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434. Commentaire embarrassé
Des visiteurs de ce blog pourraient s’étonner qu’en tant que médecin de ne pas avoir fait jusqu’à présent le moindre commentaire sur les remous qui agitent en ce moment le personnel soignant aussi bien en ville qu’à l’hôpital. Il y a à cela deux raisons.
La première est que j’ai quitté la scène voilà bien des années, et porter un jugement sur une situation qui n’est plus vécue est discutable. J’ai exercé mon métier de façon satisfaisante aussi bien en ville qu’à l’hôpital, même si l’on sentait déjà les prémisses d’une crise du service de santé, ne serait-ce que par le début de l’invasion administrative. A voir ce qui se passe, la situation a bien changé, et je ne la connais pas de l’intérieur. Je ne perçois que les échos de soignants débordés, démissionnaires, et de surcroît régulièrement agressés, ce qui était inconcevable à mon époque.
La seconde raison est que je ne sais pas ce qu’il faudrait faire, le système de santé étant très complexe, touchant beaucoup de monde dont les statuts sont différents et parfois opposés, et où toute réforme met des années pour juger de son efficacité comme pour la levée du numerus clausus des études médicales dont l’effet ne pourra être jugé que dans une dizaine d’années. En attendant, les déserts médicaux s’accroissent en liaison avec la désertification administrative et structurelle des zones rurales.
Lors de ses vœux au corps de santé, Emmanuel Macron a effectué une prestation dont il a le secret, farcie de généralités et de « il faut ». Il est vrai qu’il s’agissait des vœux. J’ai néanmoins retenu la tendance générale d’un retour en arrière. Retour aux services qui avaient été regroupés en grands machins, administrateur associé à un médecin à la tête des hôpitaux, ce couple existait à mon époque avec le directeur et le président de la commission médicale. A noter que Macron envisage de renforcer le personnel administratif (déjà pléthorique) en espérant ainsi libérer du temps médical. Surtout il est prévu d’abandonner la tarification à l’activité (T2A) qui avait remplacé les budgets plus ou moins fixes qui pouvaient conduire à une certaine inertie de la part des hôpitaux. Le T2A a eu l’inconvénient de transformer les hôpitaux publics en entreprises quasiment concurrentielles. Or l’hôpital public est tout sauf une entreprise. Il ne produit rien, il ne gagne rien puisque l’argent qui lui est versé provient de la collectivité. En matière économique, l’hôpital est un organisme par essence totalement déficitaire, il ne fait que dépenser l’argent de la collectivité pour la soigner. On connaît les effets pervers de la tarification à l’activité qui pousse l’hôpital à privilégier des activités chèrement remboursées par l’assurance maladie en négligeant celles qui sont moins « rentables » pour le budget hospitalier mais tout aussi nobles. Le T2A devrait donc disparaître, mais on ne sait pas de quelle façon les budgets seront établis. Ce serait, a déclaré Macron, un bidule mixte tenant compte de missions ou d’objectifs de santé publique. Plus vague tu meurs. L’hôpital a toujours eu une mission majeure de santé publique : soigner les gens hospitalisés, le président de la République vient de l’inventer.
Quant à la demande du doublement du tarif de la consultation, Je ne sais que dire. Il est certain que consulter un médecin (bac + 6 à + 10) pour un prix inférieur à celui d’une coupe de cheveux (il est préférable de taire la comparaison avec la consultation d’un plombier) n’est pas très valorisant, mais tout dépend du temps passé et de la difficulté du cas. Il y a des consultations qui ne méritent pas plus de 25 € (qui pourraient être déléguées d’après Macron, ce qui n'est pas inconcevable)) et d’autres qui en mériteraient 100. Quant à transformer les médecins en fonctionnaires, ce que nombre d’entre eux n’hésitent pas à faire excédés par l’activité libérale, on voit ce que cela donne en Grande-Bretagne. Le chef de l’Etat résout le problème en demandant plus d’efforts aux médecins libéraux déjà débordés : « Nous allons mieux rémunérer les médecins qui assurent la permanence des soins et ceux qui prennent en charge de nouveaux patients ». Voilà, c’est simple : travailler encore plus jusqu’au « burn out » pour gagner plus. Cela pourrait aussi s'appeler de l'exploitation.
Illustration : Jan Steen : « Le docteur et son patient »
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Commentaires
2Souris doncDimanche 8 Janvier 2023 à 08:31L'informatique a tout complexifié, on va plus vite avec le papier et le crayon.
Patrick Pelloux, l'urgentiste qui perd son temps sur les plateaux.
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Dimanche 8 Janvier 2023 à 09:04
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Sur Patrick Pelloux, il faut bien que quelqu'un qui s'y connaît alerte sur un problème qui n'est toujours pas résolu.
Sur le reste, l'hôpital et la médecine en général ne sont pas censés gagner de l'argent mais de la santé. Bien gérer est une chose, rogner sur les dépenses en est une autre car, en même temps, on rogne sur la santé.
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Dimanche 8 Janvier 2023 à 13:32
L'équilibre est difficile à trouver entre une gestion rigoureuse de l'argent public et le soin des gens dans une situation où les progrès médicaux conduisent à une activité médicale de plus en plus onéreuse, qu'il s'agisse des explorations ou des traitements. Le risque est d'aboutir à une médecine de guerre basée sur la sélection des cas à soigner avec tous les moyens dont on dispose.
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Votre modestie vous honore, Doc. Mais si vous changez d'avis, allez sur les sites des sachants et vous trouverez quelques solutions efficaces pour sauver notre système de santé, parmi lesquelles:
- Réintégration des soignants non-vaccinés ( et refusant, bien sûr, d'administrer le vaccin aux patients)
- Interdiction du vaccin et poursuites judiciaires à l'encontre des médecins le préconisant
- Promotion des "soins précoces" à base d'ivermectine
- Arrêt des activités criminelles de Big Pharma
Ce ne sont que quelques exemples. Les sachants en ont bien d'autres. C'est d'ailleurs leur immense savoir qui les rend parfois si arrogants.
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Dimanche 8 Janvier 2023 à 09:51
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5Souris doncDimanche 8 Janvier 2023 à 11:15L'hôpital croule sous les problèmes, les cliniques ne se plaignent pas, et n'ont pas l'air d'avoir les mêmes tensions. Leurs patients n'ont pas forcément à faire l'avance des frais. J'ai été soignée à la Clinique Hartmann à Neuilly qui a dû présenter la facture directement à la mutuelle.
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Dimanche 8 Janvier 2023 à 11:25
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Des arguments absolument imparables et qui devraient être développés plus souvent pour la tranquillité d'âme de (ou de certains parmi les meilleurs de) nos dirigeants :
porter un jugement sur une situation qui n’est pas (ou plus) vécue de l'intérieur est discutable et seuls les spécialistes auto-désignés peuvent en débattre
ne pas savoir quoi faire pour gérer une situation inextricable dont les effets seront long à se manifeste revient à cracher dans l'eau ou dans un violon
Partant de là :
n'étant pas directement concerné par la crise opposant la Russie à l’Ukraine et au reste du monde via l'OTAN et l'Union Européenne et ne sachant pas trop quelle solution y apporter, je m'abstiendrai de l'évoquer
n'étant pas directement concerné par le coût de l'énergie multiplie par 3, 5, 8 ou 10 impactant les boulangers et autres artisans "de bouche" et ne sachant pas trop quelle solution y apporter, je m'abstiendrai de l'évoquer
n'étant pas directement concerné par les questions de laïcité et de prosélytisme islamiste dans les établissement scolaires et ne sachant pas trop quelle solution y apporter, je m'abstiendrai de l'évoquer
n'étant pas directement concerné par l'efficacité ciblée et provisoire et/ou par les effets secondaires prêtés à tel ou tel vaccin et ne sachant pas trop quelle solution y apporter, je m'abstiendrai de l'évoquer
(Ça va devenir d'un calme la vie des blogs...)
Ah... Si...
Un élément de votre argumentaire me semble effectivement très juste et très pertinent : l’hôpital est un organisme par essence totalement déficitaire, il ne fait que dépenser l’argent de la collectivité pour la soigner. Et ça, c'est quelque-chose d'absolument rédhibitoire : comment un ex-Mozart de la phynance peut il accepter un tel état de faits, après avoir bradé sans discussions nos ressources pour en tirer quelque bénéfice immédiat même sans lendemain : énergétiques, intellectuelles, culturelles, industrielles, agricoles, militaires, etc... (mais...
n'étant pas directement concerné par le déclin définitif et sans appel de l'Hexagone et ne sachant pas trop quelle solution y apporter, je m'abstiendrai de l'évoquer)
Je vous remercie pour ce commentaire et j'accepte volontiers votre ironie. Mais il existe un paradoxe : il est plus facile de commenter ce que l'on ne connait pas que ce que l'on connait. Je suis censé être de la partie et je devrais pouvoir déterminer les tenants et aboutissants de la question pour suggérer des remèdes et j'avoue, justement parce que je connais les problèmes (bien qu'ils aient été moins aigus lors de ma pratique), que je suis dans l'incapacité de suggérer des solutions efficaces à court ou moyen terme. Peut-être par insuffisance de réflexion et d'informations.
Certes, votre modestie (ou quel que soit le nom qu'on lui donne) vous honore...
Mais que se passerait il si tous les médecins, libéraux ou hospitaliers publics ou privés, voulaient s'honorer de la même modestie en évoquant un devoir de réserve bien compréhensible et ne pouvant être juge et partie et s'interdisaient toute déclaration publique en dehors d'un cadre professionnel ou syndical ? (je mets à part des personnalité dont les compétences et l'intégrité ne sauraient être mises en cause, tels les docteurs Mathias Marty et Jérôme Wargon, par exemple)
De même, un éventuel usager des services de Santé (que nous sommes, avons été ou serons quasiment tous un jour ou l'autre), quelle que soit sa situation professionnelle ou personnelle présente, passée ou à venir, peut-il ou doit-il faire preuve de la même modestie ? Tout le monde ou presque doit parfois succomber à cette faiblesse de parler pour parler, sans prétention ni arrogance, chez son boulanger habituel ou dans son bistro préféré, comme on parle de foot ou de littérature ou de bombe atomique, par exemple...
En parlant de simple citoyen, je sache moi même personnellement de source sûre plusieurs situations pour lesquelles ni les intéressés ni moi n'avons de solution à proposer :
- deux couples d'amis dont le médecin traitant vient de prendre sa retraite et qui n'ont pu trouver, après bien des difficultés, un autre généraliste acceptant de prendre de nouveaux patients (!) qu'à plus de 20 km de leur domicile ("grande banlieue" parisienne). Je ne sais pas combien d'autres patients sont concernés par cette anecdote.
- ma belle-mère (95 ans dépassés), transportée aux urgences après un malaise et une chute, a dû attendre plus de dix heures sur un brancard (d'autres moins "chanceux" ont attendu bien plus longtemps et certains y sont morts faute de soins - parait-il...?), avec juste une assistance respiratoire, avant d'obtenir une place en UHCD
Même sans grande réflexion et avec peu d'autres informations, c'est pourtant une réalité dont les gens causent entre-eux, et ils se foutent de n'avoir pas de solution efficace à proposer. Ils sont comme ça, les gens...
Je ne parlais que de ma réaction personnelle à des évènements concernant mon domaine. Il est évident que depuis la nuit des temps les gens réagissent aux évènements sans y être mêlés et sans avoir de solution pour résoudre les problèmes qu'ils entraînent. Je constate comme vous une détérioration du service de santé qui s'est progressivement installée et qui n'est pas spécifique à la France. La critique est aisée mais il y a des facteurs que les dirigeants peuvent difficilement maitriser : le prix toujours croissant des traitements et des examens en raison même des progrès de la médecine et l'âge avancé de la population qu'ils permettent. Les pays ont de moins en moins les moyens de se payer la médecine moderne et celle-ci ira de découvertes en découvertes. Tout en pointant les erreurs présentes et passées de nos dirigeants, j'évite de les accabler, mais en me posant la question : après avoir soigné des centaines de personnes, qui va me soigner ?
Les urgences sont encombrées, c'est vrai, et c'est un drame pour tous ceux qui ont à s'y rendre. Mais quand on propose de rendre le masque obligatoire pour diminuer le nombre d'entrées et soulager les hôpitaux, qui s'y opposent en criant à la "dictature sanitaire" ?
Qui s'opposent à une vaccination validée par toutes les agences de santé des grandes nations occidentales, sous prétexte qu'elle serait encore en "phase d'observation" ?!!!
Qui demandent la réintégration de soignants non-vaccinés dans les hôpitaux et les Ehpad au risque de faire de ces lieux accueillant des personnes particulièrement fragiles des lieux de contamination massive ?
Qui proposent de supprimer l'aide médicale gratuite au risque de voir des migrants illégaux propager des épidémies venues d''ailleurs dans la population française ?
Quelle tartufferie que de déplorer l'engorgement des Urgences et faire semblant de compatir au sort des soignants tout en s'opposant à toutes les mesures qui pourraient soulager les hôpitaux et les soignants !
Pas moi : je ne m'opposent à rien, je ne demandent rien, je ne proposent rien.
pourquoi y s'oppose à rin, pourquoi y demande rin, pourquoi y propose rin ? passeque y 'xiste pas ...
@ CARLUS Vous parlez essentiellement de la situation au plus fort de la pandémie. Il est vrai que des personnes comme les frères Bogdanoff ont été hospitalisés et sont mortes pour avoir négligé les mesures de prévention proposées par le gouvernement, mais ces réfractaires sont minoritaires et n'expliquent pas la situation globale.
@ BEDEAU Là, vous faites preuve d'un excès de modestie.
@ TOUS CEUX QUI SE SENTENT VISES : Je visais les zélateurs Philippot, les admirateurs de Dupont-Aignan, les adeptes des philosophes Gilets Jaunes, les ennemis affichés de Big Pharma, les intellectuels qui font "leurs propres recherches" sur Russian Today ou sur les sites Qanon, etc... Chacun se reconnaitra. Ou pas.
@ DR WO : Je crois avoir entendu dire les effets de la pandémie ne sont pas encore terminés sur le personnel soignant : personnel épuisé , voir traumatisé à l'idée d'être confronté à une nouvelle vague , recrutement difficile, etc...
Mais je voulais simplement souligner que l'extrême droite qui s'oppose à toutes les mesures sanitaires proposées n'est la mieux placée pour ensuite déplorer l'aggravation de la situation.
Bien sûr la COVID-19 tue encore et le personnel a beaucoup donné et les services de urgences sont éprouvés ce qui risque d'accentuer le nombre de démissions.
Vous avez raison, ceux qui critiquent le plus sont ceux qui aident le moins.