-
Voyage en souvenirs
Simon Vouet : « Diseuse de bonne aventure dal Pozzo » 1617
On parle beaucoup en ce moment des Roms et des « gens du voyage ». Je connais mal ces communautés car pour connaître des groupes humains il faut vivre un certain temps en leur sein. Ma profession m’a cependant permis d’avoir quelques contacts avec eux. J’ignore s’il s’agissait de Roms ou de « gens du voyage », peut-être s’agissait-il de ces derniers car ils parlaient correctement le français, mais les Roumains sont doués pour les langues.
Je les ai trouvés plutôt chaleureux, mais cette impression n’a guère de valeur car étant médecin, ils avaient besoin de moi. Ces gens vivent et voyagent en groupe et ont un instinct communautaire ou familial développé avec des liens solidaires profonds.
Lorsque l’un d’eux était hospitalisé, des groupes compacts montaient la garde dans les couloirs de l’hôpital le jour et parfois la nuit et bien sûr en dehors de heures de visite, bonnes pour les sédentaires. Devant mon bureau il y avait un espace avec quelques chaises, et à une époque, chaque matin en arrivant j’y trouvais une dizaine de personnes, en majorité des hommes qui restaient debout, les femmes étant assises. Ils ne me demandaient rien, mais toute la journée ils restaient proches d’un de leurs aînés hospitalisé en unité de soins intensifs. Pendant une semaine je retrouvais les mêmes devant la porte de mon bureau, si bien qu’un matin, après leur avoir dit bonjour, je me suis tourné vers eux en leur demandant : « Vous ne travaillez donc jamais ? ». Le lendemain matin ils avaient disparu.
Ce qui est très probable, c’est qu’ils nous prennent pour des cons (ils n’ont peut-être pas tort). Un jour ma secrétaire me passe une communication téléphonique qui se voulait personnelle. Mon interlocuteur m’avertit qu’il vient de prendre un rendez-vous de consultation avec moi pour leur vice-roi. J’ignore ce que signifie ce titre et même s’il existe, mais mon interlocuteur paraissait plein de respect pour le personnage, il est d’ailleurs venu l’accompagner le jour de la consultation. Après celle-ci je remplis une feuille de sécurité sociale et j’annonce mes honoraires (tarif conventionnel). Mon patient royal me regarde en souriant et m’annonce, lui, qu’il n’a pas d’argent pour me payer. Je le regarde à mon tour et je lui dis, également en souriant, que pour un vice-roi cette situation manquait de dignité. Alors il hoche la tête, plonge dans la poche intérieure de sa veste, sort un rouleau de billets de banque maintenus par un élastique et en extrait une coupure pour me régler. Je ne fis aucune remarque et lui non plus et nous nous sommes quittés bons amis.
-
Commentaires
Parce que les non-roms sont en général disciplinés et donc sensibles aux injonctions. Les Roms s'en moquent, sont plutôt culottés et certains crient parfois à la discrimination lorsqu'on tente de les discipliner.
Dr WO
Cette description est conforme à ce que je vois ici à Perpignan .CMU pour les medicaments mais lait du bébé payé avec un billet de 50 e sorti d'une liasse.Refus systematique de generique .BMW arrétée devant la pharmacie avec enfant assis sur le siége avant non attaché et jamais arretee par la police .Il s'agit d'un tableau (très influencé par le Caravage) représentant des gitans et ce peintre français est peu connu.
Dr WO
Une bien belle histoire très révélatrice de la solidarité et de la dignité de ces communautés. Bonne journée Doc.
ZAZATémoignage très intéressant ! Une des questions que notre société a à résoudre est celle du respect des identités combinée au respect de nos propres valeurs (y compris fiscales !). On n'y réussira ni en les rejetant comme le propose (grosso-modo) la droite, ni en niant les problèmes que cela pose comme le propose (grosso-modo) la gauche.Ce sont des groupes fermés et solidaires essayant de profiter de la société (seule façon de survivre s'ils sont rejetés) mais qu'ils méprisent probablement.
Dr WO
Et si on commençait par leur faire payer des impôts et contrôler la source de leurs revenus ?C'est un problème insoluble! Ils prétendent vivre en dehors des règles dans un pays où le mot d'ordre, justement, c'est le respect des règles! J'admire cependant la façon dont ils traitent leurs ainés! Nous avons beaucoup de leçons à apprendre dans ce domaine! Bravo pour la répartie pleine d'humour!!! Bisous!Il était sorti des habitudes de sa communauté en devenant artiste peintre comme le font souvent les musiciens.
Dr WO
19leonieLundi 7 Janvier 2013 à 16:15J'ai trouvé votre répartie pleine d'humour, mieux que si vous aviez ralé, cool!20DominiqueLundi 7 Janvier 2013 à 16:15Mon compagnon avait un ami gitan rom, artiste peintre. Il s'appelait Neunoeil. C'était un personnage très attachant que j'aimais beaucoup. Je l'ai entendu plusieurs fois à la télévision défendre sa communauté avec intelligence. Je parle au passé car je pense qu'il n'est plus de ce monde. Mais il appartenait à la grande famille des gitans qui habitent en France depuis plusieurs générations, ce qui n'est pas le cas des roms que l'on raccompagnent dans leur pays actuellement.
Ajouter un commentaire
Une dame rom pas vraiment malade attendait elle aussi entourée de toute sa famille qui de temps en temps poussait une des portes dans le couloir. Le personnel ne protestait que mollement mais avait une attitude beaucoup plus ferme vis-à-vis des "non-roms".