-
Réflexions alimentaires sur le cannibalisme
Chaque année le comité des « Ig Nobel » récompense à l’université de Harvard des travaux, sans conteste scientifiques, mais dont les sujets paraissent au premier abord (et même au second) farfelus. En ce domaine, on ne se lasse jamais de l’imagination des chercheurs.
De la cuvée 2018 on note en particulier : l’intérêt (positif) des montagnes russes pour l’évacuation des calculs rénaux, la preuve que les chimpanzés des zoos imitent les visiteurs comme ces derniers imitent les premiers, le fait qu’une mouche drosophile femelle tombée dans un verre de bon vin en gâche le goût, l’efficacité de la salive humaine pour nettoyer les surfaces sales, un article intitulé « la vie est trop courte pour lire le putain de manuel » montrant, en effet, que les manuels d‘utilisation ne sont pas lus, une étude qui s’est penchée sur les causes et conséquences des cris et insultes au volant, un travail international évaluant « l'efficacité, pour évacuer le stress, de se venger du comportement d'un patron tyrannique en torturant une poupée vaudou à son effigie ».
Par contre, je trouve discutables les conclusions des travaux du britannique James Cole montrant que le régime alimentaire du cannibalisme, dont les paléontologues ont trouvé des traces, étant moins calorique que l’apport nutritif des animaux que les premiers humains pouvaient chasser, et qu’en conséquence : les pratiques cannibales auraient des motivations symboliques ou faisaient partie d’un rituel, plutôt qu’un intérêt alimentaire.
Bien sûr, il semble probable que manger son ennemi devait être satisfaisant pour le moral du vainqueur mais je trouve que l’argument calorique pour le démontrer est sujet à caution :
D’abord, parce je doute que les premiers hommes, et j’ajouterais les premières femmes pour que l’on ne m’accuse pas de sexisme, d’autant plus que si l’on se réfère aux temps modernes ce sont les femmes qui ont davantage tendance à calculer les calories absorbées, mais il s’agit là, à coup sûr, d’un stéréotype qui n’avait pas encore été imposé à l’époque, je doute donc que les premiers êtres humains (c’est plus sûr) aient eu la faculté de préciser et de comparer le nombre de calories apportées par un steak de mammouth par rapport à celui qu'apporte un steak humain (qu’il soit masculin ou féminin).
Ensuite, je ne vois pas pourquoi ayant de la viande humaine sous la main, le valeureux guerrier (ou guerrière ?) irait se décarcasser à se confronter à un mammouth pour se nourrir.
Enfin, rien ne dit que la chair humaine à l’époque n’était pas appréciée, simplement, pour son goût, et pouvait être considérée comme un met de choix, notamment le cerveau qui, d’après des études ayant évalué la richesse calorique de chacun de nos morceaux, serait l’organe le plus riche, même débarrassé de ses lourdes pensées.
Il me semble donc que les conclusions de James Cole sont un peu hâtives, peut-être parce qu’il est réticent, par humanisme, à considérer que l’homme est un animal comme un autre, même à l’état brut.
Illustration par Goya : « Saturne dévorant un de ses enfants »
-
Commentaires
3Souris doncJeudi 20 Septembre 2018 à 18:59Le-la cannibale qui mangerait ma cuisse de mouche (fleur de banlieue) devait être une femme homo erectus calculant ses calories. Et mon cerveau d'une richesse calorique minime même débarrassé de ses lourdes pensées, aurait convenu tout au plus à un rituel symbolique chez les néandertaliens.
Je me mets à la disposition d'un chercheur Ig Nobel. Je donne mon corps à la science.
-
Jeudi 20 Septembre 2018 à 19:11
N'attendez pas de rendre votre dernier soupir! Donnez votre corps à un scientifique!
-
Jeudi 20 Septembre 2018 à 19:17
-
Jeudi 20 Septembre 2018 à 19:22
-
Souris doncVendredi 21 Septembre 2018 à 11:44
Pour faire genre, ce n'est pas un cerveau mais une cervelle que j'aurais à donner à la science ou au Japonais cannibale.
-
Vendredi 21 Septembre 2018 à 16:39
-
4SémaphoreVendredi 21 Septembre 2018 à 00:13Et le rituel des caresses pudiquement appelées "bucco-génitales" ne pourrait-il pas être considéré, lui aussi, comme une lointaine réminiscence d'une forme particulièrement évoluée du cannibalisme ?
PS : ok ok, je sors, Doc !
-
Vendredi 21 Septembre 2018 à 17:20
-
Vendredi 21 Septembre 2018 à 17:51
-
Vendredi 21 Septembre 2018 à 18:16
-
SémaphoreLundi 24 Septembre 2018 à 14:11
J'aurais plutôt dit La Grande Bouffe mais il y a des décennies que je l'ai vu, ce film...
-
Lundi 24 Septembre 2018 à 14:38
-
Ajouter un commentaire
Au risque de paraître pédant, je me permets de signaler que ce ne sont pas les comptes-rendus d'expériences qui manquent sur le web pour vérifier et infirmer ou confirmer ces hypothèses purement théoriques. Petit florilège
En 2011, aux Pays-Bas, des animateurs s'essayent au cannibalisme à la télévision Dennis Storm et Valerio Zeno, présentateurs du nouveau divertissement scientifique "Proefkonijnen" (soit "lapins de labo") sur la chaîne néerlandaise BNN, vont expérimenter la dégustation de viande humaine à la télévision. (lien n°1)
En 2016, expérience semblable en Grande-Bretagne: une vidéo de Brit Lab a beaucoup fait parler d’elle sur le net, car Greg, un des testeurs de la chaîne a voulu répondre à la question que bien des gens se sont posée un jour : "quel goût a la viande humaine ?". Le jeune homme a décidé de faire extraire de petits morceaux de muscle de sa jambe, de visu, la chair humaine ressemble à la fois à de la poitrine de poulet et à de la viande de bœuf, mais la viande humaine sent très fort, bien plus fort que celles dont on a l’habitude. (lien n°2)
En 2018 c'est devenu un projet philosophico-humano-scientifique pour Richard Dawkins qui propose d’en finir avec le tabou du cannibalisme et accessoirement permettre de nourrir l'humanité à moindre coût pour la planète en cultivant de la chair humaine, en s'inspirant de la société californienne "Memphis Meats" (j'y peux rien !) qui produit de la viande de poulet et de bœuf artificielle; en tube (lien n°3)
En 2016, certains se souviennent peut-être d'une tentative beaucoup moins technique et à la portée de tout un chacun : Béatrice Dalle raconte avoir dévoré l’oreille d’un cadavre ! Invitée dans l’émission "Le Divan" de Marc-Olivier Fogiel, diffusée le mardi 2 février sur France 3, l'actrice Béatrice Dalle a fait une révélation très, très glauque. La comédienne a en effet confié que, sous acide, elle avait goûté dans sa jeunesse un morceau d'oreille découpé sur un cadavre dans une morgue.(lien n°3)
Sinon, pour rester en famille ou entre amis, il y a l'indispensable:
(extraits)
Oui, il est connu que le cannibalisme est un passe-temps favori des cinglés et votre florilège en amène la preuve. Toutefois l'objet de mon billet était de discuter un peu ironiquement de la preuve par la nutrition que le cannibalisme des premiers hominidés était un rituel et non une façon de se nourrir.