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    Anniversaire

    Chagall « Anniversaire »

    Lorsqu’il se réveilla ce matin-là, il vit venir un ange, un peu maladroit, ses grandes ailes le gênant pour marcher (non, ce n’était pas un albatros) et arrivé, cahin-caha,  au pied de son lit, la créature céleste lui proposa une nouvelle tranche de vie.

    Il répondit que la précédente ne lui avait pas déplu et qu’il ne cracherait pas dessus. L’ange approuva de ses ailes, car les gens n’étaient pas toujours contents de ce qu’ils avaient eu et il devait parfois remporter sa tranche au ciel quand les gens trouvaient leur vie amère.

    Et l’ange découpa soigneusement dans le gâteau d’anniversaire une tranche de vie pour un an.

    Le voyant faire, il demanda timidement s’il ne pouvait pas en couper davantage. Mais l’ange répondit qu’être trop gourmand ne serait pas sage, qu’il fallait se contenter de ce qui était donné et le savourer lentement pour ne pas avaler de travers, un accident est si vite arrivé et il serait dommage de ne pas terminer la tranche de vie de l’année.

    Sur ces paroles, l’ange mit une bougie de plus sur le gâteau entamé et plus à l’aise dans l’air que sur le sol, s’envola en lui souhaitant un bon anniversaire.


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  • En Inde, l’âge légal du mariage est passé de 12 ans en 1929 à 18 ans en 1978, mais le mariage de fillettes persiste, surtout en zone rurale et dans les milieux pauvres. Ce sont souvent des mariages forcés. Sur 14813 jeunes femmes mariées (Anita Raj et coll, Lancet 2009)), près de la moitié l’avaient été avant 18 ans, près du quart avant 16 ans et 2,6% avant 13 ans, avec des époux en général nettement plus âgés. Grossesses non désirées et leur interruption sont multiples, d’où la fréquence de la stérilisation de la femme avant l’âge de 18 ans. Les avortements visent plus particulièrement les fœtus de sexe féminin, car « avoir une fille c’est comme planter un arbre chez le voisin », l’arbre en question étant la dot nécessaire pour se débarrasser de sa fille.

    En Inde, cette nécessité de la dot peut prendre un tour plus tragique. Lorsque les membres de la belle famille d’une jeune épousée estiment que sa dot est insuffisante, la sanction est radicale : la jeune femme est aspergée d’essence et immolée par le feu. Cette façon de déclarer sa flamme date de temps immémoriaux et est appelé « crime de dot ». D’après la police le chiffre annuel de ces immolations serait de 6787. En fait, il est très sous-estimé car seules sont comptabilisées les plaintes. Des chercheurs indo-américains (Prachy Sanghavi et coll, Lancet 2009) pensent que le chiffre réel est probablement 4 fois plus élevé, ce qui nous amènerait à une hécatombe annuelle d’environ 25000 jeunes femmes. Mais ne faut-il pas respecter les particularités culturelles ?


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  • Humour noir Boulevard des Batignolles à Paris


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  • Objet résistant et imperméable à enfiler sur un Pape afin de l’empêcher de dire des bêtises criminelles, surtout en se rendant en Afrique.


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  • Je me pose la question : les gouvernants n’ont-ils pas une  forme mineure[1] d’autisme ? Enfermés dans leur monde depuis des années, ils semblent avoir du mal à communiquer avec l’extérieur. Sinon pourquoi la plupart des gouvernants feraient-ils appel à des « spécialistes » de la communication et le titre qu’on leur donne : « spin doctors » est manifestement médical. Ces soignants (dont les honoraires varient de 5000 à 10000 € par mois)[2] se penchent sur le patient pour lui apprendre les attitudes à avoir, les paroles à prononcer, la façon de le faire, les petites phrases qui font mouche, les slogans à utiliser, les thèmes à aborder, souvent d’une grande originalité comme ceux conseillés à notre ministre de l’Education nationale par son praticien préféré : « cartable trop lourd », « produits pas chers pour la rentrée » etc…Il est dommage que les parents ne soient pas rémunérés pour conseiller au ministre d’aborder ces thèmes qui ne lui viendraient pas tout seul à l’esprit, alors qu'il est passé - comme la plupart de ses confrères -  par "les Grandes Ecoles" (ce qui, paradoxalement, n'est pas toujours le cas de ceux qui leur servent de précepteurs).

    On comprend pourquoi les hommes politiques du passé ont parfois échoué malgré leur personnalité et leur éloquence naturelle. Avec un « communicant », Clémenceau, le « Père la Victoire », aurait sûrement été élu Président de la République, Churchill ne se serait pas retrouvé dans l’opposition après avoir gagné la guerre et De Gaulle ne se serait pas retiré après l’échec du  référendum sur la « régionalisation », facilement acceptée par la suite.



    [1] Il est possible que certains soient atteints d’une forme plus sérieuse.

    [2] Le Point du 12 mars 2009.


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    C’est un hexaèdre miraculeux, ses faces sont rectangulaires, son volume est variable mais toujours limité pour qu’on puisse le tenir dans une main et l’emporter partout avec soi. L’astuce est qu’il est aisé de l’ouvrir et dedans il y a des dizaines et même des centaines de rectangles très fins et souples. Et ce n’est pas tout, sur ces rectangles empilés et reliés par un côté  qui se succèdent dans un ordre impeccable et numéroté, il y a des milliers de lignes parallèles faites de petits dessins que les initiés peuvent traduire en histoires à rêver, à sourire, à rire, à frémir, à pleurer, à voyager ou en savoir que quelqu’un laisse pour vous alors qu’il est ailleurs ou déjà mort depuis longtemps.

    Mais ces objets miraculeux qui couvrent des murs entiers et que l’on trouve dans chaque foyer, s’ils révèlent parfois des vérités que certains veulent brûler sur les places publiques, s’ils peuvent porter la joie, la tristesse et l’amour, ils peuvent aussi provoquer la haine à travers le temps, ces parallélépipèdes ombrageux sont des millefeuilles dont la date de péremption est dépassée mais que beaucoup consomment avec extase ou en grimaçant et que personne n’ose jeter. 


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  • HORIZON

     

    Les rues de la ville n’ont pas d’horizon

    Le citadin voit à peine l’aurore vermeille

    Il ne voit que des cieux découpés au béton

    De la rue il est privé de coucher de Soleil

     

    Les nuages ont des formes amputées

    Les yeux ne peuvent suivre leur voyage

    Au-delà du tronçon de ciel dévoilé

    L’habitant de la ville est sans paysage

     

    Le citadin hôte pressé des trottoirs

    Oublie de lever vers le ciel ses yeux 

    Le regard barré par les murs des dortoirs

    Il se perd en lui et oublie les cieux



    Paul Obraska


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  • Plutôt que de trop rouler des hanches, on peut se servir de ses hanches pour rouler.

    Un certain Dr Alan Bittner, installé comme chirurgien plasticien à Beverly Hills, avait eu l’idée d’utiliser les résidus graisseux des liposuccions qu’il réalisait sur ses clientes pour produire du biocarburant (1 litre de graisse humaine équivaut approximativement à la même quantité de biocarburant habituellement produit à partir d’un mélange de maïs et de graisse de porc ou de bœuf). Ce bon docteur aurait réalisé 7000 liposuccions, il est vrai que sa compagne et lui avaient de grosses voitures à alimenter.

    En raison de quelques ennuis le Dr Bittner aurait pris la fuite en novembre 2008 et se trouverait en Amérique du Sud. Il est regrettable de décourager ainsi les gens qui veulent sauver la planète.


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  • La chasse au hasard

    « La médecine basée sur les preuves » domine la pratique médicale depuis la fin du XXe siècle. Elle n’apporte aucune preuve véritable puisqu’elle n’est basée que sur des données statistiques, mais elle a introduit du sérieux dans l’évaluation des traitements. Contente d’elle-même, elle semble dédaigner tout le passé médical, toutes les innovations, toutes les trouvailles qui ont émaillées les siècles derniers puisqu’elles n’ont pas été évaluées selon les critères actuels : tirage au sort des groupes de patients à comparer (randomisation[1]), comparaison avec un placebo ou un autre traitement (contrôle[2]), ignorance de la part du malade et du médecin du traitement pris (double aveugle ou double insu) et calculs évaluant la part du hasard dans les résultats. Cette évaluation repose en particulier sur le calcul de l’indice dénommé « p ». Cette petite lettre est la plus respectée et la plus redoutée des médecins. Plus elle est petite plus elle donne de satisfaction à ceux qui l’on déterminée. Plus elle est grande plus elle déçoit et rend vains les longues heures de travail, le sacrifice des loisirs et la séparation des couples.

                                                                                    

    Essayer sur la multitude ce qu’on l’on doit prescrire à une personne

    Les essais sont désignés par des acronymes qui leur assurent, lorsqu’ils sont bien trouvés, une partie de leur succès. L’essentiel des conférences médicales consiste à exposer les résultats des essais, en général réalisés par d’autres. Les plus savants sont ceux qui connaissent le plus d’essais et les débats consistent à échanger des acronymes.

    Le nombre de patients nécessaire pour démontrer qu’un traitement est efficace ou plus efficace qu’un autre doit être important et plus il est important plus l’étude est onéreuse. Heureusement, les laboratoires pharmaceutiques assurent un mécénat providentiel qui n’a, bien sûr, rien à voir avec le fait qu’ils sont les fabricants des traitements testés et que les essais sont obligatoires pour obtenir une autorisation de mise sur le marché. Il serait de ce fait peu courtois de médiatiser un essai défavorable. Lorsqu’une étude donne des résultats non conformes à ce que l’on attend d’elle ou en contradiction avec la vérité du moment, on y cherche des biais permettant de l’expliquer. Cette recherche peut être moins attentive lorsque les résultats sont satisfaisants

    Des médecins plus astucieux se consacrent à la méta-analyse, compilation des résultats de plusieurs essais ayant le même objectif. Elle a pour intérêt de disposer gratuitement d’une population très importante. Cette méthode sédentaire consiste à utiliser le travail des autres pour en publier un soi-même.

                                                                                    

    L’individu n’est pas soluble dans la multitude

    Les populations testées ne sont pas toujours représentatives de celle concernée par la pratique médicale.  Les sujets qui ont la discourtoisie de pas vouloir y entrer et ceux qui ne possèdent pas les critères choisis pour l’étude sont exclus, notamment ceux dont les pathologies sont multiples, consultants habituels des cabinets médicaux. Quant aux heureux élus, certains seront comptabilisés dans un groupe tout en prenant le traitement du groupe comparé (intention de traiter[3]). On ne s’étonnera donc pas de trouver dans la littérature médicale des essais dont les résultats sont contradictoires, ce qui laisse le prescripteur perplexe et le patient averti dubitatif[4].

    Les statistiques se livrent à des calculs théoriques sur un échantillon souvent peu représentatif dont on tire des recommandations pour les soins d’individus isolés faisant partie d’une population différente.

     

    Changer la mort

    Dans les essais thérapeutiques concernant les maladies qui risquent d’être mortelles, il arrive que le traitement diminue faiblement le nombre de morts provoqués par la maladie que l’on traite, mais le nombre de malades à traiter pour obtenir ce résultat est souvent important. Il arrive aussi que l’on meure moins de la maladie traitée, mais sans modifier le nombre de  décès à l’arrivée. Dans ce cas l’intervention médicale n’a changé que la façon de mourir.

     

    Voir également la « Chronique médicale » n° 14 : « L’homme est un animal comme un autre »



    [1] C’est un anglicisme, c’est à dire une locution empruntée à l’anglo-américain et que l’on ne rend jamais.

    [2] Contrôle est le nom donné au groupe de patients qui ne prennent pas le traitement que l’on suppose efficace afin de savoir s’ils deviennent ainsi plus malades que ceux qui le prennent

    [3] Le traitement est définitivement alloué à un groupe afin que les différents groupes comparés conservent l’homogénéité de départ issue du tirage au sort

    [4] Les aléas du traitement hormonal substitutif de la ménopause illustrent bien les études contradictoires. Pourvu de toutes les vertus dans les premières études, les dernières ne lui donnent comme intérêt que la disparition des bouffées de chaleur et lui imputent quelques vices. 

    La différence entre les populations testées et les patients de la pratique médicale (ce que les médecins de bon sens appellent « la vraie vie ») est illustrée par des constatations faites au Canada en 2004. Une étude (acronyme : RALES) avait montré le bénéfice que pouvaient tirer des insuffisants cardiaques de la prescription d’un diurétique : la spironolactone. Ce médicament entraîne chez certains une augmentation du taux de potassium dans le sang : l’hyperkaliémie. Après la publication de cet essai, on a assisté à une vague d’hyperkaliémies dangereuses dans l’Ontario, entraînant de nombreuses hospitalisations, alors que l’étude RALES n’en avait montré que peu. Les médecins séduits par les résultats de ce médicament  l’avaient en effet prescrit pour améliorer l’état de patients dont le profil ne correspondait pas toujours à celui choisi dans l’essai démonstratif et sans assurer la même surveillance.


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  • Le mort objet commercialAprès le succès des séries américaines centrées sur l’examen de cadavres dans un triste état, après l’exposition « artistique » de pièces anatomiques, les Parisiens ont la chance de pouvoir visiter depuis le 12 février à l’espace 12 de la Madeleine l’exposition « Our body » qui exhibe enfin des cadavres humains entiers, démonstration ayant rencontré ailleurs un vif succès. Leur conservation a été réalisée par la méthode du professeur d’anatomie allemand Gunther Von Hagens (imprégnation polymérique ou plastination) qui consiste à substituer à l’eau et aux graisses des tissus, de la silicone, de la résine ou du polyester, travail qui exige 2000 à 3000 heures par corps.

    Mais d’où viennent les cadavres ? On sait maintenant qu’ils sont chinois et soumis aux soins d’une société basée à Hong Kong. Le bon professeur a lui-même indiqué, il y a quelques années, que certains des corps exposés en Allemagne avaient une balle dans la tête. Notons en passant que la société du bon professeur est présente à Dalian, ville chinoise célèbre pour ses camps de travaux forcés. Qu’allez-vous penser là ? Les Chinois dont on expose les corps ont bien sûr consenti à ce que leur cadavre soit ainsi exploité à des fins commerciales. Un peu de dignité tout de même !

    Le succès des séries américaines et des expositions anatomiques révèle chez beaucoup une fascination morbide. Ne faut-il pas écarter la foule qui se presse sur la voie publique pour voir un mort ? Cette fascination n’est pas récente : la visite du cimetière souterrain de Palerme fait partie du circuit touristique, on peut y voir de chaque côté des allées des cadavres debout ou assis, habillés de leur plus beau costume et contempler de leurs yeux vides la marche silencieuse des touristes en short.

    Cette fascination, ou pour être moins radical, cette curiosité, si elle n’est pas récente, atteint de nos jours un niveau inconnu dans le passé : l’exploitation commerciale, retirant toute dignité aux morts et tout le respect qu’on leur doit.


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