• Marc Chagall « Moi et le village »

     

     

    MON VILLAGE

     

    Il se souvient de son village en Russie 

    Là où il est né

    Chacun porte son village en lui

    Et ne peut l’oublier

     

    Un lieu où chacun vous connaissait

    Un lieu de peines et de fêtes

    Un lieu où d’autres vous haïssaient

    Un lieu de terre et de bêtes

     

    La grande ville des gens perdus

    Offre pour tous la solitude du désert

    Au sein de la foule dans les rues

     

    Il a laissé là-bas père et mère

    De son lointain village disparu

    Il peint les couleurs et sa misère



    Paul Obraska 


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  •   

    ESCAPADES XVI 
    Félix Vallotton « Femmes nues jouant aux dames »

      

    JEU DE DAMES

     

    Des dames nues sur le plancher

    Sont penchées sur le damier

    La blonde repliée sur ses pieds

    La brune les jambes écartées

    Jeu de dames par femmes nues

    Pourquoi y jouer ainsi dévêtues?

    Dans leur simple appareil dévoilé

    Elles font la belle sur le plancher

    La blonde pliée s’apprête à jouer

    Elle hésite sur le pion à pousser

    La brune les fesses au plancher

    Ne quitte pas des yeux le damier

    Elle espère gagner cette belle

    L’unique toilette sera pour elle

    Elle fera dame une fois vêtue

    Quand la blonde sera vaincue

    Maquillée et dans sa belle tenue

    Elle jouera aux dames dans la rue

    Avec une seule parure pour deux

    Les dames nues l’ont mise en jeu

    Entre dames on peut être nues

    Prendre des poses incongrues

    Mais pour affriander le quidam

    Il faut gagner au jeu des dames

    Bien soigner l’allure et le plumage

    Attirer les regards à son passage

    Jouer la belle tout en rougissant

    Et se mettre nue au bon moment

    Paul Obraska


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  • René Magritte « Le jockey perdu »

     

     

    LA FABLE DU JOCKEY PERDU

     

    Un jockey distrait est perdu dans la nature

    Lui qui ne connaît que les pistes balisées

    De l’hippodrome, comment a-t-il pu s’égarer ?

    Et il continue affolé à cravacher sa monture

     

    Dressé sur son coursier le jockey caracole

    Parmi les arbres aux plumes d’oiseau

    Et le cheval inspiré prend son envol

    Les ailes ouvertes de ses naseaux

     

    L’étalon sans remords laisse la course de côté

    Orné du petit homme dressé sur ses ergots

    Pour rejoindre une jument aperçue dans les prés

    Emportant le jockey éperdu sur son dos

     

    Ce galop libre dans la nature est une fête

    Sans personne ni devant ni derrière

    Sans piste, sans chemin, sans barrière

    Au milieu de rangées d’arbres-sucettes

    Plantées dans le vide des clairières

     

     Le jockey dans son habit de carnaval

    N’a jamais couru à cette vitesse

    S’il ne comprend pas son cheval

    Il est gagné par son ivresse

    Par l’animal il se laisse emporter

    Et se demande si en se perdant

    Il ne s’est pas trouvé

     

     

    Paul Obraska


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  • René Magritte " Perspicacité"


    L’ŒUF DE MAGRITTE

     

    Tenant son pinceau comme une mouillette

    Le peintre prit un œuf d’oiseau

    Sur l’assiette de sa palette

    Et au bout du pinceau

    Sur la toile étonnée

    Fit naitre un oiseau

    Aux ailes déployées

     

    Le peintre peignit l’intemporel

    L’avenir et le passé de son modèle

    Mais qui manipule un œuf

    Manipule un bœuf

    Il aurait pu peindre une brebis

    Il aurait pu l’appeler Dolly

    Il aurait pu créer une autre bête

    Ou faire de l’œuf une omelette

     

    Un œuf est un mystère

    D’où peut naitre le meilleur comme le pire

    On ne sait jamais ce que l’on peut en faire

    On ne sait jamais ce qui va en sortir

    Surtout lorsqu’on le retire aux mères

    Paul Obraska


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  •   

    ESCAPADES XIII


     
    EN ECOUTANT CHOPIN

     

    Mais qu’a-t-il ce piano

    A égrainer ses notes comme coulent les larmes

    Une à une puis pressées comme monte l’onde

    Et pourquoi cette rage qui enfle et gronde

    Pour finir comme on rend les armes

    Quand  la colère s’effiloche

    Laissant quelques fils trainer où s’accrochent

    Les notes cristallines en rangs amers

    Qu’a-t-il ce piano à s’excuser pour cette rage passagère

    En reprenant sa douceur mélancolique

    Par une caresse rapide et pudique

    Nous effleurant

    Nous enveloppant

    Dans un voile de notes tressées

    Puis ce silence pour nous abandonner

    Paul Obraska

     

    Soulages


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  • Francis Picabia "Hera"


    BRASSEE

     

    Brassée de visages emmêlés

    Jetés au hasard

    Les yeux, fleurs enchâssées

    Au triste regard

    Les pétales des paupières

    Alourdis de fard

    Sur les pièges à lumière

     

    Bouches de coquelicots fanés

    Serrant leur double pétale pulpeux

    Parmi les yeux des fleurs écarquillés

    Cernés d'une corolle de paupières bleues

     

    Brassée de mains déracinées

    Feuilles tendues, paumes réunies

    Dressées sur des rameaux amputés 

    Montrant à la sorcière leurs lignes de vie


    Paul Obraska


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  • Marc Chagall "Les saltimbanques dans la nuit"


    LES MUSICIENS

     

    Les saltimbanques sont venus ce soir

    Masques blafards dans le bleu sombre

    Troués d'orbites vides au regard noir

    Flottant sans corps dans la pénombre

     

    Les instruments s'amusent entre eux

    Leurs chapelets de notes enjouées

    S'élèvent clairs dans la nuit bleue

    Les musiciens exécutent la gaité

     

    Les mains comme des oiseaux

    Virevoltent sur le violon pâle

    Caressent le corps d'un flûteau

    Et attirent les gens dans le bal

     

    Les instruments bêtes fidèles

    Flattées par la main  des artistes

    Plus vivants par leurs ritournelles

    Que leurs maîtres au regard triste


    Paul Obraska 

     




    BANDONEON

     

    Le bandonéon se love sur toi Astor

    Il baille et se courbe et s'étire

    Tes mains  tiennent son corps

    Et sous la caresse de tes doigts

    Il pousse un profond soupir

    Alors tu le presses contre toi

    Et son souffle rauque, saccadée

    Gronde entre tes bras

    Puis tu le laisses doucement aller

    Et il entoure tes genoux serrés

    Pour te remercier, Astor Piazzolla.


    Paul Obraska


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  • Arcimboldo "Le bibliothécaire"


    MOTS

     

    Les hommes sages vivent en silence,

    Loin du monde et de sa jactance.

     

    A l'abri du flot malin des mots menteurs,

    Des bouquets de mots roses qui promettent le bonheur,

    Des salves meurtrières des mots haineux,

    Et du poids fantastique des mots creux.

     

    Les milliers de mots dits s'envolent au vent.

    On les épingle dans les livres pour les retenir,

    Ils y restent prisonniers, parfois éternellement,

    Et l'on écrit des mots sur ce qu'ils veulent dire.

     

    Les mots pour découvrir les choses ou pour en rire

    Meurent beaucoup trop vite pour s'en souvenir,

    Réels, ils s'effacent avant ceux qui offrent l'éternel.

    Pour que les mots demeurent, ils doivent venir du ciel

     

    Et Dieu, tel un instituteur, dicte des mots sans mettre son paraphe,

    Et tape les doigts de sa règle à la moindre faute d'orthographe.

     

    Les hommes sages vivent en silence,

    Les mots sonores éveillent leur méfiance.


    Paul Obraska


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  • COMPTINE

     

    J'ai une palette dans mon assiette

    Les mets colorés s'emmêlent

    Sur le fond bleu de la vaisselle

    Je n'en laisserai pas une miette

     

    Une olive centre mon assiette

    Petit nombril noir au goût fort

    Je lui ferai de suite un sort

    Je n'en laisserai pas une miette

     

    La langouste trône dans mon assiette

    Carapace orange à la chair blanche

    La mayonnaise pour chaque tranche

    Je n'en laisserai pas une miette

     

    Un citron jaune éclaire mon assiette

    Sa pluie acide donne du caractère

    Je le presserai pour arroser la chair

    Je n'en laisserai pas une miette

     

    L'avocat s'étale dans mon assiette

    Sans robe, il sera facile à déguster

    Il apportera de l'onctuosité

    Je n'en laisserai pas une miette

     

    Les tomates bordent mon assiette

    Cramoisies devant l'avocat vert

    Elles amèneront leur saveur légère

    Je n'en laisserai pas une miette

     

    L'œuf blanc et jaune dans mon assiette

    Attend la mayonnaise, sa complice

    Il sera comme toujours un délice

    Je n'en laisserai pas une miette

     

    Des champignons ornent mon assiette

    Leurs tranches brunes ajoutent une couleur

    Ils offriront de la terre leur saveur

    Je n'en laisserai pas une miette

     

    L'addition arrive dans une assiette

    C'est..ce..lui..qui..a..tout...man...gé

    Qui...de...vra...la...ré...gler

    Et Il ne m'est resté que des miettes

    Paul Obraska


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  • René Magritte "L'Empire des lumières


    LE SOLEIL EST PARTI

     

    Un jour ou une nuit

    Le Soleil est parti

    Tout seul comme un grand

    En laissant ses planètes en plan

    Derrière lui

    Sans crier gare

    Le Soleil ne supporte pas les émotions du départ

     

    De son geste il était bien placé pour en mesurer la gravité

    Mais que voulez-vous il en avait assez

    Assez de toutes ces planètes

    Qui lui tournaient sans cesse autour

    Et tournaient sur elles-mêmes par des pirouettes

    Pour se montrer sous leur meilleur jour

    Toute cette cour lui prenait la tête

    Ce galopin de Mercure

    Collé à lui malgré la température

    Vénus qui se prenait pour la déesse de l'Amour

    La Terre bleue fière de sa Lune blême

    Et qui n'arrêtait pas de se bronzer

    Mars vêtu de rouge pour se faire remarquer

    Jupiter qui se prenait pour Dieu lui-même

    Entouré de ses douze apôtres

    Saturne avec ses anneaux dans le nez

    Et les autres

    Tout ce petit monde lui portait sur le système

     

    Le monde fut surpris

    De se retrouver sans chaleur sans lumière

    Dans une froide nuit

    Pourtant

    Pour échapper à son cortège planétaire

    Le Soleil avait depuis longtemps

    Préparé sa fuite solitaire

    Chaque jour il disparaissait la nuit

    Ce n'était pas un jeu gratuit

    La nuit devait préparer le monde à mourir

     

    La nuit est un avant-goût de la mort

    Le monde aurait du s'en souvenir

    On meurt un peu quand on dort

    Dans les profondeurs des nos nuits

    Seuls les rêves prouvent que l'on vit

    Encore

    Paul Obraska


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