• 505. La disparition et l’absence

    505. La disparition et l’absence

    Van Eyck : "Les époux Arnoffini"

    La loi de bioéthique du 2 août 2021 a ouvert l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules, mais par contre en France, les veuves n’ont pas la possibilité d’utiliser les spermatozoïdes de leur mari défunt ou un embryon fécondé avec ses spermatozoïdes pour réaliser une PMA post-mortem. Cette interdiction a été récemment confirmée par le Conseil d’Etat qui ne l’a pas jugée contraire à la Convention européenne des droits de l’Homme mise en avant par une veuve, celle-ci considérant que la législation française était discriminatoire à son égard.

    Lors des débats au parlement sur la loi de 2021, les députés avaient pensé que la PMA sur les veuves avec le sperme de leur mari défunt conduisait à créer des orphelins de père. Mais les veuves peuvent fort bien comme les célibataires bénéficier d’une PMA avec un sperme inconnu et ainsi créer des enfants sans père. Une filiation uniquement maternelle est permise et fait partie d’un projet parental avec effacement du père, mais une filiation mixte avec un père disparu n’est plus un projet parental car interrompu par le décès d'un membre du couple initial.

    Quittons les questions juridiques qui ne sont pas de mon domaine, et qui de toute façon dépendent du pays où l’on habite et non d’une vérité quelconque, pour envisager le ressenti de l’enfant futur. Il est tout de même préférable de connaître son père à qui l’on doit la moitié de son génome que de l’ignorer. D’ailleurs, il est fréquent que les enfants nés par PMA à partir d’un sperme bancaire recherchent leur origine. Cependant, l’absence d’un ascendant peut provoquer un manque alors que sa disparition peut provoquer une souffrance. Dans le cas de l’utilisation des gamètes d’un père défunt, le descendant ne l’a jamais connu et sa disparition n’est pas vraiment source de souffrance mais éventuellement de regrets. Il est certain que la connaissance du père fournit à l’enfant une histoire, un passé vécu et peut-être un motif de fierté. Ainsi l’enfant né à partir des gamètes de son père disparu entre dans une histoire familiale complète contrairement à celui né d’un père inconnu. Orphelin de père mais inséré dans une famille, il n’est plus le produit d’un projet puisque celui-ci a été interrompu, mais toujours de deux branches d’une famille et non d’une simple filiation maternelle avec effacement volontaire du père, ce qui donne paradoxalement un avantage selon la juridiction française.

    Les législateurs français ont-ils été heurtés par l'idée qu'un mort puisse procréer ? Un donneur de sperme peut aussi disparaître après l'avoir donné, mais on ne le sait pas. L'absence est mieux tolérée que la disparition.

    « Pour un prix Nobel de l’absurdité politiqueLe dérèglement des sens »

  • Commentaires

    1
    Bernadette
    Lundi 2 Décembre à 09:14

    Je pense que c'est tout bêtement une histoire de patrimoine. Au décès du père, le notaire procède à l'évaluation et au partage du patrimoine. Si vous rajoutez un enfant, voire plus, par la suite, cela fait désordre et est source de complications sans fin.

    Ajoutons qu'on ne peut plus demander son avis au père décédé alors que le donneur de sperme est par définition consentant.

    Notons que d'après des témoignages, des enfants nés par don de sperme sont traumatisés à l'âge adulte en pensant au risque (qu'ils surévaluent) de se mettre en couple avec un demi-frère ou une demi-soeur.

      • Lundi 2 Décembre à 09:59

        Je n'avais pas songé au patrimoine, mais si une PMA avait été projetée par le couple, il est probable qu'il était infertile et qu'il n'y avait donc ni frères ni soeurs. Par ailleurs, il ne me semble pas que cet argument ait été envisagé et même pouvait l'être lors de la discussion au parlement français.

        Le risque de rencontrer un demi-frère ou une demi-soeur existe, c'est une des raisons de la limitation du nombre de dons, qui parfois n'est pas respectée.

    2
    Lundi 2 Décembre à 10:33

    Je trouve en effet, que cette loi est est très bizarre et discriminatoire vis à vis de certaine femme !

    Tout part dans tous les sens aujourd'hui !

      • Lundi 2 Décembre à 11:01

        La société est bousculée par les possibilités techniques et médicales.

    3
    Lundi 2 Décembre à 11:36
    Pangloss

    Il y avait évidemment un projet (ante ou post mortem) puisqu'il y a eu conservation de spermatozoïdes.

      • Lundi 2 Décembre à 11:43

        Mais la loi française considère que ce projet parental est devenu obsolète par la mort du père qui faisait partie du projet initial. C'est assez bureaucratique.

    4
    Souris donc
    Lundi 2 Décembre à 12:05

    Je ne comprends rien à toutes ces fourberies (d'escarpin), ces subtilités juridiques, cette complexité de la façon qu'a l'humain d'appréhender le réel.

    Exemple : cette mère de triplés qui, à la suite d'une complication, affirme "Je ne connais pas ces bébés"

      • Lundi 2 Décembre à 12:13

        Parce que le réel change de plus en plus vite.

        Un déni post-grossesse lié à une perte de mémoire justement provoquée par ses bébés. Une vengeance en quelque sorte.

    5
    Lundi 2 Décembre à 12:54
    Amandine, au secours !
      • Lundi 2 Décembre à 14:19

        Avec l'intervention bio-médicale dans la procréation il était fatal de devoir se confronter à des situations inédites et disons anormales. Le drame de l'homme est qu'il ne peut pas s'empêcher de faire tôt ou tard ce qu'il est capable de faire. La procréation est finalement un processus simple dans sa phase initiale : la rencontre de deux cellules. Reste la gestation, nous attendons la boîte à bébé.

      • Lundi 2 Décembre à 14:36

        Fin de vie, début de vie... etc...

         

      • Lundi 2 Décembre à 15:04

        Les deux ne sont pas à mettre sur le même plan. Si le droit à l'enfant n'a pas lieu d'être, sa propre vie vous appartient si l'on est athée. Si l'on pense que c'est un don de Dieu et que l'on ne peut y toucher, c'est le problème personnel du croyant, en remarquant cependant que les croyants touchent ou ont beaucoup touché à la vie des autres.

      • Lundi 2 Décembre à 15:45

        Je n'envisageais pas du tout la question sous un angle religieux, même si on peut le retrouver in fine (ou du moins "moral")

        Je pensais aux dérives et aux délires qui accompagnent les PMA et autres GPA d'une part, et les suicides assistés ou "euthanasies" d'autre part, d'un point de vue purement scientifique. Sans compter le transhumanisme et autres chimères qui fait ses premiers pas de moins en moins chancelants

         

        Le drame de l'homme est qu'il ne peut pas s'empêcher de faire tôt ou tard ce qu'il est capable de faire... et il peut faire beaucoup de choses qui le dépassent

         

         

      • Lundi 2 Décembre à 15:58

        Ces choses que l'Homme est capable de faire ne le dépassent pas dans l'absolu (pour un athée) mais le dépassent dans les conséquences. "Un homme, ça s'empêche" disait Albert Camus et que l'on devrait écrire : un Homme, ça s'empêche.

      • Lundi 2 Décembre à 16:03

        pinaillons, pinaillons... he

         

         

      • Lundi 2 Décembre à 16:22

        J'aime les précisions sarcastic

    6
    Lundi 2 Décembre à 15:16

    En fait, si on résume, le fameux "Elle a fait un bébé toute seule" serait un gros mensonge. Il y a toujours un vice de consentement. Ou elle l'a fait avec un père non consentant à qui elle a caché sa grossesse, ou elle l'a fait avec avec un défunt par définition  non consentant.  Ou elle l'a fait avec la semence d'un bénévole  qu'on peut considérer comme non consentant, lui aussi (1)

     

    (1) Car on peut vraiment se poser la question du  consentement (et accessoirement  de la santé mentale) d'un donneur de sperme qui sait que sa semence sera utilisée pour donner naissance à un enfant qu'il refuse par principe de connaitre (et de reconnaitre).

    PS :  Mais bon, on a bien assez de soucis comme ça  pour aller compliquer la vie de femmes qui veulent avoir un bébé.

      • Lundi 2 Décembre à 15:28

        Le donneur consent, con-sent étant le terme adéquat, le donneur en se masturbant se fait plaisir et rend service, serre-vice encore un terme adéquat.

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