• Salvador Dali : « Le sacrement du dernier repas »

     

    LA CENE

     

    Je sais de quoi je cause

    J’ai assisté à la Cène

    Tout le monde était morose

    L’ambiance était malsaine

    Sans Passion

    D’ailleurs je n’ai rien mangé

    J’aurai préféré mourir d’inanition

    Ce fut un sacré dîner

     

    Pour commencer Il a dit :

    « Voici ce que sera l’Eucharistie :

    Mon corps est dans ce pain

    Mon sang est dans ce vin »

     

    Le silence est tombé sur la salle

    J’ai eu l’appétit coupé

    On n’est pas des cannibales !

    Alors j’ai préféré jeûner

     

    Personne n’avait envie de se mettre à table

    Sauf Judas

    Judas semblait le plus aimable

    Et Lui souriait pendant le repas

     

    On a rompu le pain, regretté le vin

    Rouge comme du sang dans un carafon

    Sans toucher à rien

    Pourtant le pain paraissait bon

    Nous le savions

    Qu’Il était bon comme du bon pain

    Il a même voulu nous laver les pieds

    Pourtant nos vilains pieds salis

    N’étaient pas en odeur de sainteté

    Pas de quoi ouvrir l’appétit

     

    Il y avait sur le napperon une tache de vin

    Comme celles qu’on voit sur les peaux de lait

    Le vin gouttait du carafon trop plein

    Car personne n’en buvait

    Nous, on ne voulait pas verser du sang

    Nous, on tendait l’autre joue aux mécréants

    Je n’ai su qu’après, bien après

    Que du sang serait versé en notre nom

    Oh ! Pas quelques gouttes sur un napperon

    Oh ! Pas des carafons

    Des tonneaux pleins

    Pleins de sang à la place du vin

     

     

    Paul Obraska


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  •  

    LA HACHE ET LE FEU


    Gustav Klimt : "Bouleaux"


    LA HACHE ET LE FEU

     

    Et les arbres se mirent à marcher

    Avec leurs grosses pattes d’éléphant

    Leurs bras noueux emmêlés

    Leur chevelure verte au vent

    Muraille de troncs mouvants

    Vêtus d’une écorce craquelée

     Pachydermes au cuir ligneux

    Ne craignant ni la hache ni le feu

     

    Ils cherchaient leurs racines perdues

    Dans les prés et les champs

    Autrefois forêts à perte de vue

    Les hommes sur leurs pattes d’oiseau

    Les avaient chassés de chez eux

    Par la hache et le feu

     

    Ils sautaient haies et ruisseaux

    Avec leurs grosses pattes d’éléphant

    Rien n’arrêtait leur marche folle

    Hêtres, chênes et bouleaux

    Faisaient trembler le sol

    Avec d’horribles craquements

    Dans les prés et les champs

    Et les hommes aux abois

    Sur leurs pattes d’oiseau

    S’enfuirent devant la horde de bois

    Emportant avec eux

    La hache et le feu

     

    Mais en retournant la terre

    Pour rechercher leurs racines

    Les arbres déçus ne trouvèrent

    Dans les plaines et les collines

    Dans les entrailles de la terre

    Que des racines d’homme

    Des morceaux de soldats

    Abattus au combat

    Sur les champs de bataille

    Par la hache et le feu

    Paul Obraska






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  • Kandinsky "Bleu ciel"


    PETIT CONTE

     

    Par la cheminée il entendait des rires

    Un rire de gorge d'enfant aux éclats cristallins

    La cascade claire du rire de la mère

    Le rire retenu du père attendri

    Et par la cheminée de la chaumière

    Une fumée de joie montait jusqu'à lui

    La hotte vide à ses pieds

    Il écoutait en souriant assis sur le toit

    Pendant que les rennes éparpillés

    Broutaient la neige des nuages froids


    Paul Obraska


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  • William Turner "Pêcheurs à la mer"


    LES FORMES DE L’EAU

     

    Tu n’es pas incolore : tu reflètes le ciel

    Tu n’es pas inodore : tu sens les algues marines

    Tu n’es pas insipide : tu es le sel

    Je ne t’ai jamais quittée : tu es en moi

    Mer intérieure, mer clandestine

    Je suis fait de toi

     

    En sortant des ondes, je t’ai emportée

    Eau codée jetée sur la terre

    Poussé par le hasard et la nécessité

    Vers une aventure fabuleuse

    Je suis resté longtemps près de ton univers

    Près du sein de la mer accoucheuse

     

    Puis l’eau a marché sur la terre

    Elle a pris les formes les plus belles

    Ou les plus grotesques

    Le sculpteur délirant et cruel

    M’a attribué une forme simiesque

     

    Regarde ce que je suis devenu

    Je jette mes ordures dans tes flots

    Regarde cet inconnu

    Pirate gorgé de sang et d’eau

    Mais toujours assoiffé

    De la naissance au tombeau

    Jamais apaisé


    Paul Obraska


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  •  Egon Schiele "Arbres en automne"


    MEFIANCE

    Ne vous fiez pas à leurs troncs noircissant

    Les arbres font semblant de mourir

     

    Ne vous fiez pas à leurs feuilles de sang

    Si elles tombent dans la terre pour pourrir

    Elles remonteront dans la sève gluante

    Qui les fera renaître, lisses et luisantes

     

    Ne vous fiez pas à l’incendie de l’automne

    Les arbres reprennent ce qu’ils abandonnent

     

    Ne vous fiez pas à la beauté des ramures

    C’est le requiem d’une mort spectaculaire

    Avant résurrection et guérison des blessures

    Mais jouissez de la flamme du chant funéraire

     

    Ne vous fiez pas aux arbres pour toujours revenir

    Il arrivera dans un lointain avenir

    Où les feuilles tomberont pour la dernière fois

     

    Ne vous fiez pas à l’hypocrisie du printemps

    On n’échappe pas à la mort à chaque fois

    Si revivre c’est pour mourir, restons méfiants


    Paul Obraska


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  • Marc Chagall "Songe d'une nuit d'été"


    REINCARNATION

     

    Je ne suis que moi

    Je n’ai aucun souvenir de mes vies passées

    Et de mes innombrables trépas

    Baume bienfaisant de la mémoire effacée

     

    Avoir été l’arbre que le bûcheron abat

    La promesse avortée de l’œuf gobé

    L’insecte que l’enfant écrase sous ses pas

    L’animal traqué qui renonce, épuisé

     

    Dans ce monde de terreur incarnée

    Mieux vaut disparaître qu’une fois

    Et ne pas renaître en n’importe quoi

     

    Mais n’importe quoi ne sait pas qu’il va mourir

    Je n’en sais rien. Je n’en ai pas le souvenir

    Dommage

     

    Paul Obraska

     


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