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MEUTES XXIII
LE RETOUR DE LA NUIT
Branlant sur leurs membres décharnés
Les morts étonnés revinrent à la vie
Sortis du monde de l’obscurité
Leurs yeux de taupe furent éblouis
Par les lumières qu’ils avaient oubliées
Alors ils fermèrent les yeux
Il n’y avait pas de mots pour traduire leur nuit
Et ils restèrent silencieux
Et quand les mots venaient à leur esprit
Ils mourraient sur leurs langues figées
Ils couvraient l’encre bleue de leur bras
Comme s’ils avaient honte d’avoir été torturés
Ils craignaient que les autres ne les croient pas
Ils restèrent longtemps silencieux
Puis ceux qui trouvèrent les mots pour le dire
Témoignèrent pour les taiseux
Pour ceux qui enterraient leurs souvenirs
Et les revivaient dans l’insomnie
Et d’autres se suicidèrent
Après leur retour à la vie
Brûlant le lambeau de lumière
Qu’ils avaient arraché à la nuit
Paul Obraska
George Grosz « Heureux d’être de retour » 1943
Le dernier dimanche d'avril est la "Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation".
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Commentaires
1PanglossLundi 25 Avril 2011 à 11:39Souvenons-nous! Notre présent l'exige.RépondreBeaucoup préfèrent oublier l'histoire et certains aimeraient la contester. Les massacres restent d'actualité.
Dr WO
Qu'en sera-t-il quand les derniers témoins de cette horreur ne seront plus là pour raviver notre mémoire ?Ce massacre, ignoble par son ampleur, son organisation industrielle et sans la moindre utilité pour les massacreurs, amplement archivé, restera comme l'évènement historique le plus honteux du XXe siècle et de l'humanité.
Dr WO
C'est un très bel hommage.
On reconnaît bien là votre sensibilité ...
L'horreur ici n'a pas d'adjectif... et quand l'on prend conscience de tout cela, (à condition de le vouloir) on rougit presque et même surement d'oublier tant soit peu, d'oublier même beaucoup... désolée si je vous semble pessimiste....Les hommes ont commis beaucoup d'horreurs et en commettent encore, mais l'oubli est aussi une nécessité pour vivre.
Dr WO
Quel poeme fort en emotion ! Le tableau accompagne superbement bien l'univers imaginé .
On oublie pas Doc .Je ne savais pas que cette journée existait
Comme vous le dites si bien on enterre les souvenirs trop douloureux cela nous aide à vivre .Beau poème, Doc ! qui décrit une réalité dont on a du mal à apprécier le mécanisme. J'ai entendu récemment dans un reportage sur le procès de Heimann que, même en Israël, pendant longtemps les rescapés des camps de ma mort étaient regardés avec une sorte d'incompréhension mêlée de méfiance.Parce que les rescapés étaient la preuve de la honte de l'humanité et de l'échec de la civilisation. La preuve que quel que soit le degré atteint par un peuple civilisé, il n'était pas à l'abri de la barbarie la plus stupide et de la plus inutile. Le rescapé était le témoin resté vivant de l'abjection de l'homme.
DR WO
Bonjour Paul. J'ai entendu une femme un jour dire ;_ il n'y a pas de vie 'après'Auswitch mais une vie 'avec' Auswitch. Je crois que tous les hommes et les femmes qui ont vécu la guerre peuvent dire celà. Car si Auswitch fut une machine particulièrement macabre et qui restera un fait historique marquant du XXème siècle, il y a eu tous les autres génocides et les guerres du terrorisme. Si le devoir de mémoire est important pour reconnaitre la douleur de celui qui fut torturé, il est crucial que les peuples du monde protègent les victimes des états dictateurs qui massacrent des gens de leur peuple et tuent leurs enfants pour un bulletin de vote aujourd'hui. La mémoire d'hier doit servir pour aujourd'hui ; sinon ça n'a aucun intérêt et cela donne l'effet inverse ; de la sensiblerie et le sentiment de persécution. Bien à vous. TibicineLes massacres du passé n'ont jamais empêché les massacres à venir. La mémoire n'a malheureusement rien d'utilitaire, mais ce n'est pas une raison pour l'effacer et la considérer comme une sensiblerie. Comment éliminer le sentiment de persécution, puisque celle-ci existe depuis des siècles pour les persécutés.
Dr WO
Bonsoir Paul. Vous réduisez mon propos, je ne suis pas d'accord. Vous avez lu et commenté mon poème 'Etoile', vous connaissez donc ma sensibilité. Je ne crois pas aux symboles, aux lieux de mémoire, aux commémorations. On n'est pas meilleur croyant en se prosternant devant un Jésus sur sa croix ; c'est dans le coeur que ça se passe. Je crois à la mémoire collective, à l'hérédité, aux leçons du passé et à l'action dans le présent. Je crois en la résilience. Bien à vous. TibicineLa mémoire collective se nourrit des célébrations comme un rappel de vaccination. La mémoire individuelle n'est le plus souvent conservée que chez les victimes (c'est elles qui ont besoin de la résilience).
Dr WO
16LeonieLundi 7 Janvier 2013 à 16:07Votre poème doc est très beau il rend hommage à ces hommes qui ont vécus l'horreur dans toute sa splendeur, ces hommes comme vous dites qui ont connu l'obscurité la plus sordide qu'il puisse exister, et c'est vrai que certains n'ont pas pu supporter le retour à la lumière, car ils ont retrouvés un monde inconnu pour eux, un monde pas prêt d'accepter de croire qu'il existe des mondes sordides, j'ai lu le livre d'une rescapée des camps qui retranscrit très bien ce sentiment d'être seule au monde en revenant parmi les siens, elle a dit qu'elle était considérée comme une revenante dérangeante par les siens et les autres incapables d'imaginer l'immaginable.
Nous devons nous souvenir pour éviter que cela se reproduise.17LeonieLundi 7 Janvier 2013 à 16:07PS - correction ; "l'inimaginable"
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