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    Le jour de l’an, le jour le plus mélancolique…

    Une année de perdue, une année de retrouvée…degas-melancolie.jpg

     

     

     

     

    Edgard Degas « Mélancolie »

     

     

     

     

    UNE ANNEE

     

    C’est l’hiver

    Le ciel est blanc, il fait froid

    Une année a été mise en terre

    Les gens nauséeux pressent le pas

     

    Bientôt le printemps

    Les arbres enfin verts coifferont squares et avenues

    Leurs fleurs fragiles ne resteront pas longtemps

    Leurs fins pétales pointilleront les trottoirs des rues

     

    Puis viendra l’été

    La chaleur dénudera les jeunes femmes de la cité

    Leur corps sous les tissus fins sera à peine voilé

    Elles s’ensoleilleront aux terrasses des cafés

     

    Et s'allumera le bûcher de l’automne

    Les feuillages s’embraseront de leur éclat agonique

    Les feuilles que les arbres dénudés abandonnent

    Donneront aux rues de la ville des teintes magiques

     

     

    Paul Obraska


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  • klimt-la-vie-lamort.jpg

    Gustav Klimt « Mort et Vie »

     

    MORT ET VIE

     

    Dans un coin, la Mort attend,

    Patiente et têtue.

    Elle a le temps.

     

    Son squelette cliquetant revêtu

    D’une longue robe chamarrée

    D’une sombre étoffe crucifère.

     

    Elle contemple, le crâne penché,

    Les futurs habitants du cimetière

    Sans cacher sa concupiscence.

     

    Les humains se tiennent serrés,

    Comme pour assurer leur défense,

    Pyramide de corps enchevêtrés.

     

    Leurs paupières sont déjà fermées.

    Sont-ils morts ou toujours vivants ?

    Les femmes ont le visage attendri,

     

    Serrées contre le corps de l’enfant,

    Qu’elles aimeraient protéger de la nuit.

    Et l’amant enveloppe son amante.

     

    Seront-ils plus forts les corps confondus ?

    Protection aussi dérisoire qu’émouvante

    Contre la Mort se tenant à l’affût.

     

     

    Paul Obraska


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  • Schiele F renversées det

    Egon Schiele « Femme renversée »

     

    A L’ENVERS

     

    La tête en arrière

    Le monde renversé

    Renverser le temps

    Les yeux bien ouverts

    Revivre à l’envers

    Effacer le présent

    Remonter le passé

    Tout recommencer

    La main sur ce cœur à prendre

    Dans ce corps trop pris

    Des mots à entendre

    Dans le désordre du lit

    Les pensées chavirent

    Dans la tête renversée

    Mais la femme soupire

    Il est temps de se lever

    De reprendre la vie

    Où elle l’a laissée

    Fini de rêver

      

    Paul Obraska


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  • Chagall-noces.jpg
    Chagall « La mariée à l’éventail »

     

    NOCES D’OR

     

    Nous avons, ma belle mariée

    Survécus aux peines et aux fous

    Nous avons traversé ensemble les années

    Comme les années nous ont traversés

    Roule le temps, roule la roue

    Malgré le temps, malgré tout

    Nous nous aimons encore

    Etonnés, craintifs, émus

    En ce jour imprévu

    De nos noces d’or

     

    Paul Obraska

     

     

     

     


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  • Oscar Kokoschka : « La mariée du vent »

     

    SOLITUDE

     

    C’est dans le silence de la nuit

    Lorsqu’on entend le bois craquer

    Lorsque dans le sommeil tu es partie

    Que je reste seul, comme je l’avais été

     

    Le vent des rêves t’a emportée dans la nuit

    Loin de moi dans un immobile voyage

    Tu suis ses méandres en restant à sa merci

    En me laissant seul abandonné sur le rivage

     

    C’est dans la solitude de la nuit

    Lorsque le monde s’efface dans le noir

    Lorsque près de moi tu restes endormie

    Que je guette ta respiration sans te voir

     

    C’est dans la pensée de la nuit

    Lorsqu’on éprouve l’amère finitude

    Lorsque la crainte vient réveiller l’insomnie

    Que je ressens l’absolue solitude

     

    C’est dans le crépuscule de la nuit

    Lorsque le gris du jour se lève

    Lorsque tu te réveilles encore endormie

    Que la solitude s’enfuit comme un rêve


    Paul Obraska


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  • Albrecht Dürer : "Le Christ au milieu des docteurs" (détail)


    JEUX DE MAINS

     

    Il y a la main qui écrit

    La main qui pétrit

    La main qui peint

    La main qui pétrit le pain

     

    Il y a la main complice

    Qui donne une caresse

    A l’être que l’on aime

    Au chien qui vous aime

    Ou aux fesses tentatrices

     

    Il y a les mains réunies

    Une menotte dans une grosse

    Une large sur une fine

    Les doigts entrelacés

    De petites mains unies

    Dans une ronde enfantine

    Et celles jointes en prière

    Ou menottées de fer

    pour avoir la paix

     

    Il y a les mains qui parlent

    De ceux qui parlent trop

    Ou de celui qui se tait

    Parce qu’il est muet

     

    Il y a ceux qui tendent la main

    Pour connaître leur destin

    Ceux qui l’ont dans leurs mains

    Le disent mais n’en savent rien

     

    Il y a celui qui tend la main

    Le dos au mur

    Parce qu’il n’a rien

    Avec plus de soif que de faim

     

    Il y a ceux qui ferment la main

    En colère

    Pour en frapper le voisin

    Ou le tenir en l’air

     

    Il y a les mains habiles

    qui trichent ou dérobent

    Et font un tour de passe-passe

    Devant des messieurs en robe

    Pour tomber dans la nasse

    Comme des poissons morts

     

    Il y a les mains assassines

     Qui serrent le cou un peu fort

    Meurtre ou accident

    Au hasard du jugement

     

    Il y a les hommes souriants

    Qui se serrent la main par devant

    Pour la photo

    Et qui se passent la main

    Dans le dos

    Pour se trahir demain

     

    Il y a ceux qui se salissent les mains

    Dans les moyens justifiés par la fin

    Ou dans le sang de la guerre

    Et en sont fiers

    Il y a ceux qui s’en lavent les mains

    Et même s’ils se donnent du mal

    Leurs mains restent sales

     

    Il y a sur le dos de la main

    Cette terrible crasse sénile

    Ces petites taches brunes

    Qui petit à petit se touchent

    Et tirent un voile brun

    Sur le destin de chacun

     

     

    Paul Obraska

     


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  • FIL

     

    Comme une mouche prisonnière

    Agitée en vain de soubresauts

    Dans une toile vomie des filières

    Nous filons sur un fil au tombeau

     

    Le temps tisse sa toile patiemment

    Un fil pour le passé, un fil pour l’avenir

    Il n’y a guère de place pour le présent

    Juste un nœud pour se souvenir

     

    Equilibristes, nous marchons sur un fil

    A pas hésitants entre terre et ciel

    Plus on avance plus croît le péril

     

    Que le fil se rompe la chute est mortelle

    Il n’y a  pas de filet tissé sous les fils

    Une chute en terre, jamais vers le ciel

     

     

    Paul Obraska

     


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  • Magritte : "La méditation"


    Avec le temps, l’espace se rétrécit et ce qui n’arrange rien, le temps s’accélère.

     

    Lorsqu’on retourne vers un lieu de son enfance longtemps après l’avoir quitté,

    Chacun est surpris en évoquant ses souvenirs devant la réalité :

    Le chemin est devenu sentier, la montagne est devenue colline,
    le lac est devenu étang, le château est devenu  chaumière
    et la longue marche de jadis est franchie en peu de pas.

     

    A l’âge adulte, le temps file en s'accélérant et l’espace continue à se rétrécir :

    Mer et montagne sont à portée de roues, les pays lointains, à portée d’ailes,

    L’astre des poètes d’une pâleur mortelle avale en grimaçant
    des capsules projetées par les terriens impudents.

     

    Quadt on devient vieux, l’espace se rétrécit encore, clos  entre quatre murs,

    Quatre murs blancs qui se rapprochent sournoisement.

    Et un peu plus tard, il arrive une chose inouïe,
    Sans aucun témoin pour en faire le récit :
    L’espace et le temps disparaissent

    Et c’est la fin du monde.

     

    Mais en attendant, si on allait prendre l’apéro ?


    Paul Obraska


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  • Dali : Le cabinet anthropomorphique

     

    TIROIRS

     

    Dali imagina sur sa toile brune un meuble humain,

    Le tronc en tiroirs, un signe sans espoir de la main.

    De son regard brûlant il rendit les montres molles,

    Montres de gousset coulant lentement vers le sol.

    En les voyant couler, chacun aimerait les retenir,

    Mais du temps n’est retenu que le souvenir.

     

    Ah ! Ranger les traces laissées dans la mémoire

    En les conservant chacune dans un tiroir,

    Comme des photos rangées dans un coffret,

    Et regarder du passé ce que l’on choisirait.

     

    Mais les boîtes à souvenirs restent ouvertes,

    Les plus beaux s’enfuient et on regrette leur perte,

    D’autres nous suivent comme l’ombre de nos pensées,

    Et s’infiltrent dans les rêves de nos nuits agitées.



    Paul Obraska


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  • Vincent Van Gogh " Terrasse du café sur la place du forum"

    BIERE AMERE

    Il marchait depuis le matin
    mais il hésitait à s'asseoir
    Il ne lui restait presque rien
    mais il avait besoin de boire
    attiré par cette flaque de lumière
    au milieu de la nuit étoilée
    Il avait erré la journée entière
    sans trouver à s'embaucher

    Il ne souhaitait plus qu’une bière
    Assis il regarda les gens passer
    Des gens qui se promenaient
    en gouttant la douceur du soir
    Ils avaient travaillé la journée
    et savaient à quoi ils servaient
    Lui n'avait plus grand espoir
    à nouveau de travailler

    Il resta longtemps à la terrasse du café
    en buvant lentement la bière amère
    Il n’avait pas assez pour régler
    De ce jour il entrait dans la misère
    Encore solide il était bon à jeter
    Alors il se jeta le reste de bière
    et puisqu'en marge de la société
    il sortit de la flaque de lumière
    et entra dans la nuit sans payer

     

    Paul Obraska


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