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Par Dr WO le 20 Avril 2009 à 17:30
UNE VIE TRANQUILLE
Sur les toits rouges et les murs gris
Il pleut des hommes dans les rues
Semblables aux gouttes de pluie
Gouttes noires toutes vêtues
Vêtues de vestes et pantalons
Chemises cravates et pardessus
Et coiffées de chapeaux melon
Une pluie d’hommes allant s’employer
Certains une serviette serrée sous le bras
Du travail amené chez soi pour couper
Les plaintes familiales égrenées au repas
Ils sont ennuyeux comme la pluie
Leur journée ne les intéresse pas
Et c’est ainsi que passe leur vie
En descendant ils pensent à la retraite
Qu’ils préparent soigneusement
Ils pourront regarder par la fenêtre
Tomber la pluie mélancoliquement
Paul Obraska29 commentaires
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Par Dr WO le 31 Janvier 2009 à 17:39
Gustav Klimt « Les trois âges de la femme »LE COMPAGNON INFIDELE
Le corps n’en fait qu’à sa caboche
Il suit son bonhomme de chemin
Il fut un compagnon proche
En bonne forme chaque matin
Et plutôt agréable à fréquenter
Mais il se met peu à peu à s’éloigner
En faisant trop parler de lui
On traîne un compagnon étranger
Qui vient nous gâcher la vie
On le voit chaque jour changer
Il perd des petits bouts avec les ans
Des cheveux gris et des dents cariés
Son habit de peau devient trop grand
Il fait des plis, tout fripé et taché
Il s’incline un peu pour marcher
Il craque comme un sarment desséché
Et il s’en va un jour ou une nuit
Au moment où on a besoin de lui
Paul Obraska
Gustav Klimt « Dame avec chapeau et fourrure »
LA GARCEPlus je vieillis, plus j’aime la vie.
Mais la vie est une amante
Qui vous quitte quand on vieillit.
Son départ fatal me hante.
Je l’ai prise au berceau.
Au début la différence d’âge
Ne se voyait pas trop,
Je la préservais des orages.
Mais voilà, la vie ne change pas,
Et moi j’ai peu à peu changé.
La vie ne connait pas le trépas,
Le mien est programmé.
Alors la garce va me quitter.
J’espère qu’elle le fera en douceur,
Nous avons été ensemble tant d’années.
Je ne sais pas, elle a tant de froideur.
Volage, elle ira vers d’autres amants,
Elle les prendra au berceau comme moi,
Mais ses amants n’auront qu’un temps,
J’espère que la garce me regrettera.
Paul Obraska32 commentaires
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Par Dr WO le 8 Janvier 2009 à 18:09
Edward Munch "Anxiété"
ANXIETELa foule silencieuse se presse tendue
Les visages égarés restent dans l’attente
Les yeux écarquillés fixés sur l’inconnu
Derrière roulent des vagues menaçantes
Seuls les éléments morts restent mouvants
Sous un ciel rouge aux volutes oppressantes
La foule pétrifiée attend l’événement
Elle a tenté en vain d’oublier sa venue
Mais tous savent que la chose viendra
Et ils sont tous là
Dans leur belle tenue
L’anxiété habite la foule qui attend
Elle ne la quittera jamais
Même si rien ne survient pour un temps
Les hommes sont ainsi faits
Une bête traquée se tapit dans leurs têtes
Et ils vivent leur vie aux abois
Même dans le rire des fêtes
Même dans les plus beaux émois
Ils restent à chaque instant
Des poursuivis sans poursuivants
Paul Obraska
17 commentaires
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Par Dr WO le 1 Janvier 2009 à 11:43
Salvador Dali « Persistance de la mémoire »JOUR DE L’AN
Le premier jour de l’année nouvelle
l’homme se regarde dans le miroir
Qu’espère-t-il y voir ?
Objet glacial impudique et rebelle
le miroir efface l’illusoire
Encore une année de gagnée
se dit l’homme pour se consoler
Encore une année de perdue
se dit l’homme amer
Gagnée ou perdue ?
La vie est un jeu à qui gagne perd
Et le temps s’écoule
sur les montres molles de Dali
et l’on se noie dans sa houle
et l’homme se dit
pourquoi lutter à contre-courant ?
de toute façon on coule
emporté par le temps
Alors l’homme tire la langue au miroir
Qu’importe ce qu’il avait été
Il chasse son fantôme de la mémoire
et sans hésiter
prend son rasoir
sourit à ses restes
et commence à se raser
en savourant les petits gestes
les petits gestes coutumiers
les petits gestes modestes
de la vie
Paul Obraska
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Par Dr WO le 14 Décembre 2008 à 11:31
Vincent Van Gogh « Vieil homme affligé »EVE EST PARTIE
Eve est partie.
Il craint la venue de la nuit.
Le couvercle relevé sur le clavier
Dévoile les touches mortes du piano
Que personne ne fera plus vibrer.
Les pétales s’écaillent sur le plancher,
Plus personne n’apporte leur eau.
Eve est partie.
Il est échoué, assis le dos courbé,
La tête dans ses mains devenues inutiles,
Ressassant des pensées puériles,
Comme un enfant abandonné.
Eve est partie.
Il reste incrédule, l’esprit à la dérive.
Ses yeux humides refusent la clarté,
Il les protège de la lumière trop vive,
Ce soir la lune dans l’obscurité,
Posera sa pâleur sur son visage immobile.
Dans sa tête les images du passé défilent.
C’est impossible, mais Eve n’est plus là.
Dans ce soudain silence, il reste assis.
Malgré lui, il guette encore ses pas.
A quoi bon se lever, puisqu’elle est partie.
Paul Obraska
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Par Dr WO le 24 Novembre 2008 à 17:43
Edward Munch "La danse de la vie"
J’AI DANSE
J’ai dansé avec le hasard
C’est lui qui mène toujours la danse
Et je suis ses pas dans le brouillard
J’ai dansé avec la beauté
Nous avons fait connaissance
Sa vue m’a toujours enchanté
J’ai dansé avec l’amour
Corps confondus, déboîtés périlleux
Chacun mena la danse à son tour
J’ai dansé avec la tendresse
J’aurais sans doute pu faire mieux
J’y songe parfois avec tristesse
J’ai dansé avec la joie
Je m’en souviens en souriant
Et j’aimerais retrouver ses pas
J’ai dansé avec la croyance
Avec l’ironie crispée du mécréant
Je l’ai toujours tenue à distance
J’ai dansé avec le pouvoir
Sa séduction m’a laissé froid
Ses passes ont de quoi décevoir
J’ai dansé avec la stupidité
Toujours satisfaite de soi
Difficile de lui apprendre à danser
J’ai dansé avec l’injustice
Impossible de s’en débarrasser
La voir devant moi est un supplice
J’ai dansé avec la souffrance
Je l’ai sentie près de moi sans la soulager
Et sans supporter mon impuissance
J’ai dansé avec la barbarie
Sa danse folle n’est jamais épuisée
Son spectacle d’horreur me terrifie
J’ai dansé avec la peur
La garce ne m’a jamais quitté
Elle gâche les moments de bonheur
J’ai dansé avec des fantômes
Mes bras tentent en vain de les entourer
Je ne serre que le vide dans mes paumes
Paul Obraska
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Par Dr WO le 22 Septembre 2008 à 17:06
Marc Chagall "Les amants en bleu"
SAISONSPassent les saisons, toujours les mêmes
Chacune a sa couleur pour ceux qui s'aiment
L'explosion verte du printemps est passée
Où notre amour a failli se briser
L'incendie jaune de l'été est passé
Où notre amour s'est illuminé
Les braises rousses de l'automne sont passées
Où notre amour s'est attisé
Le froid gris de l'hiver est arrivé
Dans nos cœurs il fait toujours beau
L'un contre l'autre nous restons serrés
Pour nous tenir chaud
Passent les saisons, toujours les mêmes
Chacune a sa couleur pour ceux qui s'aiment
Paul Obraska
Marc Chagall "Les amants en gris"
TANGOUn couple clair s'en va dans la nuit
A pas lents. Le temps importe peu
L'essentiel est d'être unis
L'essentiel est d'être deux
Un couple clair s'en va dans la nuit
Leur histoire confondue
Des pas de tango le temps d'une vie
L'un par l'autre soutenu
Depuis longtemps ils suivent la mesure
Même si les faux pas ne manquent pas
L'un rattrape l'autre et le rassure
Chacun ouvre pour l'autre ses bras
Chacun craint pour l'autre que la musique s'arrête
Eux ne sont pas las de danser ce tango
Chaque pas ensemble reste une fête
La danse cessera, ils ne le savent que trop
En attendant, ils dansent toujours unis
Un couple clair s'en va dans la nuit
Paul Obraska10 commentaires
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Par Dr WO le 23 Août 2008 à 11:01
Gustav Klimt "Tête d'un homme couché se supportant lui-même"
SE SUPPORTERAinsi suis-je né
Ainsi suis-je fais
Il est trop tard pour protester
Et se plaindre à qui d'être ainsi fait ?
Et puis on se console comme on peut
Ça aurait pu être pire
Ça aurait pu être mieux
Alors on prend l'habitude
On émousse les angles
On cache les creux
On joue à être quelqu'un de bien
Parfois ça marche
Parfois ça marche pas
Surtout avec les siens
Alors il faut se supporter
Et que les autres vous supportent
Comme je suis né
Comme je suis fais
Et on devient insupportable
Comme si les autres étaient responsables
De ce que l'on est
Et l'on devient vieux
Avec le temps on finit par s'aimer
Un peu
Un peu tard
Au moment de se quitter
Paul Obraska7 commentaires
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Par Dr WO le 10 Juin 2008 à 22:32
Pierre Bonnard "La pièce du petit déjeuner"
PETIT DEJEUNERPlaisir du petit déjeuner
Dans la lumière d'un jardin
Devant les offrandes du matin
Le soleil encore bas derrière les ramées
Ourle de lumière la dentelure des feuilles
Les oiseaux prudents nous surveillent de l'œil
Les plus hardis viennent chaparder sous notre nez
En s'approchant sur leurs pattes graciles par petits bonds
Pour picorer goulûment les miettes de pain laissées à l'abandon
Brusquement les oiseaux interrompent leur repas
Et prennent leur vol, effrayés par des voix d'au-delà
Qui surgissent libérées d'une boîte sur le napperon
Pour déverser par les ondes sur le seuil du matin
Un flot ininterrompu de mauvaises nouvelles
C'est ainsi que le monde vide ses poubelles
Sur la table garnie de fruits et de pain
Sur la lumière d'un nouveau matin
Et sur nos pauvres cervelles
Paul Obraska1 commentaire
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Par Dr WO le 20 Mai 2008 à 16:37
William Turner "Lever de soleil sur le château de Norham"
MATINL'homme ouvrit la fenêtre
Et regarda le matin naître
Etirer ses bras au loin
Ce séducteur de matin
Tenait la terre embrassée
Enfin sa moitié
L'homme en fit autant
Et gloussa doucement
Il était heureusement surpris
D'être encore en vie
La nuit était passée
Et la nuit tout peut arriver
Il s'était encore une fois
Sorti de ce mauvais pas
Ils disent que la nuit c'est du repos
C'est faux
Il se passe des tas de choses la nuit
On est poursuivi
On tombe dans une chute sans fin
On cherche des choses en vain
Les morts surgissent du temps
Ils ne sont jamais contents
Ils viennent vous faire des reproches
Surtout les défunts proches
C'est pire quant le jour est dans la nuit
C'est bien pire l'insomnie
On ne peut pas se réveiller
Soulagé d'avoir rêvé
Et la douleur se retourne dans le lit
Fâchée de ne pas être endormie
Il y a tout de même de bonnes choses dans la nuit
La mort peut arriver sans crier gare
On peut mourir sans le savoir
Sans attendre la peur au ventre
Que la mort frappe et entre
En déchirant le corps à sa façon
La nuit on meurt par distraction
En pensant à autre chose
C'est une bonne chose
Alors l'homme regarde le matin se lever
Un matin de plus c'est toujours ça de gagné
Il se dit qu'il faut en profiter
Ce sera peut-être le dernier
Et il va déjeuner
En murmurant ces deux vers
De Prévert :
« Et j'égorge en plein soleil
Les plus beaux rêves de mes nuits »
Paul Obraska3 commentaires
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