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Pas très orthodoxe
La prière individuelle est une prière intérieure ou marmonnée. On ignore donc la teneur des demandes, des croyants peuvent très bien demander à l’un des représentants du Ciel de les débarrasser d’une belle-mère acariâtre ou d’un concurrent encombrant. Ils peuvent solliciter, au choix, le Seigneur (le Père et le Fils ne faisant qu’un), un saint spécialisé ou mieux la Sainte Vierge dont le statut de déesse, sa représentation baladée dans les rues faisant l’objet de l’adoration des foules, ne fait guère de doute dans les religions catholique et orthodoxe, celles-ci se comportant de fait comme des polythéismes.
Dans la cathédrale du Christ-sauveur, les jeunes femmes du groupe Pussy Riot ont demandé à la Sainte Vierge de les débarrasser de Poutine. C’est une prière comme une autre, sauf que celle-ci fut faite à voix haute, chantée et dansée, mais cela se voit couramment dans les églises américaines. Certes, la démonstration devant l’autel et les cagoules étaient assez provocatrices, cependant la Sainte Vierge n’a pas été insultée et proclamer qu’il y a alliance entre Poutine et l’Eglise orthodoxe est une opinion (sensée) mais pas un blasphème et s’il y en a un, ce serait contre Poutine. D’où la condamnation de ces jeunes femmes à un enfermement de deux ans, non dans une prison, mais dans un équivalent du Goulag avec les pires criminels.
L’Eglise orthodoxe, qui prône le pardon et l’amour du prochain, est satisfaite de ce verdict (tout en demandant hypocritement aux autorités de faire preuve de miséricorde devant la protestation de certains de ses fidèles), elle tient à conserver l’exclusivité des manifestations et de la teneur des prières publiques dans ces lieux surchargés de richesses qu’elle se réserve. Notons qu’après plusieurs décennies de communisme où la religion chrétienne avait été mise à l’écart en URSS au profit de la religion socialiste, l’Eglise orthodoxe est plus puissante que jamais et les fidèles dépendants, manifestement en manque depuis longtemps, se sont précipités dès que possible dans les vapeurs de « l’opium du peuple ». Il y a des drogues qui aveuglent mais qui ne tuent que ceux qui n’en prennent pas.
Photo : RIA Novosti
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Commentaires
Un verdict qui prouve que la liberté d'expression n'existe pas en Russie et que le sabre et le goupillon sont toujours d'actualité..
Ces jeunes filles renouent avec une époque où les artistes n'hésitaient pas à s'engager et à critiquer les pouvoirs en place.
Belle analyse Dr WOIl est vrai qu'une peine de principe (avec sursis) ou une simple admonestation auraient été plus appropriées. Mais je suis perplexe. Ce retentissement disproportionné donné à un fait divers ressemble trop à une manipulation médiatique.
Je suis surpris de cette insistance à nous faire tourner les yeux vers la Russie.
Pour qu'on ne regarde pas ailleurs? Pour appuyer la diplomatie française qui voudrait la convaincre de rejoindre sa position sur la Syrie? Pour une autre raison?
A l'époque communiste, il fallait beaucoup plus de courage pour s'exprimer contre le pouvoir et les condamnations étaient autrement sévères pour les dissidents. Les protestations de la presse française étaient alors bien plus "mesurées".Les protestations contre ce verdict excessif ne viennent pas seulement de la France, ce qui ne cadre pas avec une manipulation spécifiquement française. A l'époque de l'URSS, les protestations existaient mais le parti communiste suffisamment puissant pour s'y opposer (cf l'épisode Kravtchenko).
Disons que la liberté d'expression de ces jeunes femmes a pris une forme un peu caracaturale, recherchant sans doute une médiatisation qu'elles ont obtenue.
Il est possible cependant que devant les protestations le verdict soit ultérieurement atténué.
Alors, c'est une manipulation internationale.
Pourquoi les Pussy riot et pas les condamnations à mort en Iran, en Arabie saoudite, aux USA, en Chine?
Pourquoi les Pussy riot et pas les massacres au Nigeria, les lapidations dans les "zones tribales", la répression au Bahrein, les salafistes tunisiens et leurs intimidations etc?
Pourquoi les Pussy riot et pas le trafic d'organes, les indiens du Brésil chassés de chez eux, le trafic d'enfants du Guatemala ("avant nous exportions de la drogue, maintenant nous vendons des bébés")?
Pourquoi?En effet, qu'une religion qui a fait du "pardon à ceux qui nous ont offensé" l'un de ses credos fondamentaux réclament une peine de prison pour un simple délit d'expression est curieux et paradoxal.
Les religions ne sont sympas que lorsqu'elles sont minoritaires et persécutées. Il suffit qu'elles deviennent officielles ou simplement qu'elles aient pignon sur rue pour devenir odieuses et répressives.La liste des ignominies commises dans le monde fait, en effet, paraître l'histoire des Pussy Riot comme tout à fait secondaire. Cependant je ne parlerais pas de manipulation, mais d'impératifs journalistiques. Les journaux sont friands de faits spectaculaires, transitoires et nouveaux, celui-ci en est un. Les drames que vous mentionnez ont déjà fait la une des journaux, ce sont des faits chroniques et il est impossible de les répéter chaque jour, le lecteur se lasserait de lire chaque jour la même chose. Le fait dramatique réapparaîtra si quelque chose de nouveau se passe.
On ne pouvait que sympathiser avec les chrétiens livrés aux fauves des cirques romains, mais lorsque le goupillon rejoint le sabre, il devient une arme.
Saint Poutine, priez donc pour vous-même car le jour du jugement viendra forcément, ce qui serait une juste compensation.
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Malheureusement je ne pense pas qu'elle puisse espérer la moindre indulgence, pensez se moquer ouvertement d'un homme qui s'oppose à un fauve à mains nues...
Nettoue