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    FLÂNERIE EN SEPTEMBRE

     

    Cette journée à Paris il faisait beau

    Une perfection de ciel et de douceur

    Les arbres étaient mi-feu, mi-eau

    Et le soleil d’automne à mi-hauteur

    Cernaient leurs feuilles de lumière

     

    Nous sommes allés flâner aux halles

    Au pied des grandes maisons de verre

    Sous la soucoupe sur son piédestal

    Le long des terrasses ornées de dîneurs

      L’église St Eustache au loin nous attira

    Elle nous montrait sa nouvelle blancheur

    Le jardin fut franchi en pressant nos pas

    Et elle nous accueillit dans sa fraîcheur

    Sous les entrelacs de sa voûte si lointaine

    Comme pour toucher un Dieu intouchable

     

    Puis au Louvre des antiquaires à la chaîne

    Exposaient une foison d’objets admirables

    Tous ceux que je ne pourrai jamais posséder

    Mais je ne trouve pas ces richesses désirables

    Il me suffit en flânant d’être et de les admirer


    Paul Obraska


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  • Bernard Buffet « Orang-outan femelle »

     

    GRANDS SINGES

     

    Les petites et les grandes personnes

    Entrèrent dans la demi-obscurité

    Venant de la lumière d’un soleil d’automne

     

    Ils défilèrent devant les cages éclairées

    Comme des théâtres de marionnettes

    Sans rideaux

    De grands singes les regardaient passer

    Derrière les barreaux

    De leurs tristes yeux couleur noisette

     

    Les humains et les singes se regardaient

    Les primates face à face étaient silencieux

    Et devant la tristesse que les singes exprimaient

    Les hominiens finirent par baisser les yeux

     

    Les voyeurs n’étaient pas fiers d’être là

    Devant ces grands singes prisonniers à l’étroit

    Qui leur ressemblaient tant

    Dressés comme des reproches vivants


    Paul Obraska


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    DANS MA VILLE XXIV


    GLACE

     

    La maison ancienne tel un souvenir dans un miroir

    Se reflète dans l’immeuble nouveau, lisse, nu et glacé,

    Un peu déformée comme tous les reflets de la mémoire ;

    Le présent ne se libère jamais des constructions du passé.

     

    Paul  Obraska


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  • PETITS SINGES

     

    Dans un zoo carcéral de Paris

    Blottis ensemble sur un faux rocher

    Quatre singes à longue queue sont assis

    Avec leur gueule de cheval ratée

     

    L’un l’autre, solidaires, ils s’épouillent

    Les doigts dans la pelisse mordorée

    Graves et concentrés, ils fouillent

    Une patte amicale sur la queue du fouillé

     

    Leurs yeux d’agate au regard humain

    Ne daignent pas se tourner

    Vers la troupe amassée des cousins

    Qui les regardent, gênés

     

    Des cousins dangereux à qui Dieu

    Aurait donné une âme immortelle

    Et qui, en bas, se moquent d’eux

    Alors qu’ils ont servi de modèles

     

    Les singes ne sont pas fiers de leur lignage

    Des cousins geôliers gonflés de vanité

    Qui affirment que le Divin est à leur image

    Et enferment leur famille pour la rejeter

     

    Alors les petits singes ne tournent pas le regard

    Vers ces lointains cousins renégats

    Amenés du bon coté par Dieu ou le Hasard

    Et continuent, méprisants, leurs paisibles ébats

     

     

    Paul Obraska


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  • Picasso : "Les pigeons"

    LES PIGEONS DE PARIS

     

    A Paris, le peuple des pigeons,

    Petite tête et œil de reptile,

    Gros corps et ventre rond,

    S’apprête à quitter la ville.

     

    Las des petites vieilles à cabas,

    Lanceuses de miettes de pain,

    Ricanant devant les combats

    A coups de bec assassins.

     

    Las de la poursuite des enfants

    Dans les parcs et les squares,

    Des coups de pied méchants

    Lancés par les petits barbares.

     

    Las de voler autour des blocs de béton,

    De s’engluer dans le bitume des rues,

    De voir leurs coulées de déjections

    Servant de perruques aux statues.

     

    Las des trottoirs encombrés

    De tous les mobiles à roulettes,

    Des pas des Parisiens pressés

    Avançant sur eux à l’aveuglette.

     

    Las des lourds envols effrayés

    A chaque pétarade incongrue,

    De l’odeur des gaz empoisonnés

    Au ras de leurs becs crochus.

     

    Las des ruées de voitures

    Aux pare-brise meurtriers,

    De leurs roues de torture

    Prêtes à les écarteler.

     

    Le peuple des pigeons de Paris

    Pourchassé et devenu amer,

    Lassé d’être toujours incompris,

    Quitta un jour la ville pour la mer

    Paul Obraska


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  • DANS MA VILLE XXI

    QUELQUE PART

     

    En partant, le soleil dans sa hâte

    A oublié sur les toits noirs de Paris

    Sa longue écharpe écarlate

    Bientôt dérobée par la nuit.

     

    Les mères disaient parfois qu’un ciel de sang

    Etait signe de guerre et de départs.

    Les mères disaient vrai. De tous temps,

    Il y a toujours eu une guerre quelque part.


    Paul Obraska


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  • HORIZON

     

    Les rues de la ville n’ont pas d’horizon

    Le citadin voit à peine l’aurore vermeille

    Il ne voit que des cieux découpés au béton

    De la rue il est privé de coucher de Soleil

     

    Les nuages ont des formes amputées

    Les yeux ne peuvent suivre leur voyage

    Au-delà du tronçon de ciel dévoilé

    L’habitant de la ville est sans paysage

     

    Le citadin hôte pressé des trottoirs

    Oublie de lever vers le ciel ses yeux 

    Le regard barré par les murs des dortoirs

    Il se perd en lui et oublie les cieux



    Paul Obraska


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  • Gustave Caillebotte « Paris : un jour de pluie »

     

    IL PLEUT SUR PARIS

     

    Il pleut sur Paris

    Les champignons poussent sur les têtes

    Les couples se serrent pour être à l’abri

    L’ombre des pépins leur fait une voilette

     

    Les pavés glissants font petits miroirs

    Les roues éclaboussent les passants

    Les flaques dans le creux des trottoirs

    Attirent les chaussures des enfants

     

    Les portes cochères servent d’asile

    Les fenêtres ont leur verre cathédrale

    La chaussée brille de reflets d’huile

     

    Des rayures chutent du ciel lacrymal

    Une estompe humide passe sur la ville

    Et la nue se teint de jaune pâle



    Paul Obraska


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  • LE COUPLE DELAISSE

     

    Les sons profonds du violoncelle

    Sortent des cordes embrassées

    La mélopée dans la ruelle

    S’élève du couple enlacé

     

    Le vieil homme cesse soudain de jouer

    L’archet désuni au bout du bras ballant

    Les yeux fixes, les cheveux ébouriffés

    Il laisse le chant se perdre dans le vent

     

    Personne n’écoutait ses notes mélodieuses

    L’instrument comme une femme délaissée

    Presse contre lui ses courbes harmonieuses

     

    Son offrande de musique dédaignée

    Le musicien figé reste l’archet suspendu

    Tristesse et lassitude pétrifiées en statue


    Paul Obraska


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  • Pieter Bruegel l’Ancien « Les estropiés »

     

     

     

    SOUS TERRE

     

    A la station Duroc, dans le boyau sous terre

    Qui résonne des bruits des pas redoublés

    On entend la plainte de Mozart massacré

    Par un accordéon qui chante la misère

    En s’appliquant avec tant de tendresse

    Que je m’arrête pour lui donner la pièce

     

    Sur la ligne treize dans le wagon bondé

    Un homme, les yeux rouges et les traits tirés

    Raconte sa vie que personne n’entend

    La rame s’arrête et l’homme descend

     

    Sur la ligne dix Austerlitz – Saint-Cloud

    Une femme, un enfant pendu à son cou

    Tend une main en murmurant des mots

    En montrant son enfant aux yeux clos

    Il dort toujours sans jamais s’éveiller

    Je ne l’ai jamais entendu pleurer.

    Paul Obraska

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