• La paille pour grain« Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde » disait Albert Camus. Je me permettrais d’ajouter que renommer les choses en prétendant mieux les nommer ajoute parfois à la confusion, et est souvent un signe d’impuissance car il est plus facile de renommer que d’agir, et la tendance, surtout en politique, est de faire passer un intitulé pour une action.

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  • Demande de remboursementDans une interview, Régis Debray a déclaré que, pour lui, le maître en littérature était Julien Gracq. J’avais jadis lu un de ses livres sans avoir été suffisamment accroché pour en retenir le titre. Impressionné par le jugement de Régis Debray, et soucieux de ne pas rater un plaisir de lecture, j’ai donc acheté « Le rivage des Syrtes » qui est l’œuvre la plus connue de Julien Gracq. Dire que je n’ai pas adhéré à ce roman est un euphémisme car je l’ai trouvé franchement…ennuyeux. L’intrigue est d’une minceur filiforme qui ne s’épaissit que vers la page 200, et il a fallu m’accrocher pour y arriver, alors que les cent dernières pages auraient pu faire un roman convenable. L’histoire, un tantinet hermétique, se déroule dans un pays imaginaire ressemblant à l’ancienne Venise – celle des Doges - où l’on nage dans un anachronisme mêlant le Moyen Âge et le contemporain (on se déplace en automobile et on fume des cigarettes dans un monde qui évoque la Renaissance). Mais en laissant cela de côté, j’ai surtout trouvé l’écriture insupportable. Un verbiage élégant, à la limite du pompeux, une complaisance à aligner les phrases longues qui parfois ne veulent plus rien dire, une propension à accumuler les images énigmatiques où une éventuelle perle poétique est noyée dans un coulis interminable de comparaisons qui s’enfilent les unes les autres, si bien que l’on finit par perdre le point de départ de l’avalanche de digressions. Les dialogues sont rares, et lorsqu’ils existent, les personnages semblent se comprendre, mais le lecteur a plus de mal à saisir leur conversation pleine d’allusions. En définitive, j’ai eu du mal à supporter une prose qui laisse à penser que son auteur se regardait écrire en semblant dire au lecteur : « regardez comme j’écris bien ». Une demande de remboursement auprès de Régis Debray serait licite, à moins qu’il ne me soit rétorqué que je n’ai rien compris, ce qui est fort possible, car ce roman fut couronné par le prix Goncourt, mais que Julien Gracq refusa. Loin d’être féru de littérature, il me semble bien que Le rivage des Syrtes, livre paru en 1951, n’est qu’une imitation lourde, volontaire ou non, du roman bien plus réussi de Buzatti : Le désert des Tartares paru onze ans auparavant.


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  • L’original et sa copie

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  • Conflit de civilisationLes deux articles les plus lus dans ce journal (HuffPost) sont symptomatiques d’un conflit de civilisation.

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  • Arguments fallacieuxIl y a quelques jours j’écoutais distraitement (dans le sens de se distraire) l’ineffable Sandrine Rousseau interrogée sur LCI à propos de l’invitation par les trois morceaux déglingués de la gauche d’un rappeur barbu qu’ils ont réussi à sortir de l’obscurité pour lui demander de les éclairer sur sa philosophie (une « explication de texte » SVP) et son parcours entre Dieudonné et Tariq Ramadan. Comme tous les politiques en difficulté elle a utilisé deux arguments que l’on pourrait nommer : les « points communs aveuglants » et la « relativité échappatoire ». Les « points communs aveuglants »  est un argument qui consiste à mettre en exergue les points qui rapprochent et ne plus voir le reste d’une position. Toutes proportions gardées, on pourrait déclarer que puisque Hitler aimait son chien, comme j'aime le mien, on peut lui pardonner de ne pas avoir aimé les Juifs au point d’en exterminer 6 millions. Sandrine Rousseau n’a pas manqué de dire qu’elle avait comme points communs avec Médine sa lutte contre l’extrême droite (de ce point de vue, ils s’y prennent bien mal) et contre le racisme, en notant que l’un comme l’autre ont des préférences dans leur activisme antiraciste. On peut donc faire copain avec un triste personnage si l’on converge sur quelques points qui rendent aveugles sur les autres. Le deuxième argument est utilisé en désespoir de cause. Quand on est acculé dans sa défense, on sort la « relativité échappatoire ». Sandrine Rousseau n’a pas manqué de le faire à la fin de l’entretien. Elle consiste à minimiser la polémique en la confrontant aux malheurs du monde. Comment pouvez-vous me parler de Médine (il est vrai qu’il n’a aucun intérêt) alors que nous sommes menacés par le réchauffement climatique et la faim dans le monde ! Le journaliste ne pouvait guère répondre à cet argument, sinon qu’il prouvait que Sandrine Rousseau n’avait en fait rien pour justifier l’invitation de ce zozo aux sauteries des trois morceaux de la gauche sinon une volonté d’autodestruction. Illustration : Bosch "L'escamoteur"


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  • Un couple toxiqueEn lisant cet entrefilet paru dans le Marianne du 17/08/23, je tombe comme d’habitude en arrêt sur le terme « réactionnaire » dont la signification paraît évidente pour la plupart des gens, et que je trouve pour ma part ambigu. La signification qu’en donne Wikipédia me paraît finalement meilleure que celle donnée par le Petit Robert : « Une réaction désigne la politique prônant et mettant en œuvre un retour à une situation passée réelle ou fantasmée, en révoquant une série de changements sociaux, moraux, économiques et politiques. Un partisan de la réaction est nommé « réactionnaire ». Le terme s'oppose à « progressiste ». En ajoutant cependant un complément à cette définition : la réaction est une attitude qui peut concerner aussi bien un individu qu'un mouvement et il n’est pas nécessaire de revenir en arrière pour paraître aujourd'hui réactionnaire, on le devient également en ne bougeant pas. Réactionnaire et progressiste forme un couple indissociable, l’un se définissant par rapport à l’autre. Si la réaction se définit par l’opposition au progrès, reste à définir ce qu’est le progrès. « Vaste programme ». Le progrès est censé améliorer une situation, ce n’est pas une fuite en avant. Le réactionnaire peut estimer que le progrès n’en n’est pas un et que le changement rendra la situation pire qu’avant. Il peut avoir tort, mais il peut aussi avoir raison. L’écriture « inclusive » est-elle un progrès ? Va-t-elle améliorer la situation des femmes ? Sûrement pas. Va-t-elle faciliter l’apprentissage de la langue ? De ce point de vue, c’est évidemment une catastrophe. Une langue qui peut difficilement s’écrire et aucunement s’énoncer est vouée à l’autodestruction. Est-ce un progrès ? Préserver un patrimoine, retrouver une façon de faire qui s’était révélée efficace ou retrouver une façon d’être qui permet de vivre ensemble, c’est se tourner vers la préservation du passé et c’est donc une attitude réactionnaire bien qu’elle soit bénéfique. Tout dépend du sujet concerné, on devrait être parfois progressiste et parfois réactionnaire en admettant que la réaction peut aussi permettre d’avancer dans le bon sens comme elle permet de propulser un avion. La nouveauté n’est pas obligatoirement un progrès, et elle peut aussi se révéler nocive dans l’immédiat. Le temps fera son choix mais il n’est jamais certain que ce sera le bon.


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  • Bonne journée

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  • L’anarchie n’est plus ce qu’elle étaitUn membre de ma famille m’avait offert une biographie d’Elisée Reclus (1830-1905), géographe et écrivain qui avait au XIX ème siècle une renommée mondiale égale à celle de Victor Hugo. Il fut manifestement oublié, ce qui me donne l’excuse de n’avoir pratiquement rien su de lui jusqu’à la lecture de cet ouvrage d’isabelle Louviot et de Georges Peignard. C’était apparemment un grand monsieur, d’une grande probité, humaniste et écologiste avant l’heure, végétarien et partisan de l’union libre, laissant derrière lui une œuvre monumentale que peu de gens doivent lire. Grand voyageur, sa vie fut mouvementée, communard il fit de la prison*, il fut exilé, anarchiste contre toute autorité, sa conception de l’être humain était d’une touchante naïveté en mettant la fraternité comme base de l’organisation de la société. Au moment où je lis cette biographie, le Courrier international m’apprend que la commune de Saint-Imier, ville horlogère en Suisse, a accueilli du 19 au 23 juillet 2023 plusieurs milliers de militants à l’occasion des rencontres internationales anti-autoritaires. « La commune du Jura bernois est considérée comme l’un des berceaux de ce mouvement politique, depuis l’organisation du tout premier événement du genre, en 1872, et la création de “l’internationale anti-autoritaire” par des dissidents marxistes ». Le déroulement de cet événement ne semble pas s'être inscrit totalement dans l’esprit de l’une des figures fondatrices des rencontres internationales de l’anarchie, le révolutionnaire russe Mikhail Bakounine avec lequel Elisée Reclus avait été en contact. “Dans la patinoire, où a lieu le grand salon du livre et où on commémore des évènements anarchistes importants, comme la guerre civile espagnole, il est interdit de prendre des photos, strictement interdit, ‘Non, c’est non !’ relate la Neue Zürcher Zeitung. Et les hommes cis [qui s’identifient au genre qu’on leur a attribué à la naissance] n’ont pas le droit d’entrer dans le camp Finta (c’est-à-dire femmes, intergenres, non-binaires, trans et agenrés).” Je vous rassure, Elisée Reclus avait parfaitement assumé le genre qui lui avait été attribué (par qui ?) à la naissance et n’avait pas considéré son sexe biologique comme un simple présupposé. Anarchique, mais pas trop.

    * Dans le livre figure une note de Reclus sur chacune des 14 prisons où il fut incarcéré.

    L’anarchie n’est plus ce qu’elle était

    Lettre d’Elisée Reclus à Jean Grave : "voter, c'est abdiquer"

    Clarens, Vaud, 26 septembre 1885.

    Compagnons,
    Vous demandez à un homme de bonne volonté, qui n’est ni votant ni candidat, de vous exposer quelles sont ses idées sur l’exercice du droit de suffrage.
    Le délai que vous m’accordez est bien court, mais ayant, au sujet du vote électoral, des convictions bien nettes, ce que j’ai à vous dire peut se formuler en quelques mots.

    Voter, c’est abdiquer ; nommer un ou plusieurs maîtres pour une période courte ou longue, c’est renoncer à sa propre souveraineté. Qu’il devienne monarque absolu, prince constitutionnel ou simplement mandataire muni d’une petite part de royauté, le candidat que vous portez au trône ou au fauteuil sera votre supérieur. Vous nommez des hommes qui sont au-dessus des lois puisqu’ils se chargent de les rédiger, et que leur mission est de vous faire obéir.

    Voter c’est être dupe ; c’est croire que des hommes comme vous acquerront soudain, au tintement d’une sonnette, la vertu de tout savoir et de tout comprendre. Vos mandataires ayant à légiférer sur toutes choses, des allumettes aux vaisseaux de guerre, de l’échenillage des arbres à l’extermination des peuplades rouges ou noires, il vous semble que leur intelligence grandisse en raison même de l’immensité de la tâche. L’histoire vous enseigne que le contraire a lieu. Le pouvoir a toujours affolé, le parlotage a toujours abêti. Dans les assemblées souveraines, la médiocrité prévaut fatalement.

    Voter c’est évoquer la trahison. Sans doute, les votants croient à l’honnêteté de ceux auxquels ils accordent leurs suffrages – et peut-être ont-ils raison le premier jour, quand les candidats sont encore dans la ferveur du premier amour. Mais chaque jour a son lendemain. Dès que le milieu change, l’homme change avec lui. Aujourd’hui, le candidat s’incline devant vous, et peut-être trop bas ; demain, il se redressera et peut-être trop haut. Il mendiait les votes, il vous donnera des ordres. L’ouvrier, devenu contremaître, peut-il rester ce qu’il était avant d’avoir obtenu la faveur du patron ? Le fougueux démocrate n’apprend-il pas à courber l’échine quand le banquier daigne l’inviter à son bureau, quand les valets des rois lui font l’honneur de l’entretenir dans les antichambres ? L’atmosphère de ces corps législatifs est malsain à respirer, vous envoyez vos mandataires dans un milieu de corruption ; ne vous étonnez pas s’ils en sortent corrompus.

    N’abdiquez donc pas, ne remettez donc pas vos destinées à des hommes forcément incapables et à des traîtres futurs. Ne votez pas ! Au lieu de confier vos intérêts à d’autres, défendez-les vous-mêmes ; au lieu de prendre des avocats pour proposer un mode d’action futur, agissez ! Les occasions ne manquent pas aux hommes de bon vouloir. Rejeter sur les autres la responsabilité de sa conduite, c’est manquer de vaillance.
    Je vous salue de tout cœur, compagnons.
    Élisée Reclus.


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  • Les géants aux pieds d’argile

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  • Ni ici, ni là-bas

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