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Petits propos sur des choses sérieuses
Je voudrais répondre ici à Pierre sur la politique de santé :
- Dire que l’on ne peut pas consacrer le coût d’un porte-avions à construire un hôpital ou à mieux payer les infirmières parce que la somme consacrée ne fait pas partie du budget de la santé, s’est se plier à un découpage comptable purement artificiel. L’argent public doit être consacré aux besoins du public et non à satisfaire une organisation factice.
- Il ne faut pas attendre des économies substantielles de l’utilisation des génériques. Les génériques ont un coût incompressible et le prix des nouveaux médicaments lorsqu’ils sont innovants inclue le prix des travaux de recherche (10 ans environ). A ma connaissance le prix des médicaments ne représente pas la part la plus importante des dépenses de santé (dans un hôpital, 70% des dépenses sont consacrées au personnel)
- La prévention comme source d’économie est la tarte à la crème des politiques sans en approfondir la réalité. D’abord la prévention a un coût, ensuite elle n’est efficace que pour les maladies infectieuses (ce qui est déjà fait) et les intoxications (alcool, tabac, drogues…). Pour les maladies dégénératives (la part la plus importante des maladies), au mieux la prévention retarde leur éclosion sans prévenir le plus souvent leur apparition (car le facteur génétique et l’âge sont hors de notre portée), si bien que la prévention conduit à entretenir des maladies chroniques jusqu’à un âge avancé. A noter, pour être cynique, qu’un malade chronique qui meurt jeune est source d’économie. (cf dans mes « chroniques médicales », la 23ème : « Propos sur la prévention ».
- La volonté des politiques de vouloir faire à tous prix quelque chose ne provoque que des effets pervers. Le dossier informatisé du patient (encore dans les limbes) a un coût et son bénéfice escompté est discutable. Un de ses intérêts serait d’éviter la redondance des explorations, ce qui est illusoire, car un examen fait 6 mois auparavant n’a strictement aucune valeur 6 mois après, on peut être en bonne santé la veille et malade le lendemain. Le parcours de soins est une absurdité : avoir l’obligation de consulter un médecin traitant pour voir un spécialiste c’est payer deux consultations au lieu d’une (quel médecin traitant refusera l’accès au spécialiste demandé par son malade ?) (cf « C’est beau la persévérance » dans les « bâtons rompus »).
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Commentaires
1Le HuronDimanche 11 Janvier 2009 à 17:02Je savais bien qu'on pouvait compter sur vous pour nous expliquer.RépondreJ'applaudis...avec une peu d'imagination, vous devriez pouvoir m'entendre.Ce n'est qu'un point de vue de praticien. Je ne prétends pas être un économiste de la santé. Un de mes amis (médecin) lors d'un voyage en avion a rencontré l'un d'eux et ce spécialiste lui a expliqué de quelle façon il fallait réformer l'hôpital. Après l'avoir écouté, mon ami lui a demandé s'il était déjà venu dans un hôpital et l'économiste de la santé lui a répondu qu'il ne l'avait jamais fait.
Dr WOL'économie de la santé! Pourquoi pas la rentabilisation du désintéressement? Mais je rêve. Les deux se pratiquent hélas tous les jours. il y a des gens sérieux pour y veiller.Bien sûr les économistes de la santé existent. Ils ont peut-être le sens des économies mais pas celui de la santé.
Dr WOAu vu de la crise actuelle, pourquoi les économistes de la santé auraient-ils plus le sens des économies que les économistes de l'économie n'ont le sens de l'économie.Plutôt sur celle (mentale) de ceux qui les prennent au sérieux.Je réagis un peu tard mais c'était une semaine à nombreux déplacements professionnels. A la limite, je serais moi-même très à l'aise s'il n'était jamais besoin d'aborder la santé sous l'angle financier et économique. Vraiment. Mais ce n'est pas le cas... Je ne suis pas en mesure de commenter les aspects purement médicaux de ce que vous dites. J'ai enregistré avec beaucoup d'intérêt ce que vous écrivez sur les paradoxes de la prévention et le coût des génériques. Toutefois, en évoquant la prévention, je songeais aussi à tout ce qui, sans être rangé forcément sous cette bannière, contribue à améliorer un peu l'état sanitaire. Comme les normes anti-pollution ou la sécurité alimentaire. Et puis reste le point selon moi essentiel: comme sur d''autres sujets, on procède en la matière par coups de projecteur partiels et décisions ponctuelles. La logique d'ensemble et le débat démocratique demeurent dans l'ombre.Bien sûr, les modifications de l'environnement font partie de la prévention et contribueraient à améliorer l'état sanitaire, mais il ne faut pas en attendre des économies importantes. J'ignore ce que pourrait apporter un débat démocratique, les Français sont très attachés au système actuel qui assure dans l'ensemble une bonne prise en charge. C'est vrai que les "réformes" sont ponctuelles, mal pensées, sans anticiper les effets pervers éventuels comme j'ai tenté de le montrer. Une logique d'ensemble est-elle possible ? Peut-être, mais il faudrait alors probablement changer de système et les oppositions seraient nombreuses.
Dr WOCe que j'entends par "débat démocratique", c'est poser une bonne fois de manière claire justement la question des conséquences de cet attachement au système de santé. En ce qui me concerne par exemple, et en restant évidemment partisan d'une gestion aussi rigoureuse que nécessaire des deniers publics, je ne suis pas choqué par l'existence d'un déficit des comptes sociaux. Parce que, précisément, j'estime que notre système, avec ses imperfections, "le vaut bien". Seulement, comme vous le savez, ce n'est pas le sens du discours officiel. Donc il serait intéressant de sortir de cette apparente contradiction. Et, quand même, de mesurer jusqu'à quel niveau d'effort les acteurs de la vie sociale et économique (cotisants, entreprises, etc,) sont prêts à aller pour conserver le dispositif.Il faut cependant noter que ces acteurs vont déjà loin. D'après Jacques Marseille, avec 8,9% du PIB le montant des dépenses publiques de santé en France est le plus élevé des pays de l'OCDE : Allemagne : 8,1%, Danemark et Pays-Bas : 7,6%, Suède : 7,2%, Belgique et Portugal : 7,2%, USA : 7%, Japon ; 6,7%. Système de santé français supérieur ou mauvaise gestion ?
Dr WOje n'ai pas confiance en Jacques Marseille, pourfendeur acharné du secteur public. J'ai sans doute tort. Pour le reste, j'ai toujours un vieux doute sur les comparaisons de ce genre: les systèmes sont tellement différents, comment sont élaborés les indicateurs?Là, vous soulevez un point important : à qui faire confiance ? Un quidam comme moi ne peut donner qu'un point de vue de praticien et ne connait pas la réalité non médicale des choses et doit admettre celle qu'on lui donne. Je me pose la question : ceux qui nous gouvernent la connaissent-elle ?
Dr WOJ'ai aussi un doute : les indicateurs utilisés sont-ils valables ? Le recueil est-il correct ? Qui les comptabilise ? Le résultat n'est-il pas modifié pour des raisons politiques ? Est-il transmis dans son intégralité ou seulement une partie à des gens qui n'ont guère le temps d'en prendre connaissance directement ?
Dr WO
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