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Par Dr WO le 24 Février 2011 à 10:05
C’est un coquillage aux murs nacrés
Spirale de douces courbes érotiques
Comme un pas de vis pour entrer
Dans les profondeurs prolifiques
C’est un coquillage couleur chair
Serti dans un fourreau de dentelle
Pour séduire les futurs locataires
La coquille exposée se fait belle
Et les hommes de passage
Sont invités à monter l’escalier
A ouvrir les valves du coquillage
Mais ils ne doivent pas s’attarder
Pour laisser à d’autres arrivages
Le plaisir bref de le consommer
Paul Obraska
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Par Dr WO le 6 Février 2011 à 10:36
L’homme ouvrit la fenêtre
Et regarda le matin naître
Etirer ses bras au loin
Ce séducteur de matin
Tenait la terre embrassée
Enfin sa moitié
L’homme en fit autant
Et gloussa doucement
Il était heureusement surpris
D’être encore en vie
La nuit était passée
Et la nuit tout peut arriver
Il s’était encore une fois
Sorti de ce mauvais pas
Ils disent que la nuit c’est du repos
C’est faux
Il se passe des tas de choses la nuit
On est poursuivi
On tombe dans une chute sans fin
On cherche des choses en vain
Les morts surgissent du temps
Ils ne sont jamais contents
Ils viennent vous faire des reproches
Surtout les défunts proches
C’est pire quant le jour est dans la nuit
C’est bien pire l’insomnie
On ne peut pas se réveiller
Soulagé d’avoir rêvé
Et la douleur se retourne dans le lit
Fâchée de ne pas être endormie
Il y a tout de même de bonnes choses dans la nuit
La mort peut arriver sans crier gare
On peut mourir sans le savoir
Sans attendre la peur au ventre
Que la mort frappe et entre
En déchirant le corps à sa façon
La nuit on meurt par distraction
En pensant à autre chose
C’est une bonne chose
Alors l’homme regarde le matin se lever
Un matin de plus c’est toujours ça de gagné
Il se dit qu’il faut en profiter
Ce sera peut-être le dernier
Et il va déjeuner
En murmurant ces deux vers
De Prévert :
« Et j’égorge en plein soleil
Les plus beaux rêves de mes nuits »
Paul Obraska
Illustration : Camille Pissaro « Soleil levant à Eragny »
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Par Dr WO le 24 Décembre 2010 à 09:26
SQUATTERS
Si ce n’est pas malheureux de voir ça !
Ce n’est pas chrétien d’en arriver là !
Ce sont des braves gens bien éduqués
Pas des immigrés
L’homme a du travail
La femme n’a jamais fauté
Ils sont pourtant sur la paille
C’est dans une étable qu’elle a du accoucher
Entre un âne et un bœuf
D’un enfant beau comme un dieu
Blotti dans une crèche, c’est scandaleux !
Les associations se sont mobilisées
Les autorités ont été alertées
C’est une étoile jaune qui les a guidées
Des messieurs ont fini par venir à leur secours
Avec un psychologue dans une cellule
Dans l’étable ils sont restés incrédules
Alors il y a eu de beaux discours
Ils se sont pris pour des rois mages
Ils ont fait semblant d’adorer le nouveau-né
Pour donner d’eux une belle image
Heureusement qu’il y avait les bergers
Pour donner à la famille de quoi manger
Pour finir, pérorant dans l’étable, les autorités
Devant l’homme, la femme et le nouveau-né
Devant le bœuf, l’âne, les bergers et leurs agneaux
Sont montés sur leurs grands chevaux
Et ont dit avant de partir : « plus jamais ça ! »
J’espère que Dieu les entendra
Paul Obraska
Illustration : Barocci Federico « Nativité » 1597
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Par Dr WO le 7 Octobre 2010 à 18:03
Kandinsky : "Cimetière arabe"
Où vont-ils tous ces morts depuis la nuit des temps ?
Ils sont innombrables et les cimetières si petits
Sont-ils la terre que piétinent les vivants ?
Peut-être lassés d’être piétinés sortent-ils la nuit
Hors de leurs boîtes de bois verni les squelettes
Iraient se promener dans un bruit de cliquetis
Les momies dérouleraient leurs bandelettes
Et sortiraient du sarcophage sans leur habit
Les pharaons quitteraient le noir des pyramides
Pour jouer sous la lune avec le sable du désert
Et ceux qui n’ont pas eu de sépulture solide
Émergeraient comme des racines de la terre
Où vont-ils tous ces morts depuis la nuit des temps ?
Les cimetières sont si petits mais le ciel est si grand
Peut-être errent-ils dans le firmament
En soufflant sur la queue des comètes
Pour en faire de la poussière d’argent
Les morts emporteraient leurs squelettes
Pour fabriquer avec des météorites filants
Aux cieux les morts feraient ainsi la fête
Et laisseraient la terre aux vivants
Alors les vivants ne devraient pas encombrer les nues
S’ils veulent que les morts ne leur tombent pas dessus
Paul Obraska
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Par Dr WO le 28 Avril 2010 à 18:45
LES CONFESSIONS DE SATAN (Une brève histoire du XXème siècle) Bosch : "L'Enfer"
I
Dans le XXe siècle, J’ai beaucoup investi
Et Me voilà diablement content.
On recherche des Justes pour le Paradis,
Et ici, Je ne sais que faire des Méchants.
II
L’Europe M’a offert dès le début
Ses peuples sombrant dans la guerre,
Dans un grand massacre inattendu
Pour de misérables talus de terre.
Les soldats creusaient leurs tombes,
En sortaient tels des spectres pour mourir,
Les membres amputés par les bombes.
On fête en Novembre leur souvenir.
III
J’ai eu le Géorgien destiné à la prêtrise,
Quittant heureusement le séminaire,
Pour torturer ses amis accusés de traîtrise
Et emplir par millions les cimetières.
Mais ses nombreux peuples opprimés
L’appelait avec amour : « Petit Père »
Je ne peux qu’admirer cet être aimé
Pour avoir tiré un rideau de fer
IV
Mon préféré était le fol Autrichien,
Quatrième enfant de parents issus
De cousins germains. Par Mes soins,
Ce fut le premier qui survécut.
Ah ! L’Autrichien n’a pas été ingrat.
Il s’est de suite attaqué au peuple élu,
Celui-là même qui au monde révéla
Mon Concurrent et le Paradis perdu.
Massacre grandiose parce qu’inutile.
Dans le monde, il souffla la tempête,
Dans l’ignoble, l’Autrichien était habile
Pour transformer les hommes en bêtes.
Il déclencha une guerre mondiale,
Terminée en apothéose au Japon.
A côté du beau feu d’artifice final,
L’Enfer lui-même paraissait pâlichon.
V
Deux Asiatiques m’ont fait bien rire !
Le Chinois qui débordait d’imagination
Pour baptiser avec délicatesse le pire,
En jouant avec les morts par millions.
Les Cent Fleurs bien arrosées de sang,
Le Grand Bond en Avant : une culbute
Qui laissa son pays affamé et pantelant,
Et la Révolution Culturelle des incultes.
Il se piquait de danse et de poétique,
Mort, on ne semble pas lui en vouloir
Son portrait reste sur les places publiques
Comme un fantôme gardant son pouvoir.
VI
Le Cambodgien était un triste comique :
Il voulait bâtir les villes à la campagne,
Et sans diplôme, il trouva plus pratique
De tuer ou mettre les diplômés au bagne.
Si le Cambodgien était plus primaire,
Sa folie efficace a mis sans remords
Un bon tiers de son peuple au cimetière,
Pour finir en paix en escamotant sa mort.
Il a été aussi élève d’une école catholique,
Et je remercie en passant les bons pères,
Les Evangiles révélées aux diaboliques
Ont envoyé nombre de clients en Enfer.
VII
Le quatuor du XXe siècle reste inégalé,
Leur requiem flotte encore sur le monde,
Ses membres ont leurs amateurs fascinés
Qui viennent encore fleurir leurs tombes.
D’autres à l’écoute sont leurs apprentis,
Je ne compte plus les sombres dictateurs,
Gras vampires saignant à blanc leur pays,
Sous tous les cieux, des pôles à l’équateur.
VIII
Les meutes se sont passées de meneurs,
A l’occasion elles ont tué leurs voisins,
Charcutant la chair comme des amateurs.
La perversité des hommes parait sans fin,
La cruauté a des ressources prolifiques :
Attentats, guerres, famine, machettes,
Et frappes chirurgicales hémorragiques.
Le Mal et l’Enfer a toujours été à la fête !
IX
La Science a offert aux hommes des jouets
Qui leur permet de contempler les agonies.
Je me réjouis des avantages du Progrès
Qui rend plus efficaces ceux pris de folie,
Et on tue au Nom de Mon Concurrent.
Je me régale du massacre des innocents,
Le XXe siècle était une bonne cuvée,
Mais le siècle présent a bien commencé !
Paul Obraska
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Par Dr WO le 27 Mars 2010 à 09:47
Dédié à Mr Antoine Zacharias
VORACEJ'accumule...J'accumule...J'accumule...
Même quand je dors, pendant mon absence
J'accumule de l'argent à ne savoir qu'en faire
Il arrive dans mes poches sous toutes ses formes
Actions, bénéfices, jetons de présence
Indemnités, primes, salaires
Ma fortune est énorme
Je n'ai jamais assez de sous
Je tire de l'argent de partout
Même si je ne sais qu'en faire
Mes autos, je ne m'en sers guère
J'ai bien sûr une voiture de fonction
Je possède appartements et maisons
Mais je ne m'y rends que pour recevoir
Ceux dont je cherche à tirer de l'argent
Du matin jusqu'au soir
Je consacre tout mon temps
A grossir mes avoirs dont je n'ai nul besoin
J'ai un pied dans la tombe mais j'accumule toujours
La Faucheuse n'est pas à vendre et je serai fauché un jour
Je regrette les temps anciens
Où les morts emportaient leur trésor dans leur tombe
Je n'aurai sur moi qu'un costume moche
Et pas un sous en poche
C'est le comble
Je laisserai aux autres mon énorme pécule
Ils attendent de me mettre dans la tombe
J'accumule...J'accumule...j'accumule...
Paul Obraska22 commentaires
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Par Dr WO le 28 Février 2010 à 09:37
William Turner : "Le Mew Stone à l'entrée de Plymouth"
VENTSLes vents écartelés, voyageurs invisibles
Entre levant et ponant ou septentrion et midi
Promènent sur la Terre leur force invincible
De dépression en dépression jusqu’à la folie
Ils rendent ridicules même les plus beaux
Décoiffent les dames et soulèvent leurs atours
Courbent les hommes et volent leur chapeau
Sous leurs risées, ils jouent de mauvais tours
Papiers et feuilles valsent en mesure
Les ballons abandonnés roulent sans arrêt
Les perruques dévoilent les tonsures
Battent les portes, claquent les volets
Ils fouettent sans égard les drapeaux déchirés
Les bâches arrachées ondulent comme des oiseaux
Nappes retournées, chaises renversées
Craquent les voiles, emportent les bateaux
Le grondement des vents grossit dans les bois
Les arbres gémissent, les racines cramponnées
Les ramures en folie se révulsent aux abois
Dans un barrit ligneux, ils sont déracinés
Les vents irascibles secouent la mer
Blanchissent ses crêtes hérissées
Les vagues affolées se ruent sur la terre
Et vomissent sur le sol leurs hoquets salés
Une brise persiste sur les lieux brisés
Un zéphyr doucereux caresse les visages
Une main légère pour se faire pardonner
D’avoir, en colère, commis tant de ravages
La mer exténuée clapote sur les rivages
Frangée de détritus, d’algues et d’épaves
Lutteuse marquée par un combat sauvage
Elle laisse stagner de sa bouche la bave
Paul Obraska
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Par Dr WO le 5 Février 2010 à 09:44
INCENDIELà-bas l’incendie déverse sa lumière
Glisse en cernant d’un fard doré
L’œil blanc incandescent sans paupière
Le feu étale un fond de teint orangé
Sur les ombres noires des toits
Alignées au bord du doigt de mer
Là-haut le ciel a sauvé son bleu roi
Balafré de deux traits de lumière
Que deux avions de proie ont laissés
Fuyant l’incendie un couple de bateaux
Filent sur la surface argentée
En creusant deux rides sur l’eau
Paul Obraska
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Par Dr WO le 14 Janvier 2010 à 18:50
Karl Brulloff « Le dernier jour de Pompéi »CATACLYSME
Les hommes fats installés sur la braise
Regardent, satisfaits, leur unique nombril
Et dressent sur la croûte d’une fournaise
Les monuments orgueilleux de leur ville.
Les puissants vaniteux font trembler les gueux
Et tous sont balayés lorsque la terre frissonne,
Lorsqu’elle éructe et vomit ses entrailles en feu
En couvrant de ses cendres jardins et colonnes.
La mer bascule comme une coupe renversée,
Déverse dans l’écarlate sa marée monstrueuse
En noyant dans ses flots ce qui n’a pas brûlé.
La terreur des hommes devant la terre furieuse
Est celle des enfants assaillis de cauchemars
Qu’une mère insensible abandonne dans le noir.
Paul Obraska
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Par Dr WO le 26 Août 2009 à 16:04
Salvador Dali : « Le sacrement du dernier repas »LA CENE
Je sais de quoi je cause
J’ai assisté à la Cène
Tout le monde était morose
L’ambiance était malsaine
Sans Passion
D’ailleurs je n’ai rien mangé
J’aurai préféré mourir d’inanition
Ce fut un sacré dîner
Pour commencer Il a dit :
« Voici ce que sera l’Eucharistie :
Mon corps est dans ce pain
Mon sang est dans ce vin »
Le silence est tombé sur la salle
J’ai eu l’appétit coupé
On n’est pas des cannibales !
Alors j’ai préféré jeûner
Personne n’avait envie de se mettre à table
Sauf Judas
Judas semblait le plus aimable
Et Lui souriait pendant le repas
On a rompu le pain, regretté le vin
Rouge comme du sang dans un carafon
Sans toucher à rien
Pourtant le pain paraissait bon
Nous le savions
Qu’Il était bon comme du bon pain
Il a même voulu nous laver les pieds
Pourtant nos vilains pieds salis
N’étaient pas en odeur de sainteté
Pas de quoi ouvrir l’appétit
Il y avait sur le napperon une tache de vin
Comme celles qu’on voit sur les peaux de lait
Le vin gouttait du carafon trop plein
Car personne n’en buvait
Nous, on ne voulait pas verser du sang
Nous, on tendait l’autre joue aux mécréants
Je n’ai su qu’après, bien après
Que du sang serait versé en notre nom
Oh ! Pas quelques gouttes sur un napperon
Oh ! Pas des carafons
Des tonneaux pleins
Pleins de sang à la place du vin
Paul Obraska
19 commentaires
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