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Un os à ronger
Récemment, le Président de la République française a lancé dans la cour médiatico-politique un os à ronger sous la forme d’un mot. J’ignore ce qu’il en est dans les autres pays, mais en France le verbe a une telle importance que l’on est capable de se déchirer autour d’un vocable. Ces jours-ci l’os sur lequel les politiques et les politologues se sont jetés est « décivilisation », terme utilisé dans le commentaire présidentiel sur les faits de violence qui ont émaillé l’actualité. Certains ont glosé sur sa signification et sur le choix de ce terme pour qualifier les faits, ce qui se conçoit. Pour ma part, je trouve le terme excessif pour qualifier les incivilités et les violences notamment sur les notables élus dans des conditions peu critiquables comme les maires. Dieu merci, dans la vie courante nous sommes encore civilisés et la très grande majorité de la population respecte les normes qui permettent de vivre en société. Mais plus que sur la signification, les politiques se sont déchirés sur la propriétés de l’os : à qui appartient ce mot ? Qui l’a utilisé pour la première fois ? et pour dire quoi ? Si celui qui l’a employé n’est pas respectable, alors celui qui ose à nouveau l’employer n’est pas respectable non plus. Les mots ont à présent des propriétaires, et si l’on estime que le mot a été sali par un des propriétaires, il faut le jeter à la poubelle. Quand on l’utilise à nouveau, c’est que l’on a été fouillé dans la poubelle, ce qui est vilain. Non, Les mots appartiennent à tout le monde, c’est la signification qu’on leur donne qu’il faut juger.
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Commentaires
Le terme de "décivilisation" n'a pas été inventé par le personnage non respectable (sic) que vous croyez : il a été créé et employé pour la première fois en 1935 lors de la montée du national-socialisme en Allemagne par un certain Norbert Elias, sociologue spécialisé dans l’histoire des cultures
"Je me suis posé au début la question de la civilisation comme un problème tout personnel quant au grand effondrement du comportement civilisé, à la grande poussée de barbarisation, qui se sont produits en Allemagne sous mes yeux, comme quelque chose de tout à fait inattendu. Il y eut effectivement dans le national-socialisme, une tendance latente à se laisser aller, au relâchement de la conscience morale, à la grossièreté et à la brutalité... "
On n'en est pas encore là...
Mais, à mon humble avis, le fait qu'il y ait en France actuellement plus de 120 agressions gratuites à coup de couteau ou de machette, qu'il y ait quotidiennement des règlements de compte et des tirs à l'arme de guerre dans certains quartiers et pas seulement des grandes villes, que près de 80% des femmes se sentent en insécurité dans la rue et que certaines commencent à se couvrir d'une "subway shirt" pour cacher leurs formes dans le métro (etc...), ne relève pas seulement d 'un sentiment d'insécurité lié à quelques incivilités marginales n'émanant pas (ça va sans dire, mais pas mieux en le disant) de la "très grande majorité de la population".
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Jeudi 1er Juin 2023 à 16:25
Le "non respectable" n'est pas un jugement personnel, je tente de faire une analyse générale : un mot condamné par certains parce qu'il a été employé par une personnalité jugée par eux comme non respectable. Outre Norbert Elias qui fut, semble-t-il, le premier" à créer le néologisme de "décivilisation pour qualifier la barbarie nazie, de nombreuses personnalités l'ont utilisé : Renaud Camus, Bruno Retailleau, Xavier Bertrand et maintenant Macron. C'est dire que l'on peut y mettre beaucoup de choses. Deux approches : soit disparition de LA civilisation au profit d'un chaos total, soit en référence à une civilisation donnée, par ex la judéo-chrétienne, au profit d'une autre civilisation, il ne s'agit pas alors d'une décivilisation mais d'un changement de civilisation. Peut-être existe-t-il une forme mixte où le remplacement d'une civilisation par une autre serait précédé par un chaos sans repères.
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Jeudi 1er Juin 2023 à 17:40
Le tout est de s’entendre sur la signification du préfixe "dé" et donc de "décivilisation" où, comme vous dites, on peut mettre beaucoup de choses et il n'est donc pas certain que tous y mettent le même acception, j'en ai donné la mienne, je ne sais pas ce que Notre Président voulait dire par là.
C'est encore plus vrai dans l’œuvre de Renaud Camus qui emploie, évidemment, ce terme dans le sens de "changement de civilisation", puisque, comme chacun sait la nature a horreur du vide, On peut bien sûr jouer sur les mots, ou innover et préférer le terme a-civilisation... Pourquoi pas
J'ajoute pour terminer que Renaud Camus, dont l'ensemble de l’œuvre littéraire devrait faire pâlir de jalousie tous les postulants à un Goncourt ou un Renaudot ou leurs admirateurs, (s'ils avaient seulement lu un seul chapitre des ses livres) a aussi publié des livres sous le titre titre de "La grande déculturation" ou "La dépossession". On peut contester le choix des mots, le phénomène est bien réel.
Et puis, on parle bien dans certains milieux écolo-gaucho-féministes de "déconstruction" du mâle blanc carnivore et paternaliste, alors...
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Jeudi 1er Juin 2023 à 17:58
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Jeudi 1er Juin 2023 à 20:11
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Vendredi 2 Juin 2023 à 09:02
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Vendredi 2 Juin 2023 à 11:28
Rassurez-vous, je n'ai pas l'ambition ni les moyens de résoudre quoi que ce soit... je me contente de rapporter ce que je vois (et que je ne suis pas le seul à voir) et de dire ce que j'en pense (et que je ne suis pas le seul à le penser), même si c'est l'inverse du "politically-correct-friendly" généralement de rigueur.
Si j'avais un "dé" à lancer, je proposerais le mot "déni" (c'est une plaisanterie qui est un jeu de maux)
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Vendredi 2 Juin 2023 à 12:40
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Vendredi 2 Juin 2023 à 15:34
Dont acte... !
Deux choses qui pourraient paraître contradictoires mais qui sont complémentaires et qui s'expliquent l'une par l'autre :
les politiques et les intellectuels qui ont (ou qui auraient eu en temps utile) des solutions possibles et efficaces n'ont pratiquement jamais eu d'audience nationale, sinon dans des médias acquis à leur cause et suivis par des sympathisants
les politiques et les intellectuels qui ont un audience véritablement nationale n'ont pas (ou n'osent pas proposer ni suggérer) de solution efficace possible ce qui les classerait irrémédiablement parmi l’estrêm'droate' la plus nauséabonde.
Si j'osais, je ferais une comparaison avec une situation que vous auriez pu connaître où on assisterait aux derniers jours d'un patient dont la maladie n'aurait été ni diagnostiquée ni traitée avant qu'il ne soit trop tard, ce qui n'empêche ni les soignants ni les proches d'établir un constat forcément dérisoire.
On dira pour simplifier que les premiers signes, à peine visibles, sont apparus en mai 1981.
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Vendredi 2 Juin 2023 à 16:57
Mais quand on regarde les solutions proposées dans les programmes politiques, quel que soit le bord, on est frappé par les généralités (les intentions) ou par des solutions inapplicables dans la réalité. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y rien à faire, mais les décisions prises (encore faut-il qu'elles le soient) seront toujours imparfaites et critiquées par les uns comme insuffisantes et par les autres comme excessives. Les solutions radicales aboutissent souvent à une dictature.
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Vendredi 2 Juin 2023 à 17:31
Puisqu'il faut nommer les choses, je citerai l'introduction d’un article de "Radio-France-International". La suite de l'article verse dans l’angélisme bien pensant habituel
Tout porte à croire que la France entretient un rapport particulier avec l'islam. Chez nos voisins allemands, le mot « islam » n’aurait pas été prononcé une seule fois durant les grands débats de la campagne législative de septembre dernier. Dans l’Hexagone, il serait intéressant de savoir dans combien d’émissions consacrées à la présidentielle il n’a pas été prononcé.
Si l’islamophilie était de mise sous le Second Empire, plus d’un siècle et demi plus tard il en va bien autrement. « La France n’a pas de problème avec l’islam », assurait le président Macron en décembre 2020. Pourtant, « islamisme radical », « islamo-racaille », « islamo-délinquance », « islamo-facisme », « islamo-gauchisme »... la religion est évoquée à tout-va en des termes très négatifs. Le procès des attentats sanglants du 13 novembre 2015 qui se tient actuellement à Paris en ajoute à l’ambiance anti-islam dont s’emparent allègrement les partis les plus à droite de l’échiquier politique.
« Pour autant, je ne suis pas persuadé que la société française soit aussi raciste qu'on veut le dire, analyse le sociologue Ahmed Boubaker cité par l’AFP. Ce sont les politiques qui courent après le pseudo-racisme de l'opinion, sans se rendre compte qu'ils le fabriquent », déplore-t-il tout en admettant qu’indéniablement « un barrage a sauté », et il y a aujourd'hui une « totale désinhibition » quant à la parole anti-islam et anti-immigration, de plus en plus radicale et décomplexée.
Samedi 5 février, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, en charge des cultes, a rappelé que l'islam était « compatible avec la République ». Dans une allusion aux déclarations des candidats d'extrême droite, il a mis en garde : « Les discours de haine des populistes rejoignent les projets des islamistes : pousser à la guerre de tous contre tous. »
A noter que le ministre ne conteste pas les projets des islamistes : pousser à la guerre de tous contre tous.
CQFD
le lien : Débats sur l'islam en France: «Il y a une tenaille identitaire dans notre pays»
PS. fin de l'épisode "je suis un vieux racisse islamophobe"
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Vendredi 2 Juin 2023 à 17:51
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Vendredi 2 Juin 2023 à 18:23
Comme par hasard... !
Ainsi, l'islamophobie, un sentiment (justifié ou non), par définition incontrôlable, irrépressible... devient un délit monstrueux ...
Voir aussi "homophobie", par exemple.
bon, fin de l'épisode "je suis un vieux racisse islamophobe" : je ne coudrais pas monopoliser votre espace et ne pas laisser de place à ceux qui voudraient me traiter de fachisse.
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Vendredi 2 Juin 2023 à 18:50
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3Souris doncVendredi 2 Juin 2023 à 08:24Néologisme à faire entrer dans le Petit Robert. Où, à côté des dé- figurent aussi les mé-, comme mégenrer (attribuer à qqn un genre dans lequel la personne ne se reconnaît pas). Non, non mégère est apprivoisé depuis des lustres tout en retrouvant une actualité pour désigner des Sandrine Rousseau qui ont déconstruit leur mari.
Nous sommes aux débuts de la décivilisation, mais aussi de la complosphère.
Dans "1984", Orwell attribue à Big Brother le contrôle de l'idéologie dominante par la novlangue.
Le despote a le privilège de la création des "barbarismes"
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Vendredi 2 Juin 2023 à 09:09
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Souris doncSamedi 3 Juin 2023 à 09:04
Bonne recension des travers de notre société sur Bescherelle ta mère. Ma préférée : la publicité pour la chaise en forniqua.
Dans le FigMag, le critique littéraire, Nicolas Ungemuth, tient une rubrique "Nous vivons une époque formidable". Il pointe quelques savoureux néologismes, y compris involontaires, notamment sur les bandeaux déroulants des infos en continu à la télé et de la pub (La nuit que les rêvent deviennent réalité, pour Disney). Les libertés avec l'orthographe sur les rézozozios, je cherche l'hepneuse (hypnose) pour arrêter de fumer, non pêche quand je lis...
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Samedi 3 Juin 2023 à 09:30
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Samedi 3 Juin 2023 à 11:33
Excusez-moi...
Dans "Valeurs Actuelles", le magazine d'estrême-droite bien connu, un certain Philippe Berthelet tient chaque semaine une (courte) rubrique consacrée aux dérives langagières, populaires ou technocratiques.
A mon sens, ce n'est pas là la principale manifestation de la décivilisation qui n'existe pas
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Samedi 3 Juin 2023 à 11:44
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Samedi 3 Juin 2023 à 11:52
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Samedi 3 Juin 2023 à 11:56
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Alors que la France ne se porte pas très bien, toutes ces polémiques sont pathétiques !
Mais il faut dire que le président est partie prenante desdites polémiques !
D'où mon titre : "Un os à ronger"