Gustav Klimt "Le baiser"
DONNE-MOI UN BAISER
Sous les cubes de béton métallique
Dans le flot des passants solitaires
Sous le vol circulaire des oiseaux
Dans les artifices bucoliques des jardins
Sous le lambris douteux des bistrots
Dans l’euphorie complice du vin
Sous le halot porcelaine de la lune
Dans la tiédeur de nos haleines
Sous les porches à l’ombre opportune
Dans la cage ouverte des escaliers
Sous les poutres enlacées des gares
Dans l’attente désœuvrée des départs
Sous les tresses défaites des bocages
Dans l’odeur verte de l’herbe coupée
Sous les mèches folles des nuages
Dans la blessure ouverte des sillons
Sous les larmes glacées des auvents
Dans la pureté des flocons blancs
Sous la chaleur lumineuse de l’été
Dans la fraîcheur du sable humide
Sous la traîne aurifère du couchant
Dans l’écume haletante de la mer
Sous la pluie qui pleure sur ton visage
Dans les risées du vent volage
Donne-moi un baiser
Paul Obraska
René Magritte "Les amoureux"
DEREGLEMENT DES SENS
Ils s’appartiennent les amants
L’un contre l’autre, joue contre joue
Pas aveugles mais malvoyants
La tête dans le sac de l’amour fou
La maigre osseuse est élancée
La dépensière a de l’élégance
La grosse de la volupté
L’obèse de la prestance
Le violent de la virilité
L’entêté de la constance
Et la séduction excuse l’infidélité
Les amants après avoir été aveuglés
Sortent du sac et deviennent sourds
Ils n’écoutent que ce qu’ils veulent entendre
Ils n’entendent que les mots d’amour
Que les mots consentis, les mots tendres
Ils n’entendent pas les mots amers
Les mots d’ennui, les mots de colère
Et les amants finissent par ne plus s’entendre
Par ne plus se voir
Leur amour n’a plus de sens
Il n’a plus d’espoir
Et ils remettent le sac pour l’indifférence
Paul Obraska