• Magritte : "La méditation"


    Avec le temps, l’espace se rétrécit et ce qui n’arrange rien, le temps s’accélère.

     

    Lorsqu’on retourne vers un lieu de son enfance longtemps après l’avoir quitté,

    Chacun est surpris en évoquant ses souvenirs devant la réalité :

    Le chemin est devenu sentier, la montagne est devenue colline,
    le lac est devenu étang, le château est devenu  chaumière
    et la longue marche de jadis est franchie en peu de pas.

     

    A l’âge adulte, le temps file en s'accélérant et l’espace continue à se rétrécir :

    Mer et montagne sont à portée de roues, les pays lointains, à portée d’ailes,

    L’astre des poètes d’une pâleur mortelle avale en grimaçant
    des capsules projetées par les terriens impudents.

     

    Quadt on devient vieux, l’espace se rétrécit encore, clos  entre quatre murs,

    Quatre murs blancs qui se rapprochent sournoisement.

    Et un peu plus tard, il arrive une chose inouïe,
    Sans aucun témoin pour en faire le récit :
    L’espace et le temps disparaissent

    Et c’est la fin du monde.

     

    Mais en attendant, si on allait prendre l’apéro ?


    Paul Obraska


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  • Un jour je partirai d’ici

    J’irai de port en port

    J’irai de pays en pays

    J’irai de visage en visage

    J’irai de corps en corps

    Et au bout du voyage

    Là-bas au bout de la terre

    Je te rencontrerai

    Enfin

    Toi que j’ai quittée

    Et je t’épouserai



    Paul Obraska


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  • Montebello, beau nom pour deux victoires, un quai, un port, une terrasse où si l’on mange mal, la vue des bouquinistes et la majesté de Notre-Dame permettent de se rassasier. Saint- Louis, un pont chargé de badauds autour d’un clown au bagout prolifique, au-dessus de la Seine encombrée de bateaux chargés de touristes rangés comme des sardines.

     



    Rue  Saint-Louis-en-l’île bordée de porches moyenâgeux, de vieux murs bombés,  de restaurants sombres et de boutiques lumineuses, gorgées d’objets multicolores parfaitement inutiles, d'écharpes chatoyantes, de fausses pierres pourtant si belles. 
    Les gens déambulent sans se presser et comme des enfants léchent des sorbets, passent de boutique en boutique pour le plaisir des yeux. D’autres font la queue devant les échoppes de Bertillon, hésitent dans leur choix devant la longue liste des parfums proposés et de la subtile  fraise des bois et de l'onctueux caramel que j’ai choisis, le bas de mon pantalon en garde le souvenir.

     



    Et puis on s’en retourne par le square où Notre-Dame nous montre son dos de pierre à travers les feuillages et où s’élèvent les accents énergiques de la Musique de la Garde Républicaine dont les musiciens de blanc vêtus et sans leurs chevaux, sont dirigés– Ô miracle -   par une femme.


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    Fernand Léger : "La ville"

    Les banlieues des grandes villes posaient depuis longtemps des problèmes à ceux qui nous gouvernent et ce, quel que soit le gouvernement. Certes, certains en tiraient avantage et trouvaient là l’occasion de montrer leurs muscles, de préférence avant une élection, mais dans l’ensemble la banlieue restait toujours un sac de nœuds.

    Pourquoi ? Parce que la banlieue est sensible. Non, il ne s’agit pas de la sensibilité du romantique, la banlieue n’est pas romantique, elle est malade. La banlieue est sensible dans le sens médical : quand on la touche, elle s’agite et parfois elle crie lorsqu’on  appuie là où ça fait mal. En médecine lorsqu’un organe ne peut être sauvé, lorsqu’il n’est pas indispensable et qu’il risque de perturber le reste de l’organisme, on l’ampute.

    C’est ainsi qu’un jour, nos gouvernants pensèrent que pour défaire les nœuds contenus dans le sac des banlieues, la solution la plus simple était de supprimer le sac et son contenu, c’est à dire les banlieues elles-mêmes.

    On commença par le Grand Paris en réalisant une métropole allant jusqu’au Havre, englobant villes et banlieues, ces dernières cessant ainsi de l’être.  Bien sûr, cette tentative fut un échec, car une nouvelle banlieue se créa en périphérie du Grand Paris. Il fut donc décidé de créer de grandes métropoles sur tout le territoire : Grand Lille, Grand Lyon, Grand Marseille, Grand Bordeaux…etc.…Bien entendu autour de chaque nouvelle métropole se créaient de nouvelles banlieues, mais admirez la sagesse de nos gouvernants : il arriva un  jour où toutes ces grandes métropoles se rejoignirent, rejetant à la mer ou aux frontières les banlieues qui prétendaient à nouveau se créer.

    C’est ainsi que depuis on voit des banlieusards entassés sur des bateaux de fortune tenter de rejoindre les côtes et d’autres franchir les frontières cachés dans des camions.


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  • Lorsque vous achetez un livre d’un auteur connu et dont le génie n’est plus discuté, c'est-à-dire quand il est mort, avant de pouvoir le lire, l’éditeur vous inflige les avant- propos d’un (ou de plusieurs) illustre inconnu (enfin, pour moi) qui profite de l’occasion, c'est-à-dire du génie de l’autre, pour s’épancher abondamment dans une prose verbeuse, parfois freudienne et masturbatoire qui n’en finit pas. A titre d’exemple : par hasard, j’ai récemment feuilleté dans une librairie le Spleen de Paris de Baudelaire, édité en 130 pages par Gallimard et précédé par une introduction et une préface, couvrant à elles deux 100 autres pages ! Bien sûr, me direz-vous, pourquoi lire les avant-propos ? D’abord vous les payez et ensuite vous vous dites qu’il y a peut être des considérations intéressantes. Celles-ci, en fait, lorsqu’elles existent, n’occupent qu’un petit espace de la dissertation que vous abandonnez bien vite pour entrer dans l’œuvre elle-même. En tant qu’adulte vacciné vous êtes  capable d’avoir votre opinion sans l’aide de l’introducteur qui ne pense qu’à se faire mousser et être enfin lu, accroché au génie de l’introduit comme peut l’être un morpion.


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  • Salvador Dali « Portrait du frère mort »

     

    PAPIER GLACE

     

    Vieilles photos sur papier glacé

    Vous avez la froideur des natures mortes

    Fantômes foudroyés du passé

    Que l’oubli à nouveau vous emporte

     

    Mirage des bonheurs perdus

    Sourires figés dans la glace du papier

    Immuables dans le temps suspendu

    Papillons de couleurs épinglés

     

    Les revenants glacés nous dévisagent

    Avec le choc de leurs anciens visages

    Dans une époque à jamais révolue

     

    Les souvenirs soudain libérés

    Surgissent, cruels, sous la lumière crue

    Pour nous montrer ce que nous avons été

    Pour redonner chair aux disparus

    Dont il ne reste que papier glacé

     

     

    Paul Obraska


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  • Je ne suis pas gros. Cette déclaration liminaire, qui n’intéresse personne, a cependant l’intérêt de montrer que je n’ai aucun conflit d’intérêt dans ce qui va suivre.

    Je veux, en effet, m’élever contre la discrimination dont souffrent de plus en plus les gros devenus une des cibles privilégiées de la médecine (je préfère dire gros plutôt qu’obèse qui a une consonance scabreuse ou surpoids qui a le côté hypocrite du politiquement correct). Hormis le cas des femmes qui cherchent à devenir squelettes au risque de traumatiser leur partenaire de lit, je n’encourage pas, bien sûr, les gens à devenir gros, ils n’ont pas besoin de moi pour le devenir et la plupart désirent ne pas l’être, mais ils sont montré du doigt et je m’élève contre les multiples accusations dont ils sont l’objet, une discrimination qui concerne plus d’un milliard d’individus dans le monde (en additionnant les faiblement et les fortement enveloppés, ces derniers seraient 300 millions)

    Non seulement on veut leur fait payer plus cher une place d’avion ou un soutien-gorge  à leur taille, non seulement on les accuse d’être plus malades que les autres et donc implicitement de coûter plus cher à la société, non seulement un laboratoire[1] met à leur disposition une pilule amaigrissante qui peut pousser bon nombre à passer une partie de leur journée sur le siège des toilettes, mais certains les accusent à présent de modifier le climat, non pas comme les bovidés qui le modifient par leurs dégagements gazeux, mais de façon heureusement plus subtile.

    L’étude[2] qui permet d’étayer cette accusation se base sur le fait que les industries alimentaires génèrent 20% des gaz à effet de serre (GES) et les transports correspondants en ajoutent 14%. En tenant compte de ce fait, les auteurs ont calculé l’énergie alimentaire requise pour maintenir le métabolisme basal des gros par rapport à une population qui ne l’est pas et on obtenu un  total de GES supplémentaire compris entre 0,4 et 1 GigaT d’équivalent CO2 annuel.

    Cette étude subtile et discriminatoire mériterait confirmation, mais j’encourage d’ores et déjà les écologistes à rester minces et j’espère en leur bonté pour ne pas faucher les gros qui ont suffisamment d’ennuis comme ça.

     

    [1] GlaxoSmithKline espère avec la pilule Alli encaisser 15 à 20 millions d’euros de recettes la première année.

    [2] Edwards P et coll. : Population adiposity and climate change. Int J Epidemiol 2009; 1-4.


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  • Le téléphone portable est un bijou de technologie[1]. Qui n’a pas cet objet fétiche à portée de main ?...Les prisonniers. Ceux de la prison Danilo Pinheiro de Sorocaba au Brésil ont voulu réparer cette incapacité et ont fait appel à une bête : le pigeon. En mars dernier les gardiens ont découvert que des pigeons voyageurs apportaient dans des petites sacoches des téléphones mobiles en pièces détachées jusqu’au pénitencier et deux oiseaux ont été capturés en flagrant délit. Les prisonniers ont évidemment du temps pour apprendre aux pigeons nichant dans le pénitencier à transporter des paquets et il faut rendre hommage à ces volatiles pour l’aide, malheureusement interrompue, qu’ils ont apportée à l’humanisation des prisons.

    Il est consolant de constater que dans un monde hyper-communicant, le pigeon voyageur est toujours là et ceci depuis sa promotion divine comme messager légendaire de Noé. Il a traversé les époques à tire-d’aile depuis l’Antiquité à nos jours, échangeant de la littérature épistolaire entre généraux ou annonçant quelque évènement aux gens impatients.

    L’armée française, nostalgique, a, semble-t-il, conservé un colombier au Mont Valérien, à Suresnes et quelques colombiers mobiles. Des hôpitaux se serviraient du volatile véloce pour transporter des produits à analyser vers des laboratoires (de Granville à Avranches)[2]. La NASA lui ferait confiance pour transporter des « secrets-défense » (Il faut savoir que le pigeon voyageur ne sait pas lire, ceci explique cela) et l’US Navy, à Hawaï, a une école de pigeons héliportés, doués d’une excellente vue (les pigeons, pas les hélicoptères), pour le repérage et le sauvetage en mer.

    J’interrompe ici ce survol sur le sujet pour aller chasser un pigeon qui se soulage sur le rebord de ma fenêtre. Personne n’est parfait.



    [1] On ne dit plus « technique », mais  « technologie », ça fait plus riche, comme on ne dit plus « problème » mais « problématique », ça fait plus savant.

    [2] Je n’ai pas vérifié la véracité de cette information un peu étonnante, mais j’avoue que j’aurais aimé exercer dans un hôpital utilisant des pigeons voyageurs. Il y a là une confiance aveugle dans la conscience professionnelle du volatile. J’imagine l’échange suivant : « Et quel est le résultat de mes analyses ? » - « Nous ne l’avons toujours pas reçu, le pigeon n’est pas encore arrivé, que voulez-vous, c’est le printemps… »


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    MECREANCES XIX


    Goya : "Scène de l'Inquisition"

    INQUISITION

     

    Je ne veux que ton bien. Tu dois te dépêcher de laver l’âme de tous tes péchés et je ne suis là que pour t’empêcher de brûler en Enfer. Alors, par la croix, tu dois croire ce que je crois, tu dois penser ce que nous pensons et agir selon notre Foi pour être sauvé.

     

    Mais si on me dit que tu agis sans penser ce que je pense, je devrai te faire avouer que tu simules nos croyances et ce sera à Dieu de te juger. Lui ne peut se tromper. Pourquoi avoir peur ? Si tu es dans l’innocence et si tu as la vraie Foi,  tu n’a pas à craindre la souffrance, tu supporteras la douleur, car Dieu veillera sur toi.

     

    Si tu penses que ce n’est pas la vérité, si tu n’as pas confiance en notre Seigneur pour te sauver, alors tu ne crois pas ce que nous croyons. Les fers te feront avouer ton imposture et tu finiras dans les flammes du bûcher avant d’entrer dans les feux de l’Enfer.


    Paul Obraska


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