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Par Dr WO le 4 Décembre 2016 à 11:39
Magritte : "Méditation"
Ainsi suis-je né
Ainsi suis-je fait
Il est trop tard pour protester
Et se plaindre à qui d'être ainsi fait ?
Et puis on se console comme on peut
Ça aurait pu être pire
Ça aurait pu être mieux
Alors on prend l'habitude
On émousse les angles
On cache les creux
On joue à être quelqu'un de bien
Parfois ça marche
Parfois ça marche pas
Surtout avec les siens
Alors il faut se supporter
Et que les autres vous supportent
Comme je suis né
Comme je suis fait
Et on devient insupportable
Comme si les autres étaient responsables
De ce que l'on est
Et l'on devient vieux
Avec le temps on finit par s'aimer
Un peu
Un peu tard
Au moment de se quitter
Paul Obraska11 commentaires
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Par Dr WO le 11 Novembre 2016 à 09:49
C’est l’heure où la Terre tourne son ombrelleOù l’eau du lac retient la lumière évanouie
Où les cimes des arbres dentellent le ciel
Où la masse des bois capte la nuit
C’est l’heure où le silence bruit de bruits inconnus
Où la pénombre se peuple d’êtres fabuleux
Où le cri des oiseaux devient éperdu
Où l’on craint qu’une bête habite chaque creux
C’est l’heure où les fantômes astiquent leurs chaînes
Où ceux qui nous habitent reprennent vie
Où ceux qui sont morts réveillent nos peines
C’est l’heure où l’on presse le pas
Où l’on recherche en vain un abri
Où l’on espère qu’un autre jour se lèvera.
Paul Obraska10 commentaires
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Par Dr WO le 2 Juin 2016 à 09:31
Gustav Klimt « Schubert au piano »Les belles inaccessibles si proches de lui,
Perdues dans leurs pensées,
Suivent la partition à la lueur des bougies.
Une autre regarde la danse des mains nues
Sur les touches dociles du clavier
Où les chants de l’impromptu
Mêlent leurs cadences.
Elles frémissent en écoutant les graves gronder,
Alors que les notes hautes s’élèvent pudiques,
Retenues par le poids des silences.
Et la mélodie un instant suspendue
Reprend mélancolique,
Comme un amour perdu,
Pour s’éteindre en douce nostalgie,
Dans le regret des passions disparues,
Quand le grondement au loin s’évanouit.
Paul Obraska
8 commentaires
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Par Dr WO le 16 Mai 2016 à 17:37
Robert Campin « La trinité affligée (le trône de Dieu) »
Dieu sur Son trône Se tient Lui-même dans Ses bras,Sa part souffrante comme un pantin inerte
Que le montreur abandonne à sa perte.
Un Dieu éternel peut-Il souffrir et mourir ici-bas ?
Si la mort de l’homme est le châtiment de la vie,
Elle fait partie de la perfection du Seigneur,
Capable de vivre l’agonie et de mourir en acteur
Pour Se relever à la fin et être applaudi.
Le Père sur Son trône semble affligé.
Mais pourquoi en voudrait-Il aux humains ?
Ne s’est-Il pas envoyé sur terre pour être tué ?
Les acteurs ont suivi le script de Son dessein.
Pourquoi culpabiliser les hommes ?
Sans supplice le message serait tombé à plat,
Sans Golgotha pas de Rome,
Pas de Christianisme sans croix.
La Bonne Nouvelle a pu se répandre
Une fois le sang du supplice versé
Et le Héros revenu de Ses cendres.
Le mélodrame divin s’est bien terminé.
Paul Obraska
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Par Dr WO le 5 Mai 2016 à 08:28
Salvador Dali "Le Christ de St Jean sur la croix"
TRANSITQui suis-je ? Homme ou Dieu ?
Diantre ! Les deux ?
Où suis-je ? Entre la terre et les cieux,
En transit, entre les deux.
Difficile de trouver sa place dans l’univers.
Où vais-je ? Comme tous : à la recherche du Père.
Alors c’est décidé, je rejoins l’Eternel.
Son regard pèse sur mes épaules,
Je suis en route vers le ciel,
J’ai terminé mon rôle.
De Là-Haut, Il me voit, cloué sur ma croix, revenir.
Dommage. Mais j’emporte de beaux souvenirs,
En montant je regarde l’eau refléter les cieux,
Les villes bruyantes et les déserts silencieux,
L’argent des montagnes et l’or des plaines,
Les mortels entre plaisirs et peines.
Je me souviens de la douceur et du charme féminins,
J’ai regardé vivre les femmes avec des yeux humains,
Et je me demande si ce n’est pas d’abord l’homme
Qui, emporté par son désir, a croqué la pomme,
Et accusé la femme de lui avoir forcé la main.
Enfin quel que soit le coupable, j’ai racheté leurs fautes,
Mais ils continuent et pour pécher aucun n’hésite,
Je ne peux pas descendre à chaque fois qu’ils fautent,
Ne devrais-je pas, mon Père, rester en transit ?
Paul Obraska
C'est le tableau de Dali que je préfère. Lors de la première parution de ce poème en 2008, Souliko, blogueuse et peintre, avait fait ce commentaire : "Ce tableau de Dali est une vraie merveille : dans sa construction (la perspective aérienne est extraordinaire), les couleurs, la technique, le clair-obscur, la paix qui s'en dégage malgré la croix...difficile d'exprimer son ressenti. Reste l'émotion...Dali aurait peint ce tableau d'après un dessin effectué par St Jean de la Croix." Je ne saurais mieux dire.
J'ajoute que Jésus de Nazareth monte au ciel, non pas ressuscité, mais toujours cloué sur sa croix comme pour montrer à son Père le sacrifice qu'il a du subir, et en quelque sorte lui reprocher de l'avoir abandonné. Reprocher à Dieu cet abandon est d'ailleurs assez paradoxal puisque le Christ serait Dieu, à moins qu'il ne se fasse des reproches à lui-même, ce qui n'est pas exclu.
Enfin, montrer en même temps la Crucifixion et l'Ascension efface le mystère de ces quarante jours d'errance sur terre entre la résurrection et l'ascension.
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Par Dr WO le 30 Juin 2015 à 10:17
L'ananas et sa houppe florale,
Sa peau de crocodile végétal
Aux écailles jaunes noyées de vert,
Protégeant son cœur solaire
Cerise, bille de pourpre noir
Pendue en battant solitaire,
Ou en famille sous leur toit vert.
Goutte lourde de la poire
Chargée de chair fondante.
Craquement de la pomme croquante
Lorsqu'on y plante les dents.
Orange comme un soleil couchant
Avec ses croissants de lune dedans.
Sage mandarine sucrée
Aux quartiers bien rangés.
Pêche à la peau de douceur
Que du doigt on caresse
Avant d'en boire le cœur
Débordant de tendresse.
Figue violine, bourse pendante
Gonflée de marmelade amarante.
Kiwi, chair verte si onctueuse
Dans son enveloppe terreuse.
Généreuse pastèque d'eau gorgée
Pour la soif des pays asséchés,
Et melon comme un astre lourd.
Fraise aux grains de beauté,
Cœur rose, de rouge cerclé.
Framboise à la peau de velours,
Délicieux rubis qu'on déguste.
Raisins blancs ou noirs agrippés
Aux branches de leur petit arbuste
Dans un rêve mort de vin bachique.
Blonde banane phallique
S'offrant toute entière,
Une fois la peau écartelée.
Mûre, framboise noire des roncières,
Myrtille, petite nuit bleutée,
Groseille, perle acidulée.
Et toi, modeste abricot
Déjà confiture autour du noyau
Je vous aime.
Paul Obraska
Le Caravage : "Garçon à la corbeille de fruits"
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Par Dr WO le 9 Juin 2015 à 10:05
Dis, comment fait-on des bébés ?
De qui est l'enfant né ?
Souvent de deux corps
De sexes opposés qui se sont aimés
Ou d'un père à la semence froide déjà mort
Ou d'un vivant inconnu à la semence donnée
Ou d'un père absent qui s'est enfui en semant
Ou d'une mère qui veut rester ignorée
En laissant à d'autres son enfant
Ou du corps prêté d'une mère
A un couple de pères
Ou de parents
Où est né l'enfant ?
Sur la paillasse d'un laboratoire austère
Dans une femme qui le voulait pour soi
Dans une matrice saine louée pour neuf mois
Ou dans une matrice retraitée de grand-mère
Tu vois,
Faire un bébé n’est pas un mystère
Chagall : « Naissance » (à la mode très ancienne)
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Par Dr WO le 26 Avril 2015 à 15:58
LE RETOUR DE LA NUIT
Branlant sur leurs membres décharnés
Les morts étonnés revinrent à la vie
Sortis du monde de l’obscurité
Leurs yeux de taupe furent éblouis
Par les lumières qu’ils avaient oubliées
Alors ils fermèrent les yeux
Il n’y avait pas de mots pour traduire leur nuit
Et ils restèrent silencieux
Et quand les mots venaient à leur esprit
Ils mourraient sur leurs langues figées
Ils couvraient l’encre bleue de leur bras
Comme s’ils avaient honte d’avoir été torturés
Ils craignaient que les autres ne les croient pas
Ils restèrent longtemps silencieux
Puis ceux qui trouvèrent les mots pour le dire
Témoignèrent pour les taiseux
Pour ceux qui enterraient leurs souvenirs
Et les revivaient dans l’insomnie
Et d’autres se suicidèrent
Après leur retour à la vie
Brûlant le lambeau de lumière
Qu’ils avaient arraché à la nuit
Paul Obraska
George Grosz « Heureux d’être de retour » 1943
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Par Dr WO le 6 Avril 2015 à 07:52
Monet : cathédrale de Rouen
LE PRISONNIER DES CATHEDRALES
Dans le désert
Il ne pensait pas aux cathédrales
A ces vaisseaux lancés à la verticale
A la fraîcheur de leurs pierres
Au silence murmuré des prières
Au soleil sur les vitraux plombés
Dans la pénombre de morgue
Aux statues blafardes éplorées
Racontant des légendes du passé
Sous le souffle grave des orgues
Dans les cathédrales
Il avait la nostalgie du désert
De l'immensité jonchée de pierres
De l'horizon horizontal
Se glissant entre ciel et terre
De la rosace du soleil blond
De la chaleur pure de l'air
Sous une voûte bleue de plomb
Dans le vent aigu du désert
Chagall : vitrail de la cathédrale de Reims
Loin des dentelles de pierre
Loin des idoles des chapelles
Il était né dans le désert
Où la terre est si proche du ciel
Où l'homme est si solitaire
Et se sent si mortel
Paul Obraska15 commentaires
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Par Dr WO le 6 Janvier 2015 à 10:07
EN ECOUTANT CHOPIN
Mais qu’a-t-il ce piano
A égrainer ses notes comme coulent les larmes
Une à une puis pressées comme monte l’onde
Et pourquoi cette rage qui enfle et gronde
Pour finir comme on rend les armes
Quand la colère s’effiloche
Laissant quelques fils trainer où s’accrochent
Les notes cristallines en rangs amers
Qu’a-t-il ce piano à s’excuser pour cette rage passagère
En reprenant sa douceur mélancolique
Par une caresse rapide et pudique
Nous effleurant
Nous enveloppant
Dans un voile de notes tressées
Puis ce silence pour nous abandonner
Paul Obraska
Soulages
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