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Il était une fois, il y a fort longtemps, au temps des rois mérovingiens qui n’en fichaient pas lourd, un moine du nom de Fiacre d’origine irlandaise qui, accusé de sorcellerie, fut convoqué par son évêque. En attendant l’entretien, le moine s’assit sur une grosse pierre devant l’église et il y resta plusieurs jours. Innocenté et échappant ainsi au cul-de-basse-fosse, il put enfin rejoindre son ermitage. Mais la pierre qu’il avait honorée de ses fesses devint miraculeuse : il suffisait de s’asseoir dessus et de prier pour guérir de ses hémorroïdes qui devint le « mal de saint Fiacre » et saint Fiacre fut promu au rang de patron protecteur de la proctologie (il est également celui des jardiniers).
Le village de Saint-Fiacre-en-Brie, où il repose, devint un lieu de pèlerinage pour les malades souffrant de maladies proctologiques et on dit dans les annales que le roi Louis XIII s’y rendit.
Au XVIIe siècle, un loueur de voitures attelées avec cocher installé à Paris en face d’un hôtel à l’enseigne du saint donna son nom à ses voitures.
La moralité de cette légende est double :
D’abord, ne restez pas trop longtemps le siège sur une pierre pour ne pas avoir à redouter de vous asseoir.
Ensuite, si vous faites un long trajet en voiture (sans cocher pour les gens normaux), arrêtez-vous toutes les deux heures pour lever votre siège du siège et vous reposer[1], c’est le fondement d’une bonne conduite.
[1] Je n’ai aucun conflit d’intérêt avec la Prévention Routière.
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Gustave Caillebotte « Paris : un jour de pluie »IL PLEUT SUR PARIS
Il pleut sur Paris
Les champignons poussent sur les têtes
Les couples se serrent pour être à l’abri
L’ombre des pépins leur fait une voilette
Les pavés glissants font petits miroirs
Les roues éclaboussent les passants
Les flaques dans le creux des trottoirs
Attirent les chaussures des enfants
Les portes cochères servent d’asile
Les fenêtres ont leur verre cathédrale
La chaussée brille de reflets d’huile
Des rayures chutent du ciel lacrymal
Une estompe humide passe sur la ville
Et la nue se teint de jaune pâle
Paul Obraska
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« Rien n’arrêtera les réformes ». Le changement (ou la rupture) est un maître-copeau dans le langage politique. Tous les partis et même les conservateurs l’utilisent. Son emploi est obligatoire au moment des élections, car on ne peut imaginer un candidat dire aux électeurs : « Votez pour moi pour que rien ne change » (mais je ne peux pas affirmer qu’il ne serait pas élu avec une telle déclaration). Une fois au pouvoir, la plupart des gouvernants font comme les comédiens qui piétinent sur place pour faire croire aux spectateurs qu’ils avancent : ils changent le nom des organismes déjà existants, ils en ajoutent d’autres qui feront double emploi, mais tous seront toujours confrontés aux mêmes problèmes dont ils continuent à ne pas avoir la solution. D’autres, plus ambitieux, pris d’une frénésie législative pondent des chapelets de lois qui viennent s’ajouter à celles qui n’ont jamais pu être appliquées et sans prendre le temps d’en prévoir les conséquences, cassant au passage ce qui ne marchait pas trop mal pour des nouveautés qui seront cassées à la prochaine omelette ou balayées par la rue.
Il est curieux de constater que le mot réforme s’applique aussi bien au changement qu’à la mise hors service.
Je ne sais pas si les réformes s’arrêteront, mais les âneries sûrement pas. Encore que les ânes dans leur sagesse ne sont guère partisans de la fuite en avant et ont plutôt tendance à rester immobiles lorsqu’on cherche à les faire avancer.
« C’est la crise ». C’est aujourd’hui incontestable. Pourtant, j’ai toujours entendu les politiques dirent que la France était en crise, même pendant les « trente glorieuses ». La crise est en effet l’alibi le plus parfait pour dédouaner les politiques de leurs actes ou de leur impuissance. « C’est la crise » est un argument imparable pour faire taire les critiques. D’ailleurs, quand elle n’existe pas les politiques l’inventent, s’ils ne la favorisent pas par leur incompétence.
« Lancer des pistes ». Plutôt que de chercher des solutions ou de formuler des hypothèses, les politique préfèrent de plus en plus « lancer des pistes », de préférence le plus loin possible pour ne pas avoir à les suivre.
« Il est bon d'avoir une opposition forte ». Ce copeau est habituellement taillé par le parti qui détient le pouvoir et qui semble ainsi navré de la faiblesse de ses opposants. C’est un des copeaux les plus hypocrites de la langue de bois. En écrasant une larme, le parti au pouvoir est bien entendu ravi de la faiblesse de l’opposition et fait tout pour qu’il en soit ainsi.
« Je ne vous ai pas interrompu ». Il vient de le faire en interrompant celui qui l’a interrompu.
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Roselyne Bachelot et Christine Albanel se réjouissent d’avoir signé avec les professionnels de la TV et les annonceurs une charte pour promouvoir une bonne nutrition en prévention de l’obésité, notamment des enfants et des adolescents. Les programmes seront financés à des conditions tarifaires réduites adaptées aux campagnes collectives. C’est bien.
Mais pas question de limiter les publicités pour des produits alimentaires favorisant l’obésité et diffusées dans des programmes de jeunesse. Les annonceurs se bornent à promettre de « renforcer la démarche qualité » (?) des annonces publicitaires. En définitive l’écart entre le poids de la publicité favorisant l’obésité serait 100 fois plus important que celui de la pédagogie nutritionnelle.
Or, il y a 1 an une étude a constaté que 62% des enfants demandent à leur parents d’acheter les aliments vantés par la publicité et que 91% les obtiennent et en 2007 des chercheurs britanniques ont montré que l’impact publicitaire touche particulièrement les enfants obèses : la tendance à manger après une publicité sur la nourriture est augmentée de 134% chez les enfants obèses, de 101% chez les enfants en surpoids et de 84% chez ceux qui ont un poids normal.
Pour être juste la ministre de la santé (ainsi que des députés qui sont prêts à déposer des amendements) était en faveur d’une limitation des publicités vantant les aliments gras et/ou sucrés, mais la ministre de la culture était contre et l’arbitrage du Président de la République a penché pour cette dernière et l’industrie agro-alimentaire.
Ainsi sur le même média, le contribuable va contribuer à payer une pédagogie rachitique défendant l’inverse d’une publicité pléthorique. Est-ce bien raisonnable ?
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Il y avait sur les hauteurs de l’Olympe une divinité que les humains respectaient au point d’y sacrifier tout ce qu’ils possédaient et même parfois leur vie. Rien ne se faisait sans son aval, tout était fait pour la respecter. Les mécréants qui osaient douter de sa bienfaisance et pensaient que tous les sacrifices que l’on déposait à ses pieds ne provoquaient en retour que peu de bienfaits, étaient foudroyés sur le champ par les dévots.
Ce Dieu tout puissant s’appelait Marché. Il avait deux filles : Concurrence, la fanfaronne, dont on attendait monts et merveilles et Finance l’évaporée qui passait son temps dans des îles paradisiaques. Marché avait également un fils, Monopole, dont il était fier car il avait bien réussi dans le monde. On disait que Concurrence et Monopole ne s’entendaient pas, en réalité le frère et la sœur s’écrivaient en secret et Marché, paternel, fermait les yeux.
Marché n’était pas contre les écarts, lui-même descendait parfois sur terre en parachute doré pour se farcir quelques humains, hommes et femmes sans distinction, car il était licencieux, mais il leur faisait croire que c’était pour leur bien, pour les protéger du redoutable Protectionnisme qui ne chercherait qu’à les enfermer.
Marché avait ses prêtres qui lui étaient tout acquis, quoi qu’il fasse, il n’était pas ingrat envers eux et les récompensait de leur fidélité en leur laissant prendre une part des offrandes que les crédules déposaient à ses pieds dans les temples des banques.
Mais les hommes depuis longtemps ne croient plus aux divinités de l’Olympe. Ce sont des fables que l’on raconte pour faire peur aux enfants.
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Chaim Soutine « La folle »LA FOLLE
Je suis folle
Ma bouche rouge prête à mordre
Ça se voit non
J’ai la face en désordre
Rien ne colle
Rien n’est bon
Les moitiés de mon visage ne s’emboîtent pas
De guingois
Mes yeux sont deux billes de noirceur
Elles n’ont pas la même grosseur
Un gros sourcil et l’autre effacé
Un nez écrasé de boxeur
Mes cheveux jamais peignés
Et mes doigts qui n’ont pas assez de paume
Et vous avez vu sur ma tête
Mon chapeau pointu de gnome
Vert
N’est-ce pas la preuve que je suis folle
C’est ainsi que Soutine m’a faite
De travers
Mais avec mes yeux inégaux de folle
Je vous regarde sans détourner la tête
Vous fuyez mon regard
De folle Indiscrète
Sans égard
Je me moque de ce que vous pensez de moi
Et je vous vois tels que vous êtes
Et je ne vous envie pas
Paul Obraska
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« Tout sera mis en œuvre pour retrouver les auteurs de cet acte inqualifiable ». Ce qui veut dire que d’habitude tout n’est pas mis en œuvre, c’est selon… Copeau stéréotypé d’une grande vacuité pour montrer aux victimes sa commisération et sa volonté. Le responsable pourrait-il dire le contraire ? Ou une phrase comme « on va faire ce qu’on peut, mais c’est pas gagné », mais il préfère faire des moulinets avec ses petits bras pour impressionner la galerie.
« Il faut être volontariste ». Le volontarisme est « L’attitude d’une personne qui croit pouvoir soumettre le réel à ses volontés » (Petit Robert). Ce copeau est plutôt récent. La question est de savoir si ceux qui l’emploient veulent dire volontaire ou réellement volontariste c'est-à-dire avec l’illusion de modifier le réel selon leurs désirs. Après tout, le mot est peut-être employé à bon escient.
« C’est hautement symbolique ». En politique, comme le signal est fort, le symbole est haut. Ce qui implique que le symbole a des degrés. Il y a donc des symboles bassement symboliques. Ce n’est qu’un exemple de l’inflation du langage dont les politiques sont friands (ce ne sont pas les seuls), Citons de la même veine l’inénarrable « au jour d’aujourd’hui » pour bien le distinguer des autres jours.
« Les partenaires sociaux ». Sont ainsi nommés : le patronat qui redoute le social et les syndicaux qui aimeraient bien le représenter. Le gouvernement, qui n’a rien de social, soit surveille son petit monde, soit entre directement dans le jeu, face aux syndicats, car pour le patronat il n’a aucune raison de le rencontrer puisqu’ils sont souvent ensemble. Les partenaires sociaux sont partenaires comme le sont des adversaires au tennis. C’est un partenariat où le but est de vaincre l’autre. Mais aucun politique n’osera parler « d’adversaires sociaux » pour ne pas envenimer le combat, pardon, le débat.
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Ingres "Odalisque et Esclave"
En I941, le chirurgien et physiologiste d’origine canadienne Charles Huggins découvrit que la castration pouvait faire régresser le cancer de prostate et entraver son évolution. Cette découverte permit de prolonger la vie de milliers de malades. Mais depuis les années 1970 on dispose de médicaments qui bloquent la sécrétion hormonale des testicules et réalisent ainsi une castration chimique. Etre castré en gardant ses testicules est un exploit de la médecine moderne dont auraient aimé profiter les eunuques orientaux et les castrats chanteurs, rares survivants d’une opération d’une grande cruauté, le plus souvent une émasculation : « … on commence par mettre un garrot serré à la base des testicules et de la verge, on coupe le tout avec un rasoir très aiguisé » (Ibn al Abbas, Xe siècle)[1] . Procédé encore en usage au XIXe siècle, dans un monastère copte égyptien, appliqué aux esclaves amenés du Soudan pour fournir en eunuques les harems du Moyen Orient. A la même époque les vétérinaires étaient plus humains pour les animaux : Ils se contentaient de provoquer l’atrophie des testicules en écrasant leurs vaisseaux nourriciers avec une pince à travers la peau ou en les tordant par bistournage.
Documentation réunie avec la collaboration de Jean Waligora
[1] Cité par R. Küss et W. Gregoir, Histoire illustrée de l’Urologie.
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LE COUPLE DELAISSELes sons profonds du violoncelle
Sortent des cordes embrassées
La mélopée dans la ruelle
S’élève du couple enlacé
Le vieil homme cesse soudain de jouer
L’archet désuni au bout du bras ballant
Les yeux fixes, les cheveux ébouriffés
Il laisse le chant se perdre dans le vent
Personne n’écoutait ses notes mélodieuses
L’instrument comme une femme délaissée
Presse contre lui ses courbes harmonieuses
Son offrande de musique dédaignée
Le musicien figé reste l’archet suspendu
Tristesse et lassitude pétrifiées en statue
Paul Obraska
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