• « La langue est la meilleure et la pire des choses »

    Chacun s’accorde pour dire que la prestation de Mme Pécresse en meeting fut un désastre : une récitation scolaire mal jouée avec des mimiques et des gestes artificiels . Chacun s’accorde pour dire que Mr Mélenchon est un excellent acteur même quand son texte ne vaut pas un clou.

     Pour les peuples latins l’éloquence semble le garant de la capacité à diriger un pays, mais ailleurs aussi. Aux USA des acteurs sont devenus des hommes politiques, et pas des plus mauvais. Même des amuseurs se sont transformés en politiques de premier plan comme en Italie et aujourd’hui en Ukraine. Mais il s’agissait d’authentiques hommes de spectacle dont la notoriété les a conduits en politique. A contrario, il faut se méfier des personnages politiques qui se conduisent en acteurs capables de déclamer n’importe quel texte et de le rendre crédible. Quoi qu’il en soit le spectacle joué aujourd’hui par les acteurs politiques est du mauvais théâtre, une tragi-comédie, qui, espérons-le, ne se transformera pas en Grand Guignol. 

     Les quatre leçons d’un accident industriel par Jean-François Kahn. Extraits (les 3 premières leçons) de l’article paru dans Le Point le 17/02/22 "Reste le mystère Pécresse. Le spectacle proprement consternant du sabotage de soi par soi-même. Avoir autant de cartes maîtresses en main et les offrir à ses adversaires ! Première leçon : au théâtre, quand on est très doué (relisons Paradoxe sur le comédien de Diderot), on passe d'autant mieux la rampe qu'on incarne le contraire de ce qu'on est. En politique, en revanche, et surtout à l'occasion d'une élection présidentielle, c'est le contraire : il vaut mieux être totalement soi-même (fût-ce, comme Mélenchon, Zemmour ou Macron, jusqu'à la caricature) qu'être, de façon tout aussi caricaturale, le contraire de soi. Dans le premier cas, comme le Kean d'Alexandre Dumas, il faut jouer. Dans le second cas, jouer, et surtout jouer ostensiblement et jouer mal, ne pardonne pas. Le problème de Pécresse est qu'on lui a imposé, à elle qui n'est pas actrice, de s'identifier à un personnage qui n'est pas elle. Elle, en l'occurrence, ex-chiraquienne, incarnait une droite républicaine, humaniste et ouverte, ce pour quoi elle pouvait espérer (et la macronie, un temps, trembla) récupérer l'électorat conservateur modéré rallié à Emmanuel Macron et rabattre sur elle toute une fraction des électeurs de gauche devenus orphelins. Or, sous la pression de son aile droite, Éric Ciotti en tête, elle a fait exactement l'inverse. C'est-à-dire couru après Zemmour. En conséquence, elle a découragé la droite macronisée et a repoussé la gauche débandée sans rien mordre pour autant sur une extrême droite en position de force. Tout faux ! Gérard Philipe n’aurait pas eu l’idée d’interpréter Quasimodo ni Michel Simon, Casanova. Deuxième leçon : personne n'est bon en tout. Chacune et chacun ont des points forts et des points faibles. Donc un sprinter s'abstiendra de courir sur 5 000 mètres et un coureur de fond, sur 100 mètres. Gérard Philipe n'aurait pas eu l'idée d'interpréter Quasimodo ni Michel Simon, Casanova. Pécresse est une déplorable oratrice, pire encore que Ségolène Royal. Tout le monde le savait. Qui a donc eu l'idée saugrenue de lui faire interpréter un rôle auquel elle était aussi adaptée qu'une sardine au vol plané ou qu'un unijambiste à un marathon ? Elle aurait dû surjouer la simplicité, la proximité, l'authenticité et le dialogue. Au lieu de quoi on a demandé à cette Ségolène Royal de la droite de s'identifier à Fidel Castro. C'est comme si on avait fait jouer Georges Marchais dans Le Dialogue des carmélites. Troisième leçon : quand on n'est pas une actrice professionnelle, on ne sert bien que ses propres textes. Or Pécresse a lu, sur prompteur, pendant une heure et demie, un pensum que lui avait concocté un aréopage de faiseurs professionnels de discours qui se sont contentés de coudre ensemble tous les morceaux d'un patchwork qui sont censés ravir, l'une après l'autre, chacune des tendances de la droite, des plus centristes aux plus réactionnaires. Même un Jean Gabin forcé de réciter un salmigondis constitué d'extraits de Corneille, de Racine, de Montherlant, de Feydeau et de Courteline s'y serait cassé les dents. On n'impose pas à une harpiste une partition écrite pour trombone. Même la Callas se serait plantée dans le rôle de Boris Godounov."

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  • Commentaires

    1
    Souris donc
    Vendredi 18 Février 2022 à 08:17

    Pour les peuples latins l’éloquence semble le garant de la capacité à diriger un pays :

    Latins ? Modèles caudillos latino-américains, capables de discourir pendant des heures. Les Fidel Castro, Hugo Chavez...

    Mélenchon, que ses fans avaient tenté d'appeler "tribun" et de déguiser en éloquence sa tchatche de pied-noir, n'arrivera jamais à leur cheville.

    Pécresse aurait avantage à prendre des leçons, comme Macron avec son coach vocal, un baryton, pour ne plus partir dans les aigus.

      • Vendredi 18 Février 2022 à 09:52

        Macron s'est corrigé. Pour une femme, la voix déraille facilement dans les aigus sauf pour Marine le Pen dont la voix de base est  déjà grave presque masculine. La voix de Taubira est également bien placée, mais nous n'aurons plus le loisir de l'entendre déclamer.

    2
    Vendredi 18 Février 2022 à 12:03

    En fait, c'est la confiance inébranlable en soi qui modifie pour beaucoup  le regard des autres sur soi. On sent bien que Mélenchon est perçu par beaucoup comme éloquent parce que LUI se sent éloquent.  Et la culture historique que l'on reconnait à Zemmour c'est d'abord et avant tout sa propre conviction qu'il est cultivé qu'il finit par nous imposer. 

    Pécresse manque de confiance en elle.  La preuve, après sa victoire aux primaires, elle a désigné tous ses concurrents comme porte-paroles.  Résultat : C'est Ciotti, celui qui doute le moins de lui, de ses convictions et de ses amitiés qui a pris la parole le plus souvent et a convaincu tout le monde ( y compris elle) que c'est en courant derrière Zemmour qu'elle avait le plus de chance de gagner. D'où cette schizophrénie palpable dans son discours raté. 

     

    PS : Jadot aussi s'est amusé à désigner sa principale concurrente comme porte-parole. Résultat : non seulement on entend plus souvent la woke Sandrine Rousseau que lui mais il est forcé de se positionner sur les thèmes qu'elle impose.  

      • Vendredi 18 Février 2022 à 12:25

        Rien à ajouter à cette analyse.

        NB dommage que l'on ne puisse pas commenter vos articles qui ne manquent pas de piquant. Evidemment, je vais mal dormir si Francis Huster ne monte plus sur scène, en matière de confiance en soi, il pourrait donner des leçons aux politiques.

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    3
    Vendredi 18 Février 2022 à 13:40

     

    Il y a plus de 40 ans, Roger-Gérard Schwartzenberg écrivait "L'État spectacle" : « La politique devient un spectacle. Et souvent un one-man show. Avec la personnalisation du pouvoir, le monde de la politique repose, comme le monde du spectacle, sur le star system. Tout s’efface -partis, programmes- derrière des supervedettes, qui se distribuent les grands rôles.../... » 

    En même temps, si un candidat s'aventurait à vouloir présenter "son" "programme", ça foutrait en l'air tout le scénario, la mise en scène, les décors et les costumes bien rodés depuis lurette, et ça perturberait la quiétude assoupie des critiques, des exégètes et des spectateurs...

     

     

      • Vendredi 18 Février 2022 à 14:00

        La politique est un spectacle dont se régalent les médias qui multiplient les commentaires et les répètent en boucle en commentant avec délice chaque sondage comme des commentateurs sportifs. Peu de gens s'intéressent aux programmes, ce qui est préférable si l'on tient à sa santé.

    4
    Vendredi 18 Février 2022 à 19:59

    Depuis le temps qu'elle fait de la politique, on pourrait espérer qu'elle sait parler en public. On s'aperçoit que non. On constate aussi qu'elle ne sait pas quoi dire puisqu'elle fait écrire ses discours par d'autres qui, à l'évidence ne sont pas beaucoup plus doués qu'elle.

      • Vendredi 18 Février 2022 à 20:45

        Jusqu'à présent elle s'est révélée décevante.

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