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Par Dr WO le 14 Mars 2013 à 14:46
IL A FALLU
Qu’il a fallu de miracles, qu’il a fallu de hasards
Pour que ces deux êtres se soient rencontrés
Qu’ils soient réunis, ici, dans un même regard
Qu’ils se touchent et échangent leurs baisers
Il a fallu être tirés à la loterie cellulaire
Il a fallu être nés dans le même temps
Rejetons de générations millénaires
Migrantes depuis la nuit des temps
Leurs ancêtres ont traversé pays et continents
Echappés aux massacres et aux destructions
Ils ont pu laisser une chaîne de descendants
Pour que s’attachent enfin ces deux maillons
Il a fallu que les deux puissent surmonter
Les dangers, les maladies, les accidents
Rester toujours en vie pour se rencontrer
Il a fallu de la chance pour rester vivant
Parmi la multitude sur la Terre immense
Il a fallu se croiser sous les mêmes cieux
L’un aurait pu être retardé, l’autre en avance
Ils furent là au même moment, en un même lieu
Il a fallu se voir
Il a fallu se plaire
Il a fallu oser
Il a fallu s’aimer
C’est improbable
C’est impossible
Cette idylle ne l’ont-ils pas rêvée ?
Paul Obraska
Chagall : « Amants en bleu »
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Par Dr WO le 6 Décembre 2012 à 11:16
LA COMPLAINTE DE LA PENICHE
Près de moi un bateau vient de passer
Enfilant les ombres humides des ponts
Chargé jusqu’à la gueule d’une foule ensoleillée
Les têtes tournantes à l’unisson
Ma carcasse balance à son passage
Mes chaînes cliquettent attachées au quai
Je roule mais je reste à terre, bien sage
C’est pourtant pour naviguer que j’étais fait
On m’a garni de fanfreluches et de pots de fleurs
Je porte sur mon dos tables et chaises
Aucun marin à la barre, seulement des serveurs
Et des voyageurs factices racontant des fadaises
J’ai des fourmis dans ma quille engourdie
Ma proue oscille tourmentée par des impatiences
Ma coque se ronge de rester à l’écurie
Je rêve de naviguer, je rêve de partances
Ah ! Me détacher de ce quai où je suis prisonnier
Partir sur le fleuve, longer l’histoire pétrifiée de Paris
Aller plus loin, vers Rouen où fourmillent les clochers
Au Havre ! Où je me frotterai aux gros navires surpris
Sentir l’eau clapoter et caresser mes flancs
Voir la Lune dans le fleuve naviguer devant moi
Voir défiler les berges, aller la proue au vent
Avoir des marins pour amis, un capitaine pour roi
Et pourquoi pas la mer ? Pourquoi pas l’océan ?
Plus de berges, plus de limites, que le ciel et l’eau
Les vagues joueraient de moi comme d’un enfant
Et me briseraient enfin en mille morceaux
Paul Obraska
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Par Dr WO le 2 Novembre 2012 à 08:29
C’est un joli cimetière
Où les tombes bien en rangs
Comme s’alignent les enfants
Dans la cour de l’école primaire
Guettant le signal pour s’éparpiller
A tous vents en criant leur liberté
Et les morts attendent sagement
Qu’on vienne un jour les délivrer
Immobiles sans trop s’impatienter
L’endroit est joli et ils ont le temps
Ses portes comme des bras écartés
Ouverts sur le monde des vivants
Invitent les nouveaux morts à entrer
A se coucher sans faire de manière
Les anciens pousseront leur pierre
Pour faire une place au nouvel arrivé
Les vivants entrent toujours gênés
Ils marchent lentement en silence
Avec respect pour ne pas les réveiller
Mais ne montrent aucune impatience
Dans ce joli cimetière pour y rester
Paul Obraska
Marc Chagall « Les portes du cimetière » 1917
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Par Dr WO le 25 Septembre 2012 à 17:50
Manet : « La mort du toréador »
LE DORMEUR DE L’ARENE
C’est une arène ocre bordée d’étables.
La clameur lentement s’est retirée,
Comme meurt une vague sur le sable.
La foule regarde en silence, fascinée.
Le matador allongé sur son échine,
Tranquille, la tête tournée de côté,
Une main repose à plat sur sa poitrine,
Celle qui tenait son épée abandonnée.
Il paraît endormi, il a terminé son rôle,
La cape au sol comme un drapeau vaincu,
Une flaque de sang près de son épaule,
Du sang que l’ocre de l’arène a déjà bu.
Sable sanglant : du jaune et du vermeil,
Couleurs hispaniques tendues au soleil.
Paul Obraska
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Par Dr WO le 16 Mai 2012 à 16:30
Un homme disait n’importe quoi
Il disait qu’il était heureux
Sans la moindre preuve
Ça va de soi
Dire que l’on est heureux !
Pas étonnant que les gens s’en émeuvent
L’être peut-être mais le dire !
Et à des gens qui ne le sont pas
Ou qui ne parlent que du pire
Ou sont peut-être heureux
Mais ne le savent pas
Ou le cachent bien
Pour ne pas provoquer le destin
Montrer que l’on est heureux
Ce n’est pas malin
C’est de la méchanceté
Ça rend les autres un peu malheureux
Alors les gens attendent d’être vengés
Oh ! Sans se l’avouer
Ils ne sont pas envieux
Qu’allez-vous penser !
Ils guettent seulement l’homme heureux
Ses yeux rieurs et son sourire
En espérant le voir s’évanouir
Ils guettent l’ombre d’une peur
Ils guettent un petit soupir
Ils guettent un petit malheur
Parce que le malheur ça arrive tout le temps
Alors ils attendent le moment
Patiemment
De le plaindre de tout leur cœur
En écrasant une larme en soupirant
De bonheur
Paul Obraska
Antonello de Messine : « L’homme qui rit »
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Par Dr WO le 1 Janvier 2012 à 09:51
Ce matin, le ciel de Paris est gris. Les trottoirs et les chaussées sont noirs, repeints par la pluie. La ville est ensommeillée. Peu de monde dans les rues. L’année s’installe en période digestive. Aux courageux qui passeront par là, je souhaite mes meilleurs vœux pour 2012 et au-delà.
Le premier jour de l’année nouvelle
l’homme âgé se regarde dans le miroir
Qu’espère-t-il y voir ?
Objet glacial impudique et rebelle
le miroir efface l’illusoire
Encore une année de gagnée
se dit l’homme pour se consoler
Encore une année de perdue
se dit l’homme amer
Gagnée ou perdue ?
La vie est un jeu à qui gagne perd
Et le temps s’écoule
sur les montres molles de Dali
et l’on se noie dans sa houle
et l’homme se dit
pourquoi lutter à contre-courant ?
de toute façon on coule
emporté par le temps
Alors l’homme tire la langue au miroir
Qu’importe ce qu’il avait été
Il chasse son fantôme de la mémoire
et sans hésiter
prend son rasoir
sourit à ses restes
et commence à se raser
en savourant les petits gestes
les petits gestes coutumiers
les petits gestes modestes
de la vie
Paul Obraska
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Par Dr WO le 24 Septembre 2011 à 10:43
Nous sommes à l’image du Très-Haut
Et vice versa.
Alors comme nous, le Très-Haut se sent parfois morose,
Lui, en regardant en bas,
Nous, en regardant en haut.
Un jour, le Très-haut en pensant à autre chose,
(Il a tellement de choses à penser)
Mit Son Auguste Doigt dans le ciel d’un bleu profond,
L’agita distraitement comme on remue son café
Et fut surpris de créer un céleste tourbillon
De grosses volutes d’azur attristé.
En voyant ce qu’Il avait créé contre Sa Volonté,
Il voulut compléter le tableau
Et demanda à un peintre un peu fou
De mettre une église dessous.
Le peintre qui ne vendait aucun tableau,
Accepta par désespoir cette proposition,
Mais ne se faisait aucune illusion,
Le Très-Haut ne s’abaisserait pas à payer son tableau.
En plus, Il voulait quelque chose de grand et de beau :
Une basilique ou une cathédrale,
Et le peintre qui n’en faisait qu’à sa folle tête,
Fit une église de guingois, toute bancale,
Avec une modeste paysanne à cornette.
Bien sûr, le Très-Haut n’était pas contre la modestie.
Un instant décontenancé par le peintre un peu fou,
Dans Sa Grande Bonté impitoyable, Il ne l’a pas puni.
Il lui avait déjà tiré l’oreille dans un accès de courroux
Et le Tout-Puissant ne connaissant pas Sa Puissance,
Le pavillon de l’oreille était resté dans Sa Divine Main,
Avant d’échouer dans celle profane d’une prostituée.
Il y a vraiment des gens qui n’ont pas de chance,
Même quand on est un peintre divin.
Alors le Très-Haut, dans Sa Grande Bonté
Permit au peintre un peu fou de se suicider
Devant une toile inachevée
Dans un beau champ de blé.
Paul Obraska
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Par Dr WO le 14 Août 2011 à 11:46
Pour faire un tableau de la vierge et l’enfant
Il est simple de prendre une belle jeune femme
Même si elle n’est pas vierge depuis longtemps
L’important est que son visage exprime son âme
Le plus difficile à trouver est le modèle de l’enfant
Il doit être sérieux, laid et un peu hydrocéphale
Avec le visage pénétré d’un adulte pensant
Et s’il est circoncis ce n’est pas plus mal
Vous voyez qu’un tableau de la vierge et l’enfant
N’est pas si simple à faire même avec du talent
Comment trouver un petit enfant qui convienne ?
Les bambins ne sont guère tristes et sont plutôt beaux
Les hydrocéphales sont soignés dans les hôpitaux
Hélas ! On ne peut plus peindre à l’ancienne
Paul Obraska
Albrecht Dürer
11 commentaires -
Par Dr WO le 14 Juin 2011 à 10:51
LA MAUVAISE EDUCATION
C’est un spectacle muet où les étoiles crépitent
Et le Cosmos explose dans un silence abyssal.
Les éclats incandescents roulent comme des pépites
Dans la noirceur du vide glacial.
Des confins de l’Univers sans frontières,
Dans la sidérante immensité sidérale,
Voyagent leurs éternelles lumières.
Et Dieu dans tout ça ?
Et le royaume des cieux ?
Ils sont quelque part. La place ne manque pas.
L’Homme est à l’image de Dieu,
Dieu est blanc
Dieu est jaune
Dieu est noir
Mais Il n’est pas Femme
Et Il est barbu.
Aux Cieux, les anges et les vierges sont séparés.
Le sexe des anges est incertain et la prudence s’impose.
La volière des vierges s’épuise et doit être préservée,
Aux suicidés assassins de les consommer.
Dans l’ennui éternel, le sexe rend moins morose.
Dans l’infini de l’Univers,
Parmi les myriades de galaxies,
Dieu ne s’intéresse qu’à la Terre.
Il écoute chacune des innombrables prières
Et les appels gratuits qui montent vers lui,
Il envoie des livres, Il envoie des anges,
Il a même envoyé Son Fils sur la Terre.
Les Hommes moins gâtés que pourris,
L’ont renvoyé, mal en point, en échange.
Mauvaise éducation.
Bien que le sacrifice du Fils fût dans Ses intentions,
Pour les punir, le Père laisse faire le Malin,
Et S’en lave les mains.
Paul Obraska
Illustration. Van Gogh : « La nuit étoilée, Saint-Rémy »
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Par Dr WO le 16 Mai 2011 à 09:29
LE GENERAL QUI PERDIT LA TÊTE
Charmante Judith à la peau si blanche
Au visage si lisse bien qu’un peu dégoûté
Est-ce bien raisonnable de couper une tranche
D’un Holopherne séduit par votre beauté
Charmante Judith si innocente
Décapiter un homme même infâme
N’est guère un travail de femme
Les giclées de sang sont si salissantes
Charmante Judith si virginale
Que de force vous avez déployée
Pour détacher la tête du général
Qui même enivré semble hurler
Charmante Judith si volontaire
Le plus difficile reste à faire
Les vertèbres sont à peine entamées
Et la vieille attend tendant son tablier
Paul Obraska
Le Caravage « Judith décapitant Holopherne »
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