais mon plancher est limité. D’autres voix secouent mon âme charitable pour les aveugles, les enfants, les cancéreux, des voix que l’on a du remords à faire taire.

    Des visiteurs s’introduisent par les lucarnes numériques : on peut les choisir ou les effacer sur la TV. Mais sur votre ordinateur, ils s'imposent, avec des offres mirifiques ou malhonnêtes, des anonymes me font des propositions, beaucoup - compatissants - se soucient de ma sexualité et veulent me venir en aide de diverses manières.

    Mais qui peut bien répondre aux spasms envoyés sur les ordinateurs ? Et bien sept chercheurs en informatique de l’université de Californie à Berkeley et de l’UC à San Diego se sont penchés sur la question et ont infiltré le réseau Storm qui piratent les ordinateurs personnels et la réponse est : une personne sur 12500000 destinataires (moins de 0,00001%) ! C’est très peu me direz-vous, mais ces chercheurs ont estimé qu’avec un réseau de la taille de Storm, ceux qui le contrôlent récoltent environ 7000 dollars par jour et 3,5 millions de dollars par an !

    On sait maintenant pourquoi on n’est pas tranquille chez soi, mais on s’en doutait un peu.


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  • Je voudrais répondre ici à Pierre sur la politique de santé : 

    - Dire que l’on ne peut pas consacrer le coût d’un porte-avions à construire un hôpital ou à mieux payer les infirmières parce que la somme consacrée ne fait pas partie du budget de la santé, s’est se plier à un découpage comptable purement artificiel. L’argent public doit être consacré aux besoins du public et non à satisfaire une organisation factice.

    - Il ne faut pas attendre des économies substantielles de l’utilisation des génériques. Les génériques ont un coût incompressible et le prix des nouveaux médicaments lorsqu’ils sont innovants inclue le prix des travaux de recherche (10 ans environ). A ma connaissance le prix des médicaments ne représente pas la part la plus importante des dépenses de santé (dans un hôpital, 70% des dépenses sont consacrées au personnel)

    - La prévention comme source d’économie est la tarte à la crème des politiques sans en approfondir la réalité. D’abord la prévention a un coût, ensuite elle n’est efficace que pour les maladies infectieuses (ce qui est déjà fait) et les intoxications (alcool, tabac, drogues…). Pour les maladies dégénératives (la part la plus importante des maladies), au mieux la prévention retarde leur éclosion sans prévenir le plus souvent leur apparition (car le facteur génétique et l’âge  sont hors de notre portée), si bien que la prévention conduit à entretenir des maladies chroniques jusqu’à un âge avancé. A noter, pour être cynique, qu’un malade chronique qui meurt jeune est source d’économie. (cf dans mes « chroniques médicales », la 23ème : « Propos sur la prévention ».

    - La volonté des politiques de vouloir faire à tous prix quelque chose ne provoque que des effets pervers. Le dossier informatisé du patient (encore dans les limbes) a un coût et son bénéfice escompté est discutable. Un de ses intérêts serait d’éviter la redondance des explorations, ce qui est illusoire, car un examen fait 6 mois auparavant n’a strictement aucune valeur 6 mois après, on peut être en bonne santé la veille et malade le lendemain. Le parcours de soins est une absurdité : avoir l’obligation de consulter un médecin traitant pour voir un spécialiste c’est payer deux consultations au lieu d’une (quel médecin traitant refusera l’accès au spécialiste demandé par son malade ?) (cf « C’est beau la persévérance » dans les « bâtons rompus »).


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  • Les médecins appellent pompeusement « colloque singulier » le dialogue entre le patient qui vient faire des confidences et le praticien qui lui donnent des conseils et/ou un traitement. En médecine organique le traitement est surtout physico-chimique, même si la parole (me) parait indispensable. Dans le domaine psychologique l’essentiel du traitement est contenu dans le discours du thérapeute.

    Il est certain que la parole exige du temps et de la disponibilité, ce qui explique que certains demandent parfois au patient de cocher des cases plutôt que de lui parler.

    En psychiatrie où la relation interhumaine semblait jusqu’à présent être primordiale, on voit mal comment se dispenser de la parole (encore que la plupart des thérapeutes écoutent plus qu’ils ne parlent). Et bien on n’arrête pas le progrès : en Grande Bretagne où il semble exister une pénurie de psychiatres (trois mois d’attente pour un rendez-vous), les ordinateurs pourraient les remplacer. Dans « The British Journal of Psychiatry » est parue en 2008 une étude (Schmidt U et coll.) où il est proposé au patient boulimique d’assurer lui-même son traitement au moyen d’un CD-Rom, cet outil structuré en huit modules est axé sur un programme interactif et multimédia, « associant des stratégies cognitivo-comportementalistes, éducatives et de motivation » en matière d'alimentation.

    Au terme de cette étude, il n’a pas été constaté de différence sur l’évolution des épisodes compulsifs, à trois et sept mois, entre ceux qui suivaient ce programme sur leur ordinateur et ceux qui étaient pris en charge par un psychothérapeute et les auteurs proposent de mettre ce programme sur internet.

    A vous de conclure.


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  •  

    La publicité disparait à partir de 20 heures sur la TV publique. Il faudra donc probablement payer pour cette absence de publicité, comme étaient vendus dans certains cafés des jetons pour obtenir quelques minutes de silence de la machine à musique.

    Il serait logique de nous payer pour subir les vantardises des marchands plutôt que l’inverse, mais seuls sont rémunérés ceux qui véhiculent de la réclame qu’ils imposent aux autres. Cependant, pour être honnête, je me demande si un spectacle uniquement publicitaire n’aurait pas de succès, en particulier auprès des enfants qui apprécient les spots publicitaires et en connaissent parfaitement la teneur (lorsqu’elle existe).

    Quand vous allez voir un film, vous payez pour le voir, mais avant de le voir, vous subissez vingt minutes de publicité ininterrompue, ce n’était pas dans le contrat de vente. Mais, me direz-vous : peut-être que la place est moins chère parce que le film est enrobé de publicité, mais avez-vous le choix entre un film nu et un film enrobé, quitte à payer un supplément ? Mais là encore il faudrait payer un jeton d’absence pour ne pas avoir de publicité. Bien sûr on peut entrer dans la salle de cinéma avec retard, mais on risque fort d’entrer quand le film est débuté et de chercher une place dans une salle obscure en marchant sur quelques pieds et en obligeant les gens à se lever, empêchant ainsi les autres de voir le film : d’où grognements et/ou insultes et prise de risques.

    D’une façon générale, chacun sait que les produits ou les publications sans publicité sont vendus plus chers, ce qui équivaut pour l’acheteur à payer un jeton d’absence.

    On peut conclure de ce petit billet que les publicitaires sont très forts, capables de nous pousser à acheter un produit en nous imposant avec leurs inepties et mensonges ou de nous faire payer pour les éviter. Ils ont donc raison de nous prendre pour des idiots, c’est d’ailleurs le postulat de base de la publicité.


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