• L’anarchie n’est plus ce qu’elle étaitUn membre de ma famille m’avait offert une biographie d’Elisée Reclus (1830-1905), géographe et écrivain qui avait au XIX ème siècle une renommée mondiale égale à celle de Victor Hugo. Il fut manifestement oublié, ce qui me donne l’excuse de n’avoir pratiquement rien su de lui jusqu’à la lecture de cet ouvrage d’isabelle Louviot et de Georges Peignard. C’était apparemment un grand monsieur, d’une grande probité, humaniste et écologiste avant l’heure, végétarien et partisan de l’union libre, laissant derrière lui une œuvre monumentale que peu de gens doivent lire. Grand voyageur, sa vie fut mouvementée, communard il fit de la prison*, il fut exilé, anarchiste contre toute autorité, sa conception de l’être humain était d’une touchante naïveté en mettant la fraternité comme base de l’organisation de la société. Au moment où je lis cette biographie, le Courrier international m’apprend que la commune de Saint-Imier, ville horlogère en Suisse, a accueilli du 19 au 23 juillet 2023 plusieurs milliers de militants à l’occasion des rencontres internationales anti-autoritaires. « La commune du Jura bernois est considérée comme l’un des berceaux de ce mouvement politique, depuis l’organisation du tout premier événement du genre, en 1872, et la création de “l’internationale anti-autoritaire” par des dissidents marxistes ». Le déroulement de cet événement ne semble pas s'être inscrit totalement dans l’esprit de l’une des figures fondatrices des rencontres internationales de l’anarchie, le révolutionnaire russe Mikhail Bakounine avec lequel Elisée Reclus avait été en contact. “Dans la patinoire, où a lieu le grand salon du livre et où on commémore des évènements anarchistes importants, comme la guerre civile espagnole, il est interdit de prendre des photos, strictement interdit, ‘Non, c’est non !’ relate la Neue Zürcher Zeitung. Et les hommes cis [qui s’identifient au genre qu’on leur a attribué à la naissance] n’ont pas le droit d’entrer dans le camp Finta (c’est-à-dire femmes, intergenres, non-binaires, trans et agenrés).” Je vous rassure, Elisée Reclus avait parfaitement assumé le genre qui lui avait été attribué (par qui ?) à la naissance et n’avait pas considéré son sexe biologique comme un simple présupposé. Anarchique, mais pas trop.

    * Dans le livre figure une note de Reclus sur chacune des 14 prisons où il fut incarcéré.

    L’anarchie n’est plus ce qu’elle était

    Lettre d’Elisée Reclus à Jean Grave : "voter, c'est abdiquer"

    Clarens, Vaud, 26 septembre 1885.

    Compagnons,
    Vous demandez à un homme de bonne volonté, qui n’est ni votant ni candidat, de vous exposer quelles sont ses idées sur l’exercice du droit de suffrage.
    Le délai que vous m’accordez est bien court, mais ayant, au sujet du vote électoral, des convictions bien nettes, ce que j’ai à vous dire peut se formuler en quelques mots.

    Voter, c’est abdiquer ; nommer un ou plusieurs maîtres pour une période courte ou longue, c’est renoncer à sa propre souveraineté. Qu’il devienne monarque absolu, prince constitutionnel ou simplement mandataire muni d’une petite part de royauté, le candidat que vous portez au trône ou au fauteuil sera votre supérieur. Vous nommez des hommes qui sont au-dessus des lois puisqu’ils se chargent de les rédiger, et que leur mission est de vous faire obéir.

    Voter c’est être dupe ; c’est croire que des hommes comme vous acquerront soudain, au tintement d’une sonnette, la vertu de tout savoir et de tout comprendre. Vos mandataires ayant à légiférer sur toutes choses, des allumettes aux vaisseaux de guerre, de l’échenillage des arbres à l’extermination des peuplades rouges ou noires, il vous semble que leur intelligence grandisse en raison même de l’immensité de la tâche. L’histoire vous enseigne que le contraire a lieu. Le pouvoir a toujours affolé, le parlotage a toujours abêti. Dans les assemblées souveraines, la médiocrité prévaut fatalement.

    Voter c’est évoquer la trahison. Sans doute, les votants croient à l’honnêteté de ceux auxquels ils accordent leurs suffrages – et peut-être ont-ils raison le premier jour, quand les candidats sont encore dans la ferveur du premier amour. Mais chaque jour a son lendemain. Dès que le milieu change, l’homme change avec lui. Aujourd’hui, le candidat s’incline devant vous, et peut-être trop bas ; demain, il se redressera et peut-être trop haut. Il mendiait les votes, il vous donnera des ordres. L’ouvrier, devenu contremaître, peut-il rester ce qu’il était avant d’avoir obtenu la faveur du patron ? Le fougueux démocrate n’apprend-il pas à courber l’échine quand le banquier daigne l’inviter à son bureau, quand les valets des rois lui font l’honneur de l’entretenir dans les antichambres ? L’atmosphère de ces corps législatifs est malsain à respirer, vous envoyez vos mandataires dans un milieu de corruption ; ne vous étonnez pas s’ils en sortent corrompus.

    N’abdiquez donc pas, ne remettez donc pas vos destinées à des hommes forcément incapables et à des traîtres futurs. Ne votez pas ! Au lieu de confier vos intérêts à d’autres, défendez-les vous-mêmes ; au lieu de prendre des avocats pour proposer un mode d’action futur, agissez ! Les occasions ne manquent pas aux hommes de bon vouloir. Rejeter sur les autres la responsabilité de sa conduite, c’est manquer de vaillance.
    Je vous salue de tout cœur, compagnons.
    Élisée Reclus.


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  • L’hypocrisie de la diversité

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  • Vu d’ailleursAujourd’hui, promenade à Montmartre. Rarement vu autant de touristes et les balustrades croulent sous le poids des cadenas dorés, symboles des liaisons définitives qui se briseront une fois sur deux. L’étranger a un regard de commisération sur la France, ses manifestations, ses émeutes, ses destructions et ses pillages. L’Iran conseille la modération dans le maintien de l’ordre. Il fallait oser des remontrances de la part d’un pays qui affiche des milliers de morts par balle ou par pendaison et des milliers de prisonniers politiques. Le Perse barbu a de l’humour noir. Les médias américains parlent de deux France inconciliables. Ils sont bien bons de n’en trouver que deux. Mais il me semble que la division en deux blocs bien compacts nettement inconciliables et aussi fournis l’un que l’autre caractérise plus les USA que la France. Le week-end dernier, les émeutiers, en prétextant la mort injuste d’un petit voyou, ont cassé des structures dont ils se servaient chaque jour et pillé les magasins pour se sentir moins pauvres, et parvenir au statut envié de Consommateur, faisant ainsi plaisir à Sandrine Rousseau dont la pauvreté intellectuelle finit par devenir gênante. Heureusement pas de mort dans ces affrontements. Pendant ce temps : « À Baltimore, une fusillade fait 30 victimes, près de la moitié mineures. Les coups de feu ont eu lieu pendant une fête de quartier dans la nuit de samedi à dimanche alors que les États-Unis célèbrent le week-end férié du 4 juillet. Deux personnes, une jeune femme de 18 ans et un jeune homme de 20 ans, ont trouvé la mort, 28 autres ont été blessées ». Peut-être que les Américains seraient plus en sécurité en France que dans leur pays.


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  • Je ne sais rien, mais je dirai tout

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  • On a toujours besoin d’un peu de magieAu siècle des voyages dans l’espace et où une machine fabriquée par l’Homme est capable de lui faire la leçon, le besoin de magie reste vivace. L’entrefilet ci-contre tiré du Canard enchaîné de cette semaine, montre que les gendarmes n’hésitent pas à faire appel aux charlatans du paranormal pour les aider à résoudre une affaire, avec des résultats parfois surprenants. En matière médicale la magie est reine avec des résultats efficaces lorsque la maladie guérit toute seule ou en suscitant un espoir lorsque la maladie est inguérissable. Y avoir recours lorsque la maladie peut être traitée transforme parfois les charlatans en tueurs.

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  • PathétiqueIl y a quelque chose de pathétique à voir les écologistes de notre pays manifester, protester, vociférer, bloquer, s’allonger sur le sol, maculer, détruire, faire des procès au gouvernement français en lui reprochant de ne pas en faire assez pour lutter contre le réchauffement climatique, et en demandant aux entreprises françaises polluantes de se recroqueviller en laissant la place à des entreprises étrangères qui pollueront peut-être davantage. Il y a quelque chose de pathétique à voir cette agitation écologiste qui n’est possible que dans les pays démocratiques, une agitation pour une bonne cause mais pouvant aller jusqu’à la violence… et qui ne sert à rien. La France pourrait disparaître que cela ne changerait pas d’un iota l’aggravation du réchauffement climatique. Décourageant. Si des mesures ne sont pas prises au niveau mondial, la lutte à notre niveau restera vaine, même si elle est nécessaire. Regardez la photo ci-dessus d’un mariage en Chine, prise bien avant l’apparition de la Covid-19, les Chinois portent le masque non pour se prémunir contre un virus, mais contre la chape de la pollution. Se prétendre vertueux en demandant aux autres de fabriquer en polluant les objets qui nous sont devenus indispensables, même pour les militants écologistes, et en les faisant venir de loin pour polluer davantage. Pathétique.

    PathétiqueDans le registre du pathétique mais dans un domaine bien différent, plus primesautier, nous avons eu lors de la remise des récompenses à l’issue du festival de Cannes la démonstration que plus on est nanti et subventionné, plus on crache dans la soupe. La réalisatrice du film ayant remporté la palme d’or a éprouvé le besoin, comme ses congénères, au milieu des ors et des apparats, de pousser sa petite chansonnette politique misérabiliste en crachant sur le gouvernement sans lequel elle n’aurait pu réaliser son film.  Une sortie qui fut largement applaudie par les smokings et les robes de soirée, ce qui a permis d'entendre le cliquetis des bijoux portés par l'assemblée. Ces gens sont indécents et fatigants à force de vouloir entrer dans la peau des misérables. Des Tartuffe qui se sentent obligés de jouer un rôle qui ne leur va pas. Très pathétique.


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  • Le sexe comme objet publicitaireSur France 2, le samedi 20 mai, la chanteuse belge Angèle a confié être pansexuelle. On en apprend tous les jours. Il est vrai que je suis complètement dépassé, je n’arrive plus à suivre. Mais cette dame a eu la bonté de m’expliquer : « C’est-à-dire que moi je peux tomber amoureuse d’un garçon, d’une fille, d’une personne non binaire, d’une personne transgenre. ». Me voilà soulagé, l’animal n’est pas inclus dans ses visées amoureuses. Bien sûr, cette chanteuse a le droit d’avoir des rapports sexuels avec qui elle veut si l’objet de ses appétits en est d’accord. Mais il est nécessaire que le monde entier le sache et que l’annonce soit faite par elle-même. Dans son documentaire, diffusé à partir de novembre 2021 sur Netflix, la chanteuse pop avait regretté que Cyril Hanouna lui « vole » son coming out, en 2019, et qu’il l’empêche de parler elle-même de son orientation sexuelle. « Hanouna m’a “ outée ”. Il a été la première personne à dire en direct que j’étais avec une femme. Mon coming out m’a été volé. ». Le « coming out » devrait devenir un objet publicitaire copyright. Illustration : Picabia : "Deux femmes aux pavots"

    Mais Angèle n'est manifestement pas assez libérée ou déconstruite et les réactions ont été vives :

    Le sexe comme objet publicitaire


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