• C’est le moins que l’on puisse dire. L’ambition de la poste est de devenir le plus possible une banque. C’est que l’on manque de banques. Heureusement, il y a encore des cafés et des commerces de proximité à transformer en agences bancaires pour attirer l’argent des autres à chaque coin de rue et permettre aux traders de jouer au casino.

    Alors assurer le courrier, c’est embêtant, notre Président n’a-t-il pas suggéré à un quidam qui se plaignait d’aller lui-même porter son courrier ?

    Et tous ces employés à gérer, quel fardeau ! Mais la « poste » a trouvé la solution : remplacer les employés qu’il faut payer par les clients qui payent. Ce n’est pas beau ça ? On demande de plus en plus aux clients de faire le travail des postiers. Service public veut-il dire servi par le public ?

    Si vous voulez envoyer une lettre recommandée, vous vous adressez à un robot, vous pesez la lettre, vous faites la monnaie, vous le payez, vous collez vous-même les feuillets du récépissé, mais attention ! Vous devez tout de même faire la queue pour qu’il soit tamponné. Mais donner un coup de tampon est rapide et nécessite une formation limitée, le travail que vous avez fait avec la collaboration intelligente du robot a été évité à l’employé et de ce fait, il y a moins d’employés et…plus de chômage que le contribuable devra payer d’une façon ou d’une autre.

    N’oubliez pas que la poste veut devenir avant tout une banque et elle en a déjà l’esprit.

     

     vermeer dame écrivant une lettre

    Vermeer : « Dame écrivant une lettre »


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  • Chaque matin, sur France Inter, nous avons droit à un interlude où une personne vient dire que, jusqu’à maintenant, elle ne s’intéressait pas au cancer, mais que l’on vient de lui en découvrir un (variante : ou que son père en a un) et qu’il est devenu dorénavant son cancer, la solution adéquate étant de contacter « Cancer-info ».

    L’intérêt de cette annonce matinale pour bien commencer la journée m’échappe.

    Si vous n’avez jamais eu un cancer, cette annonce vous injecte aux aurores une dose d’angoisse et si vous en avez déjà eu un dont vous vous êtes sorti, c’est une injection de rappel qui va vous imprégner  une partie de la journée.

    Le « son » cancer devient une appropriation comme s’il s’agissait d’un avantage que l’on vient d’acquérir. En outre, parler du cancer en général n’a aucun sens. Si le processus biologique de base est commun à tous les cancers, l’évolution et les possibilités thérapeutiques varient grandement d’un cancer à l’autre. Il n’y a pas un cancer mais des cancers.

    J’ignore ce que « Cancer-info » peut délivrer comme message, mais si le cancer de la personne a déjà été diagnostiqué, je suppose qu’une équipe médico-chirurgicale est déjà passée par là et que les informations nécessaires concernant ce cancer précis ont déjà été délivrées.

    Alors je ne vois toujours pas l’intérêt d’annoncer sur les ondes que "le" cancer vous menace et je ne vois pas en quoi s’adresser à « Cancer-info » contribuera à la guérison du patient déjà pris en charge ailleurs.

    J’ajoute, qu’à mon humble avis, la tumeur cancéreuse est totalement indifférente au degré d’information de son porteur.


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  • Ingres_napoleon1-sur-trone-imperial.jpgLorsqu’une personne – terme hautement métaphysique, puisqu’il désigne à la fois un être humain et son absence – accède à un haut poste et qu’elle peut enfin s’asseoir avec un soupir de satisfaction dans un fauteuil de président ou sur un siège de ministre, elle ne se rend pas compte du danger qu’elle court.

    Lequel ? Me direz-vous, car ce sont logiquement les autres qui doivent garer leurs fesses lorsque leurs dirigeants trouvent à caler les leurs. Naïfs que vous êtes ! Ne savez-vous pas que Satan a déposé une bonne couche de colle sur le satin des fauteuils dorés du pouvoir.

    Certes, me direz-vous, Ben Ali a quitté le sien assez vite, mais il s’agissait d’un siège éjectable utilisé dans l’armée de l’air et il était davantage collé à sa femme despotique qu’à son siège de despote.

    Mais comment expliquer autrement la difficulté de Moubarak à se dégager du sien ? Certes, on peut penser que l’âge et les rhumatismes y sont pour quelque chose, bien que beaucoup sont là pour l’aider, mais il est réticent, car se lever avec son siège collé aux fesses manquerait de dignité[1].

    Comment expliquer que Gbagbo se tient les côtes d’ivoire, collé à son fauteuil présidentiel en voyant son rival Ouattara collé à un fauteuil squatté de l’hôtel du Golf ?

    Et comment expliquer que personne ne peut décoller les fesses de MAM de son siège ministériel, la colle résistant même à la bêtise, et ce, malgré les gros yeux que lui fait De Gaulle de sa hauteur et dont elle se réclame avec tant de ferveur et si peu de fidélité ?

     

    Illustration : Ingres « Napoléon 1er sur son trône »



    [1] Aux dernières nouvelles, on aurait réussi à dissoudre la colle qui le maintenait attaché à son fauteuil, espérons qu’il n’y a pas laissé son fond de pantalon.


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  •  

    Pour la première fois en France est né un « bébé-médicament » ou « bébé-docteur » ou « bébé du double espoir » à partir des gamètes d’un couple musulman d’origine turque et qui sera prénommé Umut-Talha (« Notre espoir »). Ce couple avait déjà deux enfants conçus sans passer par la fécondation in vitro, mais tous deux atteints d’une béta-thalassémie (maladie génétique grave liée à une anomalie de l’hémoglobine portée par les globules rouges et assurant le transport de l’oxygène).

    Avant d’être implanté dans l’utérus de la mère, l’embryon avait subi (en examinant un échantillon cellulaire) une double sélection parmi la fratrie embryonnaire obtenu par FIV : être exempt de l’anomalie génétique (c’était évidemment le désir prioritaire des parents) et si possible être compatible avec l’un des enfants du couple qui pourrait ainsi bénéficier d’une greffe de cellules souches sanguines normales.

    Cette naissance a soulevé une polémique notamment de la part des milieux catholiques : atteinte à la personne humaine, eugénisme,  instrumentalisation.

     

    Existe-t-il une atteinte à la personne humaine ? Non. A la phase initiale l’embryon n’est qu’un petit amas de  cellules et en prélever une ou deux pour l’examen du capital génétique ne touche pas plus à la personne humaine qu’une biopsie chez l’adulte. Bien sûr les embryons non sélectionnés seront rejetés, mais c’est le cas pour toute FIV. Quant au sang qui sera prélevé pour le traitement, il l’est à partir du placenta et du cordon ombilical et ceux-ci n’appartiennent ni à la mère, ni à l’enfant et seront jetés.

     

    S’agit-il d’un eugénisme ? Non. Car l’eugénisme prétend s’appliquer à une population entière dans le but d’éliminer les inaptes, d’en limiter leur multiplication afin d’améliorer les caractères de cette population en se basant sur l’hérédité. Théorie introduite par Francis Galton (cousin de Darwin). C’est ainsi que de nombreux arriérés et malades mentaux ont été, jusqu’aux années 1970, stérilisés aux USA, en Scandinavie et bien sûr en Allemagne nazie où 400000 personnes furent opérées  de force en dix ans.

    Les progrès de la génétique ouvrent des possibilités à l’eugénisme que ne connaissaient pas ses partisans dans le passé.

    Il est indéniable que l’on pratique aujourd’hui une sélection génétique à une échelle réduite, mais comme le dit René Frydman : « Nous acceptons simplement le principe selon lequel tout ce qui vient de la nature n'est pas [« toujours » me semble manquer dans la formulation] bon. Notre rôle de médecins est d'éviter que le destin génétique s'abatte sans que le couple ait eu le choix ». Et de remplacer le hasard comme le dit Axel Kahn. Cette sélection éventuelle se pose également pour le dépistage de la trisomie 21.

    Il est évident que tous les parents préfèrent avoir un enfant sain plutôt que malade. La nature et le hasard ne font pas toujours bien les choses. Mais espérons qu’un jour, pour éviter les aléas de la naissance, les couples ne recourent pas systématiquement à la fécondation in vitro, non seulement pour éliminer une maladie héréditaire, mais également pour formater leur enfant futur selon leurs désirs, en éliminant au passage un éventuel Mozart, fruit d’un fabuleux hasard.

     

    Existe-t-il une instrumentalisation de l’enfant à naître ? Oui, si l’on désire un enfant que pour obtenir son sang placentaire. Mais même dans ce cas, on pourrait répondre :

    1° Que l’enfant ne sera pas moins aimé et peut-être le sera-t-il davantage, ayant contribué à sauver un membre de sa fratrie.

    2° Que l’enfant est toujours instrumentalisé puisqu’il est le produit du désir parental, donc pour satisfaire les parents et non pour lui-même puisque sa personnalité future est inconnue.

    3° Que les enfants, pour la grande majorité d’entre eux, préfèrent naître  plutôt que d’appartenir au néant.


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  • Goya-vol-de-sorcieres.jpgJe voudrais lancer ici un appel à tous les gens superstitieux (et je sais qu’ils sont légion) pour soutenir les sorcières roumaines dans leurs justes revendications (je vous rappelle que la Roumanie fait partie de l’Union Européenne et que ce combat est donc le nôtre).

    Depuis le 1er janvier 2011, la sorcellerie est considérée dans ce pays comme une banale profession libérale et sera soumise à l’impôt (16% de taxe !). Les sorcières, un peu désorientées sur leurs balais, ne comprennent pas l’attitude des députés, alors que ceux-ci font appel à leurs pouvoirs pour jeter des sorts à leurs ennemis. Les juristes du Sénat, pas très rassurés, ont d’ailleurs émis un avis défavorable à cette législation.

    Les sorcières se sont engagées dans la lutte, soyons à leur côté. Elles ont lancé un sort au gouvernement en jetant de la mandragore dans le Danube (un exemple à suivre en utilisant la Seine) et l’une d’entre elles mise sur des excréments de chat, un chien mort et sur des incantations.

    Elles vaincront, car les maléfices de la profession sont pris très au sérieux en Roumanie, où la croyance pour la magie noire – comme il va de soi - est très vivace. Le président et son entourage ne portent-ils pas du violet pour se protéger du mauvais sort ?

     

    Illustration : Goya « le vol des sorcières »


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  •   

    Matin

     

    L’homme ouvrit la fenêtre

    Et regarda le matin naître

    Etirer ses bras au loin

    Ce séducteur de matin

    Tenait la terre embrassée

    Enfin sa moitié

    L’homme en fit autant

    Et gloussa doucement

    Il était heureusement surpris

    D’être encore en vie

     

    La nuit était passée

    Et la nuit tout peut arriver

    Il s’était encore une fois

    Sorti de ce mauvais pas

    Ils disent que la nuit c’est du repos

    C’est faux

    Il se passe des tas de choses la nuit

    On est poursuivi

    On tombe dans une chute sans fin

    On cherche des choses en vain

    Les morts surgissent du temps

    Ils ne sont jamais contents

    Ils viennent vous faire des reproches

    Surtout les défunts proches

     

    C’est pire quant le jour est dans la nuit

    C’est bien pire l’insomnie

    On ne peut pas se réveiller

    Soulagé d’avoir rêvé

    Et la douleur se retourne dans le lit

    Fâchée de ne pas être endormie

     

    Il y a tout de même de bonnes choses dans la nuit

    La mort peut arriver sans crier gare

    On peut mourir sans le savoir

    Sans attendre la peur au ventre

    Que la mort frappe et entre

    En déchirant le corps à sa façon

    La nuit on meurt par distraction

    En pensant à autre chose

    C’est une bonne chose

     

    Alors l’homme regarde le matin se lever

    Un matin de plus c’est toujours ça de gagné

    Il se dit qu’il faut en profiter

    Ce sera peut-être le dernier

    Et il va déjeuner

    En murmurant ces deux vers

    De Prévert :

    « Et j’égorge en plein soleil

    Les plus beaux rêves de mes nuits »

     

    Paul Obraska

     

    Illustration : Camille Pissaro « Soleil levant à Eragny »


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  • goya75.jpgUn rapport vient d’être remis au ministère de la Santé, les auteurs en sont très contents et la proposition qu’ils soumettent à Xavier Bertrand semble le séduire.

    De quoi s’agit-il ? De la  création d’un corps de nouveaux professionnels de santé (« paramédicaux praticiens »), formés à un niveau intermédiaire entre les paramédicaux à Bac+3 et les médecins au minimum à Bac+9, la formation serait du niveau master.

    A quoi serviraient- ils ? «  Dans le suivi des maladies chroniques, dans la prise en charge des sujets âgés, dans la transplantation et même dans la chirurgie ». Avec le droit de prescrire.

     Pourquoi ce nouveau corps? En raison de l’évolution de la démographie médicale. « La délégation de tâches est une des solutions à mettre en œuvre rapidement pour redonner aux médecins le temps médical qu’ils revendiquent. »

    Les techniques médicales prenant une place de plus en plus grande et devenant de plus en plus complexes, la formation de techniciens venant renforcer les équipes ne serait pas inutile, mais « les paramédicaux praticiens » seraient habilités à faire un diagnostic clinique et des prescriptions, les patients étant ainsi examinés et traités par des sous-médecins (et probablement sous-payés) à l’instar des « médecins aux pieds nus » de Mao.

    Pas assez de médecins dans le futur ? Mais pourquoi ne pas desserrer le numerus clausus ?  Pourquoi ne pas valoriser leur travail pour attirer les vocations ? Redonner le temps médical ? (à noter que traiter les sujets âgés ne serait pas du temps médical, du temps vétérinaire peut-être ?). Alors pourquoi ne pas alléger la pression administrative ? Bref, pourquoi les emmerder sans arrêt ?

    Et les infirmières là-dedans ? Le corps infirmier est très bien formé sur le plan médical. Ayant parcouru les manuels qui lui sont consacrés, je peux vous dire que sa formation est d’un haut niveau. Alors pourquoi ne ferait-il pas le travail de ces « paramédicaux praticiens » dont la place me parait bien incertaine, voire inconfortable ? Mais, voilà, il n’y a pas assez d’infirmières. Et pourquoi cela ?

    Nous avons en France deux corps de santé de bonne qualité, Il serait temps d’améliorer leur sort pour attirer les vocations, plutôt que d’en créer un troisième dont l’utilité est discutable et qui risque fort de ne pas être satisfait du sien.

     

    Illustration : Goya "Autoportrait avec le Dr Arrieta"

     

     


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  • Dans le passé, il était courant que l’enfant nouveau-né soit de suite confié à une nourrice, ses seins et leur sécrétion étaient loués (« allaitement mercenaire ») après la grossesse de la mère.

    Aujourd’hui, une femme peut, dans certains pays, louer un utérus à une « gestatrice » rémunérée pour son port de charge pendant neuf mois.

    Aux Etats-Unis, l’achat d’un bébé issu d’une mère porteuse, serait cependant inférieur à 2000 par an. Seules les personnes riches peuvent, en effet, se payer un bébé de cette façon car son prix serait de 100000 à 150000 dollars.

    On comprend donc que des femmes dans le besoin se prêtent à cet esclavage et sous-louent pour quelques mois un de leurs organes, en assurant de surcroît la nutrition pendant la formation du nouvel être humain qui, une fois formé et sorti de leur ventre, sera confié à l’acheteuse. Celle-ci pourra ainsi conserver sa silhouette, ne pas souffrir des troubles de la grossesse et des affres de l’accouchement, vaquer à ses occupations et notamment tourner des films en attendant la livraison prévue (allusion aux stars d’Hollywood qui ont de plus en plus recours à ce mode de procréation après la quarantaine).

    Bienvenue dans le meilleur des mondes.

     

    Renoir-nourrice.jpg

     

    Auguste Renoir : « Claude [un fils de Renoir] dans les bras de sa nourrice Renée Jolivet »


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  • Comment faire avaler la pilule.

    Il est certain que le laboratoire Servier ne s'est pas grandi en voulant maintenir à la vente le Médiator, bien que ses effets secondaires devenaient évidents au fil du temps et que pour l'y maintenir, il a exercé des pressions sur les récalcitrants, s’est servi de son influence au plus haut niveau, en bénéficiant d’une lenteur sidérante des instances de contrôle, alors que ce médicament n’avait guère d’utilité. Si les patients n’en ont pas tiré grand bénéfice, ce n’est pas le cas du laboratoire.

    Avant de devenir un traitement chez l'homme, un produit est d'abord expérimenté chez l'animal pour tester sa toxicité, sa tolérance et ses effets secondaires. Son efficacité et sa tolérance réelle étant jugées chez l'homme dans les phases ultérieures. L'animal choisi est le plus souvent la souris, les valves cardiaques qui assurent le passage unidirectionnel du sang dans les cavités du coeur sont chez elles minuscules et les expérimentateurs sont sans doute passés à côté d'éventuelles lésions provoquées par l'administration du Médiator.

    Mais le laboratoire Servier et les instances de contrôle semblent avoir longtemps « oublié » que ce produit avait une parenté chimique avec l'Isoméride, autre trouvaille du même laboratoire, dont on avait mis en évidence la toxicité pour l'appareil circulatoire et qui avait été retirée du marché dès 1997.

     

    Réveil confus.

    Après une somnolence paisible, la pharmacovigilance s'est réveillée en sursaut et pour tenter d’effacer sa bévue, confondant transparence et efficacité, l’Afssaps vient de publier une liste de médicaments à surveiller « soit parce que les autorités sanitaires ont jugé nécessaire, à titre préventif, de renforcer ce suivi, soit parce que des signaux de risque ont été détectés, justifiant une vigilance accrue ». Liste fourre-tout où figurent des médicaments qui peuvent être obtenus sans ordonnance, ce qui implique une surveillance plutôt lâche, des produits qui ont déjà disparu ou en passe de l’être et même des vaccins. La présence d’un médicament sur cette liste serait pour l’Afssaps une « garantie  pour les patients », étant donné qu’ils sont soumis à « une surveillance particulièrement proactive » [ ?]. Il suffit d’avoir la chance de ne pas être la victime d’un effet secondaire du médicament encore en vente,  avant que l’on soit peut-être amené à le retirer du commerce.

     

    Les revers de la transparence.

     Il est certain que cette liste rendue publique va accroître la méfiance des gens vis-à-vis des médicaments et des vaccins et rendre plus difficile le travail du thérapeute. Les patients se disent, avec bon sens, qu'ils vont peut-être devoir prendre des médicaments dont les experts eux-mêmes se méfient et leur méfiance risque de s’étendre à toute la pharmacopée.

    Il est vrai que les médecins (comme je l’aurais fait) hésiteront à prescrire un médicament figurant sur cette liste et choisiront plutôt, s’ils peuvent en disposer, d’un produit équivalent n’y figurant pas. Cependant, si un médicament a déjà été prescrit et si le patient, inquiet, l’arrête de lui-même, les conséquences de l’arrêt risquent d’être fâcheuses. Il y a des transparences plus nocives que les médications.

     

    Il n’y a pas de médicaments anodins.

    Tous les médicaments peuvent être dangereux, ceux qui sont efficaces, puisqu'ils interviennent à coup sûr dans le fonctionnement de l'organisme, mais aussi, parfois, ceux qui ne le sont pas ou peu comme l'ont montré le Médiator et la toxicité de nombreuses plantes dont le label « naturel » est censé garantir leur innocuité.

    Dans l’estimation de la balance bénéfice/risque, le risque ne manque jamais, il est illusoire de penser le contraire, le tout est dans la proportion « admissible » des effets « indésirables » et de leur gravité potentielle. La notice qui accompagne un médicament est là pour le rappeler.

    Pour ne citer que quelques exemples : la pénicilline, qui a sauvé des millions de personnes, peut aussi tuer. Si la seconde injection chez l'homme avait provoqué, par malchance, un choc anaphylactique, peut-être aurait-il fallu attendre la découverte d'un autre antibiotique. La banale aspirine n'aurait peut-être pas eu une autorisation de mise sur le marché, en raison des hémorragies provoquées si on l’avait administrée au préalable chez la souris selon les protocoles actuels. Il est aussi possible que l'aspirine, dont l'utilité n'est plus à démontrer, ait provoqué plus de morts que le Médiator et ne parlons pas des anticoagulants.

     

    Je n’ai aucun conflit d’intérêt.

    Les médicaments rendent de grands services et sont pour quelque chose dans la prolongation de la durée de la vie. Ce sont les laboratoires privés qui les inventent (je ne crois pas que l’URSS ait créé un seul médicament d’importance en 70 ans), ils doivent donc gagner de l’argent pour exister et en trouver d’autres (il faut dix ans pour sortir une molécule originale et efficace). Il serait ingrat et injuste de ne les considérer que comme des empoisonneurs avides. Les laboratoires peuvent être critiqués et leurs découvertes devraient être contrôlées de façon rigoureuse et indépendante, mais sans eux les médecins seraient impuissants.


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  • Grain de sel sur l'enseignementLes ministres successifs de l’Education Nationale se sentent obligés - les résultats n’étant guère à la hauteur des sommes englouties - de modifier quelque chose pendant leur bref séjour à ce poste : journées, horaires, programmes, façon d’enseigner, etc… Les enseignants doivent bien s’ancrer pour ne pas être emportés par les vents successifs et de directions contraires. En 1940, on disait que pour les messagers en moto de l’armée française, celui qui conduisait était porteur de l’ordre et son passager sur le siège arrière du contre-ordre.

     

    Toutefois, un bon ministre ne doit pas faire trop de vagues pour ne pas être emporté par un raz de marée protestataire venu des syndicats, des parents d’élèves ou des élèves eux-mêmes. Par contre il y en a peu qui ont résisté à l’influence de cuistres pédants (pléonasme) qui, pour des raisons mystérieuses et parfois idéologiques, se sont efforcés de remplacer les méthodes d’enseignement simples, aux termes clairs, qui leur ont permis, à eux, de réussir, par des méthodes délirantes, une phraséologie opaque substituant, par exemple, à la bonne vieille triade : sujet – verbe - complément, des dénominations absconses (« situation d’énonciation », « adjuvant », « adjuvé », « schéma actuantiel ou narratif »…) qui vont traîner des années dans les manuels, de quoi dégoûter définitivement les élèves de la littérature.

    L’université n’échappe pas aux élucubrations, comme celle du changement de toutes les dénominations anatomiques, changement dont l’intérêt est nul, sinon celui de compliquer la vie des étudiants.

    Les médiocres pensent toujours faire une découverte en changeant le nom des choses.  

     

    Luc Chatel ne manque pas à la règle générale : donner l’impression de réformer mais sans trop bouger. Il veut que l’on apprenne aux élèves les calculs de la vie courante, je pensais que cette enseignement élémentaire allait de soi, car (horreur !) on peut perdre sa calculette, cependant il est possible que cela ne soit pas le cas car, il y a maintenant longtemps, j’ai appris à ma fille les merveilles de la règle de trois.

    Il veut que les enfants s’intéressent à la science. Je trouve que c’est une bonne chose. La science est omniprésente et l’on ne dispose pas assez de scientifiques en France, les études étant longues, difficiles et les rémunérations plutôt courtes. Mais il propose "qu'il y ait un seul enseignant pour les sciences physiques, la chimie, les SVT et la technologie". C’est peut-être un peu difficile pour les enseignants de bien connaître toutes ces matières, mais c’est une excellente occasion d’en réduire le nombre et de faire baisser le niveau de l’enseignement.

    Peut-être faudrait-il ne pas changer les programmes à tout bout de champ, laisser les enseignants enseigner comme bon leur semble et ne les juger que sur leurs résultats.

     

    Si apprendre aux enfants à se dispenser de la calculette va de soi, la place royale pris par les mathématiques dans l’enseignement me semble excessive puisque cette matière est la marque des classes « d’élite ». Si les mathématiques  sont indispensables pour former des ingénieurs ou des physiciens, beaucoup de sciences ne les utilisent pas, en dehors des calculs statistiques qui n’ont rien à voir avec des mathématiques de haut niveau. Sélectionner, par exemple, les futurs médecins sur leur don pour les mathématiques est un non-sens, car ils ne les utiliseront jamais dans leur pratique quotidienne, il serait préférable de les remplacer par l’étude de la philosophie et… de l’anglais médical.

     

    Illustration : Edouard Vuillard "Deux écoliers, jardin public"

     

     


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