• Gustav Klimt « Schubert au piano »

     

     SCHUBERT AU PIANO

     

    Les belles inaccessibles si proches de lui,

    Perdues dans leurs pensées,

    Suivent la partition à la lueur des bougies.

    Une autre regarde la danse des mains nues

    Sur les touches dociles du clavier

    Où les chants de l’impromptu

    Mêlent leurs cadences.

    Elles frémissent en écoutant les graves gronder,

    Alors que les notes hautes s’élèvent pudiques,

    Retenues par le poids des silences.

    Et la mélodie un instant suspendue

    Reprend mélancolique,

    Comme un amour perdu,

    Pour s’éteindre en douce nostalgie,

    Dans le regret des passions disparues,

    Quand le grondement au loin s’évanouit.

     

    Paul Obraska

     



    Gustave Klimt "Musique"


    LE CLUB DES CHANTS INACHEVES
     
    Il y a un club qui rassemble dans les cieux
    les musiciens morts avant de devenir vieux
    ceux qui disparaissent avant quarante ans
    et qui ont du génie ou beaucoup de talent
     
    Pergolese en est le benjamin
    Marie par son instinct de mère
    a un petit faible pour l'Italien
    Quand on joue son Stabat Mater
    elle l'écoute debout sous le charme
    sans pouvoir retenir ses larmes
     
    Quand Pergolese vint Purcell était déjà là
    en habit de cour après avoir quitté ses rois
    Entre composteurs lyriques ils se sont vite compris
    et les deux s'inclinèrent quand Mozart arriva
    Le grand Mozart déjà grand lorsqu'il était petit
    tiré d'une fosse commune après qu'on l'eùt trouvé
    là où les croquemorts sous la neige l'avaient égaré
     
    Schubert bohème et fidèle en amitié
    hésita à quitter le cimetière de Vienne
    où il était enterré près de son cher Beethoven
    Lui qui n'avait pu partager de grand amour
    lorsque le délicat Chopin arriva à son tour
    il lui fit raconter sa passion pour Maria
    dont la maternelle George Sand le consola
    Mendelssohn accepté au club peu avant
    en homme raffiné les écoutait poliment
     
    Le dernier arrivé parmi eux fut Bizet
    trois mois après la création de Carmen
    le temps que les critiques se déchaînent
    sur l'opéra qui allait triompher peu après
     
    Sur les portées des étoiles filantes
    les musiciens aux chants inachevés
    composent les musiques enivrantes
    qu'ils n'ont pas eu le temps de créer
     
    C'est pour ça que devant un ciel étoilé
    devant l'orange d'un coucher de soleil
    devant l'amour des amants
    dans le rire des enfants
    en tendant bien l'oreille
    on entend venues des nues
    des musiques inconnues

    Paul Obraska

     
         


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  • Des trous mystérieux dans la tête

    La trépanation est probablement la première «  vraie » opération pratiquée par Homo sapiens, Cro-Magnon, Neandertal ou leurs cousins, avec des outils en pierre, dont témoignent de nombreux crânes retrouvés partout, notamment en Alsace et sur les Causses. Le chirurgien français Just Lucas-Championnière a montré, au début du XXe siècle, que cela pouvait se faire en moins d’une heure soit en approfondissant tangentiellement le trou  soit en faisant des trous rapprochés avec un poinçon, le futur trépan, et en juxtaposant les perforations. Ces trépanations préhistoriques ne sont généralement pas en rapport avec un traumatisme. Alors pourquoi faire un trou dans la tête ? On évoque des rituels, des traitements magiques de la folie, mais évidemment on n’en sait rien.

     

    Un trou pour voir

    Au milieu du XVIIIe siècle, un ermite d’Aiguilles  consulte un oculiste marseillais réputé, Jacques Daviel. Il  est aveugle après avoir perdu  un œil à la suite d’une intervention par l’antique technique de l’abaissement du cristallin, l’autre étant toujours atteint par la cataracte. L’intervention est difficile : non seulement Daviel n’arrive pas à « abattre » le cristallin mais  celui-ci se fragmente en plusieurs morceaux. En désespoir de cause Daviel incise la cornée et enlève les débris. L’opéré voit «  Une intuition, une réminiscence, un geste audacieux ont sauvé la situation » (Y. Pouliquen, Un oculiste au siècle des lumières, éd Odile Jacob). Pas pour longtemps, car à la suite de complications, le patient  redevient définitivement aveugle. Mais l’expérience de l’ermite avait montré la voie. Daviel eût la vision de la vraie technique pour guérir la cataracte et mit patiemment au point l’opération, toujours pratiquée, qui allait permettre de préserver ou de rendre la vue à des millions d’êtres humains.



    Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora

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  •   

    Pétrifié


    Homme faisant le mort pour gagner sa vie


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  • « …un président hyperactif mais impuissant, pédalant vigoureusement sur une version politique du vélo d’appartement ». (Emmanuel Todd « Après la démocratie »)

    Mais à qui pense-t-il ? On se perd en conjectures.


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  • Un jour, un travailleur social déroba le Sens de la Vie. Il le cherchait depuis longtemps car les gens lui demandaient souvent de le montrer. Or il le trouva par hasard, caché entre les pages d’un livre de philosophie (les philosophes s’intéressent beaucoup au Sens de la Vie), qu’un très vieux monsieur, en descendant à la station Père-Lachaise, avait oublié sur une banquette lacérée de la rame de métro.

    Possédant enfin le Sens de la Vie, pour gagner du temps, il mourût.

    En tant que travailleur social il avait acquis le droit syndical d’aller au Paradis. Mais là, le Patron fit des difficultés : n’avait-il pas commis un larcin ? Alors on le fit attendre dans le Purgatoire, qui n’est qu’un long couloir avec des chaises pliantes, pendant que l’On se penchait sur son cas, comme dans toute administration.

    Mais le travailleur social avait emporté dans son sac à dos ce qu’il avait dérobé dans le métro et qu’on lui avait laissé par mégarde (comme quoi, quoi qu’on dise, personne n’est parfait) et pendant qu’il attendait, sur terre, la Vie n’avait plus de Sens. Si certains continuaient dans le bon Sens, à naître avant de mourir, d’autres mourraient avant de naître. Lorsque le Patron s’aperçut que des nouveau-nés sortaient des tombeaux (ce qui, avouons-le, n’est pas très sensé), Il déboula dans le couloir, prit le sac à dos (orné de la tête barbue de Che Guevara) et le vida sur terre.

    Depuis les Hommes continuent à chercher en vain le Sens de la Vie, en se faisant beaucoup d’illusions,  car il y a de fortes chances qu’il soit tombé dans les profondeurs des mers.  


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  • Gustav Klimt « Les trois âges de la femme »

     

    LE COMPAGNON INFIDELE

     

    Le corps n’en fait qu’à sa caboche

    Il suit son bonhomme de chemin

    Il fut un compagnon proche

    En bonne forme chaque matin

    Et plutôt agréable à fréquenter

     

    Mais il se met peu à peu à s’éloigner

    En faisant trop parler de lui

    On traîne un compagnon étranger

    Qui vient nous gâcher la vie

     

    On le voit chaque jour changer

    Il perd des petits bouts avec les ans

    Des cheveux gris et des dents cariés

    Son habit de peau devient trop grand

    Il fait des plis, tout fripé et taché

     

    Il s’incline un peu pour marcher

    Il craque comme un sarment desséché

    Et il s’en va un jour ou une nuit

    Au moment où on a besoin de lui

     

     


    Paul Obraska



    Gustav Klimt « Dame avec chapeau et fourrure »

     

     


    LA GARCE

     

    Plus je vieillis, plus j’aime la vie.

    Mais la vie est une amante

    Qui vous quitte quand on vieillit.

    Son départ fatal me hante.

     

    Je l’ai prise au berceau.

    Au début la différence d’âge

    Ne se voyait pas trop,

    Je la préservais des orages.

     

    Mais voilà, la vie ne change pas,

    Et moi j’ai peu à peu changé.

    La vie ne connait pas le trépas,

    Le mien est programmé.

     

    Alors la garce va me quitter.

    J’espère qu’elle le fera en douceur,

    Nous avons été ensemble tant d’années.

    Je ne sais pas, elle a tant de froideur.

     

    Volage, elle ira vers d’autres amants,

    Elle les prendra au berceau comme moi,

    Mais ses amants n’auront qu’un temps,

    J’espère que la garce me regrettera.


    Paul Obraska


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  • « La balle est dans leur camp ». Ce copeau de la langue de bois d’allure sportive a un côté ludique. Voilà des gens, en principe sérieux, qui jouent à la baballe. Le jeu consiste pour un camp politique ou syndical à se débarrasser de la balle, comme une patate chaude, en l’envoyant chez l’adversaire pour regarder avec intérêt ce qu’il va en faire. On pourrait comparer ce jeu politique à du tennis ou du volley-ball où les joueurs envoient la balle de l’autre côté du filet  avec violence, en montrant les dents et en levant le poing lorsque la patate reste de l’autre côté. Ce qui ne les empêche pas de rigoler ensemble dans les vestiaires, comme les politiques le font dans les palais de la République où seuls persistent les filets à provisions.

     

    « Que le gouvernement (ou toute autre direction) prenne ses responsabilités ». On se demande ce que cela veut bien dire. Les responsabilités, il les a déjà. Ou alors d’habitude il les met de côté, bien rangées dans une armoire et quand on le sollicite, il les sort, les époussette et les prend. Ce copeau n’a aucun sens, même une direction qui ne fait rien reste tout aussi responsable de ce qu’elle est censée diriger.

     

    « Il faut déchiffrer le message » Le message émane en général du peuple et est destiné aux gouvernants. Il parait difficile à lire sans doute en raison d’une certaine incurie du peuple à s’exprimer clairement, surtout lorsqu’il le fait en marchant. Les politiques, voire les journalistes se penchent donc avec perplexité sur le message abscons pour le déchiffrer. On comprend l’embarras de ces diplômés des grandes écoles devant des messages cryptés comme : « Je crains d’être licencié » ou « Je suis chômeur et je ne retrouve pas de travail » ou « Mon salaire ne me permet pas de vivre correctement ». Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? En général les gouvernants devant les difficultés du déchiffrage se contentent d’une solution approximative comme « Ce message traduit un inquiétude ». Ah ! Bon,  c’est rassurant, il ne se passe rien, c’est seulement la crainte qu’il se passe éventuellement quelque chose, on peut donc continuer comme avant.

     

    « Il faut se retrousser les manches » copeau prolétaire toujours prononcé par ceux qui ne le sont pas en réponse aux prolétaires qui réclament une augmentation de leur salaire et de façon indécente aux chômeurs qui ne demandent qu’à les retrousser.


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    Il était une fois un petit roi qui se prenait pour le nombril du monde. Il faisait la leçon aux autres rois et leur donnait des conseils. Il donnait même des conseils à l’Empereur.

    Or l’Empereur ne savait pas très bien qui était ce petit roi plein de suffisance. Il demanda donc à son chambellan de lui montrer le pays où ce petit roi si entreprenant régnait sans partage. En le voyant l’Empereur s’exclama : « Mais son peuple est dans la rue, c’est sans doute pour l’acclamer ! » « Non sire » répondit le chambellan « C’est pour le huer ». Ah ! fit l’Empereur et il ajouta, après un instant de réflexion, car c’était un Empereur qui réfléchissait avant d’agir : « Vous me direz tout ce qu’il fait, afin de faire le contraire ».

    Le petit roi, à qui on rapporta ces propos, se rengorgea et dit à son entourage en bombant le torse : « Vous voyez bien que l’Empereur suit mes conseils ! »


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  • Il s’agit de l’appendice qui peut s’avérer néfaste par sa présence pour chacun d’entre nous et de l’hymen dont l’absence, lors de la nuit de noces, est une source de complications possibles pour des millions de femmes dans le monde.

     

    L’appendice sournois.

    Cette élément vermiforme, ne sert à rien et a manifestement été placé dans le ventre par le Créateur ou l’Evolution comme une grenade goupillée prête à tuer à la première occasion. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, l’appendicite, appelée typhlite, traitée par saignée, sangsues et lavements était mortelle. C’est un professeur d’anatomo-pathologie de Harvard, Reginald Heber Fitz qui, dans une fameuse communication à la Boston Medical Society, en 1886, démontra la responsabilité de l'appendicite dans de nombreux cas de péritonite mortelle et affirma la nécessité de l'opération en urgence. Mais ce qui nous semble aller de soi, mit longtemps à s’imposer. En France, le grand clinicien Dieulafoy, qui n’avait pu empêcher la mort de Gambetta à cause de la pusillanimité de ses médecins qui refusèrent l’intervention, prit la tête de la croisade pour l’appendicectomie d’urgence. Le chirurgien new-yorkais McBurney (portrait) reste connu pour avoir donné son nom au point de l’abdomen où les doigts provoquent une douleur en cas d’appendicite. Ce signe à lui seul permet en général le diagnostic et la décision d’opérer. Mais comme on a reproché aux chirurgiens d’avoir le bistouri trop facile, ceux-ci demandent maintenant confirmation à l’échographiste qui provoque la douleur en appuyant avec la sonde au même point. McBurney, au paradis des chirurgiens, doit bien s’amuser.

     

    L’hymen hypocrite

    L’hymen qui n’est qu’une membrane perforée à l’entrée du vagin ne sert manifestement à rien, sinon à stimuler les fantasmes de certains hommes.

    Dans une bonne partie du monde on exige des jeunes filles que leur « hymen saigne à point » lors de la nuit de noces. Dans le cas contraire, le mariage peut être annulé, la femme répudiée et même l’objet de violences de la part de sa famille. L’hymen présent et déchiré est considéré dans ces milieux comme le témoin de la virginité et de la chasteté de la femme que l’homme désire acquérir en tant qu’objet à l’état neuf et non d’occasion et dont il veut prétendre être le premier et l’unique dépositaire.

    Or l’hymen est, bien sûr, un faux témoin de la virginité et surtout de la chasteté (son hypocrisie va jusqu'à être suffisamment élastique pour être « complaisant »). Il peut avoir été déchiré lors d’une activité physique ou un traumatisme et même être absent à la naissance. Curieusement, au IIe siècle, à Rome, le  célèbre médecin grec Soranus d’Ephèse, le premier grand gynécologue et obstétricien connu, a nié l’existence de l’hymen. Ce qui, compte tenu de ses qualités d’anatomiste et de praticien, « n’a pas manqué de susciter des remarques désobligeantes sur la vertu des jeunes romaines de son époque » (M. Bariéty  et Ch. Coury, Histoire de la médecine).

    Pour obtenir ce fameux saignement, les femmes orientales utilisaient des méthodes artisanales pour assécher le vagin et fragiliser les muqueuses.

    De nos jours, les jeunes femmes issues de familles d’un autre âge, paniquées à la veille de leur mariage, demandent à des chirurgiens de leur refaire un pucelage comme des vétérinaires peuvent corriger certains défauts d’un chien avant la confirmation. Cette chirurgie plastique a beaucoup de succès au Moyen-Orient, mais également en France, soit en effectuant peu de temps avant la nuit de noces une hymenorraphie à l’aide d’un fil tracteur résorbable, soit en réalisant une hymenoplastie par greffe, ce qui exige plus de temps.

    Non seulement l’hymen est hypocrite mais également les hommes qui désirent être « le premier » ou en avoir l’illusion, car ils sont au courant de cette chirurgie plastique et des comportements sexuels alternatifs qui étaient à la portée de leur future femme (et qu’ils ont probablement pratiqués avec d’autres).

    Tableau : Salvador Dali "Jeune vierge auto-sodomisée par les cornes de sa propre chasteté" 

     

    Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora


     


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    LES FORMES DE L'EAU XIII


     
    Marc Chagall « La famille du pêcheur »

     

    LA FEMME DU PÊCHEUR

     

    Ils sont l’un contre l’autre, mais la femme tourne le dos, l’enfant sur son sein, la bête à ses pieds. Elle est la terre nourricière. L’homme est revenu de la mer, des poissons dans ses mains, après une si longue absence, de retour des horizons infinis, encore à l’écoute du chant des vents marins, plongeant toujours ses filets dans les plis de la mer. Ils sont l’un contre l’autre, pourtant la mer sépare leurs destins, elle permettra peut-être un jour de les réunir avant que leur vie prenne fin. Mais l’homme reviendra sur le rivage voir les vagues perler, écouter le vent, sentir les embruns, regarder l’horizon où pointe le mât des bateaux avant que le ventre lourd de leur pêche n’apparaisse sur les flots. La femme sait que la mer ne le quittera jamais et elle tourne le dos.

    Paul Obraska


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