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454. Le colloque pluriel
Par ses possibilités, le smartphone permet à chacun, par le biais d’internet, de gonfler son ego aux dimensions de la planète. Il est courant qu’un abonné de Facebook avertisse le monde qu’il a changé sa photo sur le réseau. Il est aussi fréquent de se photographier devant un monument plutôt que de photographier le monument lui-même ou de le visiter. La manie du « selfie » est une expression désinhibée de la vanité.
C’est en prenant un selfie devant un barrage qu’un fonctionnaire indien a fait tomber son smartphone dans l’eau, et sous prétexte que des données sensibles y seraient contenues, il a fait pomper pendant trois jours deux millions de litres d’eau après l’échec des plongeurs pour le récupérer. La bonne nouvelle est que son portable a été récupéré, la mauvaise est qu’il est désormais inutilisable. Le fonctionnaire indien a été pour l’instant suspendu après avoir fait le deuil de son précieux selfie.
Le but des chasseurs d’images, et de préférence d’auto-images, est d’en alimenter les réseaux sociaux. Aucune chasse gardée, aucun domaine interdit. On pouvait penser que celui de la médecine serait respecté. Le « colloque singulier » entre un patient et son médecin, base du secret médical, semblait être un des fondements de la pratique médicale. Une nouvelle illusion que je dois perdre. J’ai lu récemment qu’en Belgique, il avait été proposé par le ministre de la santé de légaliser l'enregistrement la consultation médicale afin que le patient puisse la réécouter*. A ma connaissance, il n’est pas précisé les autres utilisations que le patient pourrait faire de l’enregistrement, et sa diffusion sur les réseaux sociaux deviendrait une possibilité alléchante. Un colloque singulier qui deviendrait ainsi pluriel et une confiance brisée entre le médecin et son patient, un risque de piège et une méfiance du praticien.
Si en Belgique on parle officiellement de la chose, en France les enregistrements « sauvages » et même filmés, souvent par un tiers à l’insu du soignant, ne sont pas exceptionnels, plus pour en alimenter les réseaux sociaux que pour conserver l’information ou un souvenir (échographie d’une femme enceinte par ex.).
Récit paru dans Le Point : C'est par son neveu que Bruno Fourrier, médecin à Cesson-Sévigné, près de Rennes, a été prévenu qu'une vidéo discrètement tournée dans son cabinet était devenue virale sur Internet. « C'était en 2018, pendant la Coupe du monde de football, se souvient le généraliste de 62 ans. Je reçois un nouveau patient, qui insiste pour que je lui fasse un arrêt de travail afin qu'il puisse assister au match de demi-finale. J'ai refusé, et il est parti sans régler. » Posté en ligne dans la foulée, l'échange entre le soignant et son patient est visionné par plusieurs centaines de milliers d'internautes en quelques jours ». Je suppose qu'ils auraient été encore plus nombreux si ce médecin avait accepté de prescrire un arrêt de travail bidon à cet individu.
Le portable est un appendice du corps humain qui permet à tout le monde de regarder tout le monde par le trou de la serrure. Il est vrai que beaucoup ouvrent largement la porte pour que l'on puisse les contempler dans leur intimité et en font parfois profession en rentabilisant leur exhibition.
* "Globalement, tout le corps médical est contre cette disposition d’enregistrement. Ce n’est plus du tout un contact médecin-patient, cela devient une sorte d’entrevue juridique. L’enregistrement rend le contact impossible. En pratique, il est impossible de voir tous les patients et de se trouver chaque fois confronté à un enregistrement déclaré ou non. Il n’est plus possible pour le médecin de soigner dans ces conditions-là", estime le Dr Gilbert Bejjani, président de l’ABSyM Bruxelles, l’association belge des syndicats médicaux.
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Commentaires
Je pense que dans le dernier paragraphe, vous faites allusion à la fameuse Sex-tape que toute célébrité de la musique ou du football se doit d'avoir, sans protection particulière, sur son smartphone.
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Mardi 30 Mai 2023 à 10:50
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Dans une récente étude, pour smartphone-magazine. 76 % des personnes interrogées affirment qu’elles se sentent perdues sans leur smartphone et que cela créé d’ailleurs en elles un véritable sentiment d’anxiété et présentent des signes plus ou moins avancés de nomophobie
La "nomophobie" est-elle une opinion ou un délit ?
Êtes-vous "nomophobe"
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Mardi 30 Mai 2023 à 14:10
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4Souris doncMercredi 31 Mai 2023 à 09:29Quand on aime, on ne compte pas.
Un fonctionnaire indien fait vider un barrage de plusieurs millions de litres d'eau pour retrouver son smartphone tombé dedans.
Le smartphone se révèle inutilisable.
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Mercredi 31 Mai 2023 à 09:51
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Souris doncJeudi 1er Juin 2023 à 11:40
Gâtisme précoce.
J'avais cru avoir lu votre intéressant billet avec toute la concentration et l'attention qu'il mérite...
Eklablog me fait passer une infinité de captcha avant de valider mon commentaire (gâteux)
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Jeudi 1er Juin 2023 à 11:59
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Le smartphone n'a pas que des inconvénients...
Connaissez-vous l'appli "SmatMove" (pour l'instant en phase de test à Bruxelles) ?
- Créez votre profil sur l'application SmartMove.
- Associez votre plaque d'immatriculation à votre profil.
- Activez l'application avant de partir.
- L'application indique votre heure de départ et la distance parcourue.
- Vous pouvez estimer à l'avance le coût de votre trajet. L'application propose également plusieurs alternatives.
- Des caméras intelligentes vérifient chaque plaque d'immatriculation. Assurez-vous que l'application est activée.
Quand vous passez devant une caméra elle reconnait votre plaque d'immatriculation... Le système vérifie si vous avez déjà enregistré votre trajet sur SmartMove. Dans le cas contraire, vous risquez une amende.
Elle st pas belle, la vie ?
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Mercredi 31 Mai 2023 à 17:30
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Mercredi 31 Mai 2023 à 17:54
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Mercredi 31 Mai 2023 à 18:15
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Mercredi 31 Mai 2023 à 19:48
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Le portable est aussi dangereux qu'un poignard, on peut assassiner des gens quand on veut, dans le bruit et la fureur d'internet !
Un moyen de communication qui peut rompre.