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    Dans le Sud, près de la mer,

    Au bord de la route des gens pressés,

    J’ai rendez-vous avec un figuier solitaire

    Sur le trottoir de terre où je l’ai laissé.

     

    J’ai rendez-vous dans son ombre,

    A l’abri de la chaleur, à l’abri de la lumière,

    Dans la fraicheur de son havre vert sombre,

    Sous ses feuilles piquées de poussières

    Venues de la route des gens pressés,

    Sous ses fruits encore verts,

    Petits sacs aux promesses de saveur,

    Que la main tendue pouvait cueillir.

     

    J’ai rendez-vous avec le figuier solitaire.

    Je veux retrouver son odeur

    Qui embaume mon souvenir,

    Et dont je ne me lassais pas

    Quand je venais le saluer.

    J’espère qu’il sera toujours là,

    Que personne n’osera l’arracher de terre,

    Au bord de la route des gens pressés,

    Dans le Sud, près de la mer.


    Paul Obraska


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    FEUILLES

     

    Bruissement sous nos pas des feuilles écrasées

    Leurs débris odorants embaument la terre

    Notre mort est moins belle que leur mort empourprée

    Sous la dureté de la pierre pourrissent nos chairs

     

    Dans les allées mordorées aux ramures nues

    Les troupes noires des vivants regroupés

     Marchent en murmurant sur la terre feuillue

    Réceptacle sans retour de leur destinée

     

    C’est ici que l’on empile les êtres aimés

    Dans les étages d’une demeure souterraine

    Dans de longues boîtes de bois effeuillé

    Présences si proches et pourtant si lointaines

     

    Ami, c’est en automne que tu m’as quitté

    C’est ici, parmi les feuilles, que je t’ai perdu

    Ami, tu me manques, quand reviendras-tu ?

     


    Paul Obraska

     


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    VOIR LE MONDE

     

    Je suis impatient de bouger

    Voir le monde avant de mourir

    Voir les merveilles de la Terre

    Emplir ma tête de souvenirs

    Que j'emporterai au cimetière

     

    Peut-être irai-je voir

     

    Les monts coiffés de neiges

    De moins en moins éternelles

    Barrés de rangs de gratte-ciel

    Et de chapelets de télésièges

     

    Peut-être irai-je voir

     

    La plongée lente des soleils orange

    Dans des mers d'huile de vidange

    Entre les dents de béton des rivages

     

    Peut-être irai-je voir

     

    Le ciel d'acier plongeant dans les déserts

    Les mèches rouges des puits de forage

    Poussant sur les champs pétrolifères

    Je croiserai peut-être sur mon chemin

    Des hommes habillés de bombes

    Personne ne connait son destin

    Et l'heure de rejoindre sa tombe

     

    Peut-être irai-je voir

     

    Les arbres encore exubérants

    Les dernières bêtes magnifiques

    En fermant les yeux pour ne pas voir

    Le sourire des potentats ventripotents

    Gavés par leurs peuples affamés

    Et les grappes d'enfants faméliques

    Le gros ventre et les paupières mouchetées

    Qui mourront peut-être avant d'être hachés

     

    Peut-être irai-je voir

     

    Les places, les palais et les fontaines des villes

    Leurs tours et leurs bidonvilles

    Les files fumantes des autos

    Et les enseignes des Mac Do

    Des mafias qui changent de nom

    De la drogue aux coins des rues

    Des enlèvements contre rançon

    Des agressions pour quelques pièces

    L'import-export de femmes vendues

    Des jeunes qui en détresse

    Louent leurs petites fesses

    Ou vendent un rein en plus

     

    Pourquoi suis-je parti ?

     

    Parcourir les monts et les mers

    Les forêts et les déserts

    Les villes et leurs palais

    Le décor change mais les hommes jamais

     

    Paul Obraska


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    AU BORD DU NEANT 

     

    J'aurais voulu un peu vous consoler

    Comme on console l'enfant terrorisé

    Par d'obscurs cauchemars rampants

    Mais je suis loin et je suis impuissant

     

    J'aurais voulu écarter les démons gris de la peur

    Leurs griffes acérées font grincer de douleur

    Et vous laissent sans force en vous quittant

    Mais je suis loin et je suis impuissant

     

    J'aurais voulu éteindre l'incendie de votre corps

    Vous éloigner des flammes froides de la mort

    Vous retenir de force au bord du néant

    Mais je suis loin et je suis impuissant


    Paul Obraska


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  • LES ENFANTS RÊVENT-ILS ENCORE ?

     

    Devant des boîtes de conserve en fer

    Rêvent-ils d'une imprenable forteresse ?

    De hautes tours découpées sur un ciel lunaire

    Où sont prisonniers un roi et une princesse

    Qu'ils délivreront des hordes guerrières

     

    Inventent-ils des monstres inconnus ?

    Pour se prouver qu'ils n'ont pas peur

    Les monstres seront bien sûr vaincus

    Par l'enfant intrépide devenu gladiateur

     

    Rêvent-ils devant un long bout de bois ?

    Que par magie ils transformeront en galère

    Lancée à la poursuite des méchants aux abois

    Qui seront capturés par les enfants corsaires

     

    Leurs rêves sont-ils déjà préfabriqués ?

    Par le prêt-à-rêver des adultes commerçants

    Par les boîtes électroniques d'images animées

    Devant les lutins tout faits virevoltant sur l'écran

    Devant des monstres de plastique déjà imaginés

    Par des aventures que d'autres ont inventées

    Les mêmes pour les enfants du monde entier

     

    Enfin pour les enfants de ceux qui peuvent payer

    Partout les boîtes de rêves industriels s'achètent

    Pour gaver des enfants capables de tout imaginer

    Eux qui ont des rêves plein la tête

    Des rêves à eux qui restent coincés

    Par des machines sans vie

    Alors laissons-les rêver

    Ces petits

    En liberté


    Paul Obraska


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