• C'est pas moi, c'est lui

    C'est pas moi, c'est lui"La France, cet étrange pays qui a perdu sa joie de vivre" Par Laurent Sagalovitsch (Français vivant au Canada). Large extrait d’un article paru dans Slate. Illustration : Gustave Courbet "Le désespéré".

     

    "… Des quatre coins de l'Hexagone, on entend monter les mêmes récriminations, les mêmes peurs, les mêmes constats : la France se disloque, elle se meurt, elle se décompose comme un fruit pourri de l'intérieur. Hormis une caste de privilégiés, c'est partout la même misère, de ces gens qui ne s'en sortent pas et sont condamnés à vivre des existences au rabais.

    Le spectacle donné par la France, vu de l'étranger, donne à voir un paysage apocalyptique, une sorte de navire à la dérive qui prendrait l'eau de toutes parts. Voilà un pays où, semble-t-il, on a peur de tout. Peur du chômage, peur des pannes de courant, peur de manquer de produits de première nécessité, peur de ne pas s'en sortir, peur du lendemain, peur de la guerre, peur de l'immigration, peur de la mondialisation, peur de son voisin, peur du déclassement, peur d'avoir peur, peur de tout et de rien, une angoisse généralisée qui se répand dans toutes les couches de la société.

    Comme si la France avait perdu toute confiance en sa capacité à affronter les défis de demain. Qu'elle ne croyait plus en son génie collectif. Une sorte de déclin inexorable qui entraînerait le pays à désespérer de tout. Vu de loin, tout semble gris en France. Et infiniment triste. Un pays sans joie, sans ressort, où hormis à travers les exploits de ses sportifs, on ne vibre plus pour rien si ce n'est pour exulter une colère qui s'adresse tout autant aux médias qu'aux politiques, à ces élites divorcées du réel.

    En France, tout est toujours sur le point d'exploser. Chaque rentrée, chaque début d'année s'accompagne d'un flot de prévisions catastrophiques qu'on égrène d'une voix blafarde sur les plateaux de télévision. On dirait un catalogue de prophéties bibliques dignes des meilleurs épisodes de l'Ancien Testament. La France va être plongée dans le noir, le pain viendra à manquer, les hôpitaux s'écrouleront, les universités dépériront, les eaux de la Seine se changeront en marais putrides… personne n'en réchappera. Tremblez, tremblez pauvres Français, l'heure du jugement dernier approche !

    Comparée à la France, l’Ukraine semble être un pays où il fait bon vivre. La France a perdu les clés du bonheur, de la joie de vivre, de la légèreté d'exister. La moindre contrariété prend des allures de catastrophe nationale. À la première difficulté rencontrée, c'est tout le pays qui s'embrase, et alors chacun regarde l'autre comme si c'était le diable en personne. On ne s'accorde sur rien, on en veut à la Terre entière, et dans cette déréliction qui saisit le pays tout entier, on promet de régler par la violence ou le désordre ce que la loi avait essayé d'imposer.

    Probablement faut-il voir dans cette apoplexie de la peur le réflexe d'une population qui, à force d'être secourue par l’Etat providence, a perdu le sens des réalités. Il faut avoir vécu quelque temps à l'étranger pour s'apercevoir à quel point en France, l'État, dans toutes ses déclinaisons administratives, veille au bien-être de sa population. Comment il a le souci constant de la protéger, de lui venir en aide, d'essayer d'atténuer par tous les moyens possibles la rudesse de l'existence. Non qu'il y parvienne pour tout le monde, mais au moins a-t-il l'ambition de n'abandonner personne sur le bas-côté.

    Sauf qu'à la longue, comme ces médicaments pris si régulièrement qu'on finit par ne plus en percevoir leurs effets, les Français n'ont plus conscience de ces largesses. Ce qui est de l'ordre de l'exceptionnel (les études à peu de frais, la santé gratuite, les aides à foison, le rôle protecteur des amortisseurs sociaux…) relève chez eux de l'ordinaire, du normal, de l'acquis. Si bien que, pris dans un engrenage pervers, il leur faut plus, toujours plus. Et quand l'État, par les limites conférées par ses rentrées d'argent, ne parvient plus à répondre aux attentes des uns et des autres, alors naît ce ressentiment, cette amertume teintée de colère, d'en être oublié. Qu'est-ce que le malheur français si ce n'est la conviction d'être moins bien loti que son voisin, qu'il habite sur son palier ou de l'autre côté de la frontière ? Un mélange d'ignorance, de jalousie, de sentiment de persécution qui, porté à son paroxysme, finit par jeter une partie de la population dans les bras des populistes de tous bords. C'est quand on ne croit plus à rien qu'on finit par croire aux bobards des promesses impossibles à tenir. Il suffit de voir à quel état en est rendu l’Angleterre pour s'en convaincre…"

    « 434. Commentaire embarrasséConvictions »

  • Commentaires

    1
    Lundi 9 Janvier 2023 à 14:59

    Bénéficiant d'un climat clément, d'une position géographique idéale, de paysages variés et riche d'une culture multiséculaire (à comparer avec l'Asie de mousson, les USA, leurs blizzards et leurs ouragans par exemple), la France pourrait être un paradis (ou presque). Ses multiples gouvernements successifs ont vécu sur ces acquis sachant que toutes les fautes, erreurs et même crimes n'atteignaient ni le climat, ni la position géographique, ni les paysages. L'essentiel était préservé. C'est de moins en moins le cas. Le paradis s'effrite et l'enfer se dessine à l'horizon. Le Français est en droit de se plaindre.

      • Lundi 9 Janvier 2023 à 15:20

        Le Français se plaint TOUJOURS, il se plaignait même pendant "les trente glorieuses". Aucun pays ne souffre d'autant de grèves et de manifestations et peu de pays ont un système équivalent de soutien social. Ce qui ne veut pas dire que tout est parfait et que nos dirigeants sont des anges compétents, mais il faut tout de même relativiser la souffrance d'une majorité des Français, le plus déprimé des peuples et le plus grand consommateur de tranquillisants.

    2
    Lundi 9 Janvier 2023 à 16:50

    "La France va être plongée dans le noir, le pain viendra à manquer, les hôpitaux s'écrouleront, les universités dépériront.." et moi qui croyait naïvement stupidement qu'il y avait une part de pas tout à fait faux dans tout ça qu'on peut lire un peu partout... : "...un mélange d'ignorance, de jalousie, de sentiment de persécution !..."

                          

    Je vais finir par être convaincu, moi, à force de telles déclarations ... sleep !

     

     

    https://www.youtube.com/watch?v=uqKXAJq37FE

     

     

     

      • Lundi 9 Janvier 2023 à 16:58

        Convaincu, je ne pense pas. Vous êtes très ferme sur vos postions...mais un peu d'objectivité serait la bienvenue.

      • Lundi 9 Janvier 2023 à 18:00

        C'est quoi l'objectivité  ?

         

        C'est l’article cité de Laurent Sagalovitsch qui écrivait il y a tout juste trois ans (Slate du 10/05/2019)  ?

        J'ai quitté la France il y a dix ans et je ne le regrette pas...

        Rien n'y est simple, les incivilités nombreuses, l'air malsain, le coût de la vie exorbitant, la méfiance généralisée, et dans cette jungle urbaine, la vie au quotidien demande des trésors d'énergie et de patience.

         

        C'est les déclarations de celle qu'on surnomme la "première dame de France" et qui fait le porte-parolat de son mari ? au nom de qui et de quoi ?

        Partout où je voyage, je dis "On a de la chance, je le sens, je le sais.. je le sens, qu'on a de la chance " 

         

        ... et je n'ai jamais prétendu à une quelconque objectivité : j'expose mes convictions, mes opinions et j'essaie éventuellement de les justifier (même si ce n'est pas le terme que je trouve le plus juste).  Qui, sur quel blog  peut se prévaloir, de faire autre chose ?

         

                 Celui qui se croit objectif doit déjà être au moins à moitié ivre. ~ Lu Xun 

         

      • Lundi 9 Janvier 2023 à 18:29

        La citation de L.S concerne le sentiment au quotidien et elle n'est pas en contradiction avec la façon d'être qu'il décrit dans son dernier article. Ce que dit B.M. ne regarde qu'elle. L'objectivité ne concerne pas l'interprétation des faits mais la prise en compte des faits eux-mêmes sans les déformer et sans les oublier pour renforcer l'opinion que l'on défend. J'ai fait de longues études alors que j'étais plutôt pauvre, je ne paie pratiquement rien quand je vais chez le pharmacien, après le "quoi qu'il en coûte", les aides se sont multipliées etc... Comme vous le savez, les Américains se ruinent pour étudier ou se soigner. Beaucoup de monde cherche à venir en France et nous n'arrivons pas à persuader ces idiots que nous sommes malheureux. Bien sûr, on n'est jamais certain d'être objectif, mais on peut tenter de l'être. Pour répondre à Lu Xun, on ne se croit pas objectif, on tente de le devenir, c'est dire en ne cherchant pas à voir que ce qui va dans votre sens et en ne repoussant pas ce qui n'y va pas.

    3
    Lundi 9 Janvier 2023 à 23:48

    C'est tellement vrai que Rokhaya Diallo, dans un superbe retournement dialectique, dit en substance,  pour défendre Omar Sy, que c'est bien français de critiquer la France.

    L'axiome de base serait donc  : plus on critique et plus on méprise la France, plus on est Français. 

     

    PS : le gaullisme, c'était un peu l'inverse : on méprise les Français ( "des veaux") mais on vénère la France

      • Mardi 10 Janvier 2023 à 00:04

        Finalement De Gaulle aurait aimé la France sans les Français. Si l'on en croit Diallo les indigénistes sont des Français typiques.

      • Martine
        Mardi 10 Janvier 2023 à 10:52

        C'est vrai que prendre Rokhaya Diallo et Omar Sy comme archétype du "pauvre français" qui a  "peur d'avoir peur, peur de tout et de rien...", ça peaufine la démonstration.

      • Mardi 10 Janvier 2023 à 11:03

        Ils n'ont pas peur, ils se victimisent.

    4
    Souris donc
    Mardi 10 Janvier 2023 à 11:25

    Nous avons été contaminés par le puritanisme-woke des Américains, et en avons perdu un peu des qualités que le monde entier nous enviait.

    Le pays du béret, de la baguette, de la main au panier et de la gauloiserie pour les classes populaires.

    Le pays de la raison cartésienne et de la galanterie pour les CSP +

    Je ne sais pas si le monde entier nous envie nos ronds-de-cuir, moins nuisibles que le collectivisme bureaucratique soviétique. 

    Plus personne ne dit de nous "des Italiens de mauvaise humeur".

    Le puritanisme woke nous a dénaturé.

      • Mardi 10 Janvier 2023 à 11:43

        Il est certain que le puritanisme woke cadre mal avec la joie de  vivre comme tous les puritanismes dont une des caractéristiques est l'hypocrisie. Le Français a toujours été râleur, mais cette mauvaise humeur était tempéré par un style vie que "le monde entier nous enviait" et qu'il a de moins en moins de raisons de nous envier.

    5
    Brindamour
    Mercredi 11 Janvier 2023 à 09:47

    Certes il y a des problèmes mais à mon avis c’est la France est le pays qui peut m’offrir la meilleure qualité de vie, notamment dans ma chère Auvergne. 

    La preuve les immigrés ou les touristes se précipitent chez nous.

    J’ai vécu 5 ans aux USA et je suis revenu avec grand plaisir en France. 

      • Mercredi 11 Janvier 2023 à 09:55

        Si les  critiques de cet auteur sont valables, je n'ai pas pour autant envie de m'expatrier.

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