• William Turner "Lever de soleil sur le château de Norham"


    MATIN

     

    L'homme ouvrit la fenêtre

    Et regarda le matin naître

    Etirer ses bras au loin

    Ce séducteur de matin

    Tenait la terre embrassée

    Enfin sa moitié

    L'homme en fit autant

    Et gloussa doucement

    Il était heureusement surpris

    D'être encore en vie

     

    La nuit était passée

    Et la nuit tout peut arriver

    Il s'était encore une fois

    Sorti de ce mauvais pas

    Ils disent que la nuit c'est du repos

    C'est faux

    Il se passe des tas de choses la nuit

    On est poursuivi

    On tombe dans une chute sans fin

    On cherche des choses en vain

    Les morts surgissent du temps

    Ils ne sont jamais contents

    Ils viennent vous faire des reproches

    Surtout les défunts proches

     

    C'est pire quant le jour est dans la nuit

    C'est bien pire l'insomnie

    On ne peut pas se réveiller

    Soulagé d'avoir rêvé

    Et la douleur se retourne dans le lit

    Fâchée de ne pas être endormie

     

    Il y a tout de même de bonnes choses dans la nuit

    La mort peut arriver sans crier gare

    On peut mourir sans le savoir

    Sans attendre la peur au ventre

    Que la mort frappe et entre

    En déchirant le corps à sa façon

    La nuit on meurt par distraction

    En pensant à autre chose

    C'est une bonne chose

     

    Alors l'homme regarde le matin se lever

    Un matin de plus c'est toujours ça de gagné

    Il se dit qu'il faut en profiter

    Ce sera peut-être le dernier

    Et il va déjeuner

    En murmurant ces deux vers

    De Prévert :

    « Et j'égorge en plein soleil

    Les plus beaux rêves de mes nuits »


    Paul Obraska


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  • Henry Fuseli "Le cauchemar"


    ART DE NUIT

     

    Ricanants, les cauchemars surgissent la nuit

    Créatures souterraines soudain libérées

    Sarabande bancale dans la tête endormie

    De chimères grimaçantes d'images oubliées

     

    Le cerveau dégorge une troupe de tarasques

    Et sort de la poussière du grenier à souvenirs

    Des tableaux fous et des collages fantasques

    Le passé recomposé et les peurs de l'avenir

     

    Le sommeil réveille en nous l'artiste psychopathe

    Qui suture de travers les déchirures du passé

    En fresques inachevées aux bouts disparates

     

    Théâtre d'épouvante privé pour un seul invité

    Œuvres brûlantes la nuit, refroidies au matin

    Donnant un goût de cendres au lendemain


    Paul Obraska


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  •  


    Paul Cezanne "Jeune homme avec un crâne"


    CRÂNE

     

    Sur la table trône une boîte crânienne.

    La jeunesse est le temps tourmenté

    Où un crâne sert de presse-papiers

    Pour penser à la mort encore lointaine.

     

    Un crâne dénudé - funeste miroir -

    N'orne pas la table des vieillards

    Hantés par leur mort prochaine.

     

    Boîte nettoyée par la putréfaction,

    Elle avait jadis contenu une cervelle :

    Entrelacs serrés de fils à profusion,

    Parcourus de bouffées d'étincelles,

    Distillant entre eux des sucs subtils,

    Pour crisper le corps et accoucher la pensée.

     

    Coquille vidée, devenue inutile,

    L'air s'est installé par les trous désertés

    A la place d'un savoir patiemment acquis,

    D'émotions, de désirs, d'images gravées,

    D'un monde imaginaire et de regrets aussi.

     

    Devant le reste dérobé d'un anonyme trépas,

    Ton jeune cerveau rêve dans sa boîte crânienne,

    La mort te fascine mais les questions sont vaines :

    Personne n'y répondra.


    Paul Obraska


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  • AINSI VA LA VIE VI

    Edouard Vuillard "Deux écoliers, jardins publics" 


     
    MERVEILLES

     

    Bulles de savon transparentes

    Globes aux lumières d'arc-en-ciel

    Danse d'essaims d'une grâce lente

    Soufflés en un fugace carrousel

     

    Kaléidoscope aux mille merveilles

    Créations tournantes du hasard

    Figures à géométrie sans pareille

    Art de l'instant évanoui au regard

     

    Cerf-volant flottant haut dans le vent

    Carcasse multicolore avide de liberté

    Retenue par la main ferme de l'enfant

    Riant au ciel, fier de son autorité

     

    Barbe à papa au toucher de laine

    Blancheur fondante dans la bouche

    Brandie comme un sceptre de reine

    Pour que personne ne la touche

     

    Barbe à papa...Barbe à papa...

    Papa...Ai-je appelé quelqu'un par ce nom ?

    Rappelle-toi...Voyons...

    Je ne m'en souviens pas.

     

     Paul Obraska


    LES ENFANTS RÊVENT-ILS ENCORE ?

     

    Devant des boîtes de conserve en fer

    Rêvent-ils d'une imprenable forteresse ?

    Les hautes tours découpées sur un ciel lunaire

    Où sont prisonniers un roi et une princesse

    Qu'ils délivreront des hordes guerrières

     

    Inventent-ils des monstres inconnus ?

    Pour se prouver qu'ils n'ont pas peur

    Les monstres seront bien sûr vaincus

    Par l'enfant intrépide devenu gladiateur

     

    Rêvent-ils devant un long bout de bois ?

    Que par magie ils transformeront en galère

    Lancée à la poursuite des méchants aux abois

    Qui seront capturés par les enfants corsaires

     

    Leurs rêves sont-ils déjà préfabriqués ?

    Par le prêt-à-rêver des adultes commerçants

    Par les boîtes électroniques d'images animées

    Devant les lutins tout faits virevoltant sur l'écran

    Devant des monstres de plastique déjà imaginés

    Par des aventures que d'autres ont inventées

    Les mêmes pour les enfants du monde entier

     

    Enfin pour les enfants de ceux qui peuvent payer

    Partout les boîtes de rêves industriels s'achètent

    Pour gaver des enfants capables de tout imaginer

    Eux qui ont des rêves pleins la tête

    Des rêves à eux qui restent coincés

    Par des machines sans vie

    Alors laissons-les rêver

    Ces petits

    En liberté


    Paul Obraska


     
    RENTREE

     

    Etre l'enfant à la rentrée de l'école

    Neige quadrillée des feuilles de cahier

    Pouvoir nihiliste des gommes molles

    Odeur du papier que personne n'a feuilleté

     

    Pages vierges prêtes pour la défloration

    Billes à encre, avortons des plumes d'antan

    Savoir enfermé dans les coffres de carton

    Boîtes à surprises à défaire lentement

     

    Crayons neufs à tailler rondement

    Petits outils pour apprentis savants

    Sacs de savoir à porter sur le dos

    Plus on est petit plus on les veut gros

     

    Le passé s'efface pour tout recommencer

    Promesse de prouesses à venir

    Tout est possible, tout est immaculé

     

    Les amitiés perdues sont des souvenirs

    Les amitiés futures sont à conquérir

    Douce anxiété de la nouvelle année


    Paul Obraska
     

     

     

     

    JEU DE TÊTES

     

    Dans la clarté incertaine du crépuscule

    Leur tête aussi ronde que le ballon

    Un sextuor de petits funambules

    Jouent leur partie sur le gazon

     

    Dans l'aquarium vert

    Six petits poissons colorés

    Sous les trous de lumière

    S'amusent à se heurter

     

    Dans l'herbe féconde

    Une poignée de fleurs éparpillées

     Tiges grimpantes à têtes rondes

    Plantes sauvages, fraîchement nées

     

    De loin je vis avec eux

    Les rires et les cris

    Leur passion du jeu

    Leurs courses sans répit

     

    Et dans le miroir

    L'enfant que je suis

    S'étonne d'y voir

    Une tête blanchie


    Paul Obraska


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  •  


    Vincent Van Gogh "Chaussures"


    LES PREMIERS PAS

      

    Qui se souvient de ses premiers pas ?

    Les premiers pas sur la Terre

    Des pas libres et solitaires

    Pour la première fois

     

    Eprouver l'ancestral désir

    De vaincre la pesanteur

    Etait-ce un plaisir ?

    Etait-ce une peur ?

     

    Pas le moindre petit souvenir

    De la marche balancée de canard

    De l'aventure tentée au hasard

    Les bras ouverts pour saisir

    Le monde entier devant soi

     

    Qui se souvient de la persévérance

    A refaire sans cesse les mêmes pas ?

    De cette volonté et de la constance

    Que beaucoup ne retrouveront pas

     

    Peut-être les retrouveront-ils

    Plus tard au seuil du trépas

    Quand ils affronteront le péril

    De leurs derniers pas


    Paul Obraska 

     

     


    Berthe Morisot "Sur le balcon"

    PETITE FILLE

     

    Le monde est à toi, petite fille

    Le monde entier est à tes pieds

    Du balcon, les mains sur la grille

    Tu le regardes de haut, émerveillée

     

    Tu le vois immense et mystérieux

    Des trésors fabuleux à découvrir

    De belles fées, des lutins facétieux

    Et si l'inconnu te fait un peu frémir

     

    Cette peur elle-même est délicieuse

    Tu ne risques rien, ta mère est à côté

    Mais elle te regarde un peu soucieuse

     

    Elle voit comme toi ce monde de beautés

    Si elle ne croit plus aux fées et aux lutins

    Les monstres, eux, existent et sont humains


    Paul Obraska


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  • AINSI VA LA VIE IV
     Gustav Klimt "Espérance"

    ESPERANCE

      

    La femme dresse son long corps frêle,

    La chevelure rousse comme une crinière de lion

    Mange son visage amaigri d'une pâleur mortelle.

    Elle nous regarde de ses grands yeux ronds.

     

    Un regard de surprise et de mélancolie,

    Elle voit son corps mince et fragile déformé

    Par cette protubérance qui sans cesse grossit

    Et que son ventre distendu parvient à supporter.

     

    Cet œuf étranger fait partie d'elle-même,

    Il se nourrit de son corps malgré son vouloir,

    Mais déjà, sans le connaître, elle l'aime.

    Sans elle, il ne serait qu'un espoir.

     

    Un corps noir comme un têtard géant

    S'enroule autour de la belle dénudée.

    Les dorures d'une draperie à ses flancs,

    Son pubis roux sur voile céleste étoilé.

     

    Elle se croit seule la femme innocente.

    Pourtant, derrière, elle est surveillée

    Par des faces d'homme inquiétantes,

    Expriment-elles l'envie ou l'hostilité ?

    Ces mâles attendent-ils l'enfant à naître ?

    Voudront-ils de suite l'emporter ?

    Pour en faire un soldat peut-être.

     

    Sur elle, un crâne de squelette est penché.

    Que la femme ne se fasse pas d'illusion :

    L'enfant qu'elle porte sera peut-être mort-né,

    Ou naîtra pour mourir de toute façon.


    Paul Obraska 


    morisot4.jpg Berthe Morisot "Le berceau"

    NAISSANCE

     

    De qui est l'enfant né ?

    Peut-être de deux corps

    De sexes opposés qui se sont aimés

    Ou d'un père à la semence froide déjà mort

    Ou d'un père vivant inconnu à la semence vendue

    Ou d'un père méconnu qui s'est enfui en semant

    Ou d'une mère partie en cachette inconnue

    En laissant à d'autres son enfant

    Ou du corps prêté d'une mère

    A un couple de pères

     

    Où est né l'enfant ?

    Dans une femme qui le voulait pour soi

    Sur la paillasse d'un laboratoire austère

    Dans une matrice saine louée pour neuf mois

    Ou dans une matrice retraitée de grand-mère

     

    Que l'on soit voulu ou non

    Et qu'importe comment

    Il est presque toujours bon

    D'être sorti par hasard du néant

    Même si on y retourne de toute façon


    Paul Obraska


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  •   klimt25.jpg
    Gustav Klimt "Le baiser"
     
    DONNE-MOI UN BAISER
     
    Sous les cubes de béton métallique
    Dans le flot des passants solitaires
     
    Sous le vol circulaire des oiseaux
    Dans les artifices bucoliques des jardins
     
    Sous le lambris douteux des bistrots
    Dans l’euphorie complice du vin
     
    Sous le halot porcelaine de la lune
    Dans la tiédeur de nos haleines
     
    Sous les porches à l’ombre opportune
    Dans la cage ouverte des escaliers
     
    Sous les poutres enlacées des gares
    Dans l’attente désœuvrée des départs
     
    Sous les tresses défaites des bocages
    Dans l’odeur verte de l’herbe coupée
     
    Sous les mèches folles des nuages
    Dans la blessure ouverte des sillons
     
    Sous les larmes glacées des auvents
    Dans la pureté des flocons blancs
     
    Sous la chaleur lumineuse de l’été
    Dans la fraîcheur du sable humide
     
    Sous la traîne aurifère du couchant
    Dans l’écume haletante de la mer
     
    Sous la pluie qui pleure sur ton visage
    Dans les risées du vent volage
     
    Donne-moi un baiser

    Paul Obraska

    magritte51.jpg
    René Magritte "Les amoureux"
     
    DEREGLEMENT DES SENS
     
    Ils s’appartiennent les amants
    L’un contre l’autre, joue contre joue
    Pas aveugles mais malvoyants
    La tête dans le sac de l’amour fou
     
    La maigre osseuse est élancée
    La dépensière a de l’élégance
    La grosse de la volupté
    L’obèse de la prestance
    Le violent de la virilité
    L’entêté de la constance
    Et la séduction excuse l’infidélité
     
    Les amants après avoir été aveuglés
    Sortent du sac et deviennent sourds
    Ils n’écoutent que ce qu’ils veulent entendre
    Ils n’entendent que les mots d’amour
    Que les mots consentis, les mots tendres
    Ils n’entendent pas les mots amers
    Les mots d’ennui, les mots de colère
     
    Et les amants finissent par ne plus s’entendre
    Par ne plus se voir
    Leur amour n’a plus de sens
    Il n’a plus d’espoir
    Et ils remettent le sac pour l’indifférence


    Paul Obraska

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  • Vaux-04.JPG

    LA PREMIERE FOIS
     
    Te souviens-tu de la première fois?
    La première fois où je t’ai vue
    Entourée d’inconnus
    Je ne voyais que toi
     
    S’il me semblait te connaître déjà
    Tu ne m’avais pas aperçu
    Passant anonyme dans la rue
    Notre rencontre aurait pu s’arrêter là
     
    De loin je t’ai croisée par hasard
    Sans voir l’eau verte de tes yeux
    Je t’embrassais du regard
    Et le vent caressait le blond de tes cheveux
     
    Je rêvais de faire de toi ma compagne
    J’ai longtemps gardé ce souvenir
    Pour que le rêve m’accompagne
    Et que rien ne m’en détourne
     
    Ce rêve est devenu notre avenir
    Il est aussi devenu notre passé
    Quel que soit le côté où je me tourne
    Il n’y a rien à regretter

    Paul Obraska


     
     

    VISAGE
     
    Je vois ton visage dans la ramure
    Je le porte toujours en moi
    Comme une blessure
    Qui ne guérit pas
     
    Je vois ton visage
    Sur celui des femmes croisées
    Je me détourne à leur passage
    Sans trahir ma fidélité
     
    Obsession
    Monde limité
    Par un seul horizon
     
    Passion
    Blessure aimée
    Que l’on ne peut refermer

    Paul Obraska
     
     

    Félix Vallotton "Misia à sa coiffeuse"


    C’EST IMPORTANT
     
    Sérieuse
    Tu regardes le miroir
    C’est important
    Tu brosses tes cils
    La dentelle des yeux
    Tu mets un peu de brume                                                                                
    Autour du ciel de tes yeux
    Tu effleures d’un voile clair
    Ton visage offert à la lumière
    Tu brosses tes cheveux
    En penchant la tête
    D’un côté puis de l’autre
    Puis tu me regardes
    Sérieuse
    Comme tu regardais ton miroir
    Et je dis : « tu es belle »
    C’est important
    Alors tu souris

    Paul Obraska




     


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  • AINSI VA LA VIE I

     Klimt " La vierge"  

    ÊTRE LE PREMIER        

    Les hommes se donnent bien du mal  

    Pour être le premier  

    Et inscrire leur nom dans les annales  

    Des noms pour la plupart oubliés

    Le premier à découvrir une terre

    Déjà habitée  

    Pour y planter son drapeau  

    Et commencer une guerre      

    Le premier à grimper sur un pic  

    Pour redescendre aussitôt  

    Le premier à courir aussi vite  

    Avant d’être dépassé      

    Le premier à traverser les mers  

    Vent debout, vent arrière  

    A l’endroit, à l’envers  

    Avant d’être repêché      

    Il y a ceux qui ne seront jamais premiers  

    Ni sur terre  

    Ni sur les mers  

    Ni dans les cieux  

    Mais qui exigent de l’être au moins une fois  

    Pour ces prétentieux  

    Qui ne tentent aucun exploit  

    Il y a la vierge à déflorer  

    On est le premier que l’on peut
     

    Paul Obraska      

    miro-ballon.jpg

      Joan Miro "La naissance du monde"


    BALLON
     

    Il arrivera qu’un jour ou une nuit

    Je ne sais où, je ne sais comment

    Je serai banni de cette vie

    Pour retourner au néant  

    Et le monde ne sera plus

    Le monde est fragile, il tient dans le creux de ma main

    Je l’aurai retenu comme j’ai pu

    En vain  

    Lorsque ma main s’ouvrira comme une fleur fanée

    Le monde s’échappera d’un coup dans le néant

    Libéré  

    Comme le ballon lâché par l’enfant

    Mais lui le voit lentement s’éloigner

    Il a le temps.

    Paul Obraska

          vangogh-la-nuit.jpg
    Van Gogh "La nuit étoilée, Saint-Rémy"  

    PARTICULES  

    Quelqu’un regarde-t-il Par les grandes fenêtres étoilées Le sort imbécile Des particules condamnées ?   Agitées par un mouvement brownien Maintenues en vie par leur agitation Petites particules au destin incertain   Des paires de particules que le hasard mêle Provoquent entre elles de petites collisions D’où naissent des particules nouvelles   Attirées de temps en temps par un aimant Elles s’apprêtent aux grandes explosions Et se heurtent en de fols embrasements   Laissant derrière elles une fugace lueur Les particules disparaissent dans le néant   Par les grandes fenêtres étoilées Quelqu’un aime-t-il voir la douleur Des particules condamnées ?

    Paul Obraska
              

     DSC00218.JPG  
    COQUILLAGE
     

    C’est un coquillage aux murs nacrés

    Spirale de douces courbes érotiques

    Comme un pas de vis pour entrer

    Dans les profondeurs prolifiques  

    C’est un coquillage couleur chair

    Serti dans un fourreau de dentelle

    Pour séduire les futurs locataires

    La coquille exposée se fait belle  

    Et les hommes de passage

    Sont invités à monter l’escalier

    A ouvrir les valves du coquillage  

    Mais ils ne doivent pas s’attarder

    Pour laisser à d’autres arrivages

    Le plaisir triste de le consommer

    Paul Obraska

        picabia-idylle.jpg
    Picabia "Idylle"

    IL A FALLU

    Qu’il a fallu de miracles, qu’il a fallu de hasards

    Pour que ces deux êtres se soient rencontrés

    Qu’ils soient réunis, ici, dans un même regard

    Qu’ils se touchent et échangent leurs baisers  

    Il a fallu être tirés à la loterie cellulaire

    Il a fallu être nés dans le même temps

    Rejetons de générations millénaires

    Migrantes depuis la nuit des temps  

    Leurs ancêtres ont traversé pays et continents

    Echappés aux massacres et aux destructions

    Ils ont pu laisser une chaîne de descendants

    Pour que s’attachent enfin ces deux maillons  

    Il a fallu que les deux puissent surmonter

    Les dangers, les maladies, les accidents

    Rester toujours en vie pour se rencontrer

    Il a fallu de la chance pour rester vivant  

    Parmi la multitude sur la Terre immense

    Il a fallu se croiser sous les mêmes cieux

    L’un aurait pu être retardé, l’autre en avance

    Ils furent là au même moment, en un même lieu    

    Il a fallu se voir

    Il a fallu se plaire

    Il a fallu oser

    Il a fallu s’aimer  

    C’est improbable

    C’est impossible

    Cette idylle ne l’ont-ils pas rêvée ?

    Paul Obraska
     


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