-
Grève
Lassés par le jugement des Français, par l’impopularité dont ils sont victimes, heurtés par l’injustice qui les accable, le Président de la République, le Premier Ministre, les ministres, les secrétaires d’état, les chefs de cabinet, les conseillers en tout genre, décidèrent de commencer une grève reconductible.
Les voitures de fonction restèrent au garage, plus de va-et-vient, on ne vit sur le perron de l’Elysée aucune poignée de main, les journalistes tendirent leurs micros dans le vide et pas la moindre déclaration présidentielle ou ministérielle ne vint encombrer les pages des journaux ou les ondes et l’image des dirigeants disparut des écrans après l’annonce solennelle de l’arrêt de travail par le collectif gouvernemental.
Inutile de dire que le pays fut surpris par une telle unanimité, mais ne pouvait faiblir et céder aux revendications gouvernementales dont la première était d’être aimé par la population, ce qui paraissait impossible.
S’agissant d’une grève corporatiste, les administrations ne suivirent pas le mouvement et les chambres, un moment déboussolées, continuèrent à se réunir avec pour les députés et les sénateurs de la majorité un curieux sentiment de liberté et de vacances, dispensés qu’ils étaient de voter des lois à tour de bras, lois qui existaient déjà sous une autre forme mais sans avoir eu le loisir d’être appliquées.
Privé de sa tête, parfois un peu folle, le corps du pays continua à fonctionner. En l’absence de pressions ou d’entraves, les administrations organisèrent leur travail comme elles l’entendaient, la police devint efficace sans se perdre dans des tâches subalternes comme la protection des personnalités, l’encadrement massif des visites présidentielles ou dans des opérations à grand spectacle qui se soldaient par la prise d’un fusil à pompe ou d’un troisième couteau non prévenu en raison de l’épuisement de la batterie de son portable. La Justice put sortir quelques affaires que l’on avait glissées sous le Parquet et les diplomates purent faire de la diplomatie sans voir tous leurs efforts annihilés par des interventions intempestives. Quant au monde économique, il s’était toujours moqué des ministres sauf pour en tirer quelque profit.
Alors la population encouragea le gouvernement à tenir le coup, à maintenir ses revendications et pour l’aider elle continua de son côté à ne pas l’aimer mais en lui faisant espérer cet amour impossible.
-
Commentaires
1âne deboutMardi 12 Octobre 2010 à 12:35Hi hi ! Très beau contre-plan.RépondreIl se trouvera aussi quelques personnes bien intentionnées dans la population pour jouer les "briseurs de grève" et proposer de remplacer ("provisoirement", bien sûr !) les grévistes !Je suis un peu déçu, j'espérais un suicide collectif !Carlus a raison, hélas! Ils sont nombreux ceux qui seraient prêts à "faire à la France le don de leur personne pour atténuer son malheur". Il leur faudra, bien sûr, trouver une autre formule. Celle-là date et réveillerait de mauvais souvenirs. Mais le sens y serait.C'est excellent Doc, et après mon marathon volontaire de cet après midi dans les rues de Rennes, c'est un véritable moment de détente.
Merci.
Bonne soirée
ZAZAUn gouvernement qui démissionne est moins utopique qu'un gouvernement qui fait grève pour être aimé.
Dr WO
Belle idée ce gouvernement en grève par manque d'amour.
Est-ce par manque d'amour que le Général était parti quelques jours en Allemagne? Est-ce par manque d'amour que Bérégovoy s'est suicidé?Excellente idée!! Rire!!! Merci pour ce moment de détente!!! Bisous DOc!Pour le De Gaulle c'est par amour incompris, il a fallu attendre sa mort et sa comparaison avec ses successeurs. Pour Bérégovoy, c'est peut-être par manque d'amour de ses collègues.
Dr WO
20leonieLundi 7 Janvier 2013 à 16:13Un gouvernement qui fait grève, en voilà une imagination débordante d'humour :), et un gouvernement qui démissionne serait-ce utopique?
Ajouter un commentaire